Citoyenneté, liberté, psychiatrie : déclaration d’entrée en résistance

Le collectif « Mais c’est un Homme », qui dénonce depuis sa préparation la loi du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge » appelle à la résistance contre cette loi.

Lire aussi l’article du Monde consacré à ce problème.

Déclaration du 1er août 2011 du collectif « Mais c’est un homme » :

La loi du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge » et ses décrets d’application entrent en vigueur. Le mouvement fort de lutte contre cette loi peut et doit se poursuivre après sa promulgation.

Cette loi, — dans la même veine que celles sur les étrangers, l’immigration, la récidive, la rétention de sûreté, la justice des mineurs, la sécurité intérieure, etc…— participe des atteintes considérables portées aux libertés et aux droits sociaux. Elle organise la surveillance sociale des vulnérables et précaires stigmatisés en « classes dangereuses ». A l’exemple du fichage généralisé de tout fauteur de trouble et mauvais élève potentiel, elle ouvre même un « casier psychiatrique » des « malades mentaux », sans véritable « droit à l’oubli ».

Cette loi est fondamentalement inacceptable car elle impose la contrainte et le contrôle social comme organisation du soin en psychiatrie, de l’hôpital au domicile, sous la nouvelle appellation aberrante de soins sans consentement. La position soignante dans sa qualité relationnelle y est dégradée en « expertise de dangerosité », ce qui aggrave la situation actuelle faite de souffrance psychique et de désillusions dans de nombreuses équipes, avec pour résultat d’amplifier les errements de sens du soin à domicile.

L’« entrée » en observation et soin se fera désormais par une garde à vue psychiatrique de 72 heures, sans même les garanties arrachées récemment dans le cas de la garde à vue policière.

La psychiatrie contemporaine a remis en cause significativement le grand renfermement. Les luttes organisées par les professionnels, les usagers, les militants des droits de l’homme ont obtenu le développement des droits et mis en cause la légitimité de l’enfermement et du statut d’exception du « fou ».

Nous n’acceptons pas que la psychiatrie et la santé mentale soient embrigadées comme faisant partie des polices de la société. Nous récusons la politique de la peur.

Faisant fi de tout débat sur l’obligation de soin et le droit au refus de traitement, le pouvoir impose des dits « soins sans consentement » jusqu’au domicile : assignation à résidence, programme de soins imposé et appelé à fonctionner sur le mode du chantage ou du marchandage, traitements médicamenteux contraints y compris à domicile, géolocalisation, etc… Nous dénonçons l’hypocrisie du législateur et la duperie de la loi : un véritable soin psychique ne peut se concevoir sans le consentement.

A cette orientation répulsive donnée au soin psychiatrique s’adjoignent les effets et conséquences de la logique entrepreneuriale et de la casse du service public. Nous refusons le type de moyens supplémentaires attribués après le discours d’Antony de décembre 2008 pour « sécuriser ». Nous exigeons une orientation et des moyens qui relancent la psychiatrie de secteur, assurent et pérennisent les pratiques fondées sur l’éthique de la complexité, du prendre soin, de l’accueil, de l’hospitalité, du rôle des tiers sociaux et familiaux, de l’accompagnement, d’une réelle réhabilitation, …

Pour en former contours et contenus, nous sommes favorables à un débat national dont l’objet soit :

  • l’abrogation de la loi du 27 juin 1990 et celle du 5 juillet 2011.
  • l’abrogation de la loi du 27 juin 1990 et celle du 5 juillet 2011.
  • La nécessité d’une loi qui en finisse avec l’exception psychiatrique et qui relève du soin psychique bien conçu articulé au droit commun : c’est-à-dire de l’autorisation et du contrôle du juge civil.
  • la mise en chantier d’une loi programmatique pour une psychiatrie démocratique dont l’objet et l’éthique sont proposés dans notre manifeste initial, qui soit à l’opposé des gouvernances de mise au pas gestionnaire dont sont représentatifs les plans de santé mentale actuels et annoncés.

