« Contrôles au faciès » : le ministre recevra des membres du collectif

La situation serait-elle en train d’évoluer, concernant les « contrôles au faciès » ? C’est en tout cas l’espoir que nourrit le collectif « Stop les contrôles au faciès », après la petite phrase que le ministre de l’intérieur a prononcée à l’ambassade des Etats-Unis, le 7 novembre dernier, à l’occasion de la réélection du président Obama. Alors qu’un des invités, s’adressant à Manuel Valls, lui rappelle que Barack Obama est très engagé dans la lutte contre le contrôle au faciès, le ministre de l’intéreur a répondu : « Oui, je le sais, c’est aussi une priorité pour nous ». Et il s’est ensuite engagé à recevoir personnellement des membres du collectif, qui mène son combat en lien étroit avec la Ligue des droits de l’Homme. Le collectif a aussitôt publié un communiqué, pour prendre publiquement le ministre au mot :
« Vous savez, Barack Obama est très engagé dans la lutte contre le contrôle au faciès M. Valls ». « Oui, je le sais, c’est une priorité pour nous aussi ». C’est à la résidence de l’Ambassadeur des Etats-Unis, le 7 novembre, à l’occasion du petit déjeuner célébrant la réélection de Barack Obama, que Manuel Valls s’est engagé à recevoir personnellement les membres du Collectif contre le contrôle au faciès, déjà entendus par le cabinet du Ministre en juillet dernier, auprès de Franco Lollia, porte parole du Collectif.
Après la Ministre à l’Egalité des Territoires, qui a affirmé sur le Grand Journal le 31 octobre son soutien à l’expérimentation de la politique du reçu, et le Défenseur des Droits Dauminique Baudis qui l’a défendue le 6 novembre au Sénat, c’est donc certain : cette fois-ci, Manuel Valls est enfin prêt à enclencher une réelle discussion sur le contrôle au faciès et les mesures qui peuvent y remédier. Il y a plusieurs semaines, le Ministre avait préconisé le retour du matricule sur les uniformes, considérant qu’une politique de reçu contrôle d’identité représentait une « tracasserie supplémentaire ». « Mais cela ne répond pas à la proposition 30, qui est de lutter contre le contrôle au faciès » lui a rappelé Sihame Assbague porte parole du Collectif. C’est pour y répondre que Manuel Valls a proposé une rencontre de fond avec les parties prenantes du dossier.
Alors qu’une proposition de loi en faveur d’une politique de reçu du contrôle d’identité a été déposée en octobre par un sénateur de la nouvelle formation politique du Centre, l’UDI et que le Front de Gauche, par le biais de la sénatrice Eliane Assassi, travaille minutieusement sur ce sujet, une audition du collectif par le groupe EELV se prépare à l’Assemblée Nationale. Malgré le soutien de nombreux parlementaires et l’intérêt de ministres socialistes – Stéphane Le Foll et Arnaud de Montebourg, présents au petit déjeuner, ont également accepté de rencontrer le Collectif dans les prochaines semaines – le Parti Socialiste pourtant à l’origine de la reprise de la proposition du reçu reste à la traîne. À droite, des échanges constructifs ont permis d’éclaircir un certain nombre d’incompréhensions et de balayer les idées reçues. Jean-Pierre Raffarin a ainsi souligné « la responsabilisation » que permettrait un tel outil…et invité le collectif à le contacter au Sénat. Ce qu’il ne manquera pas de faire.

Commission « Jospin » : pour la Ligue des droits de l’Homme, « l’urgence démocratique commande plus et mieux »

La commission « sur la rénovation et la déontologie de la vie publique » a remis son rapport au président de la République. La Ligue des droits de l’Homme se devait d’être attentive aux conclusions et aux préconisations de cette commission. Il en va en effet de la santé de la démocratie, que de nombreux symptômes permettent de mesurer la fragilité : augmentation continue de l’abstention, montée de l’antiparlementarisme, désintérêt inquiétant de certaines couches de la population pour la chose publique, situation inquiétante du service public dans certains domaines et dans certaines zones géographiques.
La Ligue a donc lu attentivement le rapport remis par Lionel Jospin au président de la République, et a publié son analyse : pour elle, « l’urgence démocratique commande plus et mieux. Lire aussi sur le site national de la Ligue des droits de l’Homme. Le rapport complet est téléchargeable ici.
Communiqué LDH
La Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique vient de rendre son rapport, qui doit alimenter la préparation d’un projet de révision de la Constitution pour le début de l’année 2013.
On y retrouve une part importante des engagements pris en la matière par le candidat François Hollande : responsabilité pénale du président de la République pour les actes détachables de ses fonctions, interdiction des cumuls entre mandat parlementaire et fonctions exécutives locales, renforcement des sanctions financières en cas de non-respect de la parité, instillation d’une dose de représentation proportionnelle dans le mode d’élection des députés. À quoi s’ajoutent des propositions concernant le « parrainage citoyen » des candidats à la présidentielle, la suppression de la Cour de justice de la République, la prévention des conflits d’intérêts, etc.
La plupart de ces propositions constituent des avancées non négligeables ; celle qui concerne le cumul des mandats touche même à un des vices essentiels du système politique français. Mais l’ensemble reste bien limité au regard de la mission de « rénovation de la vie publique », et surtout les silences et les lacunes pèsent fort lourd dans la balance.
Que vont devenir les engagements du candidat sur l’indépendance de la justice, sur l’indépendance des médias, sur l’inéligibilité des élus condamnés pour corruption, et surtout sur le droit de vote des étrangers aux élections locales, promesse non tenue depuis plus de trente ans ? Comment traiter de la rénovation de la vie publique en faisant l’impasse sur la séparation des pouvoirs et sur l’élargissement de la citoyenneté ?
La crise de confiance dans l’efficacité du politique et dans l’effectivité démocratique, manifestement sous-estimée par la Commission, doit être traitée à la mesure de sa gravité. Cela suppose au moins que les promesses faites devant les électeurs soient tenues lorsqu’aucune contrainte extérieure ne l’empêche. Cela exige une démocratisation significative des institutions de la Ve République, qu’il s’agisse du droit de vote, de la démocratie participative ou des contrepouvoirs.
Cela doit conduire enfin à soumettre le projet de révision de la Constitution, après son examen par les deux assemblées parlementaires, à l’approbation du peuple souverain : aucune avancée démocratique sérieuse ne peut passer par un nouvel escamotage du référendum comme procédure de décision sur ces sujets essentiels. La Ligue des droits de l’Homme appelle les acteurs politiques de la révision de la Constitution, et singulièrement le président de la République, à faire plus sur le fond, et mieux sur la méthode démocratique, pour ne pas creuser davantage encore le fossé entre les pouvoirs et les citoyens.
Paris, le 10 novembre 2012.

