Les tribulations d’un demandeur d’asile à Pôle emploi

Voici le récit authentique du parcours d’un demandeur d’asile dans les dédales de Pôle emploi, fait par Michelle Paul, présidente de la section Loudéac centre – Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme.

« Pour commencer, il convient de noter une particularité étrange : les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler, ni, par conséquent de chercher un travail. Il est donc parfaitement logique qu’ils soient obligés de s’inscrire à Pôle emploi, organisme chargé de trouver du travail aux demandeurs d’emploi… C’est en fait Pôle emploi qui leur versera l’ATA (aide temporaire d’asile).

Jeudi 7 juin 2012, la Croix-Rouge accompagne la famille J.M. (deux adultes, trois jeunes enfants), qui vient d’arriver d’Angola, que la préfecture a décidé de loger dans un hôtel de la région de Loudéac.

Jeudi 26 juillet, je les accompagne à un rendez-vous à la préfecture de région, à Rennes, pour déposer la demande d’asile.

Jeudi 2 août, je les accompagne à Pôle emploi, à Loudéac. Il n’y a pas de conseiller le jeudi, il faut revenir le lendemain.

Vendredi 3 août, je me présente au guichet avec M. J.M., et j’explique sa situation de demandeur d’asile. Réponse :

–          le rendez-vous se prend par téléphone, par le 39-49.

–          Oui, mais leur situation est particulière.

–          Il faut faire comme tout le monde, appeler le 39-49.

–          Puis-je rencontrer un ou une conseillère ?

–          Je suis conseillère. Il faut faire le 39-49.

Je quitte le bureau, tente d’avoir le 39-49 (une boîte vocale), ça ne répond pas. Je retourne au guichet de Pôle emploi, on me remet une plaquette explicative… J’y lirai plus tard qu’en cas de problème ou de situation particulière, il faut s’adresser à une conseillère qui nous aidera…

Je rentre chez moi, j’essaye de prendre le rendez-vous sur le site de Pôle emploi. Problème : il faut répondre à la question : êtes-vous disponible pour rechercher un emploi ? Pour la famille J.M., la réponse est évidemment non. La réponse du site de Pôle emploi tombe :

Vous déclarez ne pas être disponible pour occuper un emploi immédiatement.

Vous devez être disponible pour rechercher un emploi. Nous vous invitons à vous reconnecter sur pole-emploi.fr lorsque vous le serez.

Vous pouvez également contacter un conseiller au 3949*.

* Gratuit ou 0,11 euros par appel depuis une ligne fixe ou d’une box. Coût d’une communication normale depuis un mobile.

Reprendre votre demande d’inscription

Je rappelle donc le 39-49. La boîte vocale me répond au bout de plusieurs dizaines de minutes. Après avoir choisi une option un peu au hasard (aucune ne correspondait à la situation des J.M.), je finis par avoir un correspondant : rendez-vous est pris pour M. J.M. le 28 août à 13h30. Je demande alors un rendez-vous pour Mme J.M. :

–          C’est impossible, je ne peux pas donner deux rendez-vous en même temps, il faut que vous rappeliez et que vous recommenciez la procédure. (le logiciel doit bloquer l’ordinateur dès que la procédure est terminée).

Je recommence docilement. Cette fois le 39-49 me répond un peu plus rapidement. Je ne tombe évidemment pas sur la même personne. J’obtiens un rendez-vous pour Mme J.M., le 28 août à 15h30 : quelle chance, c’est le même jour que son mari : 100km de moins à faire, et une seule garde pour les trois enfants (3 enfants, 2 parents, le chauffeur : ça ne passe pas dans une voiture, à moins d’avoir un Espace).

Jeudi 16 août. Je vais à Coalia, à Saint-Brieuc, l’association où est domicilié le courrier de la famille. Il y a bien la convocation de M. J.M. à Pôle emploi, avec le dossier à remplir, mais il n’y a pas celle de Mme. En fait le dossier qu’on leur a fourni ne correspond pas aux demandeurs d’asile.

Lundi 27 août : je m’inquiète, il n’y a toujours pas de convocation pour Mme J.M.. J’essaye de contacter Pôle emploi par téléphone : c’est impossible. Le seul numéro, c’est le 39-49, la boîte vocale. Je réussis cependant, en tapant une option au hasard, à avoir un correspondant. Je lui explique la situation, et lui demande de me mettre en contact avec l’agence de Saint-Brieuc : c’est impossible, il ne peut pas contacter l’agence.

J’appelle alors Marie Lebret, militante à l’ASTI (association de soutien aux travailleurs immigrés) à Saint-Brieuc, et lui demande d’aller à Pôle emploi essayer de débloquer  la situation.

