Amina Traoré, militante altermondialiste malienne, privée de visa par la France

Une militante altermondialiste Malienne, Amina Traoré, vient de se voir refuser un visa pour venir en France, où elle devait participer à des conférences. Ci-dessous, un communiqué du Crid (Centre de recherche et d’information pour le développement), dont la LDH est membre. Vous pouvez également télécharger ici un article d’Amina Traoré qui explique ses positions, et lire sur le site de politis un article de Bernard Langlois sur cette affaire, et sur le site de l’Humanité une interview d’Amina Traoré.

Communiqué du Crid :

Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture du Mali et militante altermondialiste, s’est vue refuser le renouvellement de son visa de circulation par le consulat de France, alors qu’elle devait se rendre en France et en Allemagne à l’occasion de plusieurs conférences mi avril.

Nos organisations considèrent que le droit à l’expression est indispensable au débat démocratique, y compris quand il s’agit d’un point de vue critique sur la politique menée par le pays concerné par l’octroi du visa. Doit-on penser qu’il y a un lien entre les positions publiques d’Aminata Traoré sur l’intervention de la France au Mali et ce refus de visa ?

Nos organisations, alors même que leurs appréciations et positions publiques sur l’intervention de la France au Mali et ses prolongements actuels peuvent être différentes, désapprouvent unanimement qu’une personne dont les apports dans les débats internationaux et les liens avec les mouvements de solidarité internationale sont incontestables, soit ainsi privée de parole en étant privée de visa.

Elles réaffirment leur attachement à la liberté d’expression, à la nécessité de débats citoyens et transparents sur des questions aussi graves qu’une intervention militaire de cet ordre et au droit de circulation des personnes.

 

 

La Fondation du mémorial de la traite des Noirs porte plainte contre Vialatte

La Fondation du mémorial de la traite des noirs a porté plainte contre le député UMP du Var, Jean-Sébastien Vialatte. Ce brave homme avait posté, après les graves incidents qui ont marqué la fête du club de football Paris-Saint-Germain, un tweet qui a enflammé immédiatement le réseau social, et dans lequel il écrivait :

Les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves ils ont des excuses. #Taubira va leur donner une compensation !

Le tweet faisaint bien entendu allusion au souhait de Christiane Taubira, garde des sceaux, de donner des compensations foncières aux descendants d’esclaves.

Le député a assez rapidement effacé son tweet, mais trop tard cependant : les copies d’écran se sont diffusés très rapidement sur la toile.

La Fondation du mémorial écrit : « Trois jours après la 8è commémoration de la traite des noirs et de l’esclavage en France, ces propos constituent une insulte inacceptable à la mémoire des victimes de la traite des noirs et de l’esclavage mais aussi constituent une incitation à la haine et à la discrimination raciale au moment où le pays a besoin d’unité devant les enjeux économiques et sociaux dévastateurs ».

La fondation ajoute : « En s’attaquant à la mémoire des millions de Français descendants d’esclaves, à l’identité des millions d’étrangers issus de territoires mis en coupe réglée pendant 350 ans, au crime contre l’humanité que la République a décidé de nommer par la loi Taubira de 2001, le député Vialatte franchit une ligne rouge inacceptable pour un représentant du peuple français et l’image de la Nation. La Fédération du mémorial de la traite des noirs a décidé de porter plainte contre le député Jean-Sébastien Vialatte pour fausses accusations, diffamation et incitation à la haine raciale. Une plainte sera déposée au procureur de la République du Var, au président de l’UMP, ainsi qu’au président de l’Assemblée nationale et au Président de la République » (source : Nice-matin).

Le député de son côté a déclaré qu’il regrettait ce tweet « maladroit », mais la seule « maladresse » qu’il reconnaisse est d’avoir fait un lien entre deux événements : la déclaration de Christiane Taubira et les incidents liés au matche. Lire aussi sur le site de la section LDH de Toulon.
Ce « dérapage » ( ?) s’ajoute à tous ceux auxquels on assiste depuis le mois de septembre avec les débats autour de la loi sur le mariage des couples de même sexe. Pendant ce temps-là, Mme Boutin a une nouvelle fois affiché sa délicatesse, et postant un tweet dans lequel elle s’interroge sur la démarche de l’actrice Angélina Jolie qui a choisi l’ablation des deux seins en raison d’une anomalie génétique qui la rendait  susceptible d’être victime d’un cancer : « pour ressembler aux hommes ? Rire ! si ce n’était triste à pleurer »…

