Un bébé de 3 mois enfermé au centre de rétention de Rennes Saint-Jacques

Les lapins, les faisans et les perdrix d’Île et Vilaine ont de la chance : leur chasse est fermée depuis dimanche dernier, 8 janvier.

En Île et Vilaine, les enfants ont moins de chance : leur chasse est toujours ouverte.

Me Husvisgalt est enfermée depuis lundi 9 janvier au centre de rétention de Rennes avec son bébé de 3 mois.

Me Husvisgalt est sino-mongole. Elle est arrivée en France en janvier 2010 avec son conjoint pour demander l’asile. Suite à leur rejet de demande en juin 2011, la préfecture d’Ille et Vilaine leur a délivré une OQTF (Obligation à Quitter le Territoire).

Jeudi 4 janvier, alors qu’elle allaitait son bébé dans un véhicule stationné aux abords des restos du cœur, où elle venait de s’approvionner en denrées alimentaires, Me Husvisgalt a subi un contrôle d’identité, ansi que 2 compatriotes en situation irrégulière. La police lui a alors remis une convocation pour lundi 9 javier à 10h pour « examen de votre situation administrative ». Elle s’est donc présentée à cette convocation avec son bébé sans son conjoint. La mère et l’enfant ont été placés en rétention.

Depuis le 30 juillet, c’est la 12e famille placée au CRA de Rennes (soit 23 enfants âgés de 3 mois à 17 ans) et la 7e famille arrêtée dans le 35 !

Pour demander la libération de Me Huvisgalt, séparée de son conjoint et enfermée au CRA de Rennes avec Soyld, son bébé de 3 mois, adressez un mail au Préfet du 35 :
prefecture@ille-et-vilaine.gouv.fr

Signataires : la Cimade, RESF 35, MRAP 35.

Contacts : 06 48 26 61 40 (RESF 35)
06 30 27 82 55 (Cimade CRA Rennes)

Afin que cesse définitivement tout placement en rétention d’enfants et de leur famille et que soit appliqué les textes internationaux en particulier la Convention Internationale des Droits de l’Enfant,qui prévoit que toute décision de l’administration doit être prise en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant.

RESF 35 et le MRAP 35 appellent à un rassemblement

Mercredi 11 janvier à 17h devant le CRA de Rennes/Saint Jacques

Saint-Brieuc : nouvelle projection de Gaza-strophe

La première projection du film Gaza strophe a connu un tel succès que la salle a été trop petite pour accueillir tous les spectateurs. Une nouvelle projection est donc organisée par l’Association France-Palestine Solidarité 22 Saint-Brieuc et la section briochine de la Ligue des Droits de l’Homme.
GAZA-Strophe vendredi 27 janvier à 20 h au Club 6
À Saint-Brieuc

Documentaire de Samir Abdallah et Khéridine Mabrouk, qui sont entrés dans Gaza le 20 janvier 2009 juste après l’opération de l’armée israélienne « Plomb durci » qui laissa ce territoire en ruines.
Cette projection sera également suivie d’un débat avec Claude Léostic
vice-présidente de l’AFPS et porte-parole de la campagne française « Un bateau français pour Gaza », elle était à bord du seul bateau qui a réussi à contourner le blocage imposé à la « flottille de la liberté 2 » l’été dernier par le gouvernement grec. Ce bateau « La Dignité – Al Karama » a été arraisonné par l’armée israélienne dans les eaux internationales alors qu’il s’approchait des côtes de Gaza, une interpellation « très musclée » et complètement disproportionnée face à une dizaine de pacifistes défendant simplement le droit.

Télécharger le flyer.

Une bonne naturalisation est une naturalisation empêchée

La Ligue des droits de l’Homme vient de publier ce communiqué, à la suite des déclarations du ministre de l’intérieur Guéant, qui se félicite de « l’efficacité » de sa politique d’exclusion et de xénophobie.