Marie Lebret se rend à Pôle emploi Saint-Brieuc, explique la situation, et peu de temps après, une conseillère m’appelle. Elle m’explique ce qui se passe :

–          Les deux rendez-vous sont annulés : ça n’est pas la bonne procédure pour les demandeurs d’asile, et la seule personne qui s’occupe des demandeurs d’asile est en congés. Je peux vous donner un rendez-vous pour le couple le mercredi 26 septembre à 10h, et d’ici là, il faudrait que vous passiez déposer les copies des titres de séjour, et retirer le dossier…

Mardi 28 août. Mme et M. J.M. doivent se rendre à la préfecture : je les y accompagne (100 km), une amie se charge des trois enfants. Nous en profitons pour aller à Pôle emploi déposer les titres de séjour et retirer le dossier.

Il ne nous reste plus qu’à attendre le 26 septembre pour faire la demande d’ATA, allocation temporaire d’attente, dont on me confirme qu’elle sera rétroactive à partir de la date du dépôt de demande d’asile à la préfecture de région. Mais il faudra que la famille J.M. attende fin octobre avant de toucher cette allocation. Comment vont-ils vivre jusque-là ? D’autant plus qu’à Loudéac, les Restos du cœur sont fermés au mois d’août (et la préfecture le sait).

Ce qui frappe dans cette affaire, ça n’est pas la complexité de la procédure : ça, on connaît, on est habitué.

Le personnel de Pôle emploi n’est pas en cause non plus : j’ai eu affaire à des personnes très attentives et soucieuses de trouver une solution (à une exception près).

Le problème, c’est le verrouillage total de la communication.

La communication directe est impossible entre l’usager et l’organisme. Elle est également impossible entre les salariés de Pôle emploi. Ça n’est évidemment pas du fait des agents de Pôle emploi, qui sont eux aussi victimes de cette situation. Il s’agit en fait d’une méthode de « management », qui se généralise dans l’administration. On a transformé l’ANPE en une entreprise, qui fonctionne comme une entreprise.

Préfecture du Rhône : trop, c’est TROP !

La section Villeurbane Est-Lyon de la Ligue des droits de l’Homme est scandalisée par l’attitude de la préfecture du Rhône, qui souffle le chaud et le froid, en assurant un jour qu’il n’y arait pas d’expulsion pour les familles Roms de Saint-Priest, et procède aux expulsions le lendemain matin, avec une violence inexplicable. Voici le communiqué qu’elle vient de publier.

Trop, c’est TROP !

Pourquoi la préfecture du Rhône, après avoir fait annoncer officiellement par l’association  Médecins du Monde aux familles roms de St-Priest :

  • qu’elles ne seraient pas expulsées
  • mandater cette association pour dresser un bilan sanitaire et des besoins en hygiène qui a été entamé le 27 août, a procédé le lendemain  matin, à 7H15, au réveil brutal des familles  pour leur expulsion du lieu ?

Pourquoi se comporter avec autant de violence, véritable outrage à leur pauvre intimité, et  leur laissant à peine le temps d’emballer leurs pauvres « biens » ?

Pourquoi interdire l’entrée du terrain, à l’association Médecins du Monde, et ne même pas lui permettre d’accompagner une personne totalement désorientée dans cette ambiance,  récupérer ses médicaments ? Ce qui crée une atmosphère extrêmement  inquiétante dans ce genre de situation !

Prendre ainsi en traître cette population : est-ce pour avoir la certitude de pouvoir délivrer un certain nombre d’obligations à quitter le territoire français (OQTF) et ainsi respecter les quotas ! et gaspiller l’argent français dans les « rapatriements » plutôt que dans des mesures d’insertion ?

Est-il tolérable d’écouter comme un mot naturel, familier dans la bouche de ces enfants, l’injonction « dégage » ?

Entendre l’un des hommes clamer : « C’est comme sous Ceaucescu ;  que l’Europe prenne des dispositions ! » ne nous remplit–il pas de honte ?

La Ligue des Droits de l’Homme, dans sa section Villeurbanne-Est-Lyon ( qui comprend St-Priest), ne peut que condamner la politique actuelle conduite par Manuel Valls, qui se situe, hélas, dans la continuation en droite ligne, de celle menée par la majorité politique précédente, pourtant rejetée sans équivoque, par une majorité de français il n’y a que quelques mois !

Manuel Valls n’a–t-il pas déclaré, le 5 juillet : «  les démantèlements doivent se faire en concertation avec les élus locaux et les associations » ? Or, lorsque le représentant de la politique de l’État dans le Rhône, la Préfecture, entreprend d’appliquer la procédure, elle se voit contrainte de la réduire à néant …

Trop, c’est TROP !