 

La Ligue des droits de l’Homme soutient le film « Entrée du personnel » de Manuela Frésil

Nous avions annoncé sur ce site la sortie en salle du film de Manuela Frésil, le 1er mai 2013, et en avions dit tout le bien que nous en pensions : « Entrée du personnel » avait été projeté à Saint-Barnabé en novembre 2012, en présence de sa réalisatrice, et le débat qui avait suivi la projection avait été passionnant, grâce notamment à la présence de nombreux salariés d’abattoirs industriels. C’est donc avec beaucoup de plaisir que nous venons d’apprendre que la Ligue des droits de l’Homme soutient officiellement ce film. Voici la critique qu’elle en fait :

Si l’on pense qu’en France les conditions du travail à la chaine n’ont plus rien à voir avec ce que décrivait Charlie Chaplin dans Les temps modernes, il faut aller voir Entrée du personnel.

Au départ du projet de Manuela Frésil il y a eu la volonté de connaître les procédures de l’industrie agro-alimentaire de transformation des animaux en viande proposée aux consommateurs, et la visite sidérante du plus grand abattoir industriel de Bretagne. Au-delà de cette sidération ce qui l’a émue c’est le sort des travailleurs qu’elle a décidé de raconter. Témoigner de leurs conditions de travail aurait certainement nuit aux salarié-e-s. Manuela Frésil a donc filmé les images de ces grands abattoirs industriels, accompagnée par des cadres. Les voix off qui racontent sont celles de comédiens mais les propos sont ceux des salariés rencontrés dans les locaux syndicaux.

Au-delà des images qui donnent la nausée : cadavres d’animaux sanguinolents pendus à des crocs, vaches dépecées, porcs coupés en deux à la « tronçonneuse », poulets s’abattant dans des bacs à un rythme soutenu pour être découpés ou ficelés et emballés, l’enjeu de ce documentaire est bien la question des conditions de travail de ces hommes et de ces femmes, « emballés » eux-mêmes dans leurs tenues blanches. Il montre comment le geste de tuer, dépecer, couper, désosser, répété à longueur de journée use leur propre corps.

Pendant huit heures ils font les mêmes gestes et peu importe que les corps en souffrent, l’important c’est le rendement : 800 porcs tués à l’heure, un toutes les quatre secondes et demi, 7 000 par jour, 1 500 000 par an. Un ouvrier saigneur tranchera d’un coup de couteau 3 500 carotides au cours de sa journée de travail.

Sur la chaîne, chaque nouvelle machine fait espérer une amélioration, mais au lieu de soulager elle détruit un peu plus les corps, la direction augmentant les cadences pour rentabiliser l’investissement. S’engage alors un cycle infernal : produire plus, trouver plus de clients, vendre moins cher, la variable d’ajustement étant l’ouvrier soumis à ces cadences démentes. Les corps souffrent, les ouvriers tombent malades plus souvent et plus rapidement que dans d’autres secteurs industriels. Peu importe, la crise fournit rapidement de la « chair fraîche », ainsi que sont désignés les intérimaires par un dirigeant.

Paroles d’ouvrier-e-s :

« On a mal le jour, on a mal la nuit, on a mal tout le temps.

On tient quand même, jusqu’au jour où l’on ne tient plus.

C’est les articulations qui lâchent. Les nerfs qui lâchent.

Alors l’usine vous licencie.

On ne peut pas imaginer comment travailler, ça pourrait être pire… 

La retraite, oui, on aimerait bien en profiter au moins deux ans. »

Si, dans Les temps modernes, Charlot pouvait « arrêter le bouton » et partir, aujourd’hui la mécanisation n’a pas forcement apporté la libération ou l’amélioration des conditions de travail aux ouvrier-e-s, surtout quand la rentabilité est le seul moteur des industriels.