Il nous faut débattre, mais il nous faut également agir. Nous ne devons respecter les lois que si elles mêmes respectent le droit, en l’occurrence les libertés individuelles et l’intimité de la vie privée. La loi, qui dans la tradition est libératrice, est désormais un instrument du contrôle social. Elle formate, arrêtés et certificats à l’appui. La tradition de désobéissance civile, c’est depuis 1789 de s’opposer aux lois, mais c’est aussi désormais de combattre la loi par le droit. L’application servile de la loi ne créerait pas seulement l’injustice ou l’aberration psychiatrique ; elle créerait l’illégalité. La loi est celle d’une majorité conjoncturelle, mais le droit, construit dans le temps, est l’œuvre de tous.

Où allons-nous ? Vers ce qui n’est pas écrit, et seule la radicalité de l’analyse permet de s’extirper des modèles bien-pensants, déjà prêts à nous ensevelir.

Dans l’immédiat et à cette date du Premier août qui marque l’entrée en vigueur de la loi, nous proposons un plan d’action et de résistance éthique :

  • le refus des psychiatres et des soignants, dans la mesure du possible, de mettre en place des mesures de contrainte. Et notamment, le refus des collectifs soignants de tout programme de « soins contraints » à domicile contraires à la déontologie et aux droits fondamentaux. De même, il faut opposer un refus de tout avis médical sans avoir pu examiner le patient.
  • la saisie systématique du juge des libertés, le patient devant être entendu hors visioconférence.
  • Développer l’information, notamment lors des 72 heures, afin que les personnes ne tombent pas dans la trappe psychiatrique que cette loi organise, mais accèdent aux soins psychiques auxquelles elles ont droit.
  • Le soutien des recours et défenses des patients soumis à ces « soins sans consentement », y compris les QPC qui ne manqueront de survenir. La création d’un collectif d’avocats et juristes sera essentielle en ce sens.
  • La construction d’un observatoire national de suivi de l’application de cette loi qui assure le recueil de données, l’alerte aux droits des personnes soumises aux « soins sans consentement », qui rapporte au législateur, au contrôleur des libertés et des lieux de détention, à la commission nationale consultative des droits de l’homme et au public les atteintes aux droits de l’homme et à l’éthique du soin psychique.

Nous sommes et demeurerons mobilisés pour concrétiser une œuvre de démocratie et de professionnalités.

Mais c’est un Homme

Contact: Claude Louzoun: claude.louzoun@wanadoo.fr

Organisations signataires membres du collectif “Mais c’est un Homme”:

Advocacy France, CRPA, La coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et

maternités de proximité, Europe Écologie Les Verts, FASE, LDH, PCF, Parti de Gauche, SUD santé sociaux, SNPES PJJ/FSU, Syndicat de la Magistrature, USP.

Télécharger la déclaration au format .pdf : Declaration_1er_aout_MCUH.

Blog UMP de la 8ème circonscription du Finistère : honteux !

Le Comité régional de la Ligue des Droits de l’Homme dénonce la violence imbécile   des  propos  publiés sur le site de l’UMP de la 8ème circonscription  en réponse à la proposition d’Eva Joly sur le remplacement du défilé militaire du 14 juillet.

Que la proposition d’Eva Joly sur le remplacement du défilé militaire du 14 juillet ait pu susciter des critiques, voire de l’indignation,  rien de plus normal… Nous savons qu’il  en va généralement ainsi de toute proposition nouvelle. Rappelons que le bon fonctionnement de la démocratie suppose le débat contradictoire.

Mais un débat argumenté, courtois et serein !