 

Pape Moussa Diarra maintenu en rétention, un Tunisien expusé avant l’audience

Le changement, ça n’est semble-t-il pas pour tout de suite…

La situation de Pape Moussa Diarra, évoquée ici, tout d’abord.

Pape Moussa a été maintenu au Centre de rétention administrative par le tribunal administratif. Il est présenté devant le JLD à partir de 14h30…
Beaucoup de monde pour le soutenir, des amis, des militants politiques, des militants du groupe Welcolme, du MRAP, les permanentes de la CIMADE au CRA et la section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme.

Le motif du maintien en rétention est que la personne l’hébergeant actuellement n’est pas tenue d’héberger quelqu’un d’assigné à résidence, et que le juge administratif ne pourrait imposer ceci à l’hôte de Pape Moussa.

La présidente de la section LDH et son secrétaire avaient écrit au préfet et à son secrétaire. Les copies des courriers sont versées au dossier pour affirmer le soutien de la LDH. Le secrétaire de la section prépare d’autres courriers pour informer les élus locaux.

Le juge a également rejeté la requête de Me Chauvel pour Mr Abdi, Tunisien, arrêté à Nantes, déjà placé en rétention au Mesnil-Amelot. Mr Abdi a été expulsé avant l’audience !

L’enjeu était important sur le caractère suspensif du recours que la Préfecture de Loire-Atlantique s’obstine à nier malgré plusieurs jurisprudences. Le juge a estimé qu’il ne pouvait pas statuer sur le placement en rétention car en l’expulsant, « la Préfecture  de Loire-Atlantique lui avait rendu sa liberté« .

Cette expulsion précipitée est d’autant plus scandaleuse que Mr Abdi est malade et privé de son traitement dont l’interruption entraîne un risque vital…

La situation était ubuesque et tragique, Mr Abdi ne pouvant ni défendre ses droits, ni consulter son conseil, ni apporter d’éventuels éléments nouveaux, L’avocat n’avait même pas eu le temps de rencontrer Mr Abdi.

La CIMADE avec le groupe d’avocats pour la défense des étrangers étudie en urgence une possibilité de parer à ce genre de situation. Il sera sans doute proposé aux retenus risquant l’application immédiate de l’OQTF, de déposer un référé de liberté, permettant de saisir un juge administratif au plus vite.

La Ligue des droits de l’Homme inquiète au sujet des Roms

La Ligue des droits de l’Homme vient de publier un communiqué à la suite de la multiplication des démantèlements des campements « illicites » de Roms, dont le dernier dans la communauté urbaine de Lille.

Communiqué LDH
La Ligue des droits de l’Homme proteste contre les expulsions des camps de Roms qui ont eu lieu en France. Elle s’inquiète face à une continuité de l’action des pouvoirs publics qui s’inscrit en faux avec les engagements du candidat François Hollande.

Dans un courrier adressé à la Ligue des droits de l’Homme, celui- ci s’engageait dans les termes suivants : « Je souhaite que lorsque des campements insalubres sont démantelés, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution. Cela les conduit à aller s’installer ailleurs dans des conditions qui ne sont pas meilleures. » De fait, aujourd’hui comme hier, les expulsions sèches, loin de régler les problèmes posés, ne font que les exacerber et leur exploitation médiatique renforce une stigmatisation nauséabonde. En inscrivant ses pas dans les traces du funeste discours de Grenoble, le ministre de l’Intérieur alimente une dangereuse mécanique des propos et des actes. Non, il n’y a pas de « problème Roms » en France, mais quelques dizaines de milliers de personnes qui sont visibles parce que victimes de stigmatisation par la précédente majorité. La Ligue de droits de l’Homme s’inquiète du peu d’empressement du ministre Manuel Valls à recevoir les associations qui œuvrent sur le terrain aux cotés des populations résidentes et Roms ; elle réaffirme qu’il y a urgence à réunir les préfets, les collectivités locales (région, département, commune) avec les associations pour trouver des solutions sur chaque terrain, pour envisager des réponses qui s’inscrivent certes dans les décisions de justice mais respectent le droit au logement, à l’accompagnement social, notamment des mineurs, et protègent les personnes en précarité.

Paris, le 10 août 2012.

 

Fermeté et concertation : Valls persiste et signe

Autant les déclarations et les actes de Christiane Taubira, ministre de la justice, sont encourageantes (prochainement un article traitera de ce sujet), autant ce que dit et fait le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, est à la fois décevant (euphémisme) et inquiétant.