 

Entrée du personnel

Film documentaire, 2011 – sorti en salles le 1er mai 2013

Durée : 59 mn

Réalisation : Manuela Frésil

Production : Ad Libitum

Distribution : Shellac

Retrouvez ci-dessous la programmation du film dans votre ville :

Rendez-vous publics

Paris / Espace Saint-Michel

vendredi 10 mai à 20h10 : projection-débat avec Manuela Frésil

et Dominique Lanoë (ergonome, expert auprès des CHSCT – Comités Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail)

dimanche 12 à 15h40 : rencontre avec Manuela Frésil

Montreuil / Le Méliès / mardi 14 mai à 20h30 : rencontre avec Manuela Frési

Programmation
Avignon, Utopia : mer. 15h15, jeu. 16h30, ven. 20h30, sam 13h40, dim. 14h10, lun. 19h30, mar. 13h45
Caen, Le Lux : jeu. 18h15, ven. 18h30, sam. 14h30, lun. 20h15, mar. 20h30

Dijon, L’Eldorado : tlj à 16h

Montpellier, Le Diagonal : ven., mar. à 18h, lun. 14h
Montreuil, Le Méliès : mer. 21h15, jeu., ven. à 18h30, sam., dim. à 18h15, lun. 18h30, mar. 20h30
Nantes, Katorza : tlj à 18h45 sf jeudi

Orléans, Les Carmes : tlj à 18h10

Paris, Espace Saint-Michel : tlj (sauf vend.) à 12h05, 15h40, 18h35, 21h30 ; vend. 13h05, 14h45, 20h10

MK2 Beaubourg : tlj à 11h20
Saint-Etienne, Le Méliès : ven. 19h, dim. 21h15, lun. 12h15, mar. 19h
Toulouse, Cinéma Utopia : mer. 11h, ven. 19h50, sam. 16h20, lun. 16h20, mar. 11h

Tours, Le Studio : tlj à 16h sf sauf lun.et mar.

Contact : Philippe Hagué, philippe.hague@gmail.com

Squat de Lyon, Médecins du monde : « Protéger les plus précaires plutôt que les précariser »

Trois personnes mortes dans l’incendie d’un squat à Lyon… Un squat occupé par des Rroms, à qui on avait coupé le courant quelques jours plus tôt. Ils ont utilisé des bougies. Le feu s’est déclenché.

Manuel Valls, qui s’est rendu sur les lieux du drame (il était à Lyon pour parler des zone de sécurité prioritaires) n’a rien trouvé d’autre à dire que ceci : « ce drame conforte notre politique » (source, Libération) . Ce qui dans sa bouche, signifie que cela conforte sa politique de démantèlement des camps Rroms.

Ce n’est évidemment pas l’avis des associations. Ainsi, Médecins du monde, qui accompagne les Rroms, a-t-il publié un communiqué intitulé : « Squat à Lyon : protéger les plus faibles plutôt que les précariser ». On est tous pour la disparition de ces camps, insalubres, dangereux, inhumains, ignobles. Mais à une condition : c’est que, comme le stipule la circulaire parue cet été, des solutions alternatives soient simultanément proposées aux personnes expulsées. Ce qui est loin d’être le cas…

Voici le communiqué publié par Médecins du monde :

A Lyon, un incendie s’est déclaré la nuit dernière dans un squat où vivaient environ 200 personnes en majorité Roms. Le bilan provisoire fait état de trois morts dont un enfant. Face à cette tragédie, Médecins du Monde rappelle que l’urgence n’est pas d’expulser mais bien de protéger les personnes les plus précaires et trouver des solutions de logement pérennes comme le prévoit la circulaire du 26 août 2012.

Situé dans le 8ème arrondissement de Lyon, le camp abritait environ 200 personnes dont beaucoup d’enfants. L’incendie a entrainé la mort d’au moins deux femmes et un enfant. Médecins du Monde y réalise des consultations médico-sociales depuis sa création en octobre 2012. A l’heure actuelle, les équipes de MdM, composées de médecins, d’infirmières et de travailleurs sociaux, sont présentes sur place et apportent un soutien médical et psychologique aux familles.

La situation préoccupante dans ce squat était connue de tous, notamment l’absence d’approvisionnement en eau et de ramassage des ordures. Le coût humain de ce drame témoigne une nouvelle fois de la mise en danger des populations précaires installées dans des bidonvilles et de l’urgence à améliorer leurs conditions de vie comme le prévoit la circulaire du 26 août 2012.