Rennes : situation inquiétante pour cinq familles de demandeurs d’asile

Le Réseau éducation sans frontière alerte sur la situation de cinq familles de demandeurs d’asile à Rennes. Le point.

Après les familles Balasanov (http://www.educationsansfrontieres.org/article44889.html, et http://www.ldh-france.org/section/loudeac/2012/11/05/un-jeune-demandeur-dasile-ecrit-au-prefet-dile-et-vilaine/) et Sélimi (http://www.educationsansfrontieres.org/article43502.html), la Préfecture a fait expulser trois nouvelles familles du CADA pour les assigner à résidence à l’hôtel Colombier à Rennes :

  • La famille Bayar : http://www.educationsansfrontieres.org/article45129.html.
  • La famille M. (Daghestan). Une femme seule avec deux fils majeurs, dont un scolarisé au lycée Jean Macé.
  • La famille M.(Arménie). Un couple avec deux enfants dont un scolarisé à l’école maternelle de Bain de Bretagne. « Cette famille n’ayant plus aucun droit sur le territoire, la scolarisation des enfants n’a pas à être prise en compte, ce débat est purgé ! » propos tenus par le représentant de la préfecture lors de l’audience au tribunal administratif le 2 novembre pour la famille M. (Arménie).

Signez les pétitions de soutien !

  • Famille Balasanov : elle a quitté l’hôtel. Elle vit maintenant cachée depuis le 24 octobre, date à laquelle le consulat leur a délivré un laissez-passer. Plusieurs élus sont intervenus auprès de la Préfecture, sans succès.
  • Famille Sélimi : Monsieur Sélimi a réussi à retirer un dossier médical pour une demande de titre santé. Pas de rendez-vous consulaire car le pays de renvoi a été annulé pour Monsieur.
  • Famille Bayar : audience au tribunal administratif le 8 novembre. Mis en délibéré au 22 novembre. Madame Bayar vit seule avec ses trois jeunes enfants, dont un scolarisé à l’école de l’Ille à Rennes, suite à des violences conjugales subies lorsqu’elle était au CADA.
  • Famille M. (Daghestan) : Femme seule (veuve) avec ses deux fils majeurs dont un scolarisé en classe de seconde au lycée Jean-Macé. Audience au tribunal administratif le 8 novembre, mis en délibéré le 22 novembre.
  • Famille M (Arménie) : Couple avec deux enfants dont un scolarisé à l’école maternelle de Bain de Bretagne. L’assignation à résidence a été annulée aujourd’hui par le tribunal administratif, mais la Préfecture a obtenu les laissez-passer pour les renvoyer en Arménie… Ils quittent l’hôtel ce soir, mais le risque d’expulsion demeure.

 

Le Sénat remplace la garde à vue des sans-papiers par une « retenue »…

Après que la garde à vue des sans-papiers ait été déclarée illégale par le Conseil d’État, le ministre de l’intérieur n’a eu de cesse de trouver une parade.

C’est fait, et le Sénat a approuvé l’amendement proposé par le ministre. Il s’agit de la création d’une « retenue » d’une durée maximum de 16h. L’association France Terre d’Asile a immédiatement réagi : « France terre d’asile prend acte de l’adoption par le Sénat du projet de loi sur la mise en place d’un régime de retenue pour vérification du droit au séjour des ressortissants étrangers présents sur le territoire français ». Et l’association se désole du manque d’ambition du texte : « une si petite réforme… », dit-elle.

Que peut-on reprocher à ce texte ? Certes, il y a des progrès, que FTA reconnaît : « Si nous regrettons la mise en place d’un dispositif de retenue d’exception pour les étrangers, dès lors qu’il existe, l’important réside dans les garanties dont peuvent bénéficier les retenus : accès aux associations, à un avocat, remise du dossier de procédure aux étrangers, relevé d’empreintes non automatique… ». Mais, souligne l’association, « cette modification ne doit pas masquer le manque d’ambition de ce texte, sans un mot sur la durée de rétention, sur le maintien en l’état du nombre de places de rétention, sur le rétablissement de l’intervention du juge des libertés au bout de 48 heures, sur la recherche d’alternatives à la rétention. Ce sont pourtant ces éléments là qui permettraient de modifier l’architecture de la politique d’éloignement des étrangers construite précédemment. Au nom de l’efficacité budgétaire, sécuritaire et du respect des droits fondamentaux, c’est un débat qui ne peut être évité ».

Finalement, « peu de choses diffèrent avec le régime précédent de la garde à vue si ce n’est le nombre d’heures de retenue ».

Et peu de choses diffèrent entre la politique menée par le ministre de l’intérieur et celle de ses prédécesseurs.

Bilan, au bout de 6 mois. Le ministre de l’intérieur a

  • Renoncé au récépissé délivré par les forces de l’ordre après tout contrôle d’identité, pour faire disparaître les contrôles abusifs « au faciès » ;
  • Déclaré que le droit de vote et d’éligibilité des étrangers hors communauté européenne n’était pas « une revendication forte de la société » ;
  • Poursuivi, tout en le niant, la politique de stigmatisation des Rroms et le démantèlement brutal des camps, malgré la circulaire interministérielle qu’il venait de signer et qui dénonçait les démantèlements non accompagnés de mesure de relogement ;
  • Poursuivi la politique sécuritaire de ses prédécesseurs, en prétextant de menaces terroristes…

Toutes choses qui valent au ministre les félicitations de Serge Dassaut…

Dans ce domaine, hautement symbolique, le changement, ça n’est pas maintenant !