Sinon on perd de vue l’intérêt général et la confiance en l’homme politique s’émousse, ce dont nous ne faisons  déjà que trop l’expérience, et chaque jour davantage…

La personne qui s’exprime sur le site de l’UMP sous la responsabilité du délégué de circonscription, s’autorise, en usant d’une forme d’humour qui révèle une conception mesquine et une basse pratique de la politique, un dérapage verbal qui la déshonore et déshonore son parti :

  • en attaquant Eva Joly sur ses origines et lui demandant de changer de nom (« permettez-moi de vous suggérer de reprendre votre nom d’origine…Celui de Joly n’étant plus du tout adapté à la situation…nationale j’entends ») et de quitter le pays : « je m’engage à vous payer un billet de char à bœufs ( l’avion pollue trop) pour le pays où vous déciderez de vous établir afin de vous mettre à l’abri de cette funeste date du 14 juillet en France. »
  • en pratiquant un  méprisant amalgame entre syndicalistes, manifestants anti-OGM, homosexuels, délinquants et pédophiles
  • en présentant une image caricaturale de l’Etranger qui n’aurait d’autre objectif que d’« éradiquer peu à peu… nos us et coutumes ».  Etranger  =  avant tout, danger !

Ce type de discours outré, sexiste, confondant argumentation et invective,  ne surprendrait personne s’il apparaissait sur le site d’un parti d’extrême-droite…

Mais il s’agit-là du parti de l’homme qui préside actuellement aux destinées de la République !

Honteux !

Le site de la section LDH de Toulon : à visiter absolument

La page d'accueil du site de la section LDH de Toulon.

http://www.ldh-toulon.net/. La maquette est sobre. Les titres des articles s’empilent au fil des jours. La page d’accueil du site de la section de Toulon (qui ne reprend pas la maquette du site national de la Ligue) est claire, aérée.

La première chose que l’on remarque, c’est la documentation particulièrement riche des articles, qui sont systématiquement accompagnés de références historiques, politiques, biographiques.

Une des particularité de cette section, c’est qu’elle est implantée dans une région où « le passé franco-algérien reste important ». Il n’est donc pas étonnant de la voir se mobiliser pour des problèmes tels que la tentative de réhabilitation de l’OAS, avec notamment l’érection d’une stèle par l’ADIMAD (Association de défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française). De fait, ce site « est ainsi devenu un centre de ressources pour tous ceux qui s’intéressent à ces questions et vous pourrez y trouver des textes dont nous n’assumons pas forcément tout le contenu » (lire ici).

Le responsable du site, François Nadiras, a participé à la rédaction de l’ouvrage « La République défigurée, l’état des droits de l’Homme en France, édition 2011″ (éditions La Découverte).

Le gros problème, avec ce site, c’est qu’il pousse à la modestie : »Sur une période de 20 mois, du 1er octobre 2009 au 31 mai 2011, il a reçu 2 1900 000 visites, soit, en moyenne, près de 110 000 visites par mois, ou encore 3 600 visites par jour (une personne qui fait plusieurs visites au cours d’une même journée n’est comptée qu’une fois). »

Le site de la section Loudéac centre Bretagne n’en est pas là !… Allez, au boulot !

Protection des données personnelles : trois courts métrages

La Ligue des droits de l’Homme, explique, diffuse et défend ses idées, au moyen de nombreux écrits : articles, tribunes, éditos, ouvrages, guides… Mais pour sensibiliser plus de citoyen(ne)s, notamment les plus jeunes, il faut travailler sur de nouveaux supports : le son, l’image, Internet… Cette évolution n’est pas facile tant les technologies évoluent sans cesse. Si nous ne sommes pas spécialistes, pourquoi ne pas conduire ce type d’évolutions avec celles et ceux qui vont le devenir ?

Grâce à sa section de Meaux, La Ligue des droits de l’Homme a noué un partenariat avec l’Imac, école d’ingénieurs située à Marne-la-Vallée spécialisée dans la formation d’ingénieurs en image, multimédia, audiovisuel, communication.

La collaboration avec la LDH s’est effectuée via un projet bénévole tutoré de 2e année consistant à confronter les étudiants à une véritable situation professionnelle. Leur mission : sensibiliser aux droits de l’Homme à travers un support audiovisuel.

Au terme de plusieurs rencontres, nous avons proposé de consacrer ce travail à la protection des données personnelles, thème dans lequel nous avons beaucoup investi notamment dans le cadre du projet européen à destination des jeunes.