Médecins du Monde, qui doit rencontrer demain le Premier ministre Jean-Marc Ayrault au cours d’une réunion avec Romeurope et le Collectif des Associations Unies (CAU), rappelle que l’urgence n’est pas d’expulser mais bien de protéger les personnes les plus précaires.

 

J’ai jeté ma baleine à la mer, la Saga de Contis : la rentrée de la section LDH Loudéac centre Bretagne

La rentrée 2013 sera active pour la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme : deux manifestations sont déjà prévues.

La première, ça sera une représentation théâtrale, l’après-midi du dimanche 27 octobre, à la salle des fêtes de Plumieux. La troupe de théâtre engagé de Cac Sud 22, Les Poules qui lèvent la tête joueront une de leurs pièces phare, « J’ai jeté ma baleine à la mer ». Une pièce originale à plus d’un titre, née d’une rencontre entre une femme victime de violence conjugale et une troupe de théâtre qui la pousse à raconter son histoire, puis qui la met en scène. La pièce a déjà été jouée de nombreuses fois, et la troupe continue à la jouer : elle sera par exemple à Concarneau au mois de novembre, et il arrive aux acteurs de se déplacer plus loin encore. La représentation du 27 octobre sera suivie d’un débat, avec des spécialistes des violences conjugales, un sujet qui est malheureusement toujours d’actualité.  L’histoire a aussi été publiée par les éditions Récits, de Jérôme Lucas. Vous pouvez voir faire une idée de l’atmosphère de la pièce et de l’originalité de la mise en scène en regardant la vidéo bande annonce (cliquer sur la miniature).

httpv://youtu.be/8Xb5z_EZC2g

Deuxième rendez-vous, qui promet aussi d’être un grand moment : la section est actuellement en contact Eglantine Stasiecki, programmatrice du film de Xavier Palteau, « la Saga des Contis ». Ce documentaire retrace les mois de lutte des salariés de l’usine Continental, de Compiègne, pour empêcher la fermeture de l’établissement, qui n’était justifiée que par le souci des actionnaires d’augmenter leurs dividendes. La date de la projection ni le lieu ne sont pour le moment fixés : ce sera sans doute au mois de novembre, et cela dépendra de la disponibilité de Xavier Matthieu, qui était délégué du personnel pendant cette lutte, et que nous avons invité pour animer le débat qui suivra la projection. Cette bagarre dure, si elle n’a pas permis de redémarrage de l’usine, a néanmoins abouti à ce que le plan social soit très sensiblement amélioré. On peut avoir des informations sur le site du film. Nous vous informerons évidemment des modalités pratiques de cette soirée dès que nous aurons les informations.

Dernière info, qui réjouira ceux qui ont participé à la première édition : nous reconduirons les Droits en fête en 2014 !

 

Scolarisation des enfants Rroms : la schizophrénie du gouvernement

« Alors que les gendarmes allaient dans les hameaux, chercher les enfants, pour convaincre les parents de les mettre  à l’école, on a aujourd’hui des gendarmes qui détruisent les camps Rroms et qui chassent les enfants, qui les empêchent de venir à l’école. Ce qui est quand-même une situation surprenante ! » (Véroniqe Decker, directrice de l’école élémentaire Marie-Curie à Bobigny (93), membre de l’association Défense de Enfants International).

Cette phrase, Véronique Decker la prononce dans un reportage produit par la Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées (DIHAL). Un organisme gouvernemental. Donc un film produit par un gouvernement capable d’édicter une circulaire rappelant l’obligation faite à l’Etat de scolariser les enfants Rroms au même titre que tous les autres enfants. Et un gouvernement capable, en même temps, de « démanteler » des camps, sans solutions alternatives pour leurs occupants… Ubu n’est pas loin.

Voici le texte d’introduction à cette vidéo, que vous pouvez regarder en cliquant sur la miniature en fin d’article.