L’agenda de la section Loudéac centre Bretagne

Dimanche 11 novembre, à 11h, à Mellionnec, cérémonie à la mémoire de François Laurent, soldat « fusillé pour l’exemple » pendant la 1ère guerre mondiale, avec Marie-José Fercoq, maire, le conseil municipal, l’ARAC, l’ANACR, la Libre pensée et la fédération des Côtes d’Armor de la Ligue des droits de l’Homme.

Vendredi 16 novembre, 18h, à Trévé, assemblée générale de la section.

Samedi 17 novembre, à Lorient, journée de formation pour les trésoriers de section, organisée par la délégation Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme.

Sur les origines de la Ligue des droits de l’Homme, par André Hélard

Victor Basch, un des fondateurs de la Ligue des droits de l'Homme, a créé et présidé la section de Rennes.

La section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme présente deux originalités : elle a été la première section créée en province, et elle a été présidée par un de ses créateurs, Victor Basch, qui a été assassiné par la milice de Vichy, le 10 janvier 1944, dans l’Ain, avec son épouse.

Dans le dernier numéro du bulletin de cette section,  André Hélard, qui en est membre, revient sur les origines de cette association, créée en 1898, pendant le procès en appel d’Alfred Dreyfus à Rennes.

« Il y a dans cette affaire Dreyfus, et il y aura longtemps en elle, et peut-être éternellement, une vertu singulière. […] Plus cette affaire est finie, plus il est évident qu’elle ne finira jamais. Plus elle est finie, plus elle prouve. » (Péguy, Notre jeunesse)

Revenir aux origines d’un mouvement, que ce soit un parti politique ou une association, n’est pas forcément du simple ressort de l’archéologie. Cela permet aussi d’éclairer sa raison d’être première, les valeurs au nom desquelles il s’est constitué et les principes selon lesquels il s’est organisé.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer un peu rapidement, la Ligue des droits de l’homme n’est pas née du rassemblement d’hommes partageant sur tout et unanimement une même vision. Ceux qui la fondèrent ne se souciaient «  que » d’être d’accord sur ce qui leur semblait être l’essentiel dans la France d’alors, la France de 1898 et de l’affaire Dreyfus.

Quelques explications, les plus simples possibles, permettent de comprendre ce qui lui conféra ce caractère exemplaire. Fin 1894, un conseil de guerre a condamné le capitaine Dreyfus au bagne à perpétuité pour trahison. Or il est bientôt apparu que Dreyfus a été condamné à la fois illégalement (un dossier contenant de prétendues preuves de sa culpabilité été communiqué a ses juges sans que l’accusé et ses défenseurs en aient eu connaissance, ce qui constitue évidemment une violation majeure du droit), et injustement (puisque il a été établi par le colonel Picquart que le traître n’était pas Dreyfus mais un autre officier, Esterhazy). La simple reconnaissance de la vérité, mais aussi le respect du droit, et la plus élémentaire justice voudraient que le procès de 1894 fût révisé, mais les gouvernements successifs s’y refusent, répétant qu’« il n’y a pas d’affaire Dreyfus ». Parce qu’il leur paraît impossible de reconnaitre que l’Armée ait pu se tromper ou, bien pire, tramer une machination contre un officier innocent, qui n’aurait eu que le tort d’être juif. Et aussi parce qu’ils n’osent s’opposer a une opinion travaillée depuis le début de l’Affaire, au cri souvent répété de « La France aux Français », par une presse d’un antisémitisme exacerbé. C’est au lendemain de l’acquittement d’Esterhazy, le coupable évident, par un autre conseil de guerre, que Zola lance son fameux J’accuse qui amène le gouvernement à l’assigner en justice pour diffamation envers l’Armée.

Et c’est précisément pendant le procès de Zola que s’ébauche la Ligue des droits de l’Homme, en février 1898.

L’ancien garde des sceaux, Ludovic Trarieux, effaré de la manière dont se passe ce procès, en est venu à penser qu’il est nécessaire « de former un groupe, une association, ou une ligue, quelque chose qui serait la sauvegarde des droits individuels, la liberté des citoyens et leur égalité devant la loi. (1) » Le 17 (ou 18) février, pendant une suspension d’audience, il en fait part à quelques hommes qui sont là, comme lui, en tant que témoins de la défense (2).

C’est là le noyau initial, quelques hommes qui, au nom des principes du droit ou de l’idée qu’ils se font de la recherche de la vérité, partagent le même refus du dévoiement de la justice sous prétexte de raison d’État.

Constatant que « tout est sapé, les droits de l’homme, le respect de la justice, enfin tout ce qui fait une société policée, et que nous appelons civilisation », ils se demandent: « Allons-nous rester isolés dans ce désordre qui gagne de proche en proche ? Non! il faut au contraire segrouper […] pour rappeler sans cesse les grands principes démocratiques (3). »

Telle est l’association originelle. Les premiers statuts de ce qui va s’appeler Ligue des droits de l’homme et du citoyen, sont bientôt rédiges. L’article 1er  stipule qu’il s’agit d’une « association destinée à défendre les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de justice énoncés dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 », affirmant avec force la volonté de s’inscrire dans la perspective universaliste de la Révolution française. Mais le plus important, quant à l’esprit, est certainement l’article 3 :

« Elle fait appel à tous ceux qui, sans distinction de croyance religieuse ou d’opinion politique, […] sont convaincus que toutes les formes d’arbitraire et d’intolérance sont une menace à la civilisation et au progrès. » Comme l’a écrit Madeleine Rebérioux, la Ligue est ici clairement définie comme « un creuset ou des énergies d’origines fort diverses purent, sinon fusionner, du moins agir en commun, si fortes étaient en France la référence de l’universalisme de la Révolution française et l’aspiration à maintenir et à renouveler les pratiques citoyennes. »

Sur ces bases, ces précurseurs contactent leurs collegues, leurs relations, à Paris, puis en province, obtenant rapidement nombre d’adhésions individuelles. Début avril, on en compte près de 300. Le 4 juin 1898 peut se tenir l’assemblée générale constitutive de la LDH. Et le 23 décembre la première assemblée générale ordinaire réunit 2000 personnes à Paris, avec sept sections de province «  constituées ou en cours de constitution », dont celle de Rennes (4), représentée par Basch.