La situation des demandeurs d’asile n’a pas évolué d’un yota depuis le départ de Sarkozy et de Guéant. A Saint-Brieuc (22), les militants sont sur la brèche depuis le début du mois de juillet, et les solutions apportées, lorsqu’elles le sont, ne sont la plupart du temps que du bricolage : chambres à l’hôtel qui coûtent extrêmement chères, et ne peuvent être que des solutions provisoires, par exemple. L’Etat, comme par le passé, ne remplit pas son rôle, qui est de loger les demandeurs d’asile. Et des familles sont encore dans la rue à Saint-Brieuc, malgré l’aide du conseil général, dont ce n’est pas le rôle.

Le Réseau éducation sans frontière fait état quotidiennement de situations identiques, partout dans le pays, et le centre de rétention de Rennes Saint-Jacques (35) ne désemplit pas.

En ce qui concerne les Roms, c’est encore pire. Alors que François Hollande avait conditionné les démantèlements de camps illégaux à la mise en place de solutions alternatives, le ministre de l’Intérieur démantèle sans se soucier de ce que vont devenir les personnes expulsées, hommes, femmes, enfants. Malik Salemkour le soulignait récemment : « il y a des décisions de justice mais il faut aussi respecter le droit ». Et le droit, c’est le droit au logement.

Dernier démantèlement programmé : un camp dans la communauté urbaine de Lille, à Villeneuve Hellemmes. Voici ce qu’en dit la délégation régionale Nord – Pas-de-Calais de la Ligue des droits de l’Homme :

Des menaces d’expulsions de terrains roms se précisent sur Villeneuve – Hellemmes, en dépit  d’une organisation remarquable de l’Atelier Solidaire pour animer et sécuriser l’espace de vie.

Ces menaces formalisées par huissier s’inscrivent dans le cadre d’une politique générale définie et mise en œuvre par le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls dans des conditions contradictoires aux engagements écrits du Président de la République.

Si à la demande de la Communauté Urbaine de Lille, les forces préfectorales se livrent au démantèlement de terrains sans reloger dignement les Roms, Si les forces de police se contentent d’accompagner les expulsés vers des sorties du département du Nord pour les entraîner dans une nouvelle errance, Si des expulsions, plus ou moins voilées sous couvert d’ »aide au retour » ont lieu dans les jours qui viennent,… On en reviendrait à la politique Sarkozy dénoncée par la LDH et par toutes les forces de Gauche après les mises en application en Août 2010 du discours de Grenoble.

La délégation régionale de la LDH ne peut accepter une telle orientation et demande :

  • Pas de dislocation de terrain sans relogement dans des conditions dignes
  • Mise en application immédiate des engagements de création de terrains pris par la Communauté Urbaine de Lille
  • Action ferme de LMCU (Lille Métropole) et des partis de Gauche (et notamment des partis de Gouvernement) pour  exiger l’ouverture systématique de places d’accueil dans toutes les communautés d’agglomération de la Région Nord-Pas de Calais. Cette politique devant s’élargir à l’ensemble du territoire national

Le changement ne peut résider uniquement dans un adoucissement et un meilleur contrôle du vocabulaire. S’il ne se traduit pas par des actes de réelle solidarité et d’innovations politiques, le mot changement ne constitue que de la poudre aux yeux en vue de cacher une violation des idéaux humanistes et sociaux que doit incarner la Gauche.

La LDH  du Nord – PdC demande l’arrêt de la répression, la mise en place d’une réflexion globale par la concertation, la construction d’une politique d’accueil innovante, volontariste et réellement solidaire.   

Alors M. Valls indique ce que sera sa politique en ce qui concerne les Roms : « fermeté et concertation » : « les préfets ont reçu pour instruction de Manuel Valls de mener systématiquement un travail de concertation préalable avec les élus locaux et les associations, afin de procéder à un examen approfondi des situations individuelles et de proposer des solutions d’hébergement, prioritairement pour les familles et les personnes les plus vulnérables », indique le ministère, cité dans un article du Nouvel Observateur (lire aussi ici, et là).

Si la concertation consiste à constater qu’il n’y a pas de solution alternative, et à procéder au démantèlement, il y a fort à parier que les associations refuseront d’être complices.

Les associations ne demandent pas l’impossible, et elles sont conscientes de la complexité des problèmes posés par ces campements. Mais il serait temps de se souvenir qu’on a là affaire à des hommes, des femmes, des enfants, et que le changement attendu avec l’arrivée de la gauche, c’était aussi de les traiter dignement. Pour le moment, Monsieur Valls n’a donné que des signaux négatifs.

 

Manuel Valls et les Roms : « une grande déception » pour Malik Salemkour

Interviewé par le « Journal du dimanche » au sujet des déclarations de Manuel Valls le 31 juillet sur Europe 1, Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l’Homme et animateur du collectif « Romeurope » a déclaré : « c’est une grande déception ». Et pour cause : le ministre de l’Intérieur a, dans cette interview, confirmé sa volonté de poursuivre le démantèlement des camps de Roms, « chaque fois qu’il y a une décision de justice ». Ce qui est clairement une poursuite de la politique des Sarkozy, Hortefeux et Guéant. On attendait autre chose !