Echanges d’idées, précision des contraintes fonctionnelles, techniques et temporelles ont ainsi permis le bon déroulement de ce projet.

Trois courts métrages en sont nés… Tous avec comme objet principal les conséquences des  technologies de l’information et de la communication sur les libertés, nos libertés…

Pour découvrir ces nouveaux outils, cliquez sur les liens suivants et découvrez ces créations originales ! A réutiliser sans entrave ni modération dans vos actions militantes !

Classés

Sandrine a un bien plus précieux que tout, son classeur, et compte bien le protéger. Nombreux sont ceux qui semblent s’y intéresser de très près…

httpv://www.youtube.com/watch?v=cQI6yvUFqYc

Crédits :

Adeline Kohl (Comédienne), Sophie Lor (club de théâtre), Thomas Sebire, Marlène Vieillescazes, Arthur Khan Muchir, Julien Michot, Henriette de Poulpiquet, Sébastien Poyer, Jérémy Cornilleau, Lucas Schricke, William Simkovitch, Jérémy Busset et Caroline Campan.
Ambiance sonore composée par Flavien Cerisier.
Réalisé par Odile Bellerose, Fiona Charbonnier et Florian Lamy, étudiants en école d’ingénieur IMAC (http://www.ingenieur-imac.fr/).

Omniscients

Luc baguenaude dans les rues. De plus en plus de gens l’interpellent et semblent l’avoir en connaissance commune.

httpv://www.youtube.com/watch?v=AmPhK7BW1bA

Crédits :

Haykel Skouri(Comédien)

Adeline Kohl (Comédienne), Sophie Lor (club de théâtre), Mathieu Attal(club de théâtre), Jean-Raymond Davillé(club de théâtre), Odile Bellerose

Ambiance sonore composée par Flavien Cerisier.
Réalisé par Odile Bellerose, Fiona Charbonnier et Florian Lamy, étudiants en école d’ingénieur IMAC (http://www.ingenieur-imac.fr/).

Ecoutez moi

Yannick monte sur sa chaise en pleine rue. Il est décidé à partager son vécu au plus grand monde, mais quel est le revers de la médaille ?

httpv://www.youtube.com/watch?v=9cGntPVJ_Aw

Crédits :

Pierre Henniquant (Comédien)
Jean-Raymond Davillé(club de théâtre), Lucas Schricke, Marlène Vieillescazes, Céline Cogny, Aurélie Fruitière, Mélanie Blondel, Imane Hachemaoui, Julien Michot, Jérémy Busset, Caroline Campan, Thomas Sebire, Marjory Gaillot, Odile Bellerose, Fiona Charbonnier et Florian Lamy.
Ambiance sonore composée par Flavien Cerisier.
Réalisé par Odile Bellerose, Fiona Charbonnier et Florian Lamy, étudiants en école d’ingénieur IMAC (http://www.ingenieur-imac.fr/).

A votre disposition

Pour développer la thématique de la protection des données personnelles, il existe plusieurs outils à votre disposition :

  • La bande dessinée Sous surveillance et son affiche pour organiser des évènements autour de ce support
  • Guide juridique La protection des données personnelles (5 €)

A commander auprès de la boutique LDH

laboutique@ldh-france.org

01 56 55 51 04

138 rue Marcadet, 75018 Paris

Ouvert du lundi au vendredi de 9h à 13h et de 14h à 16h.

Double nationalité : le projet n’est pas enterré

L’idée d’interdire la double nationalité, qu’on avait crue abandonnée, ne l’est pas. Evelyne Sire-Marin, membre du Comité central de la Ligue des droits de l’Homme, attire notre attention :

« Deux lois récentes (art. 18 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 et articles 1er à 7 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011) ont modifié le droit de la nationalité, contraignant davantage encore les prétendants.
(art 21-27-1 du code civil)
. Les personnes qui demandent à acquérir la nationalité française par décision de l’autorité publique (naturalisation notamment), ou par déclaration, doivent désormais « déclarer à l’autorité compétente la ou les nationalités qu’elles possèdent déjà, la ou les nationalités qu’elles conservent en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles elles entendent renoncer.  »

L’administration ne perd pas de temps. Il y a déjà les imprimés (ci-dessous) ! Et ça vous fait penser à quoi ? Moi, il me semble que de vieilles et terribles ombres s’étendent sur nous.

