Le fascisme tue, aujourd’hui encore

Le fascisme tue. On le savait. On l’avait pourtant oublié. L’assassinat d’un jeune homme de 18 ans par une horde de crétins vient nous le rappeler dramatiquement.

Comment cela est-il encore possible aujourd’hui ?

Les flots de haine qui se sont déversés pendant les « manifs pour tous » auraient dû nous alerter davantage. Les groupes fascistes y ont trouvé un terrain d’expression idéal : ils étaient protégés, au milieu de la foule, et pouvaient donner libre cours à leurs idées nauséabondes sans que les autres participants à ces manifestations s’en émeuvent outre mesure. Il y a bien eu quelques semblants de réprobation de la part de « Frigide Barjot », qui n’a pas pu participer à la dernière manifestation en raison des menaces qui la visaient.

Frigide Barjot n’a évidemment rien à voir avec ce meurtre. Mais peut-on impunément lancer des idées haineuses comme l’ont fait tous ces gens pendant plusieurs mois ? Peut-on stigmatiser des groupes d’hommes et de femmes sans que cela ne se retrouve un jour où l’autre ? Il y a une sorte de porosité entre la droite classique et les idées d’extrême droite. Dernier avatar de cette porosité : on apprend que l’attachée parlementaire d’Hervé Mariton, député UMP qui a mené la lutte contre la loi Taubira à l’assemblée nationale est une militante d’extrême droite. « Elle a été l’une des premières à appeler au rassemblement en hommage à l’essayiste d’extrême droite, deux heures après son suicide, le 21 mai » (lire ici). Si les Besson, Hortefeux, Guéant, Buisson, Coppé et consorts ne sont pas mêlés à cet assassinat, ils sont coupables de donner du crédit aux idées de ces groupuscules. Ils en reprennent volontiers quelques-unes à leurs compte : les mois derniers, c’était l’homophobie, on a eu aussi la xénophobie, la chasse aux Rroms, reprise avec zèle par l’actuel ministre de l’intérieur. Dans son rapport moral au congrès de Niort, Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme dénonçait le pouvoir actuel, « contaminé par la peste sécuritaire ».

En avril 2013, trois agressions menées par l’extrême droite ont été recensées : le 7 avril 2013, à Paris, contre un couple gay ; le 17 avril à Lille, contre un bar gay ; le 23 avril, à Lyon, contre des policiers et un photographe de presse. Hier soir, c’est un meurtre qui a été commis (source Rue 89).

La presse présente Clément Méric, la victime, comme un militant d’extrême gauche. Et alors ? Est-ce un crime ? En fait d’extrême gauche, on sait surtout que Clément était un militant antifasciste, qui participait aux actions du groupe « Action antifasciste Paris Banlieue ».

Des manifestations sont organisées dans la journée, à Paris, mais aussi en province : à Quimper, la Ligue des droits de l’Homme appelle à un rassemblement, à 18h30, place Saint-Corentin. A Brest également à 18h30, place de la Liberté.

La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme a publié un communiqué et appelé à participer aux différentes manifestations organisées dans la capitale.

De nombreuses voix s’élèvent pour demander la dissolution de ces groupes d’extrême droite.

Lire aussi : Libération, Le Monde,  le blog du parti de gauche, Le Plus du Nouvel Obs, Politis.

Du Touvet (Isère) à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) : non à de nouveaux éloges de l’OAS

Dessin emprunté au site Le Ravi, http://www.leravi.org/spip.php?article1155

La maire d’Aix-en-Provence nous a habitués à ses facéties d’un goût souvent douteux. Reconnaissons-lui le mérite de nous avoir bien fait commencer cette journée du mardi 4 juin 2013 : reçue par France Inter ce matin, elle a en effet inspiré à Sophia Aram un billet qui restera dans les annales. Le thème du billet était l’apprentissage de la démocratie, dans lequel, selon l’aveu de son propre président, s’engage l’UMP. L’occasion pour l’humoriste de rappeler finement à la politicienne que, quoiqu’elle en dise, le président de la République élu en mai 2012 était légitime, puisque désigné par le suffrage universel. On se souvient en effet qu’à l’époque, la subtile maire d’Aix-en-Provence avait contesté cette légitimité…On peut voir et écouter la chronique de Sophia Aram ici.