Et il n’y a pas que les Roms ! il y a aussi le dossier de la suppression de la garde à vue pour les sans-papiers. Tout le monde a salué cette suppression : Valls va nous la faire regretter ! car le ministre vient d’annoncer qu’il envisage de remplacer cette garde à vue par… 12 heures de rétention ! La garde à vue, au moins, impliquait la présence d’un avocat : ça n’est pas prévu dans la rétention, et on revient à l’arbitraire…

Dans son interview, Malik Salemkour reste très mesuré : « Je pense que ces déclarations révèlent un ministre de l’Intérieur un peu en désarroi face à ce sujet pour lequel il ne veut pas entendre qu’il existe des solutions », décla        re-t-il, après avoir rappelé ce qu’avait dit le candidat Hollande au sujet des Roms pendant la campagne électorale de la présidentielle : « Je souhaite que lorsque des campements insalubres sont démantelés, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution. Cela les conduit à aller s’installer ailleurs dans des conditions qui ne sont pas meilleures. » (lettre de François Hollande).

Enfin, Malik Salemkour rappelle les revendications des associations : « Nous demandons au ministre de l’Intérieur de respecter la parole du président de la République et de mettre en œuvre des solutions. Elles sont simples: réunir les préfets, les collectivités locales (région, département, commune) avec les associations pour trouver des solutions sur chaque terrain pour envisager des réponses individuelles. Nous attendons que Manuel Valls disent aux préfets, « il y a des décisions de justice mais il faut aussi respecter le droit ». Il faut penser au logement, à l’accompagnement social, notamment des mineurs. On demande qu’il applique strictement la loi visant à protéger des personnes en précarité. Il faut s’atteler aux problèmes de fond: le mal logement et le logement des précaires. Cela passe par des solutions individuelles et par la levée des mesures transitoires. »

Menacée d’expusion après le décès de son mari : signez la pétition !

C’est une histoire dramatique que l’association « Amoureux au ban public » vient de rendre publique : Malika risque d’être expulsée de France au motif qu’il n’y a « pas de maintien effectif de la communauté de vie » entre les époux. Et pour cause : Nourredine, citoyen français, que Malika a épousé en 2008, est décédé en 2009.

Voici le récit que fait Amoureux au ban public de ce drame. Un pétition est en ligne, pour exiger un titre de séjour pour Malika. On peut la signer ici. Déjà près de 5000 personnes ont manifesté leur soutien.

Nourredine F., citoyen français, et Malika H., ressortissante algérienne, se marient en Algérie en juillet 2008. Après la transcription de l’union auprès de l’état civil français, Malika vient rejoindre son mari en France et obtient la délivrance d’un premier titre de séjour en décembre 2008.

En juillet 2009, un drame se produit, Nourredine décède subitement d’une crise cardiaque. Quelques mois plus tard, le préfet de Seine-et-Marne refuse de renouveler le titre de séjour de Malika et prononce à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Motif : « pas de maintien effectif de la communauté de vie » entre les époux… A la suite du décès de Nourredine, Malika, qui disposait d’un logement et d’un emploi, devient donc une « sans papier » sous le coup d’une mesure d’éloignement ! Elle, née Française avant l’indépendance de l’Algérie et dont le père s’était battu pour la France pendant la guerre 14/18…

Depuis bientôt 3 ans, Malika se bat pour obtenir le droit de rester en France, pays où résident les seules attaches familiales qu’il lui reste, à savoir sa belle famille. Ses recours juridiques ont tous été rejetés. Plusieurs élus et organisations se sont mobilisés pour la soutenir mais le Préfet de Seine-et-Marne a répondu négativement à toutes ces sollicitations. Il est temps que le calvaire administratif de Malika, venu s’ajouter à la douleur de perdre son mari, cesse.

 

Lettre ouverte de l’observatoire de l’enfermement des étrangers écrit à Jean-Marc Ayrault

L’observatoire de l’enferment des étrangers (OEE) vient d’adresser une lettre ouverte au premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour lui demander une réforme du droit d’accès des associations aux centres de rétentions, et plus généralement, aux « lieux d’enfermement des étrangers » (comme à Roissy, par exemple). Ce droit a en effet été sérieusement limité par un décret de juillet 2011 : habilitation des associations autorisée à visiter les étrangers par le ministère de l’intérieur, limitation du nombre de personnes autorisées, obligation de prévenir de la visite, etc… Il faut savoir que les associations jouent un rôle essentiel dans les centres de rétention : ce sont elles, et elles seules, qui peuvent dire leurs droits aux personnes retenues, elles qui les aide à monter leurs dossiers, les mettent en contact avec les avocats… toutes choses rendues très difficiles par cette réglementation, alors que ce travail est déjà difficile même quand il est effectué dans de bonnes conditions.

