La Ligue des droits de l’Homme solidaire des lycéens pour exiger le retour des élèves expulsés

Les lycéens préparent une nouvelle manifestation prévue ce mardi 5 novembre. Aujourd’hui déjà, quelques lycées parisiens étaient mobilisés, et les organisations lycéennes prévoient une semaine d’action avec distribution de tracts. L’objet de leur action est toujours le même : que les lycéens et étudiants étrangers puissent poursuivre leur scolarité et leurs études en France sans être inquiétés. C’est sans doute la première fois qu’un mouvement lycéen se construit sur une revendication qui ne concerne pas directement les intéressés : leur mécontentement concerne d’habitude des projets de réforme de la scolarité ou des programmes. Là, il s’agit de solidarité. C’est d’autant plus remarquable que les médias, depuis plusieurs mois, ne cessent d’évoquer la « dépolitisation » de la jeunesse, son manque d’engagement citoyen, son   attirance pour l’extrême droite, et autres images de ce type. Les jeunes montrent aujourd’hui qu’ils échappent à la xénophobie ambiante qui pollue depuis quelque temps la démocratie française.

La Ligue des droits de l’Homme a rejoint le mouvement initié par le Réseau éducation sans frontières et des syndicats lycéens et étudiants, lui apporte son soutien total, et appelle à participer aux manifestations qui seront organisées. Voici le texte du communiqué commun qui a été publié dans l’après-midi de ce lundi 4 novembre.

Il faut entendre la jeunesse :
retour des expulsés, régularisation !

À l’initiative du Réseau Éducation sans Frontières, des représentants de syndicats lycéens et étudiants, de syndicats de personnels de l’éducation, et d’associations des droits de l’homme ont tenu une réunion unitaire le 28 octobre pour envisager les suites à donner aux inadmissibles expulsions de jeunes scolarisés auxquelles le gouvernement a procédé ces deniers mois.

Pour nous, il est hors de question d’accepter que la scolarité d’élèves soit saccagée par des décisions injustes, arbitraires et brutales. Tout élève doit pouvoir mener sa scolarité à terme, quels que soient sa nationalité, son statut ou celui de ses parents. La disparition d’un élève, capturé dans le cadre scolaire ou ailleurs, est un événement intolérable.

Nous exigeons le retour des élèves expulsés avec leurs familles : de Khatchik, lycéen parisien expulsé en Arménie, de Léonarda avec toute sa famille, expulsées au Kosovo, mais aussi de Cheikh Kouyate, lycéen de Crest (Drome) expulsé au Mali en juin alors qu’il allait passer une épreuve de baccalauréat, de David Victor, élève malgache de BTS au lycée L. Rascol d’Albi expulsé en mai, de Dreini Kalanderi, élève kosovar du lycée d’Audincourt expulsé le 1er octobre, et de tous ceux et de toutes celles qui ont sans doute été expulsés en silence.

Un changement profond de la politique migratoire menée depuis des années par les gouvernements successifs est indispensable.

Nous exigeons un changement  de loi afin que l’expulsion des jeunes en parcours de formation (apprentis, lycéens, étudiants…) ne soit plus possible. Leur régularisation, comme celle des familles d’enfants mineurs, doit être la règle.

Pour atteindre ces objectifs, les syndicats lycéens appellent les élèves à engager l’action dès la rentrée, dans tous les établissements. Des manifestations sont notamment d’ores et déjà prévues le mardi 5 novembre et le jeudi 7 novembre. Les syndicats et les associations représentées apportent leur soutien au mouvement lycéen, et l’accompagneront avec leurs moyens spécifiques.

Nous appelons à manifester massivement avec les lycéen-ne-s.

 

 

 

Insulte contre Ch. Taubira : le silence des politiques, l’indignation des artistes

Les réactions politiques avaient tardé, après l’agression verbale raciste dont a été victime Christiane Taubira à Anger il y a quelques jours. On avait davantage entendu le front national exiger des preuves de cette agression. Il a été gâté : le journal Anger Mag Info a diffusé sur son site une vidéo filmée par un amateur avec son téléphone où on assiste de façon très claire à l’agression. Mais la vidéo révèle autre chose : la complicité des adultes autour de la gamine, ce qui contredit l’affirmation des organisateurs de la « manif pour tous » qui considéraient qu’il s’agissait d’un acte isolé. Cette gamine était en fait manipulée par des adultes (on voit la banane circuler de main en main) soucieux, on le sait, de la protection morale des enfants…

Les politiques muets, ce sont les artistes qui se sont exprimés, et leur voix a sans doute plus d’écho que n’aurait eu celles des utilisateurs de la langue de bois.