Le problème, c’est que Mme Joissains-Masini nous fait rarement rigoler. Et singulièrement en ce moment, où les nostalgiques de l’Algérie française et de la colonisation se lancent dans des commémorations peu ragoûtantes.

Voici le communiqué qu’a publié la Ligue des droits de l’Homme à cette occasion. Il dénonce la complicité de la maire d’Aix-en-Provence avec le « collectif aixois des rapatriés » et l’association de défense des anciens détenus de l’Algérie française. Mme Joissains devrait se souvenir que l’UMP se réclame (de moins en moins il est vrai) du général De Gaulle…

Au moment où s’ouvraient les négociations d’Evian pour mettre fin à la guerre d’Algérie, deux activistes, Albert Dovecar et Claude Piegts, membres des sinistres commandos delta de l’OAS, participaient à l’assassinat de Roger Gavoury, commissaire central d’Alger, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1961. Condamnés à mort, Dovecar et Piegts ont été exécutés le 7 juin 1962.

C’est précisément le 7 juin 2013 que le Collectif aixois des rapatriés – le CAR –, a choisi pour inaugurer à Aix-en-Provence un monument, de même nature que ceux de Nice, Toulon, Perpignan et Marignane, érigés à la gloire de tels assassins. La stèle sera installée dans la cour de la Maison du maréchal Alphonse Juin, propriété de la ville d’Aix, devenue véritable casemate de la « nostalgérie ». L’actuelle équipe municipale en a confié la gestion au CAR qu’elle subventionne abondamment. Coutumier des éloges de la colonisation et de l’OAS, le président du collectif, René Andrès, lance un appel pour l’inauguration d’un espace « appelé à devenir le haut lieu de la mémoire, et de la conservation, de la vérité du peuple Pied-Noir et Harkis ».

L’Association de défense des anciens détenus de l’Algérie française (ADIMAD) soutient cet appel. Ces irréductibles de l’Algérie française ont prévu de se retrouver, comme chaque année, début juin autour de la tombe de Claude Piegts au Touvet, dans l’Isère. L’hommage initialement prévu le 2 juin 2013, a soulevé de telles protestations qu’il vient d’être interdit par la préfecture de l’Isère. Ses initiateurs l’ont reporté au 9 juin, deux jours après la cérémonie d’Aix.

La Ligue des droits de l’Homme dénonce avec force ces tentatives de réhabilitation des anciens tueurs de l’OAS, autant que les dérives idéologiques sur les aspects positifs de la colonisation et les nouvelles instrumentalisations du drame des Harkis et de leurs enfants. Il est indispensable que soient officiellement reconnus, simplement reconnus, les crimes et méfaits qui ont accompagné la colonisation et la guerre d’indépendance de l’Algérie. Indispensable pour bannir en France toutes les formes de racisme que ces dérives alimentent ; indispensable pour permettre le renforcement des liens d’estime et d’amitié entre les peuples algérien et français, l’établissement d’une coopération active et sincère entre la France et l’Algérie !

Le député Vialatte visé par deux plaintes

Le député UMP Vialatte, qui avait commis un tweet raciste à la suite des indicents liés au matche du Paris-Saint-Germain (« les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves… ») est visé non par une seule plainte pour « provocation à la haine raciale »,  comme annoncé initialement : la « Fondation du mémorial de la traite des Noirs » l’avait décidé aussitôt après la publication de ce tweet. Il l’est par une seconde, déposée par le Collectifdom (collectif des Antillais, Guyannais, Réunionnais et Mahorais), qui revendique quarante mille membres et sympathisants, a déposé vendredi 31 mai au tribunal correctionnel de Paris une citation directe contre le député (source, site du journal Libération, 31 mai 2013). Il s’agit d’une citation directe, ce qui signifie qu’elle n’aura pas besoin d’être approuvée par le procureur pour être instruite par le tribunal. SOS Racisme avait indiqué, au moment des faits, étudier les suites à donner à cette affaire.

Message personnel : les droitsdelhommistes vous saluent bien, D. Goux !