Parmi ces premiers ligueurs il y a des intellectuels, savants, universitaires, écrivains, des fonctionnaires, des membres de professions libérales, médecins, avocats, bon nombre de journalistes, et de rares hommes politiques. Des parcours, des statuts sensiblement différents donc. Mais aussi des engagements parfois nettement divergents. À côté de républicains modérés, voire même conservateurs, et libéraux, comme Trarieux ou Reinach, des gens bien plus à gauche et même franchement socialistes et jaurésiens, tels Lucien Herr ou Francis de Pressensé, ou anarchistes comme le fondateur du journal Le Libertaire, Sébastien Faure. Ces caractéristiques de la naissance et des premiers pas de la Ligue au plan national, on les retrouve dans l’histoire de la section de Rennes.

Ici aussi, tout est parti d’une toute petite poignée d’hommes. Cinq professeurs de l’Université, qui dès fin 1897, ont commencé a s’interroger sur le déni de justice dont le capitaine Dreyfus pourrait avoir été victime. Ce sont Jules Andrade, Jules Aubry, Victor Basch, Georges Dottin, Henri Sée, et ils enseignent les mathématiques, le droit, l’allemand, la philologie, l’histoire. Afin de se forger une opinion par eux-mêmes, ils se sont mis, dit Basch, à « suivre de près et à étudier tous les documents qui seraient publiés avec le sévère scrupule que nous apportions à nos recherches scientifiques. » Attitude typique des intellectuels dreyfusards, esprits libres et rationnels pour qui l’esprit d’examen et la raison scientifique fondent la liberté d’opinion contre les prétendues vérités imposées par la raison d’État.

Après J’accuse, ils ont été parmi les signataires des « protestations » plus connues aujourd’hui sous le nom de pétition des intellectuels. Ce qui a fait d’eux la cible d’attaques particulièrement violentes.

Rien d’étonnant donc à ce que, dans les semaines qui suivent la fondation de la Ligue, au printemps 1898, ils y adhèrent à titre individuel, bientôt rejoints par deux nouveaux collègues (pas un de plus…), le chimiste Cavalier et le physicien Weiss. Ce sont eux « les sept » dont Basch dira : « nous étions sept contre soixante-dix mille. » Ce sont eux aussi (5) qui seront à l’origine de la section de Rennes, à moment où la Ligue prend sa dimension nationale. Mais à un moment aussi ou l’antidreyfusisme se fait de plus en plus virulent en dépit ou à cause du naufrage de plus en plus évident de l’accusation, après (entre autres) le démontage complet par Jaurès, dans Les Preuves, de la machination dont Dreyfus a été victime, et surtout après la saisie de la Cour de cassation, qui aboutira à la révision du procès de 1894, et au renvoi de Dreyfus devant le Conseil de guerre de Rennes.

C’est donc dans un climat très tendu que Basch et ses amis se posent cette question, si semblable à celle que se posait Trarieux en février 98 : « Sur qui appuyer notre action ? Comment recruter? » Et c`est en réponse à cette question qu’ils vont effectuer un travail à la fois militant et politique tout à fait remarquable de la part de gens qui n’avaient aucune expérience de l’action militante ou de l’action politique. En témoigne la liste des premiers membres de la section, fondée le 21 janvier 1899 : comme chez les « inventeurs » de la Ligue en 1898, on a là « un creuset d’énergies d’origines fort diverses ». Parmi les universitaires, se côtoyaient sans problème les modérés Aubry, qui a une vision très juridique de l’Affaire, ou Dottin, qui est catholique, et les juifs Basch et Sée qui ne tarderont pas  devenir socialistes. Désormais se sont joints à eux deux francs-maçons, forcément très anticléricaux à l’époque, les deux derniers Vénérables de la Loge La Parfaite Union; le pasteur protestant et deux membres de son conseil presbytéral, deux fonctionnaires que Basch qualifie de « vieux républicains » et cinq ouvriers, dont l’un est le secrétaire de la Bourse du travail, et les autres des leaders du Cercle d’études sociales, la fraction la plus révolutionnaire du modeste mouvement ouvrier rennais.

Ils sont tous représentatifs de courants ou de mouvements que bien des choses peuvent séparer, voire opposer. Mais ce qui les unit en ce moment précis leur a paru plus important que ce qui les sépare. Et lorsque Rennes se verra désignée pour être le théâtre du second procès Dreyfus, en 1899, la section sera bien présente pour jouer, en coulisse mais avec beaucoup d’efficacité, son rôle d’accueil et parfois de protection de quelques-uns des plus célèbres dreyfusards présents à Rennes.

Pour en savoir plus, cf. le numéro spécial (97/98) de Hommes & Libertés, « 1898-1998, Une mémoire pour l’avenir», les nombreux articles dans diverses revues d’E. Naquet, et sa thèse, La Ligue des droits de l’Homme, une association en politique, accessible sur le site spiresciences-po.fr ; sur la section de Rennes, cf. André Hélard, L’honneur d’une ville, La naissance de la section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme, éditions Apogée, Rennes.

1. Selon Jean Psichari, qui raconte avec un peu de recul ce moment crucial, Cité par Emmanuel Naquet.

2. Ce sont surtout des « savants », qui ont témoigné pour dire comme Émile Duclaux, directeur de l’Institut Pasteur : « si, dans les questions scientifiques que nous avons à résoudre, nous dirigions notre instruction comme elle semble l’avoir été en cette affaire, ce serait bien par hasard que nous arriverions à la vérité. »

3. Toujours d’après Psichari

4. Elle se constituera un mois plus tard. Les autres sont celles de Marseille, Lyon, Le Havre, Rouen, Nancy et Orléans.

5. Avec le philosophe Paul Lapie, qui vient d’être nommé à Rennes à la place d’Andrade, mute à Montpellier par mesure disciplinaire.