Le ministre de l’Intérieur plastronne en annonçant  avoir « largement atteint ses objectifs »  pour faire baisser tant l’immigration illégale que légale en France. Claude Guéant a profité de l’occasion pour faire à nouveau état de chiffres liant immigration et délinquance, chiffres une fois encore sortis dont ne sait quel chapeau. Il faut inscrire au chapitre de ce bilan la chute de trente pour cent du nombre de naturalisations. Une situation largement due au durcissement des procédures et conditions d’octroi de la nationalité, parmi lesquelles la maîtrise de la langue et le transfert de compétences aux préfectures… Rappelons que dans les débats qui se sont déroulés dans la dernière période sur le droit de vote des résidents non européens aux élections locales, la droite s’est répandue dans les médias pour opposer à cette mesure une « véritable citoyenneté », passant par… la naturalisation. Une orientation que Claude Guéant s’emploie à réduire comme une peau de chagrin. A moins évidemment qu’à ses yeux, les « bonnes naturalisations » soient justement celles qu’on empêche. Ces affichages martiaux, d’avantage destinés à l’électorat du Front national qu’à toute autre chose, ne font que souligner une double urgence démocratique. D’une part accorder, enfin et comme l’a récemment voté le Sénat, le droit de vote des résidents non européens aux élections municipales ; d’autre part, rompre avec la stratégie de stigmatisation mensongère des populations migrantes ou assimilées.

Appel interassociatif du 14 septembre : investir sur la solidarité

Le 14 septembre 2010, une cinquantaine d’organisations associatives du champ sanitaire et social tiraient la sonnette d’alarme et lançaient un appel citoyen : « Investir sur la solidarité ».

A l’origine de l’appel, un constat préoccupant : les conséquences sociales et humaines de la crise économique, les politiques sociales centrées sur des objectifs d’efficacité financière et une montée du repli sur soi fragilisent encore plus les publics déjà précaires mais aussi les associations qui les accompagnent.

Aujourd’hui, face à l’urgence et parce que tous les secteurs de la société sont de plus en plus touchés par cette perte de solidarité, ce recueil interassociatif apporte des éclairages sur la nécessité de construire une société basée sur la solidarité. A l’approche de la campagne électorale, il a pour vocation d’informer le grand public et d’interpeller les candidats sur l’urgence d’investie sur la solidarité.

Le site de l’Appel se trouve à cette adresse, et l’appel peut être signé ici. Vous pouvez télécharger le livret ici.

La Ligue des droits de l’Homme a contribué à ce livret avec un article intitulé « Contre les inégalités, une solidarité de droits », dont voici le texte.

Dans la trilogie républicaine, la fraternité est souvent perdue de vue. Un peu comme si, bon an mal an, liberté et égalité devaient suffire à assurer une citoyenneté épanouie. Supplément d’âme en quelque sorte. On peut s’interroger sur les causes de cette myopie récurrente, mais on doit surtout la dépasser en interrogeant le sens profond de cette invitation à nous montrer fraternels.

Faire société

Dépassons d’emblée l’idée qu’il s’agirait là de s’adresser aux « autres » peuples ; c’est bien au fronton de nos édifices publics que la devise républicaine est gravée. Le message est bien à destination locale, à consommer sur place pourrait-on dire. Risquons une hypothèse : il s’agit tout simplement de nous rappeler que nous vivons tous dans cet endroit complexe et remuant où l’on ne choisit pas ceux avec qui l’on fait société. Car par définition, on ne choisit pas son frère. L’histoire de Caïn et d’Abel nous enseigne que la consanguinité fraternelle n’a pas que des côtés souriants et qu’elle peut, abandonnée à elle-même, déboucher sur le meurtre. À moins que la fraternité ne devienne, métaphoriquement et au-delà des liens du sang, un ensemble d’éléments qui créent du lien et de l’échange social mutuellement avantageux.

Ce qu’on pourrait alors fort bien qualifier de solidarité, est une fraternité en actes. La solidarité n’est plus une concession à la présence de l’autre, elle se déploie comme condition d’une société dont chacun – soi-même et les autres – devient un actif constituant. Elle s’inscrit comme l’un des éléments majeurs ayant permis à l’espèce humaine de lutter contre les menaces de la précarité, de faire progrès en même temps que société. Pour en rester à l’époque moderne, on constate que la solidarité se constitue toujours en socle de progrès. C’est sur la base des premières lois paternalistes sur la limitation du temps de travail dans l’industrie pour les plus jeunes que se construit une réglementation plus étendue et, avec elle, une économie du temps libéré et des usages sociaux de ce temps. Il en va de même avec les politiques sociales qui permettent de substituer à un contrat familial avec le troisième âge une solidarité intergénérationnelle basée sur un système de retraites par répartition. On pourrait à l’envie multiplier les exemples de cette économie de mutualisation : dans les territoires, pour les villes et les quartiers ; dans les domaines de la santé, avec la sécurité sociale ; dans les entreprises de réseau, avec l’enjeu d’une péréquation tarifaire permettant d’assurer un accès égal à tous.