Vendredi matin, c’est François Morel qui a commencé, avec une chronique remarquable de sensibilité, d’élégance et d’efficacité, dans laquelle il demande à « la petite conne » : « Pour qui la banane ? » Cette chronique a été relayée tout le week-end sur les réseaux sociaux et on ne se lasse pas de l’écouter.

Le musicien Titi Robin, nominé en 2012 aux Victoires de la musique et qui a une quinzaine d’albums à son actif a choisi pour sa part d’écrire une lettre ouverte qui a été publiée dans la presse locale, et que nous reproduisons ici. Une lettre qui, comme la chronique de François Morel, ne se contente pas de dénoncer le fait divers : il l’analyse.

Lettre ouverte

« Permettez-moi de prendre la parole d’une manière personnelle. Je suis né dans un village angevin où on élevait (comme toujours aujourd’hui) des vignes pour élaborer un vin moelleux, généreux, destiné au partage, à l’accueil des visiteurs, aux célébrations familiales. J’ai reçu dans ce village une éducation traditionnelle, riche, que je porte avec fierté, qui m’a permis de voyager et de rencontrer de par le monde des hommes et des femmes avec leurs propres bagages culturels. Nous avons échangé, et ainsi je me suis construit, j’ai grandi, mariant mes racines à celles rencontrées. Comme je savais d’où je venais, je retrouvais toujours ma route. Durant toutes ces années, je suis toujours resté fidèle à ma région. Je l’aime.

Aujourd’hui, je suis blessé, humilié, et en colère. Les paroles et gestes d’une enfant d’une douzaine d’années et d’un notable expérimenté auraient-ils souillé l’air ? Ou bien est-ce le silence et l’apathie qui ont suivi ces événements qui me troublent ? De France et de l’étranger me parviennent des messages : « Que se passe-t-il chez vous ? Pourquoi les gens sont-ils devenus ainsi, en Anjou ? » Dans les rues d’Angers, des gens évoquent leur gêne ou leur honte à voix basse. Je ne pense pourtant pas que nous ayons changé. La lâcheté ou tout au moins le manque de clairvoyance de nos dirigeants (de gauche) comme de leurs collègues dans l’opposition (de droite) encourage certains intellectuels, certains médias et des gens de pouvoir à développer dans le pays une atmosphère profondément malsaine. Il y a là quelque chose de pathologique, la crise encourageant le repli sur soi.

Du coup, cette minorité dans notre société qui a porté et portera toujours en son sein des idées empoisonnées se sent soudain libre de les exprimer au grand air. Notre pays avait connu ce phénomène il y a longtemps. Il y a aujourd’hui comme un relâchement moral nauséabond. Et puis voilà : Une fillette de douze ans peut traiter comme un animal, en rigolant, en l’insultant, devant le public, la presse, et ses parents ravis, une femme d’une grande culture intellectuelle et morale, représentante du gouvernement, car l’enfant a la peau blanche et la femme la peau noire. Un notable d’une ville de la région ironise autour de l’extermination pendant la deuxième guerre mondiale des ancêtres d’une partie, minoritaire, de sa population (qu’on appellera ici Gens du voyage) et se félicite aujourd’hui de les chasser de son territoire. Ces événements sont mis en lumière car ils concernent des personnages publics. Nous devons savoir qu’ils correspondent à la face émergée du problème. Cela signifie que bien d’autres personnes souffrent en silence. Si notre corps social est endormi, affaibli, il importe de réveiller ses anticorps. Il importe aussi de parler fort. Ayons confiance en nos forces, nous devons pouvoir continuer à être fier de qui nous sommes, de nos racines comme de notre hospitalité, qui vont de pair. »
Thierry ROBIN

Le conseil constitutionnel ne reconnaît pas « l’objection de conscience » des maires contre le mariage homo

C’est fait : le conseil constitutionnel a validé la loi sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Les maires « objecteurs de conscience » vont donc être contraints de laisser la loi s’appliquer : c’est tout ce qu’on leur demande, mais c’est, semble-t-il beaucoup pour eux…

Le journal Mariane met un bémol en rappelant le 10ème article de la déclaration des droits de l’Homme d’août 1789 : «nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas lordre public établi par la loi». Certes. Mais cet article précise bien : « pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Il semble bien qu’empêcher un mariage troublerait l’ordre public.