 

Relaxe confirmée pour un journaliste et un historien poursuivis en diffamation par un ancien ambassadeur du Rwanda

Jean-PierreChrétien

Poursuivis depuis 2010 pour diffamation par l’ancien ambassadeur du Rwanda à Paris, un historien, Jean-Pierre Chrétien, et un écrivain journaliste, Jean-François Dupaquier, viennent de voir leur relaxe prononcée en 2012 par le tribunal correctionnel de Rouen confirmée par la cour d’appel. L’ambassadeur  qui les poursuivait, Jean-Marie Vianney Ndagijimana, leur reprochait un courrier privé dans lequel ils lui reprochait sa thèse du « double génocide » : un génocide à l’encontre des Tsutsis, un autre à l’encontre des  Hutus. Le groupe de travail « Mémoire, histoire, archives » de la Ligue des droits de l’Homme avait soutenu Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier. Ses responsables, Gilles Manceron et Emmanuel Naquet se réjouissent de la confirmation de cette relaxe : « Cette victoire est celle de la vérité, de la justice, de la liberté », ont-ils déclaré.

Voici l’article que le site Afrikarabia.com, qui traite de l’actualité en République démocratique du Congo, consacre à ce procès en appel. On peut le trouver ici.

21 mai 2013

FRANCE-RWANDA : Ndagijimana perd une nouvelle fois son procès pour diffamation

Jean-François Dupaquier

L’historien Jean-Pierre Chrétien et l’écrivain-journaliste Jean-François Dupaquier, étaient poursuivis depuis 2010 pour diffamation et injures par l’ancien ambassadeur du Rwanda en France Jean-Marie Vianney Ndagijimana. Tous deux avaient critiqué, dans un courrier privé, ses propos et écrits sur le génocide des Tutsi en 1994, en particulier sa thèse d’un « double génocide ».  Leur relaxe devant le tribunal correctionnel de Rouen (France) le 14 février 2012 vient d’être confirmée par la Cour d’Appel le 2 mai 2013 (1).

Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier avaient été mis en examen à la suite d’une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation et injure déposée par  Jean-Marie Vianney Ndagijimana, ancien ambassadeur du Rwanda à Paris (ayant acquis par la suite la nationalité française). Rappelons que l’ambassadeur avait été démis de ses fonctions le 27 avril 1994 pour des motifs qui n’ont jamais été éclaircis. Il avait quelques jours plus tard dénoncé le génocide en cours.

En cause dans sa plainte : une lettre adressée par l’historien et le journaliste au pasteur adventiste Jean-Guy Presles, président d’un Collectif organisateur de conférences qui s’étaient tenues en septembre 2009 à Rouen sur « le dialogue et la réconciliation entre Rwandais » où le mot « génocide » était significativement absent de l’intitulé des quatre conférences.

Dans ce courrier, ils estimaient que les organisateurs avait été trompés et que les quatre orateurs, dont l’ancien ambassadeur Jean-Marie Vianney Ndagijimana, défendaient tous la même thèse, celle du « double génocide » dont auraient été victimes simultanément les Hutus et les Tutsis. Ils soutenaient que les orateurs avaient rejoint ainsi « les réseaux européens des négationnistes du génocide des Tutsis« .

Débouté devant le tribunal correctionnel, Jean-Marie Vianney Ndagijimana ayant fait appel, la Cour d’Appel de Rouen vient de confirmer le premier jugement « en toutes ses dispositions ».

Lors de l’audience en appel le 9  janvier 2013, Jean-Pierre Chrétien et Jean-François Dupaquier avec leurs avocats, Me Antoine Comte et Me Gilles Paruelle, avaient  une nouvelle fois souligné la légitimité du courrier qu’ils avaient adressé à l’époque aux organisateurs de la série de conférences, dont ils estimaient que leur bonne foi avait été abusée.

Lors de l’audience, l’ancien diplomate avait rejeté avec force l’accusation de négationnisme. « Je refuse cette équation diffamatoire », avait-il dit en affirmant « qu’il appartenait aux deux communautés, étant tutsi par sa mère et hutu par son père. »

Dans l’intervention que la Cour lui demanda à la fin du procès,  l’historien Jean-Pierre Chrétien rappela fortement que le génocide de 1994 n’a pas été une guerre interethnique avec des victimes réparties également entre deux camps « naturellement » antagonistes, mais la perpétration d’un projet d’extermination raciste qui a littéralement déchiré la société rwandaise, jusqu’au niveau le plus intime, à tel point que des familles peuvent compter en leur sein à la fois des victimes et des bourreaux.