Nombre de familles Roms s’attachent a faire en sorte que leurs enfants puisse être scolarisés et maintenir ainsi un pont culturel entre leur communauté et « le reste du monde ». Pourtant, la vie itinérante, le démantèlement régulier des campements et le rejet dont sont objet les communautés sont un lourd handicap dans leur parcours d’intégration. L’école de la République permet de maintenir ou ce créer ce lien social et certaines familles l’ont bien compris.
Avec Véronique Decker directrice de l’école Marie Curie à Bobigny (93) qui est aussi membre de l’association Défense des Enfants International, nous parcourons trois camps à la rencontres des enfants Bulgares et Roumains scolarisé dans son établissement.
Denise, Stivan, Simona, Manuel, David, Samuel, Manuela, Salomon et Sofia témoignent leur joie et leur fierté d’apprendre.
Elle nous rappelle la loi et les principes fondateurs de l’école républicaines : l’école est obligatoire pour tous les enfants français et étrangers âgés de 6 à 16 ans vivant sur le territoire. Elle parle du racisme envers ce peuple et la solution européenne à trouver à cette question.

Suite à la circulaire du ministère de l’Éducation relative à la scolarisation et scolarité des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs. Les communes sont obligé d’inscrire les enfants de 6 à 16 ans même si les parents ne peuvent justifier d’un titre de propriété nationale du 2 octobre 2012
Circulaire du ministère de l’Éducation nationale du 2/10/2012 :
http://www.education.gouv.fr/pid25535…

Il s’agit de montrer des initiatives mises en place par des associations ou des collectivités locales et qui vont dans le sens de l’intégration et à l’encontre des idées reçues en matière d’intégration des populations Roms présentes sur le territoire français. Il s’agit de mettre en lumière que dans leur très grande majorité les Roms sont en demande d’intégration et de sédentarisation, et que des solutions existent et sont à l’œuvre partout en France.

Reportage projeté jeudi 7 mars 2013 à Paris lors du 18ème atelier. DIHAL (Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées) intitulé : Roms, tziganes, gens du voyage : problématique de l’itinérance

Réalisation et montage du reportage : Jérôme Couroucé

httpv://youtu.be/85VHtC6X7zk

Non M. Valls, les Rroms n’ont pas vocation à rester ou retourner en Roumanie !

Le ministre de l’intérieur était ce matin, lundi 6 mai, l’invité de Patrick Cohen, sur France Inter (à écouter ici, à partir de 101’17’’ ). Il a naturellement été interrogé par un auditeur, militant du collectif Romeurope, sur le sort réservé aux Rroms (vous pouvez lire la retranscription de ce dialogue en fin d’article).

Rien de nouveau sous le soleil, Manuel Valls persiste et signe : les Rroms ont vocation à rester en Roumanie, ou à y retourner, et de toute façon ils ne veulent pas s’intégrer. Ils ne seraient donc pas européens ? Alors évidemment, le ministre prend des précautions oratoires : « je n’ai pas dit tous, j’ai dit une partie » ! De la même façon que, quelques minutes plus tard, en réponse à une question d’une auditrice sur la violence en Corse, il a déclaré que « la violence est enracinée dans la culture corse »…

Manuel Vals pourrait utilement lire le bel article paru dans Ouest-France, en dernière page, le 2 mai dernier, (à lire ici) sur une jeune femme Rrom, Anina Ciuciu, ex-mendiante, et qui termine sa formation de magistrate. Métier qu’elle ne pourra exercer que si la République daigne lui accorder la nationalité française : a-t-elle, elle aussi, vocation à retourner en Roumanie ?

Manuel Valls pourrait tout aussi utilement regarder la vidéo de la table ronde que nous avons consacrée à la scolarisation des enfants Rroms et du voyage pendant les Droits en fête à La Motte. Il aurait beaucoup de choses à apprendre de la remarquable intervention de Jean-Pierre Dacheux. (Cliquer sur l’image pour voir la vidéo).

httpv://youtu.be/EyLjjhEBY1k

Pour le ministre, il y a « les » Rroms. Un ensemble compact, sans individus. Cela rappelle un des points dénoncés par Jean-Pierre Dacheux dans cette vidéo. Il évoquait l’expression « gens du voyage », qui est l’expression officielle, administrative, pour désigner les personnes non sédentaires. Et voilà ce qu’il en dit : « essayez de mettre cette expression au singulier : un gen du voyage. Ça ne fonctionne pas. Essayez de la mettre au féminin : une gen du voyage. Ça ne fonctionne pas non plus ». Cela veut tout simplement dire que les personnes non sédentaires ne sont plus des personnes, ils ne sont plus des individus, ils sont des gens. Et donc à traiter globalement.