Les fanatiques homophobes de la manif pour tous et autres gesticulations en sont donc pour leurs frais. Ils feront peut-être (sans doute ?) appel à la justice européenne ? C’est en tout cas ce qu’annonce le collectif des « maires pour l’enfance » qui a l’intention d’aller plaider sa cause devant la cour européenne de justice. On entend beaucoup moins ces maires s’indigner contre les expulsions d’enfants vers des pays où leur sécurité, parfois même leur vie sont menacées… Il y a comme ça des indignations sélectives… On piaffe d’impatience d’entendre la réaction de Frigide Barjot !

 

Léonarda : l’expulsion de trop ?

L’expulsion de trop ? en tous cas, l’expulsion de la jeune lycéenne Léonarda Dibrani vers le Kosovo continue de soulever indignation et colère un peu partout : dans les associations de soutien aux demandeurs d’asile, évidemment, mais aussi jusqu’au parti socialiste, qui jusqu’ici, soutenait le ministre de l’intérieur dans tous ses errements. Et aujourd’hui, ce sont les lycéens qui se mobilisent pour faire revenir leur camarade. La Ligue des droits de l’Homme vient d’ailleurs de leur apporter son soutien avec un communiqué publié en début d’après-midi (lire en fin d’article).

Survenant après les deux drames successifs de Lampedusa (plusieurs centaines de demandeurs d’asiles morts pendant une traversée), l’histoire de Léonarda réunit effectivement tous les ingrédients pour soulever cette indignation. Et ce ne sont pas les déclarations du ministre qui affirme que tout s’est déroulé avec « humanité »… cela fait un peu penser, toutes proportions gardées,  au récit de l’exécution du dernier condamné à mort par une magistrate qui y a assisté :  elle raconte que, le condamné, à quelques secondes de la mort, demandant une troisième cigarette, le boureau répond « On a déjà été très bienveillants avec lui, très humains, maintenant il faut en finir », avant de l’exécuter, avec humanité évidement. Et cela fait aussi penser à la réponse de l’Europe aux drames de Lampédusa : sa seule préoccupation reste la sécurité des frontières.

On annonce une enquête administrative pour définir les responsabilités dans cette affaire. Il s’agira sans doute de trouver un fusible, en la personne d’un policier un peu zélé. Mais le véritable responsable de ce scandale, on le connaît : c’est le ministre, qui, même s’il n’a pas piloté personnellement la procédure qui a conduit à l’expulsion de la jeune fille, a créé par ses déclarations successives les conditions qui ont permis que cela se déroule ainsi. N’oublions pas que Leonarda n’est pas seulement étrangère : elle est aussi Rom…

Un blogueur, François Delapierre, rappelle très opportunément les déclarations de M. Valls dans un livre qu’il a écrit en 2008 : « Le jour où j’accepterai qu’on piège des sans-papiers pour les virer de chez nous (…) je serai foutu. Il faudra mieux que je fasse autre chose.  » « Et la droite c’est quoi ? C’est la saloperie qui consiste à convoquer un mec pour le piéger ? C’est cela incontestablement. Oui c’est une vision assez cynique de ce que peut être le rôle de l’Etat. Ça, c’est la droite. »

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme :

Arrêter la Valls des expulsion

La Ligue des droits de l’Homme salue la mobilisation des lycéens qui manifestent aujourd’hui en France, en soutien à Leonarda Dibrani et Khatchik Kachatryan, et se tient résolument à leurs côtés.

Devant l’interpellation de collégiens ou lycéens étrangers dans leur environnement scolaire, la LDH réaffirme le droit à la scolarité et à la vie en famille des jeunes étrangers.

La LDH le répète : il est temps de rompre avec les politiques migratoires du passé, politiques qui piétinent des droits fondamentaux, tel le droit à l’éducation, politiques qui nourrissent les discriminations et les discours de haines racistes.

Il est grand temps que le gouvernement rompe avec ces politiques du passé, pour faire respecter les droits des mineurs isolés étrangers, des enfants scolarisés, des familles, des travailleurs étrangers, afin de faire vivre la solidarité et la fraternité.