De son côté Jean-François Dupaquier a demandé au Tribunal de rappeler le droit à la liberté d’expression. Aucune « loi mémorielle » ne sanctionnant la négation du génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, qualifier de « négationnistes » des propos provocateurs s’inscrivant dans la phraséologie par laquelle  des responsables du génocide cherchent à minimiser leur responsabilité, n’est ni une injure ni une diffamation, mais bien au contraire un devoir de vérité et une incitation à la réflexion critique.. Il a noté que Jean-Marie Vianney Ndagijimana refuse de dire par quel moyen il s’est procuré un courrier confidentiel et que ce refus pose la question d’une violation de correspondance.

Interrogé, Jean-Pierre Chrétien « observe que la Cour d’appel, avec la même sagesse que le tribunal de première instance, a refusé de s’engager dans la réécriture de l’Histoire qui lui était demandée, mais qu’elle a fait respecter la liberté d’expression et de recherche dans notre pays ». Il rappelle à nouveau que « la réconciliation nationale nécessaire au Rwanda ne sera possible que sur la base d’une reconnaissance claire de la réalité du génocide des Tutsi et de la responsabilité de la politique raciste qui y a conduit. »

Lui-même et Jean-François Dupaquier remercient les soutiens qu’ils ont trouvés dans une épreuve qui leur a été ainsi indûment infligée. Notamment auprès de la Ligue des Droits de l’Homme, du Comité de vigilance sur les usages publics de l’histoire (CVUH), de l’Association des chercheurs de Politique africaine (ACPA) et auprès de centaines de chercheurs, d’intellectuels et de défenseurs de la liberté de pensée et d’expression.

(1) L’arrêt de la Cour d’appel de Rouen est consultable ici

Jacques Montacié, nouveau secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme

Jacques Montacié, nouveau secrétaire général de la Ligue des droits de l'Homme.

Jacques Montacié  remplace Dominique Guibert au poste de secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme. Le secrétariat général est un poste clé dans l’organigramme de l’association. Un poste que Dominique Guibert a occupé brillamment pendant quatre ans : les ovations qui ont salué son départ, pendant le congrès de Niort, en ont témoigné.

Jacques Montacié est un jeune avocat (il est né en 1980), qui  a commencé à militer à la LDH en 2006, et y a rapidement pris des responsabilités, puisque dès 2007 il est devenu trésorier de la section Paris-centre, qu’il a présidée ensuite de 2009 à 2011. Il est entré au comité régional Île-de-France en 2010, et a siégé à la commission des conflits de 2009 à 2011. Il représente la LDH au sein du Réseau euro – méditerranée des droits de l’Homme (REMDH), auprès du groupe solidarité Tunisie, et du groupe de travail sur la liberté d’association depuis 2008.

Voici   la profession de foi qu’il avait soumise aux membres de la LDH lors de l’élection du comité central en 2011, à l’occasion du congrès de Reims.

« Dans le cadre de mes activités militantes, syndicales et professionnelles, j’interviens sur les thèmes de la lutte contre les discriminations, de la justice et de la défense des droits des étrangers.

Depuis 2008, je représente la LDH, avec d’autres ligueurs, au sein du Réseau Euromed. Je travaille avec les défenseurs des droits de l’Homme d’Europe, du Maghreb et du Machrek sur la liberté d’association, afin d’alerter les pouvoirs publics et de soutenir celles et ceux qui luttent quotidiennement pour un État de droit. Les événements historiques récents dans la région démontrent que la LDH a raison de persister à s’investir aux cotés des peuples qui aspirent à la démocratie.

Par ailleurs, j’ai la charge de faire progresser les procédures judiciaires et administratives dans lesquelles la LDH intervient. Fort de cette expérience, convaincu des ressources immenses de notre association, je souhaite, faciliter le travail des sections dans l‘usage des outils juridiques et judiciaires, par la mise en place de formations, de plates-formes de travail et de réseaux de juristes mobilisables rapidement.

C’est ma participation à des permanences juridiques, notamment pour les sans-papiers, qui m’a naturellement conduit vers la LDH. J’y ai découvert des femmes et des hommes de conviction et de qualité ainsi qu’une organisation exigeante et efficace. En candidatant au Comité central, je souhaite contribuer à ce qu’elle demeure cet espace privilégié de défense des droits et des libertés ».