Les dérives glacées du calcul égoïste

À l’inverse, le début des années 80 a imposé une inversion de la philosophie politique. Ronald Reagan, nouvellement élu proclamait que l’État n’était pas la solution, mais le problème. Margaret Thatcher quant à elle, y ajoutait son refus de toute politique sociale, puisqu’il n’y a pas, selon elle, de société mais juste des individus. Les conséquences de ce choix
de l’individualisme méthodologique comme explication du monde sont lourdes. À la redistribution qui a longtemps accompagné une croissance génératrice d’inclusion sociale se substitue le couple concurrence et compassion. Ce choix philosophique inspire alors les politiques publiques et fonde le « détricotage » des outils de solidarité sociale, générationnelle, fiscale. La mise en concurrence de tous avec tous, présentée comme un facteur d’efficacité et de bien-être partagé s’est, dans les faits, accompagnée d’une explosion des inégalités telle qu’elle en a profondément modifié la nature même de la société. On est ainsi passé d’une société d’inégalités supportables à une société dans laquelle les écarts sont tels qu’ils percutent l’idée même d’un vivre ensemble.

À quoi fait écho – à un niveau anthropologique – la série de crises financière, économique, sociale et écologique qui secouent l’avenir même de l’espèce. Dans ce contexte, la question de la finalité de l’économie et du rôle de ses acteurs devient plus que jamais centrale, et essentielle la finalité de la production : que produire ? Pour qui et comment ? Considérant que l’on ne peut plus consommer plus que ce que la planète ne peut supporter, les droits de l’homme, à garantir à chacun et à chacune et partout, deviennent un axe stratégique. On en arrive au point exact où la proximité entre l’économie sociale et les droits de l’homme prend de la force : la question de l’heure est de faire des droits un axe stratégique et non plus une possibilité, et ce, dans tous les domaines.

Ce n’est qu’ainsi qu’il devient possible de penser une nouvelle conception du monde, structurée autour de l’enjeu majeur – et complexe – de l’égalité, ainsi que des débats politiques qu’il ouvre et recouvre. De la solidarité…

De la solidarité…

Solidarité et égalité sont en effet inséparables des grandes tensions sociales, également politiques, qui caractérisent la période ; et leurs définitions deviennent des enjeux en fonction des conceptions qu’on se fera du monde. Ainsi pourra-t-on professer qu’il s’agit d’être solidaire de telle ou telle catégorie de population. Par exemple, des « plus pauvres », ou des « exclus » ou encore des handicapés, de la grande vieillesse… Le risque étant évidemment d’entrer, à partir de préoccupations parfaitement légitimes dans un jeu de mise en concurrence, voire en opposition, de telle catégorie avec une autre. Dans un registre caricatural, cela pourra donner l’opposition des bons chômeurs aux mauvais… D’un autre côté, on pourra poser comme principe qu’il s’agit moins d’être « solidaire avec » que de construire une société solidaire, en général. La tentation est grande, en période d’urgence sociale et alors que les marges financières de l’intervention publique se réduisent, d’opposer les deux approches. Nous pensons au contraire qu’elles sont toutes deux profondément légitimes à condition justement de ne pas les opposer. Elles permettent de combiner des droits spécifiques à un principe général, de faire reposer sur un socle de principes une arborescence de droits singuliers. Ce faisant, de décliner du droit en fonction de populations, de situations, de territoires particuliers, tout en restant dans un cadre qui ne soit pas compassionnel mais assure un progrès général.

L’investissement sur la solidarité cesse alors d’être considéré comme à fonds perdus, une sorte de « faute de mieux », lot un peu honteux réservé aux malchanceux et autres bras cassés de la vie. Il (re)devient un principe et un outil majeur d’un vivre ensemble sur un pied d’égalité en droits. Voilà les nouvelles solidarités dont nous avons besoin face aux crises financières et du travail ; des solidarités qui, à la fois soulagent, soignent, permettent de repartir de l’avant.