Retranscription de la conversation entre l’auditeur et le ministre.

L’autiteur, Charlie : Lettre de François Hollande au collectif Romeurope, du 25 mars 2012 : « en ce qui concerne la situation des Rroms aujourd’hui, sur notre territoire, ma préoccupation est aussi la vôtre, la situation de ces femmes, de ces enfants, de ces hommes qui vivent dans des campements insalubres n’est pas acceptable. Je souhaite que quand un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution, cela les conduit à aller s’installer ailleurs, dans des conditions qui ne sont pas meilleures ». Alors moi personnellement, je considère que cette promesse n’a pas été respectée, et que c’est vrai qu’il y a quelques solutions qui ont été trouvées, mais ça ne représente rien et rappelez-vous aussi que les expulsions ont été plus nombreuses que sous l’ancienne majorité.

M. Valls. Bonjour Monsieur, c’est un dossier difficile. Mais l’engagement de François Hollande est tenu et d’abord parce que nous devons trouver des solutions au niveau européen. Je me suis moi-même rendu en Roumanie, parce que c’est là où il faut trouver une solution, parce que les Rroms ont vocation à rester ou à retourner en Roumanie, à condition qu’évidemment les politiques d’intégration dans ce pays soient menées. C’est la volonté des autorités roumaines qui doivent  être aidées par l’union européenne. François Hollande dans ce courrier disait que ces situations sont inacceptables. C’est vrai, et moi je ne peux pas accepter que des familles vivent dans des campements de ce type, dans des conditions de sécurité, d’insécurité, d’insalubrité qui sont tout à fait insupportables. Donc il faut démanteler ces campements, il faut trouver des solutions au niveau européen, par des reconduites aussi à la frontière, et des solutions à travers l’insertion, par le logement, par le travail, par l’école. C’est difficile, c’est long, cela doit se faire sans stigmatisation des populations mais aussi avec fermeté.

Patrick Cohen. Pourquoi avoir dit que les occupants de ces camps ne souhaitent pas s’intégrer en France pour des raisons culturelles ?

M. Valls. Mais c’est le cas, là aussi il faut regarder cette réalité. Beaucoup de ces personnes, de ces familles, sont sous l’emprise parfois d’un certain nombre de réseaux, soit de réseaux familiaux, soit de réseaux mafieux, et c’est cette réalité aussi.

P. Cohen. Tous les occupants des camps ?

M. Valls. Non je n’ai pas dit cela, j’ai dit une partie

P. Cohen. C‘est la phrase qui a été reproduite dans le Figaro

P. Cohen. Bien sûr le Figaro… Je dis tout simplement, dans ces campements il y a des solutions très différentes, et il faut les traiter au cas par cas, à la fois avec le sens humain qui s’impose,  mais aussi avec l’application des règles de la république.

Le ministre de l’intérieur estime qu’il « faut réformer un système d’asile à bout de souffle »

Dans un entretien accordé au journal Le Monde, le ministre de l’Intérieur indique qu’il « faut régormer un système d’asile à bout de souffle ». ça, tout le monde est d’accord pour le reconnaître.

Parmi les réformes qu’il annonce, il en est de bonnes : le racourcissement du délai de traitement des demandes, par exemple : « Nous allons (…) simplifier toutes les étapes, de la domiciliation jusqu’à l’accueil en préfecture. Il faut aussi diminuer le nombre d’acteurs », indique le ministre, qui souhaite améliorer « la qualité de l’accueil, l’hébergement, l’accessibilité de la procédure ». Et il ajoute : il faut être « plus directif pour imposer aux demandeurs d’asile d’aller dans des régions moins surchargées ».

Manuel Valls évoque naturellement la hausse du nombre de demandes d’asile : 61000 en 2012, ce qui place la France en deuxième position des pays européens, derrière l’Allemagne (elle était en 2011 en première position. Mais ce que le ministre ne dit pas, c’est qu’en France,   il y a 865 demandes d’asile par million d’habitants, ce qui classe le pays en 7ème position, derrière la Belgique (2925), Chypre (4200), Malte (4525), l’Autriche (1715), la Suède (3150), et même en 10ème position si on tient compte du Liechtenstein (2075), de la Norvège (1930) et de la Suisse (3005) (voir tableau Eurostat ici).