Cette lettre ouverte est accompagnée d’un document plus complet que vous pouvez télécharger ici.

Paris, le 6juillet 2012

Lettre ouverte

Monsieur le Premier ministre,

La législation européenne oblige la France à prévoir un droit d’accès des associations dans les lieux ou sont enfermés les étrangers pour la seule raison qu’ils ne disposent pas d’un titre de séjour en règle. Le décret du 8 juillet 2011, pris en application de la loi de juin 2011 réformant le Code de l‘entrée et du séjour des étrangers, définit ce droit d’accès de manière très restrictive. Parmi les conditions qui nous semblent aller à l’encontre de l’objectif de transparence qui devrait prévaloir, on retient que :

  • le ministère de l’intérieur a les pleins pouvoir pour habiliter les associations ;
  • les associations ne peuvent habiliter que cinq personnes pour exercer leur droit d’accès ;
  • le droit d’accès dans un lieu de rétention est limité à une seule association à la fois ;
  • les associations sont tenues de prévenir de leur visite vingt-quatre heures à l’avance ;
  • le décret ne précise pas l’étendue des locaux accessibles dans le cadre du droit d’acces.

Sur requête des organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), le Conseil d’État a déjà annulé une disposition abusive du décret, qui entendait interdire le droit d’accès aux associations conventionnées par l’État pour apporter aux étrangers une aide à l’exercice de leurs droits dans les lieux de rétention.

Pour autant, ce décret reste en l’état inacceptable. Votre gouvernement doit l’abroger et garantir la transparence des lieux d’ent`ermen‘1ent administratif des étrangers sur la base d’un nouveau texte. En particulier,

  • le droit d’accès des associations doit être garanti par la loi ;
  • il doit bénéficier de droit é toutes les associations qui se donnent pour but la défense des droits des étrangers, sans autre restriction ;
  • il doit pouvoir être exercé sans information préalable de l’administration ;
  • il doit donner accès à tous les locaux relevant des dispositifs d’enfermement administratif des étrangers et à l’ensemble de leurs annexes ;
  • il doit permettre un accès non restreint a priori à toutes les personnes enfermées ainsi qu’à tous les personnels intervenant dans les lieux d’enfermement ;
  • l’habilitation des associations doit être délivrée par une autorité administrative indépendante, qui précisera les modalités pratiques de l’exercice de ce droit par les membres de l’association.

Ces principes sont rassemblés dans la « Platef0rme de revendications pour un droit d’accès associatif dans les lieux d’enfermement des étrangers » que l’OEE rend publique ce jour, et que vous trouverez ci-joint. Les organisations membres de l’OEE vous demandent de les mettre en œuvre. Dans cette perspective, nous vous saurions gré de bien vouloir nous accorder une entrevue, dans un délai que nous espérons rapide.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’expression de notre haute considération.

Pour l’Observatoire de l’enfermement des étrangers,

Florence Boreil (ACAT)

 

 

Enfants en rétention : c’est fini !

L'aire de jeu du CRA de Rennes Saint-Jacques ne servira plus !

Les préfets ont reçu vendredi soir une circulaire du ministre de l’intérieur, mettant un terme au placement des enfants, et donc des familles, en rétention. Cette mesure attendue avec impatience par les associations et par les étrangers en situations irrégulières est un progrès essentiel, qui remet la France en conformité avec le droit européen, après avoir été condamnée à de multiples reprises par la cour de justice européenne et la cour européenne des droits de l’Homme. Un conseiller du ministre a déclaré : «L’idée, c’est que la lutte légitime contre l’immigration irrégulière doit être menée dans le respect des personnes, et surtout des enfants» (Libération). Lire aussi l’article paru dans Le Monde.

Cette mesure ne doit cependant pas nous faire oublier l’essentiel : il faut, et d’urgence, un moratoire sur les expulsions. On sait que le ministre prépare un autre texte, plus général, sur l’immigration, et il a annoncé qu’il allait mettre en place des critères précis pour l’obtention des titres de séjour. Une annonce en contradiction avec celle du maintien du quota annuel de 30000 expulsions : si on ne trouve pas 30000 étrangers ne répondant pas aux critères, que se passera-t-il ? On modifiera les critères, pour ajuster les chiffres ? Les associations ont toutes dénoncé cette histoire de quotas, et elles demandent toutes l’application immédiate d’un moratoire. Comment pourrait-on expulser aujourd’hui quelqu’un qui demain aurait rempli les conditions pour obtenir un titre de séjour ?