… et de ses instruments

C’est bien dans ce cadre qu’il faut situer les débats et les conflits qui se développent autour des services publics. Ils ont été des outils de solidarité extraordinaires et restent aujourd’hui garants d’un large pan de l’égalité sociale, territoriale, de santé, devant l’éducation et la culture. Ils appellent aujourd’hui des mesures de refonte, de modernisation, pour une efficacité nouvelle aux services des usagers. Il en va de même pour les outils de redistribution – et donc de solidarité – que sont les choix de politique fiscale, de couverture santé, de politique familiale, d’insertion…

On nous dit jusqu’à la nausée, que « nous » n’en avons pas ou plus les moyens. Et d’entonner le couplet devenu une scie économique grinçante, le taux de prélèvements obligatoires. Depuis de nombreuses années, tous les gouvernements ont repris ce refrain. Pourtant, ce taux n’a aucune signification en dehors d’une analyse de sa composition et de sa fonction. Au-delà des batailles de chiffres, il s’agit de refuser la socialisation des risques et de faire la place à toutes les formes l’individualisation du sort de chacun. Ce qui est mis en cause, ce sont ces transferts sociaux qui limitent les effets les plus criants des inégalités sociales. Cela ne signifie pas, bien sûr, que les impôts soient bien partagés et que les transferts sociaux sont les meilleurs possibles. Une réforme fiscale d’envergure est indispensable : diminution considérable des impôts indirects, qui, puisqu’ils sont payés en pourcentage à la source sur des produits et des services, pèsent relativement plus lourds pour les couches sociales les moins riches ; augmentation de la progressivité de l’impôt sur le revenu, du rendement de l’ISF, taxation des bénéfices et des plus-values spéculatives. Mais ce n’est pas le taux de prélèvement obligatoire qui ouvre la voie de la justice sociale.

Face aux périls : réaffirmer un projet politique solidaire

Aujourd’hui, l’inégalité insupportable entre ceux qui possèdent droits et richesses et ceux qui n’ont rien déchire le monde. Des milliards d’êtres humains sont sacrifiés alors que les hommes et les femmes ont droit à un travail dans la dignité, à une véritable sécurité et santé au travail, à un travail et à un revenu décent, à un revenu de remplacement décent quand ils sont privés de salaire, en cas de chômage, de maladie, de handicap, et à la retraite. En même temps, le droit du travail, le droit de grève, le droit syndical et la négociation collective doivent être protégés et défendus. Au-delà des choix budgétaires qui peuvent être conjoncturels, il s’agit aussi de savoir si l’on veut jouer le succès de ces outils économiques que sont l’économie sociale et solidaire, le secteur coopératif, l’épargne solidaire, qui se situent en dehors de la sphère marchande, ou s’inscrivent en contradiction avec ses credo dominants. Les politiques publiques doivent être mises au service de ces objectifs.

C’est dire que les choix de solidarité sont au coeur même du projet politique proposé à la cité, au coeur de la fraternité qu’on entend construire. Dans le contexte de globalisation de l’économie, c’est la logique de tous les droits qu’il faut promouvoir pour qu’ils deviennent vraiment universels. Car les crises que nous affrontons, la montée des particularismes égoïstes, leurs conséquences en matière de coupes budgétaires, les finances publiques mises au service de quelques-uns – dont chacune dit le peu de cas qu’on fait des hommes et des femmes concernés – nous le rappellent à leur manière : il n’existe pas d’alternative humaniste à l’investissement dans la solidarité. Sauf évidemment à considérer l’accumulation de richesses à un pôle de la société comme une variété anodine d’humanisme.
Mais gare…


Les temps nouveaux en délibéré

Pierre Tartakowsky à la tribune du congrès de la LDH à Reims en juin 2011.

Voici l’éditorial de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, paru dans le dernier numéro du bulletin mensuel de la Ligue, « LDH info ».

Les temps nouveaux en délibéré

Le pessimisme de la raison ne doit pas nous empêcher, optimisme militant aidant, de nous souhaiter collectivement de bonnes fêtes, et une année réellement nouvelle. Bien évidemment, les vœux ne sauront suffire, et il faudra les soutenir d’actions collectives et de choix électoraux. 2012, de ce point de vue, ne s’annonce pas comme une année banale. Les Français sont appelés à se choisir un nouveau président et une nouvelle majorité. Il faut évidemment souhaiter que ce « nouveau » soit effectif et bien au rendez-vous. Il faut surtout, et sans attendre, tout faire pour que les libertés, les droits y trouvent leur compte.