Jacques Montacié a participé à la rédaction du rapport annuel que publie la Ligue des droits de l’Homme sur « l’état des droits de l’Homme en France », édition 2012 (en vente ici), intitulé « la République en souffrance » : il est l’auteur du chapitre « une justice pénale en (dés)équilibre, dans lequel il dresse un tableau sombre de la politique pénale menée par Sarkozy et les ministres de la justice qui ont sévi pendant ce quinquennat. En mars 2013, il a publié, sur le site de la LDH, un article intitulé : « Conférence de Consensus : Pour sortir du tout répressif ».

L’officine d’extrême droite « riposte laïque » ne le porte pas dans son cœur : elle a fait l’objet d’une plainte pour « provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », déposée par Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH, et Jacques Montacié. Plainte qui avait abouti, en mars 2012, à la condamnation de deux responsables de cette officine à 4000€ et 1500€ d’amende, ainsi qu’à verser 1500€ de dommages et intérêts et 2000€ de frais de justice à la Ligue des droits de l’Homme.

Bienvenue et bon courage au nouveau secrétaire général !

 

 

Karim Lahdji élu président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)

Karim Lahidji, nouveau président de la FIDH, au congrès de la Ligue des droits de l'Homme à Niort.

Karim Lahidji, président de la Ligue iranienne des droits de l’Homme, et vice-président de la Fédération internationale des ligues de droits de l’Homme, vient d’être élu président de cette association, à l’occasion de son congrès qui se tenait à Istambul. Karim Lahidji, qui était intervenu au congrès de la Ligue des droits de l’Homme à Niort (voir la vidéo de son intervention ici), remplace Souhaïr Belhassen. Lire également ici.

Karim Lahidji est né en 1940 à Téhéran. Après des études de droit, il devient, en 1965, avocat au barreau de Téhéran et prend ainsi la défense de plusieurs centaines de prisonniers politiques, opposants au régime impérial puis au régime islamique devant les tribunaux militaires, civils et islamiques. Il est membre fondateur de l’ Association des juristes iraniens, de l’Association iranienne pour la défense des libertés et des droits de l’Homme et du Bureau du Comité iranien de défense des prisonniers politiques – ces trois organisations sont interdites par le régime Islamique en 1981.

Gravement menacé en raison de ses activités de défense des droits de l’Homme, Karim Lahidji est obligé de s’exiler et se réfugie en France en 1982. En 1983, il fonde la Ligue iranienne de défense des droits de l’Homme (LDDHI, organisation membre de la FIDH) dont il est le président. En 1997, il est élu vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

Karim Lahidji est lauréat du Prix de Human Rights Watch (1990) et auteur de deux ouvrages et d’une centaine d’articles et d’essais en matière juridique et des droits de l’Homme.

Istanbul, lundi 27 mai – Karim Lahidji a été élu aujourd’hui Président de la FIDH. Il succède à Souhayr Belhassen, qui aura passé 6 ans à la tête de l’organisation. Le vote a eu lieu à Istanbul, où les ligues membres de la FIDH étaient réunies pour élire le nouveau Bureau international et définir les grandes orientations de l’organisation pour les trois prochaines années. Karim Lahidji, vice-président de la FIDH et président de la Ligue de défense des droits de l’Homme en Iran, et Luis Guillermo Perez Casas, secrétaire général de la FIDH et membre du collectif CCAJAR étaient candidats au poste de président. Pour la première fois dans son histoire, la FIDH est présidée par un iranien.
« C’est un immense honneur d’avoir été élu Président de la FIDH. Mon premier message s’adresse à tous les défenseurs des droits humains arbitrairement détenus dans le monde. Nous continuerons sans relâche à demander leur libération immédiate et inconditionnelle. Je pense tout particulièrement à mes collègues et amis Ales Bialiatski et Nabeel Rajab, respectivement emprisonnés au Bélarus et au Bahrain«  a déclaré Karim Lahidji.

« Nous réitérons notre appel aux autorités turques à libérer tous les minorités kurdes.«  a rajouté Karim Lahidji.