Après avoir rappelé, pour mettre les défenseurs des droits de son côté, que « c’est l’honneur de la France de protéger ceux qui, sans son aide, seraient en grand danger », le ministre annonce la couleur : « il faut une action déterminée sur les déboutés (du droit d’asile). Je serai intransigeant sur ce point ». Quand on sait dans quelles conditions les dossiers des demandeurs d’asile sont traités par l’OFPRA, on peut être inquiet… D’autant plus que le ministre ajoute : « la procédure devant la CNDA (Cour nationale du droit d’asile) sera profondément revue par un décret publié avant l’été ». Dans le sens d’une plus grande fermeté, sans doute.

Ce n’est pas l’annonce d’une consultation des associations de défenses des demandeurs d’asile qui va nous rassurer : elles ont déjà été reçues par le ministre, et on connaît le résultat. Aujourd’hui encore, une mère de famille est sans logement, avec ses quatre enfants, à Saint-Brieuc…

 

« La République en souffrance », par Pierre Tartakowsky, président de la LDH

Pierre Tartakowky, au congrès de la LDH, à Reims, en 2011

Dans son éditorial publié dans le dernier numéro de la revue mensuelle de la Ligue des droits de l’Homme, « LDH info », Pierre Tartakowsky, président de la Ligue, revient sur la parution de sa publication annuelle sur « l’état des droits de l’Homme  en France », intitulée cette année « La République en souffrance », et explique combien ce titre est justifié par l’actualité politique. Nul doute que ceci sera au centre des débats du 87ème congrès de la Ligue des droits de l’Homme, qui se tiendra à Niort, les 18, 19 et 20 mai prochains.

Editorial de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme

« Dans ce contexte, qui incite bien des observateurs à faire référence aux années 1930, est-il possible de conjurer les catastrophes annoncées ? C’est en tout cas nécessaire car à défaut de changements structurels et culturels forts, c’est le pire, déjà en embuscade, qui l’emportera. Mais surtout, c’est possible à condition de tenir les promesses du changement. Maintenant. » Le propos introduit à notre Etat des droits de l’Homme en France 2013. En l’intitulant  « La République en souffrance », notre volonté était de mettre l’accent sur les maux qui accablent le pays — du chômage au malaise démocratique — et sur l’attente, qui, de mois en mois, se transforme en impatience, en frustration, voire en colère.

L’affaire Cahuzac, avec son cortège de révélations ahurissantes et de questions qui ne le sont pas moins, a jeté une lumière cruelle sur un petit monde d’accointances et de renvois d’ascenseurs, un univers où les limites entre corruption et honnêteté sont abolies par l‘usage d’un entre soi élitiste et délétère. Cette catastrophe démocratique vient ajouter à un air du temps détestable tissé de soupçons tous azimuts, d’amalgames accusateurs vis-à-vis des élus, de mise en doute de la réalité d’un intérêt général. Bref, elle nourrit un désenchantement démocratique au moment même où la démocratie, comme la République, reste en souffrance.

On ne peut évidemment pas ignorer le poids de la crise financière qui pèse sur les gouvernements, et les prend dans l’étau de la dette. Mais avoir confié la gestion de l’austérité à un homme dont tout l’itinéraire attestait qu’il n’avait de la chose qu’une connaissance par ouï-dire relève à tout le moins d’une grave erreur de jugement. Face à cette crise, face à des puissances d’argent mondialisées, les peuples attendent une vision, un cap et des décisions. Ils veulent être associés à la définition de la première, pouvoir valider le deuxième et être consultés sur les dernières. Il semble, au vu du comportement de l’exécutif, que ce soit trop demander…

Les grands débats qui auraient pu contribuer à assainir le paysage idéologique n’ont pas eu lieu ; les tensions qui surgissent entre l’exécutif et la représentation parlementaire renvoient à une brutalisation du débat public, qui renforce un certain affolement et restera loin du compte des attentes dans le domaine social. La méthode, ici, renvoie à un fond mal assumé et à une absence de vision à partager.

La droite ne s’y est pas trompée. Se saisissant de l’opportunité du mariage pour tous, elle a réussi à mobiliser, occuper l’espace public, engager une recomposition de ses lignes de force internes en enrôlant sous sa bannière morale, éthique et « défense des familles », là ou il n’y a que calculs politiciens, stratégie de violence visant a mettre a bas la légitimité parlementaire, et qu’expression de l’homophobie à l’état brut, c’est le cas de le dire.