 

 

Pour la réhabilitation des soldats « Fusillés pour l’exemple » pendant la première guerre mondiale

La fiche militaire de François Laurent, après sa réhabiltation.

Le 11 novembre prochain, la commune de Mellionnec rendra hommage, comme toutes les communes de France, aux victimes et aux soldats de la première guerre mondiale.

Mais elle ne se contentera pas de cela. Comme en 2011, Marie-José Fercoq, maire de Mellionnec, rendra aussi hommage à François Laurent. Un hommage particulier, puisque François Laurent a fait partie de ceux qu’on a appelés les « fusillés pour l’exemple », la plupart du temps victimes de l’arbitraire d’un Etat major incompétent. La Ligue des droits de l’Homme participera à cet hommage, aux côtés de la Libre pensée, l’Association des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR), l’ Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC). Les associations se réuniront devant la mairie de Méllionnec à 11 heures ce 11 novembre 2012, pour descendre en cortège jusqu’au monument aux morts. Les prises de parole au nom de la Réhabilitation devraient se faire à partir de 11h20/11h25.

Il se trouve que le combat pour la réhabilitation des « fusillés pour l’exemple » est un des grands combats de la Ligue des droits de l’Homme, à tel point que, Gilles Manceron, historien spécialiste de la « grande guerre » et de la LDH, n’hésite pas à dire qu’il s’agit, avec l’affaire Dreyfus, de « son second grand combat fondateur ». Un combat qui a débuté dès après la guerre, et qui n’est pas terminé, puisque la réhabilitation officielle par la République de ces hommes n’a toujours pas eu lieu.

Yves Tréguer, de la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes, s’est penché sur l’histoire de ces soldats, et plus précisément celle de deux soldats bretons, Lucien Lechat, et, justement, François Laurent. Voici le résultat de ses recherches, qui a également été publié dans le bulletin de la section de Rennes (novembre 2012).

Fusillés pour l’exemple, par Yves Tréguer, de la section LDH de Rennes.

Déjà la pierre pense, où votre nom s’inscrit
Déjà le souvenir de votre nom s’efface
Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places
Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri

Louis Aragon – « Tu n’en reviendras pas »

 

La proche célébration de l’armistice du 11 novembre 1918, le centième anniversaire à venir en 2014 du déclenchement de la première guerre mondiale vont faire ressurgir la cause des fusillés pour l’exemple, à laquelle la Ligue des droits de l’Homme est liée, à travers ses campagnes contre l’iniquité des décisions des tribunaux militaires et pour la réhabilitation des victimes.

La défense de cette cause a été, on le sait, un des engagements majeurs de la Ligue et même, selon l’expression de Gilles Manceron, « après l’affaire Dreyfus, son second grand combat fondateur ».

Un long travail, avec des victoires sur le plan législatif et judiciaire, qui a permis de rendre justice à quelques dizaines de soldats : c’est le cas, intéressant la Bretagne, de deux soldats, François Laurent, de Mellionnec, exécuté en1914 et celui, plus connu, de Lucien Lechat, l‘un des caporaux de Souain, exécuté en 1915 dont nous allons évoquer la mémoire.

Pour autant, depuis les années 1930, le cas d’autres fusillés ou de victimes d’exécutions sommaires, reste à examiner, et le combat n‘est pas fini aujourd’hui…

Un bref rappel s’impose, pour comprendre le contexte des années 14-15 .C’est en effet dans ces années qu‘ont eu lieu la plupart des 600 exécutions de la Grande Guerre (430 environ), alors que la postérité a surtout retenu la répression des mutineries de 17.

Au début des opérations l’État-major se place dans la perspective d’une guerre courte et elle recherche avant tout une justice sévère et expéditive. Il s‘en donne les moyens en obtenant par les décrets du 2 aout et du 6 septembre 1914 les « conseils de guerre spéciaux» qui permettent de punir de façon exemplaire à l’aide d’une procédure simplifiée, avec des droits de la défense réduits. Pas de possibilité de grâce ou de révision, sentence de mort applicable dans les 24 heures.

On fusillera donc pour l’exemple c’est à dire qu’un soldat pourra être exécuté pour avoir commis un délit précis mais aussi « pour faire un exemple » susceptible de maintenir une obéissance stricte, qui est, on le sait, la force principale des armées.

Le souvenir de 1870 et de la débandade des armées françaises reste un souvenir cuisant. Un certain nombre de cas de peines de mort est prévu dans la réglementation : nous en retiendrons deux qui seront la cause de la condamnation de François Laurent et de Lucien Lechat, la mutilation volontaire et le refus d’obéissance. La condamnation est d’autant plus aisée que selon un historien, cité dans une thèse récente « il existe un décalage entre les théories du soldat-citoyen et les représentations communes des chefs militaires, cette conception des troupiers comme matériau obéissant, silencieux et consommable »(1).

François Laurent.

L’histoire du soldat de Mellionnec n’est pas très connue et n’a pas fait l’objet d’un culte mémoriel, comme celui des caporaux de Souain, que nous aurons l’occasion d’évoquer.