« A l’heure où les droits des femmes sont menacés dans de nombreux pays, l’universalité des droits sera plus que jamais au cœur de notre combat«  a déclaré Karim Lahidji.

A l’occasion de son 38ème  congrès, le mouvement FIDH s’est renforcé passant de 164 à 178 organisations membres. Le Congrès a par ailleurs adopté 26 résolutions, concernant notamment le Mali, la Syrie, la Malaisie, Cuba, la Russie et la Turquie.

Composition du nouveau bureau international de la FIDH

Président :Karim Lahidji
Souhayr Belhassen est élue présidente d’Honneurde la FIDH.
Vice-présidents:

  • Ales Bialiatski, vice-président de la FIDH, emprisonné depuis le 4 août 2011, au Bélarus, a été réélu à son poste.
  • Yusuf Atalas, Turkey
  • Ezzedine Al Asbahi, Yemen
  • Dimitris Christopoulos, Greece
  • Noeline Blackwell, Ireland
  • Katie Gallagher, US
  • Tolekan Ismailova, Kyrgyzstan
  • Shawan Jabarin, Palestine
  • Dismas Kitenge Senga, DRC
  • Elsie Monge, Ecuador
  • Sheila Muwanga, Kenya
  • Rosemarie R. Trajano, Philippine
  • Drissa Traoré, Ivory Coast
  • Paulina Vega Gonzalez, Mexico
  • Zohra Yusuf, PakistanSecrétaires généraux:
  • Dan Van Raemdonck (Belgique)
  • Debbie Stothard (Birmanie)
  • Paul Nsapu (RDC)
  • Amina Bouyach (Maroc)
  • Pierre Esperance (Haiti)

Nouvelles ligues devenues membres de la FIDH :

  • South Africa, Lawyers for Human Rights (LHR)
  • Angola, Associação Justiça, Paz e Democracia (AJPD)
  • Senegal, Ligue Sénégalaise des Droits Humains (LSDH)
  • Honduras, Comité de Familiares de Detenidos-Desaparecidos en Honduras (COFADEH)
  • China, China Labour Bulletin (CLB)
  • Kazakhstan, Kazakstan international Bureau for Human Rights and rule of law (KIBHR)
  • Moldova, Promo-LEX
  • Uzbekistan, Association internationale de défense des droits de l’Homme « Club des cœurs ardents »
  • Tajikistan, Tajik “Bureau on Human Rights and Rule of Law” (BHR)
  • Turkey, KAOS
  • Egypt, Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR)
  • Gulf, Gulf Center for Human rights (GCHR)
  • Kuwait, Human Line Organisation
  • Lebanon, Centre Libanais des Droits Humains (CLDH)
  • Libya, Human Rights Association for Recording and Documenting War Crimes and Crimes Against Humanity
  • Palestine, Al Mezan Centre for Human Rights
  • Syria, Syrian Center for Media and Freedom of Expression (SCM)
  • Tunisia, Doustourna
  • Tunisia, Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES)

 

Congrès de Niort : Karim Lahidji, vice-président de la FIDH

Lorsque Karim Lahidji était venu au congrès de la Ligue des droits de l’Homme à Reims, en 2011, c’était en tant que président de la     ligue iranienne des droits de l’Homme. Cette année, à Niort, il était invité en tant que vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. Il représentait Souhaïr Belhasem, présidente de la FIDH, retenue par l’organisation de son congrès à Istambul.

Karim Lahidji a néanmoins commencé son intervention en rappelant la situation en Iran : c’est dans ce pays en effet qu’a commencé la contestation qui a abouti quelques années plus tard au « printemps arabe ». Et il a poursuivi en rappelant la longue liste des pays qui bafouent les droits de l’homme, et où leurs défenseurs sont victimes de représailles souvent dramatiques.

Cliquer sur la miniature pour regarder l’intervention de Karim Lahidji.

httpv://youtu.be/3JuVv379mm8

 

Congrès de Niort : le témoignage de Messaoud Romdhani, de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme

Messaoud Romdhani, responsable des relations extérieures à la Ligue tunisienne des droits de l'Homme.