Or, pour l’heure, comme disent les commentateurs hippiques, le terrain est lourd.

La droite a décidé de chevaucher la crise européenne pour en faire l’alibi majeur d’une politique d’austérité qu’elle souhaite constitutionnaliser, rien de moins. Tout aussi inquiétant, elle brandit avec hargne l’étendard national comme une menace sur tout ce qui n’est pas au diapason de ses préférences. Ainsi s’esquisse, l’air de rien, un paysage politique qui s’organise entre la France et l’anti-France, « eux » et « nous ». Sur cette toile de fond, le passage à la toise des droits et libertés continue, ainsi qu’en témoigne la campagne contre le droit de vote des résidents étrangers aux élections municipales, le cadeau de Noël fait aux BAC sous forme de cent cinquante fusils à pompe, le lancement de la nouvelle carte d’identité informatique… Ces rengaines nationalistes, ces décisions autoritaires témoignent d’une panne de l’esprit et n’augurent rien de bon pour la démocratie. Au vu des difficultés présentes et à venir, c’est d’une autre hauteur de vue dont nous aurions besoin.

Pour l’heure, le débat se traine et l’esprit de rupture ne souffle pas. Avons-nous besoin, réellement d’une austérité, d’une sécurité « plus efficaces »? Faut-il combattre, en matière de retraite « les injustices les plus criantes », ou repenser leur système de financement en dégageant des ressources nouvelles ?  La démocratie passe-t-elle par un retour au « normal », ou par des mesures fortes, concernant les résidents étrangers, la représentation paritaire, le rapprochement des décideurs avec leurs électrices, leurs électeurs?

Ces questions sont portées de longue date par la société civile, par des organisations politiques, des élus. Elles sont au cœur du Pacte pour les droits et la citoyenneté que la LDH a passé avec une cinquantaine de partenaires associatifs et syndicaux, pour enrichir le débat, dessiner les changements nécessaires pour, enfin, gagner. Car la gauche ne peut remporter de victoire que lorsqu’elle s’assume pleinement, sur ses valeurs propres. Il faut le rappeler, car le temps presse et l’urgence sociale est là. Elle chemine plus que jamais de pair avec l’urgence démocratique.

À cet égard, la décision du tribunal correctionnel de Paris, condamnant Jacques Chirac à deux années de prison avec sursis, est une bonne nouvelle, et elle met un point final à douze années d’impunité pénale, soit l’un des épisodes les plus avilissants de la Ve République.

Certes, la décision vient tard. Mais l’âge, même grand, ne saurait faire amnistie. Ce retard résulte d’une stratégie d’évitement délibéré et d’un statut présidentiel délétère. Il faut se féliciter qu’elle sanctionne un trafic mené au détriment des contribuables et exalte l’idée de probité mise au service d’intérêt général. Au-delà, le tribunal, qui a fait preuve d’indépendance, effectue une mise au point de la justice avec elle-même. Le parquet, en effet, se voit cruellement démenti. Voilà qui vient à point au moment des affaires Karachi, Bettencourt et autres ; il peut contribuer à affaiblir l’impact du « Tous pourris » brandi ici et là. Enfin, il met de fait, en délibéré l’avenir de l’article 67 de la Constitution. Né d’une bonne intention – protéger la personne du président de la République – il est devenu facteur de confusion des rôles, des charges, des responsabilités. A l’image de la situation politique et sociale de la France, il appelle des ruptures. En 2012 ?

L’augmentation de la pauvreté comme moyen de lutter contre l’insécurité routière

L’augmentation de la pauvreté pourrait-elle faire baisser le nombre de morts sur les routes ? C’est ce qu’on pourrait penser, en lisant l’article paru le 6 décembre dans rue 89.

Une automobiliste reçoit une contravention pour stationnement gênant. Elle conteste le caractère gênant du stationnement, et écrit une lettre au ministère public, le 10 octobre, pour solliciter un peu de mansuétude, et dans laquelle elle met en avant ses difficultés financières, et donc fiscales. La réponse ? Lisez plutôt :

« je ne répondrai pas que votre situation fiscale ne justifie pas le retrait de votre contravention, mais plutôt que votre situation fiscale devrait vous inciter à faire preuve de plus de vigilance quant au strict respect du code de la route… »

L’article de rue 89 est lisible ici, vous y trouvez la réponse complète du représentant du ministère public.