Député honoraire et fils de Manouche, les propos du ministre lui donnent la nausée, il demande sa démission

 

Jean-Claude Lefort est également président de l'association France Palestine Amitié Solidarit

Additif, 4 octobre : Jean-Claude Le Fort lance une pétition pour demander la démission de Manuel Valls. Lire et signer ici.

Jean-Claude Le Fort a été député du Val de Marne de 1988 à 2007. Rien que de très banal, sauf que Jean-Claude Le Fort a une histoire personnelle originale : il est fils de Manouche. Alors, quand il entend les propos odieux de Manuel Vals, lui-même fils de réfugié espagnol, il a « nausée », reconnaît-il. Et il prend la plume pour s’adresser au ministre, via une tribune publiée dans l’Humanité. Il me pardonnera – et le journal l’Humanité aussi – de la publier sur ce site sans avoir eu la possibilité de lui en demander l’autorisation : ce beau texte doit être diffusé le plus largement possible.

Manuel, souviens-t-en…

Manuel, tu as déclaré́ hier soir, sur BFMTV, que la situation était très différente pour toi, relativement à celle des Roms, car ta famille espagnole était venue en France pour fuir le franquisme.

Tu as été naturalisé français en 1982. Franco est mort en 1975. Sept ans avant ta naturalisation. Quand tu es devenu français, il n’y avait donc plus de dictature en Espagne. Tu avais donc « vocation », selon tes mots, à retourner dans ton pays de naissance, en Espagne. Tu ne l’as pas fait et je comprends parfaitement, de même que je comprends totalement ton souhait de devenir français. Cela sans l’ombre d’un doute.

Tu avais « vocation » à retourner à Barcelone, en Espagne où tu es né, pour reprendre tes propos qui concernaient uniquement les Roms. Celui qui t’écrit, en ce moment, est un Français d’origine manouche par son père. Mon père, manouche et français, est allé en 1936 en Espagne pour combattre le franquisme, les armes à la main, dans les Brigades internationales. Pour la liberté de ton pays de naissance, et donc celle de ta famille. Il en est mort, Manuel. Des suites des blessures infligées par les franquistes sur le front de la Jarama, en 1937. Je ne te demande aucun remerciement, ni certainement pas la moindre compassion. Je la récuse par avance. Je suis honoré en vérité qu’il ait fait ce choix, quand bien même il a privé ma famille de sa présence alors que je n’avais que neuf ans et ma sœur, dix-huit.

La guerre mondiale est venue. Et les camps nazis se sont aussi ouverts aux Tziganes. Tu le sais. Mais un nombre énorme de Manouches, de Gitans et d’Espagnols se sont engagés dans la Résistance sur le sol français. Ton père aurait pu en être. Il en avait l’âge puisque il est né en 1923. Georges Séguy et d’autres sont entrés en résistance à seize ans. Je ne lui reproche aucunement de ne pas l’avoir fait, bien évidemment. Mais je te demande le respect absolu pour celles et ceux qui se sont engagés dans la Résistance contre le franquisme, puis ensuite contre le nazisme et le fascisme. Contre ceux qui avaient fait Guernica. Et pourtant, à te suivre, ils avaient « vocation » à retourner ou à rester dans leur pays d’origine, ces « étrangers, et nos frères pourtant »…

Manuel, « on » a accueilli la Roumanie et la Bulgarie dans l’Union européenne alors que ces pays ne respectaient pas, et ne respectent toujours pas, un des fondamentaux pour devenir ou être membre de l’Union européenne : le respect des minorités nationales. Sensible à cette question pour des raisons évidentes, je m’en étais fortement inquiété à l’époque. En tant que député, je suis allé à Bruxelles, auprès de la Commission, pour prouver et dire que ces pays ne respectaient pas cette clause fondamentale. On m’a souri au nez, figure-toi.

Et aujourd’hui, dans ces pays, la situation des Roms s’est encore aggravée. Pas améliorée, je dis bien « aggravée ». Et ils ont « vocation » à rester dans leurs pays ou à y revenir ? C’est donc, pour toi, une espèce humaine particulière qui pourrait, elle, supporter les brimades, les discriminations et les humiliations de toutes sortes ? Ces pays d’origine ne sont pas des dictatures, c’est certain. Mais ce ne sont pas des démocraties pleines et entières pour autant.