L’observatoire de l’enferment des étrangers (OEE) va plus loin (voir communiqué ci-dessous), et demande un moratoire sur le placement en rétention. Il demande également que les nouvelles règles s’appliquent également à Mayotte, où s’applique pour le moment un régime spécial. La circulaire signée vendredi soir par le ministre interdisant le placement des enfants en rétention ne s’applique pas non plus à Mayotte. Le ministère se justifie en disant que Mayotte connaît une «situation territoriale d’exception, cas singulier et préoccupant» (Libération).

Une autre circulaire est prévue dans le courant de l’été, pour supprimer ce qu’on a appelé « le délit de solidarité » : apporter une aide à un sans papier pouvait déclencher des poursuites pénales. Un délit que le sinistre Besson s’est appliqué à nier avec une morgue incomparable.

 

Le communiqué de l’OEE :

L’observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) salue la décision prise hier par la Cour de Cassation de mettre fin à la garde à vue des étrangers pour le simple fait de séjour irrégulier.

Elle démontre une nouvelle fois la nécessité d’une réforme de fond de la législation relative à l’immigration, qui puisse replacer enfin au cœur de ces dispositions le respect des droits et de la dignité des personnes et remettre à plat le dispositif actuel de d’enfermement, emblématique des pratiques administratives les plus abusives.

Cet objectif s’inscrit dans la droite ligne des engagements du président, François Hollande qui lors de la campagne pour l’élection présidentielle, a fermement dénoncé « l’instabilité et même l’irresponsabilité en matière migratoire » de la politique menée sous la présidence  de Nicolas Sarkozy. Répondant aux appels de différentes associations et collectifs associatifs, il s’est notamment engagé à mener « une politique migratoire fondée sur des règles transparentes, stables et justes (…) [qui], dans tous ses volets, devra être conduite dans le respect de la dignité de tous les êtres humains qui sont sur notre territoire ».

Nos associations, membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) ont été particulièrement sensibles à la critique de la façon dont le précédent gouvernement « a banalisé la rétention, [en en faisant] un instrument de sa politique du chiffre alors même que, comme toute privation de liberté, elle doit rester exceptionnelle et n’être utilisée qu’en dernier ressort ».

Conscient de ce qu’une telle réforme législative ne peut être immédiatement mise en œuvre et nécessite un débat, tant parlementaire que public, l’OEE s’associe aux appels des organisations demandant que, en attendant la réalisation de cette perspective, le gouvernement décide d’un moratoire sur les expulsions des étrangers.

Dans cet esprit, nous demandons instamment de suspendre tout placement en rétention, celui-ci n’ayant pour l’heure d’autre finalité que d’être un instrument banal d’enfermement aux conséquences dramatiques pour les étrangers. Le dispositif actuel, en maintenant son fonctionnement à l’identique, continue chaque jour de porter atteintes aux droits et à la dignité des personnes, comme aux valeurs garantes de notre Etat de Droit.

Nos associations insistent sur la nécessité que ce moratoire s’étende à tout le territoire de la République, y compris outremer et à Mayotte où les atteintes aux droits sont d’une gravité exceptionnelle.

Une telle décision aurait une valeur de symbole fort de la rupture que le gouvernement entend marquer par rapport à la politique de gestion des flux migratoires menée depuis 2002 et ne manquerait pas de donner un signal au monde sur le retour de la France dans le combat qu’elle n’aurait jamais dû quitter pour l’universalité des droits de l’Homme !

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Pierre Tartakowsky: « Droit des étrangers, il faut un débat »

Après le Réseau éducation sans frontière (RESF) et France Terre d’asile, c’est au tour de la Ligue des droits de l’Homme de s’exprimer sur l’interview que le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a donné au quotidien Le Monde daté du 28 juin.

Alors que ces deux associations analysaient les projets du ministre (régularisation au cas par cas, quota d’expulsions, Pierre Tartakowsky, président de la LDH, se place, dans sa tribune publiée aujourd’hui par le journal Libération, se place sur le plan philosophique, rappelant les grands principes qui ont conduit la France à être, jusqu’à ces dernières années, la « patrie des droits de l’Homme », avant de devenir le pays de la chasse à l’enfant. Pierre Tartakowsky, comme les autres associations, souligne enfin l’urgence d’un moratoire sur les expulsions : on ne peut pas admettre que quelqu’un soit expulsé aujourd’hui, alors qu’il pourrait être admis au droit de séjour la semaine prochaine. Et l’urgence d’un débat de fond sur le droit des étrangers.

Voici le texte de la tribune de Pierre Tartakowsky.