Elle a, en revanche, fourni le sujet d’un texte remarquable de Louis Guilloux, paru dans Vendredi, le 5 juin 1936, en plein triomphe électoral du Front populaire, et moins de 3 ans après la réhabilitation du soldat breton, le 6 décembre 1933. Le texte s’appelle « Douze balles montées en breloque ».On pourrait l‘appeler un texte de fiction documentée, tant, dans sa première partie, il reste proche des faits. Laissons-lui la parole : « Le Bihan était né dans un hameau où on ne  parlait que le breton. Il ne savait pas le français du tout. Le peu qu’il avait appris à l’école, il l’avait oublié entièrement. Il était aussi ignorant qu’on puisse l’être, ce qui ne fût pas arrivé si on l’avait instruit dans sa langue. Il le disait, et ne comprenait pas pourquoi on ne l’avait pas fait, puisque l’institutrice, bretonne comme lui, savait naturellement le breton. Mais il était interdit à l’institutrice de parler le breton à l’école…

Il partit dès le premier jour…

Un matin, le soldat Le Bihan tiraillait derrière un bosquet, quand vint l’ordre de se porter en avant. Comme il s’élançait, une balle lui traversa la main droite de part en part. Il n’en continua pas moins de courir. Mais quand, de nouveau couché par terre, il voulut recommencer à tirer, il ne le put, et le capitaine lui donna l’ordre de rejoindre le poste de secours le plus proche. Il se mit en route et après quelque temps arriva au poste ou il montra sa blessure à un major, qui parut extrêmement intéressé…

Le major lui posa diverses questions, auxquelles Le Bihan ne répondit pas, ne les ayant pas comprises. Le major n’insista pas. D‘une part, il n’avait pas de temps à perdre, et, d’autre part, il avait ses idées arrêtées sur la discipline aux armées, et la manière de la faire observer. Il griffonna quelque chose sur un bout de papier, qu’il remit à Le Bihan, et donna l‘ordre a un planton de le conduire plus loin à l’arrière, ce qui fut fait …. Le Bihan se laissa conduire où l’on voulut …. Or, aussitôt « remis aux autorités » et le billet du major déchiffré, le soldat Le Bihan fut conduit au poteau et fusillé. Accusation : « blessure volontaire à la main droite. »

Le fameux billet du major, qui conduisit à la mort François Laurent, nous l’avons à disposition (2). Il est disponible aux archives des services historiques de l‘armée de Terre (Dossier Laurent, série J, SHAT): il s’agit des célèbres certificats du Dr Buy ,en grande partie pré-rédigés, qui firent exécuter deux autres soldats, réhabilités en1925 et en 1934,ce qui fait dire à Nicolas Offenstadt (3) que « (ces certificats) ne contribuent pas à améliorer cette image de la médecinecmilitaire dans l‘entre-deux-guerres ».

A la suite de l’action d’anciens combattants, le conscrit de Mellionnec est réhabilité, sa famille reçoit la somme de 10.000 francs et la mairie de sa commune refait faire une plaque où le nom de François Laurent figure parmi les noms des morts au champ d’honneur.

Sa fiche consultable sur le site SGA, Mémoire des Hommes, mentionne : mort pour la France le 19 octobre 1914. Genre de mort: fusillé, puis : réhabilité par jugement le 3 décembre 1933.

Les nationalistes bretons font de François Laurent, mort de ne pas avoir pu se défendre en français « la victime de la domination française en Bretagne », et, en 1934 Breiz Atao proteste contre la présence du préfet à la cérémonie de réhabilitation. En 1982, un film bilingue sur « Frances Laorans »est tourné à Clohars-Carnoët que la famille du soldat désavoue.

Fiche militaire de Lucien Lechat.

Lucien Lechat.

Le cas de Lucien Lechat, né dans la commune de Le Ferré, Ille et Vilaine, est beaucoup plus connu, car il fait partie d’une affaire restée célèbre, celle des caporaux de Souain. Cette affaire a donné lieu à une médiatisation et à un culte mémoriel exceptionnels. (4)

Les faits sont bien connus. Le 10 mars 1915, les soldats de la 21ème compagnie du 336ème régiment d’infanterie reçoivent l’ordre de sortir des tranchées et d‘attaquer à la baïonnette. Les précédentes attaques avaient été des échecs sanglants.

La préparation d‘artillerie atteint (volontairement  ?) les tranchées françaises. Épuisés, démoralisés, les soldats refusent de quitter leurs abris.

Le général Réveilhac veut des sanctions pour refus d’obéissance: elles visent 6 caporaux et 18 soldats.

Finalement, le 16 mars, après un procès expéditif, sont condamnés à mort, d‘une façon arbitraire qui fait penser aux anciennes décimations en usage dans les légions romaines, 4 caporaux, dont le plus jeune est Lucien Lechat. Le 17 mars, ils sont fusillés, deux heures avant que les peines n’aient été commuées en travaux forcés. Le général Réveilhac ne sera pas inquiété. Une loi d’amnistie, votée en 1919 empêche même les sanctions contre les chefs responsables d`exécutions sommaires. Qui plus est, il sera fait plus tard grand officier de la Légion d’honneur.

La réhabilitation : le combat admirable de Blanche Maupas (à Sartilly, dans la Manche) pour la réhabilitation de son mari, l’un des 4 caporaux, est bien connu (5). Elle fut aidée par des groupes d’anciens combattants et par la Ligue des droits de l’Homme dont l’action en faveur des fusillés pour l’exemple fut l‘une des grandes causes dès la fin de la guerre.

Moins connus sont les efforts d’Eulalie Lechat, la sœur de Lucien, qui soutenue par la Ligue, obtint en mars 1934 que son frère soit réhabilité.

Le souvenir de l‘enfant du pays ne s’est jamais éteint.

Le 24 novembre 2004, a l’initiative du maire de Le Ferré, Monsieur Pautrel, a eu lieu une cérémonie religieuse et civile d‘une très grande ferveur. Une délégation venue de Sartilly associait une fois encore les deux noms de Lechat et de Maupas et ceux de Girard et Lefoulon dans un souvenir commun.

Notre section, à la demande de la mairie, était présente en la personne de son président. Le chant de Craonne et le chant des partisans résonnèrent au cimetière pour l’inauguration de la plaque du souvenir.

La journée se termina avec uneremarquable conférence de Nicolas Offenstadt, qui suivait l’hommage au cimetière.

Et maintenant ?

Comme le rappelle à juste titre Gilles Manceron, dans un article paru en 2008 dans « Hommes et Libertés», intitulé « La mémoire des fusillés de la Grande Guerre », des questions très importantes restent en suspens.