C’est une première étape des idées UMP-FN sur la double nationalité. D’abord on déclare qu’on a d’autres nationalités, on est donc fichés comme bi-national. Ensuite, ce sera interdit… il suffit d’attendre la prochaine loi.. »

E Sire-Marin

Le projet de l’UMP sera cependant difficile à mettre en œuvre, comme l’explique Maître Eolas, dans un article de son blog intitulé « pour en finir avec la binationalité. » Où l’on constate que le ridicule le dispute avec l’indigne…

L’imprimé :

DECLARATION DE PLURALITE DE NATIONALITES

Article 21-27-1 du code civil

Référence du dossier
(acquisitions par déclaration sur le fondement de (insérer l’article du code civil)

Je soussigné(e)…………………………………………………………………………………………………………………….

ayant souscrit une déclaration de nationalité française le ……… au titre de l’article……du Code civil,

déclare posséder la (ou les) nationalité(s) suivante(s) : _________________________________________

…………………………………………………………………………………………En outre, j’indique ci-dessous la (ou les) nationalité(s) :

  • que je conserve en plus de la nationalité française : ____________________________________
  • …………………………………………………………………………à laquelle (ou auxquelles) j’entends renoncer :  ……………………………………………………………………________________________________________

A …..…..……., le………………

Signature

La constitution marocaine : une tribune de Michel Tubiana dans Le Monde

Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, a publié une tribune intitulée « la constitution marocaine, entre universel et universalité ». La voici :

La constitution marocaine, entre universel et universalité

Le débat concernant le projet constitutionnel marocain, aujourd’hui voté, s’inscrit dans un questionnement qui dépasse la controverse récurrente entre réformisme et rupture, et même les limites géographiques du Maroc. Cette nouvelle Constitution pose, en effet, la question des voies originales que chaque peuple choisit pour mettre en œuvre l’universalité des droits et libertés.

Laissons de côté le fait que ce texte ne réalise pas la totalité des aspirations démocratiques. Outre que l’on ne connaisse pas de démocratie « parfaite », les deux termes me semblent même antinomiques, cela reviendrait à adopter le précepte de Lampedusa : « Si nous voulons que tout demeure en l’état, il faut que tout change ». Refusons aussi le prétexte du passé et de la tradition, toujours lié au moins disant, pour exonérer ce texte de ses insuffisances. Comme si l’état antérieur des choses justifiait l’immobilisme au prétexte que c’est toujours mieux ou moins pire qu’avant.

Ces deux démarches, apparemment antagoniques, masquent, me semble-t-il, et les avancées de ce texte et les interrogations importantes qu’il laisse en suspens.

Le fait même de reconnaître à une religion, fût-elle qualifiée d’islam modéré, une légitimité qui concurrence nécessairement celle issue des élections et du Parlement est étroitement lié au rôle revendiqué par le roi. S’il faut constater que le roi abandonne, concède, certains de ses pouvoirs, il en conserve suffisamment pour continuer à gouverner. Ayant perdu en sacralité, il confond encore sur sa personne une légitimité religieuse et politique qui ne peut que maintenir son emprise sur le régime, bien au-delà du rôle d’arbitre suprême qu’il se voit attribuer.

Surtout, ceci laisse entière la place et le pouvoir de conseillers, avisés ou non, mais sans aucune légitimité démocratique. On sent bien, au travers des 180 articles, combien ces facteurs ont pesé de manière souvent contradictoire. Ce balancement entre l’adhésion à « l’universalité » et à « l’indivisibilité » des droits et à des institutions démocratique, d’un côté, et une identité que l’on veut inchangée, de l’autre, fait ressortir de plus fort les contradictions que recèle ce texte.