Réforme de la justice pénale des mineurs : la CNCDH dit « non ! »

C’est un refus cinglant que la commission nationale consultative des droits de l’Homme vient d’adresser au gouvernement, concernant son projet de réforme de la justice pénale des mineurs :

« Ce projet de loi, qui met en péril les principes de l’ordonnance de 1945 et méconnaît les exigences du droit international, est une réponse inappropriée et inefficace aux problèmes de délinquance des mineurs, qui mériteraient une réflexion approfondie. La CNCDH demande donc le retrait de ce projet de loi ».

C’est la conclusion de l’avis que la commission a émis le 23 juin dernier, en assemblée plénière, et qui a été adopté par 28 voix pour, 4 contre, et 3 abstentions.

Pour bien mesurer l’importance de cet avis, il convient de savoir ce qu’est la CNCDH :

« La Commission nationale consultative des droits de l’homme est une institution nationale de promotion et de protection des droits de l’Homme. Elle assure, auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’homme, du droit et de l’action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », lit-on sur la page d’accueil de son site. Par ailleurs, « elle est membre du réseau international des Institutions nationales, dont le secrétariat est assuré par le Bureau du haut commissaire aux droits de l’homme des Nations unies ».

La composition de cette commission répond à un double objectif :

  • Assurer l’information réciproque de l’État et de la société civile dans le domaine des Droits de l’homme.
  • Garantir le pluralisme des convictions et opinions dans le même domaine.

Elle est composée de deux collèges : 30 représentants de la « société civile » (associations), et 30 personnalités qualifiées (représentants de religieux et courants de pensée, experts, magistrats, juristes…). Enfin, Le Défenseur des droits, un représentant du Conseil économique, social et environnemental ainsi qu’un député et un sénateur sont également membres de droit. Parmi les associations représentées, on note la Ligue des droits de l’Homme, le secours catholique, ATD Quart-monde, Médecins sans frontières, l’Acat (Chrétiens contre la torture)… La CNCDH n’est donc pas un repaire de gauchistes ou d’irresponsables…

Voici les principaux reproches que fait lla CNCDH au projet gouvernement :

  • Il met en cause des principes fondamentaux du droit pénal des mineurs.
  • Il marginalise le juge des enfants, mettant à mal le principe de spécialité de la justice pénale.
  • Il provoque une accélération du temps du jugement face au temps de l’enfance.
  • Il fait du parquet l’acteur principal de la procédure pénale des mineurs.
  • Il fragilise l’autorité familiale par la comparution forcée des parents.

Le texte complet de l’avis peut être téléchargé ici.

Les étudiants étrangers insatisfaits des corrections apportées à la circulaire Guéant

Le ministre de l’intérieur a revu sa copie : la circulaire du 31 août concernant le travail salarié des étudiants étrangers a été modifiée par son auteur, en liaison avec les ministres de l’enseignement supérieur et de la recherche, et du travail, de l’emploi et de la santé.
Mais la nouvelle version ne satisfait pas les étudiants concernés. La modification tient en deux paragraphes :

Afin de dissiper tout malentendu, les ministres ont donc décidé d’adresser aux préfets dès la semaine prochaine, une circulaire complémentaire, donnant les orientations applicables à la situation spécifique des diplômés étrangers hautement qualifiés, de niveau au moins égal au master 2, qui souhaitent acquérir en France une première expérience professionnelle, conformément à la loi en vigueur.

Cette circulaire complémentaire invitera les préfets à faire en sorte que la nécessaire maîtrise de l’immigration professionnelle ne se fasse pas au détriment de l’attractivité du système d’enseignement supérieur, ni des besoins de certaines de nos entreprises en compétences spécifiques de haut niveau.

Pour les étudiants étrangers, et le collectif du 31 août, ces modifications « laissent la place à l’arbitraire », indique un article paru dans Le Monde. Elle vise, d’après eux, à régler les problèmes au cas par cas, avec une part trop grande laissée à l’interprétation du texte. Le député socialiste Alain Claës estime quant à lui que c’est « trop peu, et trop tard ». Trop peu, parce que l’image de la France est déjà ternie à l’étranger, et que certains pays, comme l’Allemagne, ont profité du malaise créé pour attirer les étudiants étrangers. Trop peu, parce que finalement, la nouvelle version n’apporte pas grand chose de nouveau. A lire aussi l’article de Rue 89.