Chacun se souvient de la déclaration, faite le 5 novembre1998, de Lionel Jospin, premier ministre, à Craonne, haut lieu des souffrances des poilus : «  Certains des soldats, épuisés par des attaques condamnées a l’avance, glissant dans une boue trempée de sang plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d‘être des sacrifiés. Que ces soldats « fusillés pour l’exemple », au nom d‘une discipline dont la rigueur n’avait d’égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd’hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ».

Depuis, rien. Or il reste des cas graves, que recense l‘article d’« Hommes et Libertés », notamment dans les troupes coloniales.

Le combat des ligueurs pour défendre la mémoire des fusillés de 14-18, va revenir en force, en 2014, pour le centième anniversaire du début de la guerre pour lequel il faut nous mobiliser dès à présent. Ce combat n’est pas terminé.

(1) in André Loez: 14-18, Gallimard, Folio histoire. Les refus de la guerre 2010, p 61.

(2) Une photo de ce certificat du Dr Buy, figure à la page 41 du livre de Nicolas Offenstadt :Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective (1914-2009), Éditions Odile Jacob 2009.

(3) Offenstadt, op cité p 40.

(4)Essentiellement, le film de Stanley Kubrick, Les sentiers de la gloire, sorti en 1957 …. et  projeté en France en 1975,18 ans plus tard.

(5) Un film de Patrick Jarnain, Blanche Maupas, a été donné, en 2009, à la télévision.

Un détour par le cimetière permet de voir une plaque de commémoration des caporaux morts pour l’exemple à Souain pendant la 1ère Guerre mondiale. Parmi ces caporaux, le Caporal Lechat, originaire de Le Ferré, a été fusillé pour l'exemple le 17 mars 1915. En 1924, le Caporal Lechat est réinhumé a Le Ferré devant une grande affluence. Il fut réhabilité, ainsi que ses trois autres compagnons d'infortune, en 1934. En novembre 2004, la commune de le Ferré a organisé une cérémonie du souvenir pour les caporaux de Souain. Plus d`un millier de personnes ont participé à cette cérémonie, la même foule que lors des cérémonies de 1924 et 1934 !

Aurore Martin : LDH et FIDH écrivent au président de la République

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, et Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme, viennent d’adresser une lettre ouverte commune au président de la République, au sujet de l’arrestation, l’extradition et l’incarcération d’Aurore Martin.

Petit rappel des fait : Aurore Martin, ressortissante française, et militante d’un parti basque interdit en Espagne, mais autorisé en France, faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen (MAE). Elle a été arrêtée les jours derniers, à l’occasion d’un contrôle routier « inopiné ». Elle a aussitôt été transférée en Espagne, et incarcérée. Elle risque d’être condamnée à 12 ans de prison.

Le droit a semble-t-il été respecté. Mais il reste deux problèmes : Aurore Martin est une ressortissante française, et aux yeux de la justice française, elle n’a commis ni délit ni crime. C’est cela qui conduit la LDH et la FIDH à prendre sa défense, et à plaider sa cause auprès du président de la République. Il ne s’agit évidemment pas de prendre parti de quelle que manière que ce soit sur la légitimité du militantisme d’Aurore Martin.

Voici le courrier cossigné par les deux organisations.

M. François Hollande
Président de la République
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint-H0n0ré
75008 Paris

Paris, le 6 novembre 2012

 Monsieur le Président,

La remise aux autorités espagnoles d’Aurore Martin et son incarcération sont sans doute formellement légales. Elle n’en demeure pas moins, à la fois, une démonstration d’espèce de « la force injuste de la loi », comme un de vos prédécesseurs avait su le dire à d’autres occasions, et une faute politique.

Admettre qu’une ressortissante française puisse faire l’objet de poursuites pénales pour des faits légaux en France, mais réprimés en Espagne, atteste d’une incohérence de l’État de droit européen qui porte préjudice à l’idée même de justice.

Cette seule considération aurait dû suffire à empêcher l’exécution d’un mandat d’arrêt qui ne repose que sur l’expression d’idées politiques et sur aucun faits délictueux, et encore moins criminels.

Ceci nous amène à rappeler que, lors de son adoption dans la précipitation à la suite des attentats du 11 septembre 2011, nous avions souligné les dangers d’une telle mesure sans harmonisation des incriminations pénales en vigueur dans les pays de l’Union européenne, et sans garanties des droits de la défense (devenus, en ce domaine, de pure forme). Malheureusement, le souci d’apaiser les peurs engendrées par ces attentats, ainsi que la propension naturelle des gouvernements à s’arroger de plus en plus de pouvoirs, a fait que nous n’avons pas été écoutés.

Ce n’est pas sans raisons que la Commission européenne, elle-même, s’interroge sur les dysfonctionnements d’un système aussi peu respectueux des libertés individuelles, au point d’envisager des modifications de la directive. Nous vous demandons d’appuyer cette démarche et, au besoin, d’en prendre l’initiative.

Mais, au-delà de ces éléments juridiques, il reste et il demeure qu’une jeune femme est aujourd’hui en détention pour une durée au moins de plusieurs mois, devant une juridiction d’exception parce que les autorités espagnoles ont cru devoir criminaliser une expression politique, celle de l’indépendantisme basque.

Est-il besoin de rappeler que nous avions fermement condamné le recours a la violence de l’ETA, passée la dictature franquiste ?

Aujourd’hui, la situation n’est plus la meme et nous ne comprenons pas qu’Aurore Martin se voit reprocher des activités purement politiques qui ont amené son courant politique à être le deuxième parti politique du pays basque espagnol lors des dernières élections.

Il y a quelque chose d’incompréhensible à constater que les autorités françaises et espagnoles continuent à penser que c’est en ayant recours à la répression que se règlera ainsi un problème politique multiséculaire.

La multiplication des protestations de toutes origines qui se manifestent atteste qu’il est temps de donner à cette question une solution autre que judiciaire ou policière.

Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’intervenir auprès du gouvernement espagnol afin que s’ouvre un véritable dialogue politique qui inclut tous les acteurs, y compris du côté français.