Pas de liberté de conscience, mais un Etat qui « garantit à tous le libre exercice des cultes ». L’ouverture au monde est proclamée mais la référence initiale à la « Oumma arabe et islamique » n’a pas disparu. La prééminence des conventions internationales est admise pourvu qu’elle s’exerce dans « le respect de l’identité nationale immuable », etc. En introduisant dans le signifiant constitutionnel l’égalité et la parité entre les hommes et les femmes, en faisant une place concrète à la diversité des composantes et des origines de la société marocaine, en prohibant toute discriminations y compris en raison « de quelque circonstance personnelle que ce soit », en énonçant les principes de fonctionnement d’une démocratie participative, en adhérant aux droits de l’homme dans leur universalité et leur indivisibilité, en libérant la justice de certaines entraves (pas toutes…) etc., la nouvelle constitution marocaine, usant parfois d’ambigüités, innove, ne ferme rien et s’ouvre à d’autres évolutions.

Sans aucun doute, la capacité de la société politique et civile marocaine à transcrire dans le chantier titanesque que constituent les lois organiques à venir les aspects constitutionnels positifs sera essentielle. De la même manière, la composition, le fonctionnement et l’indépendance des différents comités prévus au titre de la « bonne gouvernance » devront faire l’objet d’un examen attentif et d’une vigilance de tous les instants. Ces réformes resteront lettre morte si, en même temps, il n’est pas rapidement et en priorité répondu aux besoins de justice sociale, d’éducation, de lutte contre la corruption et d’égalité que traduisent avant toute chose les manifestations actuelles.

Cette urgence justifierait la rapidité avec laquelle le référendum a été convoqué. Craignons à l’inverse qu’un délai si court n’ait fait peser sur lui la suspicion. Avec ces réserves, avec ses limites et ses contraintes, la constitution marocaine offre un début de réponse à cette contradiction redoutable entre un universel, qui rabote la diversité des peuples au prétexte de les faire bénéficier de la même liberté, et l’universalité, qui porte les aspirations des peuples à construire leur propre chemin vers la liberté.

L’objectif est apparemment le même, l’Histoire montre que les sociétés se soumettent à l’universel tandis que l’universalité y naît et s’y ancre.

Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme

Les textes du congrès de Reims

Le congrès de Reims a approuvé le rapport moral du président Jean-Pierre Dubois, le rapport d’activité du secrétaire général, Dominique Guibert, et le rapport financier du trésorier, Pierre-Adrien Hingray. Ces trois textes peuvent être téléchargés :

Ces trois rapports ont été adoptés à de très larges majorités par les délégués des sections.

Le congrès a par ailleurs adopté, après débats, des résolutions, qui sont les positions stratégiques de l’association pour les mois qui viennent :

Enfin, des vœux, présentés par des sections, et qui concernent le fonctionnement de l’association et ses statuts, ont été examinés, amendés, et adoptés.

Défenseurs des droits : les vidéos

Un événement majeur du congrès a été l’hommage rendu aux défenseurs des droits venus de tous les continents : Moctar Diallo (Guinée), Brahima Kone (Mali), Dismas Kitenge (RDC), Sidiki Kaba (Sénégal), Mokhtar Trifi (Tunisie), Karim Lahidji (Iran), Cai Chongguo (Chine), Robert Bryan pour Leonard Peltier (Etats-Unis), George Aguilar (Etats-Unis), Muniz Sodre (Brésil), José Rebelo (Portugal), Bertrand Badie (France). Michel Tubiana (président d’honneur de la LDH), Souhayr Belhassen (présidente de la FIDH), Pierre Barge (président de l’AEDH) et Kamel Jendoubi (président du REMDH) ont participé à ce temps fort et aux débats.

Pour visionner ces témoignages, cliquez sur leurs noms.

N.B. Des problèmes techniques ont rendu inexploitable la séquence consacrée à Moctar Diallo. J’en suis désolé et lui présente mes excuses.