Le congrès de la Ligue des droits de l’Homme a eu l’honneur de recevoir Messaoud Romdhani, chargé des relations extérieures à la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LDTH). Il est venu témoigner de la situation en Tunisie : situation complexe, avec beaucoup de difficultés, mais aussi beaucoup d’espoirs. La Constitution, par exemple, en est encore au stade du brouillon, et d’une version à l’autre, des progrès apparaissent. Il a aussi parlé de l’islamisme politique, du danger que représente la présence de salafistes au gouvernement. Mais au bout du compte, il a apporté un message d’espoir : il faudra sans doute du temps pour que le pays se relève de décennies de dictature. L’intervention de Messaoud a été salué par une longue ovation.$

Cliquer sur la miniature pour regarder la vidéo (13’17 »).

httpv://youtu.be/58vqw4S73KA

L’économie sociale et solidaire : un enjeu pour les droits de l’Homme, par Dominique Guibert

Dominique Guibert

La seconde résolution adoptée par le congrès de la Ligue des droits de l’Homme à Niort est intitulée : « l’économie sociale et solidaire, un enjeu pour les droits de l’Homme ». Elle a été présentée par Dominique Guibert, secrétaire générale de la LDH, et adoptée à l’unanimité moins 21 abstentions.

On peut la lire après la vidéo de l’intervention de Dominique Guibert, et la télécharger ici.

httpv://youtu.be/Ek-pDw7yspY

L’économie sociale et solidaire : un enjeu pour les droits de l’Homme

Coopératives, mutuelles, associations : le devenir de l’économie sociale et solidaire est au cœur des mutations induites par les bouleversements mondiaux contemporains sous l’aiguillon des politiques européennes, ce secteur est confronté à l’extension du domaine marchand et à des restructurations économiques et juridiques incessantes. Son avenir reste conditionné par des débats sociaux, économiques et politiques engagés de longue date qui prennent aujourd’hui une acuité nouvelle, et par l’investissement d’un nombre toujours plus important d’acteurs – certains sociaux et d’autres pas. Il s’inscrit dans les réflexions sur des solutions alternatives, visant à une citoyenneté élargie qui adjoint au domaine civique et politique les dimensions économique et sociale.

Les défenseurs des droits et les promoteurs de la citoyenneté doivent réfléchir aux possibles façons d’entreprendre, de travailler, de produire, de distribuer autrement. Entreprendre, non pas pour accumuler des profits mais pour exercer ensemble des métiers dans le respect du droit au travail, de l’égalité au travail, des droits de toutes les « parties prenantes », en accordant la primauté à la personne et au sens qu’elle donne à son activité professionnelle. L’enjeu est de concevoir différemment le rôle et l’implication des acteurs : dirigeants, salariés, bénévoles, usagers, bénéficiaires et consommateurs. A quelles fins ? Pour desserrer les contraintes consubstantielles au système qui subordonne les droits et les libertés aux appétits du profit ; libérer l’initiative, la liberté et la créativité aujourd’hui étouffées par des contraintes de rentabilité éloignées de la réalité des besoins à satisfaire ; enfin, répondre aux défis posés par la crise systémique à un monde fini, aux ressources menacées d’épuisement.

La Ligue des droits de l’Homme a été, dès son origine, attentive au « programme coopératif pour changer la société » présenté par Charles Gide, l’un de ses fondateurs. C’est dans le droit fil de cette préoccupation, « changer la société », que nous portons aujourd’hui, dans nos idées et nos mobilisations, les valeurs de bien commun, de mutualisation, de solidarité : elles incarnent notre conception de la citoyenneté, du travail, des droits universels et indivisibles, elles constituent le cœur vivant de notre engagement.

Pour autant, les militants de l’économie sociale et solidaire – particulièrement ceux des mutuelles et des coopératives – et ceux de la défense des droits ont longtemps vécu et travaillé chacun de leur côté selon leurs priorités. Cette relation de voisinage, marquée de hauts et de bas, est aujourd’hui insatisfaisante. Face aux ambitions du marché visant à faire société à lui seul, face à ses agressions contre tout ce qui est socialisé et lui échappe – fonds de retraite, services publics, budgets de santé et d’éducation – le statu quo est périlleux. Il s’agit de faire front, largement.