Nous vous demandons d’user de votre influence afin qu’Aurore Martin ne soit pas la victime d’un conflit qui est en train de trouver une issue dans le cadre démocratique.

Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

Recevez, Monsieur le président de la République, l’expression de notre haute considération.

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme,
Souhayr Benlhasen, présidente de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme. 

 

Un pétition raciste demande la suppression de la prime de Noël pour les musulmans…

Ajout du 18 décembre 2012 : la pétition annulée.

C’est signé « Manoury ». Manoury, c’est le patronyme d’un élu front national du conseil régional de Lorraine (lire ici). Rien ne prouve que Jean-Luc Manoury soit l’auteur de cette pétition mise en ligne le 4 novembre : il n’y en a aucune trace sur son blog.

S’il en est l’auteur, il n’a en effet pas de raison particulière d’en être fier. Cette pétition demande que la caisse d’allocations familiales cesse de verser la « prime de Noël » aux musulmans. Rien que ça.

Mais ça n’est évidemment pas du racisme ! L’auteur s’en défend : « Ce n’est pas une initiative raciste mais tout simplement un acte de bon sens et de solidarité envers mes compatriotes qui souffrent de plus en plus du chômage et de la misère grandissante ». Si le titre de la pétition en limite la portée aux musulmans, le texte l’élargit : « La CAF verse une prime de Noël à des allocataires opposés au Christianisme. Les musulmans, les juifs, Bouddhistes… ne la fêtent en aucune manière donc pourquoi leur verser cette somme alors qu’ils ne feront aucune dépense pour cette fête ». L’auteur ne maîtrise pas parfaitement la typographie : pourquoi une majuscule à « christianisme » et à « boudhiste », et pas à « musulmans » ni à « juifs » ?

Ne mégotons pas. Cette pétition part d’un bon sentiment mais elle laisse un goût d’inachevé : et les athées, comme le rappelle à juste titre Jégoun, dans son blog ? et les agnostiques ? Quant aux « vrais » chrétiens, comment les reconnaître ? Une solution consisterait bien à ne verser cette prime que sur présentation d’un certificat de baptême. Mais ceci ne garantit évidemment pas l’assiduité de son titulaire à la sainte messe ! Il faudrait donc instaurer un système de certificat de présence, avec obligation de présenter un motif sérieux en cas d’absence à la messe.

Par ailleurs, pourquoi ces païens profitent-ils des jours de congés liés aux fêtes catholiques ? Au boulot les gars ! Réquisitionnés !

Décidément M. Manoury, vous êtes un petit joueur.

Une dernière chose. L’auteur de la pétition la signe à peine : on ne peut pas l’identifier à coup sûr. Curieusement, c’est également le cas de nombreux signataires : sur 503 signatures, lundi 5 à 13h30, 163 sont anonymes ! 32,4% de lâches ! Ou alors, auraient-ils honte d’avoir signé ?

 

Un jeune demandeur d’asile écrit au préfet d’Île-et-Vilaine

D’origine arménienne, la famille Balasanov a fui la Géorgie dès 2004 pour la Russie, avant de solliciter la protection de la France en 2009.
Le couple est arrivé en octobre 2009 à Rennes, où est née Elina un mois plus tard. Elle est aujourd’hui scolarisée à l’école maternelle du Clos-Joury au Rheu.
Édouard, le fils aîné, les a rejoints en décembre 2009.

Âgé de 17 ans, Édouard n’a pas eu la chance d’être scolarisé, mais a rapidement appris le français. Toujours prêt à faire l’interprète auprès des associations, Édouard a été interpellé jeudi 27 septembre lors d’un contrôle routier en se rendant au secours populaire, où il travaille comme bénévole.
La famille étant déboutée de l’asile depuis avril 2012, la Préfecture d’Ille et Vilaine a décidé de placer Édouard en rétention et de sortir ses parents et sa petite sœur du centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) pour les assigner à résidence dans un hôtel à Rennes pendant 45 jours. Le réseau Éducation sans frontière a aussitôt fait circuler une pétition, et Eduard a finalement été libéré par le juge des libertés et de la détention. Mais il est toujours sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Chassée de Géorgie par les nationalistes, la famille Balasanov n’a plus aucun lien avec ce pays. Leur avenir est dorénavant en France, où M.Balasanov travaillait légalement avant qu’on ne lui retire son titre de séjour.

La famille vit aujourd’hui dans une grande précarité, aussi bien morale que matérielle. C’est ce qui a conduit Édouard à écrire au préfet d’Île et Vilaine, et à publier sa lettre sur Internet. La voici.

Bonjour Monsieur le Préfet.

Je m’appelle Édouard Balasanov. Je suis arrivé en France avec ma famille en octobre 2009. 

Notre famille est aujourd’hui déboutée de l’asile. On nous a retiré notre titre de séjour et mon père a perdu son travail. Il travaillait à Marine Harvest à Chateaugiron dans une fabrique de découpes de poissons. Après avoir travaillé pendant 11 mois par intérim puis en CDD, son patron lui a fait une promesse d’embauche, car il était content de lui et il souhaitait le garder. Malheureusement avant de signer son contrat, notre famille a reçu une OQTF et nous avons tout perdu…

Moi je n’ai pas eu la chance d’être scolarisé, mais j’ai fais pris des cours de français dans une école pour les étrangers, puis j’ai fait du bénévolat au Secours Populaire .

Ma petite soeur a 3 ans, elle est née à Rennes. Elle est scolarisée à l’école maternelle au Rheu.

Depuis le 25 septembre, ma famille est assignée à résidence à l’hôtel Colombier . Mes parents ont été envoyés à l’ambassade de Géorgie. Ils ont eu un laissez- passer. Maintenant on est o
bligés de se cacher, car on a peur de retourner en Géorgie. J’ai 20 ans et toute ma vie j’ai connu des difficultés et je ne veux pas que ma petite sœur vive la même chose.

Monsieur le Préfet, vous êtes notre dernière chance.

Édouard Balasanov – le 4/11/2012