Force est de constater que la situation est aussi grave que confuse. La descente aux enfers dans les sondages du couple exécutif, les bruits de remaniement gouvernemental, les tensions perceptibles au sein de la majorité, la volonté réaffirmée du Président, malgré de nombreuses mises en garde, de s‘en tenir à une ligne d’austérité, alors même que celle-ci est indirectement mise en cause par le premier secrétaire du PS, tout cela renvoie a une cacophonie plus que préoccupante pour l’avenir.

D’autant qu’en ces moments de tension, le réflexe premier des gouvernements est de serrer les rangs autour d’affirmations martiales et d’hommes supposés forts. Ni la démocratie ni le progrès social n’y trouvent leur compte. Il se confirme décidément que dans ce moment de gestion post démocratique tel que l’ont expérimenté la Grèce, Chypre, l’Italie, la démocratie est bel et bien un enjeu, à redéfinir, en urgence. Partout en Europe, les citoyens sont exaspères de se voir renvoyer à la lettre de la démocratie, au détriment du sens dont elle est porteuse. Les défis contemporains appellent qu’on l’investisse de sa vraie nature, celle d’une finalité passant par la définition de l’intérêt général, par une représentativité pleine, entière et ouverte aux débats, acceptant les contradictions sociales et faisant des choix. Cela suppose le courage politique d’affronter cet adversaire « sans nom et sans visage, sans parti, […] qui ne présentera jamais sa candidature », que fustigeait le candidat François Hollande dans son discours du Bourget.

Pour ce qui la concerne, la LDH voit dans cette phase politique désolante et à hauts risques la confirmation du bien-fondé des propositions qu’elle avait portées dans la campagne présidentielle, sur l’importance du débat public, de la réaffirmation offensive des droits — on pense au droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers — et des libertés. Il s’agissait d‘aller au débat et d’affronter idées fausses et vrais adversaires. En s’enfermant dans une posture de gestionnaire sourcilleux, le gouvernement a sans doute cru qu’il rassemblerait et ferait consensus. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est raté. Le pire que l’on puisse craindre, c’est qu’il s’entête à privilégier d‘autres thèmes rassembleurs, au détriment de leurs contenus social et démocratique.

 

Saint-Brieuc : rassemblement de soutien à une demandeuse d’asile à la rue avec ses quatre enfants

Mme Satabaeva et ses 4 enfants, demandeurs d’asile, après avoir été logés, puis mis à la rue, puis hébergés à l’hôtel grâce aux dons collectés par le collectif contre le racisme et pour la solidarité, a été ensuite hébergée par la mairie de Trégueux jusqu’au 30 avril 2013. Le collectif remercie chaleureusement cette municipalité (de gauche) d’avoir reçu pendant un mois cette maman avec ses 4 enfants de 8 à 14 ans.

Malheureusement, le 30 avril la mairie a dû récupérer le logement, cette famille allait donc se trouver une nouvelle fois à la rue.

L’État refuse de les prendre en charge, et ceci malgré l’arrêt que vient de rendre le Conseil d’État (lire ici), qui indique que les demandeurs d’asile relevant de la procédure « Dublin 2 » ont le droit de toucher l’allocation temporaire d’attente (ATA).

Les 2 petites filles sont scolarisées à l’école de la Croix Rouge, cela se passe bien, les 2 garçons rentrent au collège à la rentrée.

Le collectif a pu exprimer son indignation pendant la manifestation du 1er mai. Et il organise un rassemblement ce vendredi 3 mai, devant la préfecture, à 17h30, pour tenter de faire respecter la loi.

Rappelons que le règlement européen (CE)  n°343/2003, directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile  dispose que « Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile aient accès aux conditions matérielles d’accueil lorsqu’ils introduisent leur demande d’asile et prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs. ». Et que, de son côté, le Conseil d’État (CE, 16 juin 2008, n°300636) conclut qu’il en résulte un droit pour les demandeurs d’asile à «  bénéficier de conditions matérielles d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, ainsi qu’une allocation journalière » et ce « quelle que soit la procédure d’examen de leur demande ».