Cette mise en convergence est nécessaire. La finalité de l’économie – que produire, pour qui et comment ? – est l’une des questions centrales sur lesquelles économie sociale et droits de l’Homme entretiennent une proximité et une complémentarité. De fait, les cinq principes sur lesquels se construit l’économie sociale (liberté d’association, démocratie, répartition égalitaire, autonomie, solidarité) trouvent leur équivalent dans les fondements sur lesquels reposent la promotion et la défense des droits de l’Homme, l’indivisibilité des droits et leur universalité.

La Ligue de droits de l’Homme entend donc poursuivre la mise en œuvre d’une convergence entre les campagnes pour la défense et la promotion des droits et des libertés, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la défense d’un entrepreneuriat libéré des contraintes de la régulation exclusivement marchande, la promotion des secteurs socialisés mis au service de l’intérêt général, l’égalité des territoires et des personnes.

L’économie sociale et solidaire est plus que jamais un enjeu, placée au cœur d’affrontements brutaux. Soit elle demeure fidèle à ses principes et à sa vocation d’enrichir le lien social, soit, emportée par les logiques de mise en concurrence, elle s’égare à faire prévaloir le consommateur sur le citoyen, et se fond dans la banalité dissolvante du marché.

Pour exister en tant que telle, l’économie sociale et solidaire a besoin de coopérations solidaires entre ses acteurs, afin de limiter des mouvements de concurrence et de dispersion, qui affaiblissent sa représentation collective et son projet politique. Aux prises avec les logiques de marchandisation induisant des risques d’une dissociation entre valeurs et pratiques, ses acteurs doivent veiller à ce que ce soit bien le projet politique qui guide l’activité, respectant ainsi la double vocation économique et sociale de ce secteur. C’est dans ce cadre que le rapprochement entre défenseurs des droits et acteurs de l’économie sociale et solidaire peut pleinement s’opérer.

Une telle voie implique une mise en perspective convergente visant à :

  • développer des échanges marchands appuyés sur la coopération et non sur un excès de concurrence pour le seul profit ;
  • répondre aux besoins premiers des citoyens, en particulier par les services publics mais aussi par des services non marchands ;
  • impliquer pleinement et entièrement les citoyen(ne)s pour faire vivre la démocratie dans tous ses aspects ;
  • prendre en compte une autre conception de la richesse dans sa nature et dans sa répartition ;
  • considérer dès aujourd’hui les ressources naturelles comme bien commun ;
  • faire de la prévention et de l’éducation des enjeux déterminants de l’évolution de la société ;
  • convenir de la contribution essentielle de la culture au développement humain ;
  • combattre la précarité de l’emploi, respecter et améliorer les droits des salariés et de leurs représentants, et promouvoir le dialogue social.

La Ligue des droits de l’Homme constate que cette prise de conscience est largement partagée. Elle souhaite le développement et l’élargissement de partenariats, lui permettant de promouvoir des objectifs communs dans un contexte toujours menacé par la régression des droits. La Ligue des droits de l’Homme propose donc aux différents acteurs de l’économie sociale et solidaire de nouer des liens étroits pour contribuer à des projets politiques, à la promotion d’innovations sociales dans l’exercice des métiers.

Elle inscrit cet engagement dans sa démarche pour reconstruire un pouvoir collectif et politique d’intervention sur certains choix économiques et sociaux, pour faire vivre et développer les territoires, pour garantir toujours mieux égalité et effectivité des droits ; pour enfin contribuer à abolir la coupure entre l’économique et le politique et la soumission du social à l’économique, laquelle a toujours permis le maintien de l’ordre inégalitaire établi. Au cœur de ces démarches communes, elle inscrit la défense des droits, le maintien du lien social, la lutte contre les discriminations et, face à la fragmentation sociale, elle entend ainsi mettre à l’ordre du jour l’élaboration de pratiques constructrices et annonciatrices d’une société de solidarité.

 

Congrès de Niort : Serge Kollwelter présente l’AEDH (vidéo)

L’association pour la défense des droits de l’Homme en Europe, l’AEDH, a été créée en 1995. Son président, Serge Kollwelter, est venu la présenter au congrès de Niort. Il a notamment expliqué les relations entre l’AEDH et les instances européennes, en particulier le parlement. La vidéo dure 18′. A noter que la prochaine université d’automne de la Ligue des droits de l’Homme portera sur la citoyenneté européenne : le sujet était donc d’actualité !

httpv://youtu.be/6JWPOUGTgrw