Guéant, ou la politique de « l’emmerdement maximum »

Un titre provocateur, mais qui en fait reprend ce qu’a répondu le 23 mars 2010, lors de la réunion annuelle sur les zones d’attente, le représentant du ministère à un représentant associatif : « sous la bonhomie et la politesse, vous répondez à l’impérieuse nécessité de l’emmerdement maximum »

La loi garantit aux personnes retenues en zone d’attente, dans les aéroports, d’avoir librement accès à leurs avocats. Depuis quelques semaines, la police de l’air des des frontières (PAF) met tout en oeuvre pour empêcher ces contacts. C’est ce que dénonce l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, l’ANAFE.

Voici son communiqué, que vous pouvez télécharger ici :

Le ministère de l’Intérieur veut-il cacher la façon dont il traite les étrangers aux frontières ?

Depuis plusieurs mois, il ne cesse, à grand renfort d’arguties, de mettre des bâtons dans les roues de l’ANAFE pour l’empêcher d’accomplir sa mission d’assistance auprès des étrangers en zone d’attente – là où sont maintenus ceux qu’on ne veut pas laisser entrer en France. Une attitude qui s’apparente de plus en plus « à l’impérieuse nécessité de l’emmerdement maximum ». Qu’on en juge :

Quand, en septembre 2011, l’ANAFE organise une permanence expérimentale d’avocats dans la zone de Roissy Charles de Gaulle, et bien que la loi garantisse aux étrangers maintenus un accès inconditionnel à leur conseil, la Police aux frontières s’emploie à empêcher cet accès. Et lorsque l’ANAFE obtient que la justice ordonne l’intervention d’un huissier de justice pour constater ces entraves,  le ministère assigne l’association devant le tribunal de Bobigny afin de faire annuler cette intervention.

Le juge s’est prononcé le 4 janvier 2012 en faveur de l’ANAFE en renvoyant le ministère dans ses buts.

Il faut espérer que la leçon portera car cette tentative avortée de cacher ce qui se passe dans les zones d’attente n’est qu’un épisode dans une série d’entraves déjà trop longue.

A trois reprises en novembre et décembre 2011, à l’ANAFE qui demandait l’autorisation pour une délégation de ses représentants de visiter les zones de Marseille, de Mérignac, puis de Nice – ce qui rentre exactement dans les attributions de l’association –, le ministère de l’Intérieur a opposé une fin de non-recevoir.

Lorsqu’en octobre 2011, l’ANAFE sollicite pour une de ses salariées une carte de « visiteur » – délivrance prévue par la loi – pour lui permettre de se rendre dans toutes les zones d’attente, comme l’y appellent ses fonctions, le ministère la lui refuse. Il laisse même entendre, contre toute évidence, que le droit d’accès dont l’intéressée dispose déjà pour entrer dans la zone de Roissy serait incompatible avec des visites d’autres zones ailleurs en France. La juridiction administrative sera saisie contre cette décision absurde.

Malgré ces tracasseries répétées, qui trahissent la volonté avérée du ministère de l’Intérieur de maintenir les zones d’attente dans l’opacité, l’ANAFE reste déterminée à exercer sa mission auprès des personnes qui y sont bloquées et continuera à témoigner de la façon dont elles y sont traitées.
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Anafé, Des avocats aux frontières ! – Bilan de la « permanence d’avocats » organisée dans la zone d’attente de Roissy du 26 septembre au 2 octobre 2011, Décembre 2011. Disponible sur le site www.anafe.org très prochainement.

http://www.anafe.org

La société des inégaux, ou la déstructuration sociale, par Dominique Guibert

Dominique Guibert à la tribune du congrès de Reims en juin 2011

Dans une tribune intitulée « La société des inégaux, ou la déstructuration sociale », publiée dans l’Humanité dimanche du 22 décembre, Dominique Guibert, secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme, revient sur quelques décisions ou propositions gouvernementales récentes.

Dans un pays où les crédits destinés au logement d’urgence n’ont pas été entièrement consommé, il est proposé par un membre du gouvernement, Valérie Pécresse, d’affecter le solde à l’achat de gilets pare-balles… Une preuve, s’il en fallait, que ce pays va mal. Cela montre à quel point le fossé entre ceux qui gouvernent la France et le peuple est abyssal.
Par Dominique Guibert, secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme.