Le ministre de l’Intérieur a choisi de consacrer un de ses premiers grands entretiens au Monde à la question migratoire et au traitement qu’il convient de réserver aux étrangers. La démarche n’est pas anodine et témoigne à la fois d’une attente des français et de la volonté du gouvernement de ne pas s’y dérober. Elle intervient au moment où le pouvoir prend ses marques, cherche les moyens de se dégager de l’ancien pour dessiner un avenir. De fait, les flux migratoires, l’asile, la naturalisation, les CRA font partie de ce présent qu’il convient de réévaluer pour faire destin commun. Malheureusement Manuel Valls semble décidé à sauter cette étape, fort de réponses toutes faites: pas de régularisation massive; pour cause de crise, la France continuera à situer son niveau d’accueil à trente mille ; les étrangers reconduits le soient dans la dignité…

Et si l’on faisait du neuf, pour changer, et maintenant ?

Depuis des décennies, les étrangers n’ont été qu’un sujet de préoccupation ; un problème, des problèmes et pour finir, le problème. Ce qui en pose un énorme, à notre démocratie, en polluant profondément les termes du débat public et du contrat social.

Il s’agit de sortir de cette continuité impensée ; de dépasser la chorégraphie convenue des « réalistes » contre « droits de l’hommistes », « humanistes » contre « gestionnaires »… Autant d’affrontements très éloignés de ce dont nous avons besoin : un grand débat national permettant de réconcilier la France avec elle-même autour d’un projet à vivre ensemble.

Sur ce terrain, la société civile a joué un rôle d’éclaireur; elle a porté, durant plus de vingt ans, la revendication du droit de vote et d’éligibilité aux élections locales pour les étrangers non européens résidants en France ; elle s’est opposée aux « charters » de la honte, elle s’est mobilisée pour sauver l’honneur de notre pays lancé dans une chasse aux enfants, pour assurer le respect des droits des travailleurs sans papiers… Elle reste en première ligne de la défense de la légalité internationale.

Elle attend aujourd’hui que le gouvernement aborde ces enjeux en termes de débat politique et non plus d’affrontement. Entre le « tout, tout de suite » auquel personne ne peut croire et un désespérant « le changement, c’est plus tard », il s’agit de construire la confiance en prenant le temps nécessaire aux décisions politiques. Avant d’enfermer sa pensée dans des enveloppes comptables – trente mille, plus de trente mille – qui n’ont en fait aucune vertu si ce n’est celle de l’affichage – la République a besoin de débattre sur le type de société qu’elle entend opposer aux crises, sur la place et la contribution des uns et des autres à ce projet.

Si ce débat nous évite les ornières et la fange du passé, ce sera du temps gagné pour tous. C’est pourquoi il serait sage de décider d’un moratoire des expulsions. Il permettrait l’apaisement, vaudrait engagement d’une remise à plat et signerait le décès de la détestable politique du chiffre.

Ce moratoire permettrait e débattre contradictoirement, et tranquillement, de faire la part des choses entre mensonges et réalités; il réinscrirait notre réalité nationale dans la dimension la plus généreuse de son histoire. C’est ce qui a été commencé avec l’abrogation de la circulaire du 31 mai. Ce chemin est le bon, on peut le poursuivre. Ainsi l’accès à la nationalité française devrait être facilité par des procédures élargies et stabilisées sur tout le territoire ; l’effectivité du droit d’asile suppose les mêmes procédures pour tous en matière de dépôt de dossiers, assorties d’un recours suspensif sur toute décision prise par l’Ofpra, et la suppression de la liste dite des pays d’origine sûrs ; la régularisation de tous les salariés sans papiers peut être permise par des critères stables et nationaux, en même temps que les débats parlementaires sur la réforme du Ceseda porteront sur l’attribution à tous de la carte de résident de dix ans ; la suppression des visas de court séjour, et, à défaut, la justification par les services consulaires d’une décision de refus, doit permettre une reprise normale de la circulation des personnes ; l’extension continue de la rétention administrative doit connaître un coup d’arrêt par la généralisation des procédures suspensives, respectueuses des droits des demandeurs et de leur défense, par l’interdiction absolue de la mise en Cra d’enfants, par l’existence de permanences d’avocats dans les zones d’attente ; les droits et taxes, telle celle de l’Ofii, devraient être ramenés à la juste mesure d’un simple acte administratif.

Tout cela nous inscrirait toutes et tous dans un retour à une normalité républicaine, dont le socle est l’égalité des droits. Cela semble à la fois raisonnable, démocratique, susceptible de rassembler largement. En débattre serait réconcilier le cœur et la raison, le droit et la justice, l’effort et l’enthousiasme.

Pierre Tartakowsky

Président de la Ligue des droits de l’Homme