Dans ce pays, un ministre propose l’illégalité de détourner la finalité de certains fichiers électroniques pour gérer la fraude aux allocations sociales censée attirer les immigrés…
Dans ce même pays, on généralise la délation et la création de véritables patrouilles miliciennes. Le nom de l’une est « participation citoyenne », le nom de l’autre « voisins vigilants »…
Enfin, un autre ministre a dénoncé la société d’assistanat et ses nombreux profiteurs, ces personnes qui, avec 500 euros de RSA par mois, grèvent le budget et nourrissent sans doute la dette.

Ces événements sont assez éclairants de l’écart avec le réel. Reprenons-les.

L’urgence sociale. L’un des derniers rapports de la Cour des comptes souligne sévèrement la faiblesse des moyens pour faire face à l’urgence en matière de logement. Toutes les associations qui agissent sur ce terrain savent que la majorité des arrivants dans le sans-logement ou le mal-logement sont des familles de « travailleurs pauvres » qui vivent dans l’attente angoissée d’un lendemain sans visibilité. La crise est sans doute pour  tout le monde, mais à tout le moins la vulnérabilité est différentielle.

L’accueil des étrangers. Les rapports des experts soulignent que l’immense majorité des migrations sont intrazones et que les immigrés, réfugiés, demandeurs d’asile, dont on dénonce le nombre, ne sont qu’une minorité qui ne deviennent des « sans papiers » que devant la contraction des conditions d’accueil qui leur sont fates, alors même qu’ils ne prennent ni le travail, ni la place de personne. À moins de dire que le partage se fait à due concurrence entre les pauvres et les très pauvres, les « sans papiers » sont une construction politique, pas le résultat d’une invasion sauvage.

Le contrôle généralisé. Alors que les services publics subissent les coupes claires de la révision générale des politiques publiques (RGPP), y compris même les services de sécurité, quel meilleur moyen de faire d’une pierre deux coups que celui de faire de la population les acteurs de la surveillance de proximité puisque l’on a supprimé l’idée que la police du même nom servait à quelque chose ? Se dessine alors un triptyque : le développement des fichiers électroniques débarrassés des contraintes voulues pourtant par le législateur ; l’organisation d’une surveillance de premier niveau par l’enrôlement de la population dans le contrôle mutuel ; enfin l’utilisation maîtrisée de la police et de la gendarmerie.

L’assistanat social. Haro sur la fraude ! Les chiffres des organismes sociaux démontrent pourtant qu’elle est faible par rapport aux fraudes organisées par les vrais délinquants et celles perpétrées par les employeurs indélicats. Et tout dernièrement, le rapport de la commission d’évaluation du RSA a souligné que la majorité des bénéficiaires potentiels du RSA activité ne font pas la demande et qu’une forte proportion de celles et ceux qui pourraient prétendre au RSA socle l’ignore… Et le ministre menteur peut parler des droits et des devoirs de la conditionnalité des uns par rapport aux autres, alors que les faits n’en démontrent pas la matérialité.

Dans cette France du nouveau mensonge déconcertant, on peut craindre que s’installe une société des inégaux, où les 10% des ménages les plus riches possèderont 50% des richesses alors que 50% des ménages les plus pauvres ne possèderont que de 10% des richesses. Sans parler de l’infime minorité des 0,1% de prédateurs qui concentrent une telle masse de revenus et de patrimoine que le sens commun n’arrive pas à percevoir l’utilité sociale d’une telle accumulation. Or, pour protéger les uns de la rage des autres, il faut faire croire que les uns et les autres ont une identité commune à défendre. Et pourtant comment faire société si les comportements des uns sont si éloignés de la survie des autres ? Comment oser parler de cohésion sociale à retrouver quand la crise fait le bonheur de quelques-uns et le malheur de tous les autres ? Quand la concentration des richesses est telle qu’il ne peut plus y avoir de valeurs communes ? Quand la dérisoire équation des revenus est que les uns gagnent en quelques heures ce que certains mettent une année à gagner ?

Il y faudra de la solidarité pour que l’on retrouve des égaux dans la société. C’est du charabia de « bonnes âmes », me dira-t-on ? Être  une bonne âme qui s’occupe des pauvres diables, ça me plaît bien. Pas vous ?

Dominique Guibert