Alors toi, l’Espagnol devenu français, tu ne comprends pas ? Fuir son pays, tu ne comprends pas ? Toi, tu ne comprends pas que personne n’a « vocation » à rester ou revenir dans son pays ? Sauf si tu es adepte de conceptions très spéciales, à savoir que ce qui vaudrait pour un Roumain ne vaudrait pas pour un Espagnol. Tu sais pourtant que le mot « race » va disparaître de nos lois. À juste titre car il n’y a pas de races, juste une espèce humaine. Et les Roms en sont.

La fermeté doit s’exercer là où se trouvent les responsabilités. Pas sur de pauvres individus qui n’en peuvent plus. Savoir accueillir et savoir faire respecter nos lois ne sont pas deux concepts antagoniques. Mais quand on est de gauche, on n’a pas la matraque en guise de cœur.

C’est un Français d’origine manouche qui t’écrit et qui écrit au Français de fraîche date que tu es. C’est un fils de « brigadiste » qui se rappelle à toi. Souviens-t’en : « Celui qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir. »

Pour l’heure, Manuel, j’ai la nausée. Tes propos me font gerber, même pire. Nos pères auraient donc fait tout ça pour rien ou pour « ça » ?

Ils sont morts pour la France, Manuel. Pour que vive la France. Inclus « ces étrangers, et nos frères pourtant ».

Par Jean-Claude Lefort, Député honoraire, Fils de Manouche.

L’Humanité, Tribune Idées, mardi, 1 octobre 2013.

 

Arabie Saoudite : des femmes bravent l’interdiction de prendre le volant

Des militantes saoudiennes ont annoncé dimanche qu’elles entendaient prendre le volant le 26 octobre dans le cadre d’une campagne lancée sur internet pour braver l’interdiction faite aux femmes de conduire dans le royaume ultra-conservateur.

« Le 26 octobre, je conduirai une voiture », a déclaré à l’AFP Nassima al-Sada, une militante des droits de l’Homme. Elle a affirmé qu’une vingtaine d’autres femmes étaient également décidées à se mettre au volant le même jour dans la province Orientale où elle réside.

L’Arabie saoudite, pays qui applique une version rigoriste de l’islam, est la seule nation du monde à interdire aux femmes de prendre le volant. Elles doivent donc engager un chauffeur ou, si elles n’en ont pas les moyens, dépendre du bon vouloir des hommes de leur famille. Elles sont en outre obligées de sortir voilées et ne peuvent voyager sans l’escorte de leur mari ou d’un proche.

Des militantes avaient lancé en juin 2011 une campagne pour braver cette interdiction, la plus importante après l’arrestation en novembre 1990 de 47 Saoudiennes qui avaient manifesté au volant de leur voiture.

Depuis, plusieurs d’entre elles ont pris le volant et certaines ont été forcées par la police à signer un engagement à ne plus récidiver, selon des militantes.

En juin 2012, des militantes avaient appelé à nouveau à défier l’interdiction de conduire à l’occasion du premier anniversaire de la campagne, mais avaient annulé leur appel à la suite de la mort du prince héritier, adressant une pétition au roi.

La controverse sur cette question « ne peut être tranchée que par une décision ferme » des autorités, estiment les signataires de la nouvelle pétition, avertissant que l’absence d’une telle décision « dans l’attente d’un consensus social ne fait que renforcer les divisions » au sein de la population.

Le roi Abdallah, un prudent réformateur, a accordé le droit de vote aux femmes à partir des prochaines élections municipales en 2015. Encore faudrait-il qu’elles puissent se rendre aux urnes sans dépendre du bon vouloir de leur mari…

Source : AFP

Légitime défense : les dangers d’une dérive

Les faits se sont produits mercredi matin, vers 8h45. Un bijoutier du centre-ville niçois ouvre son magasin quand deux hommes font irruption sur place et le menacent d’une arme.

Ils se font ouvrir le coffre, ramassent des bijoux avant de prendre la fuite en scooter. C’est alors que le commerçant se saisit d’une arme de poing, pour laquelle il n’avait pas de permis, s’accroupit, et fait feu à trois reprises en direction des malfrats. Le passager, touché au moins une fois au dos, succombera peu de temps plus tard sur le pavé.

Il ne faut attendre que quelques minutes avant que les media ne s’emparent de l’affaire déclenchant, par ricochet, une flopée de réactions de politiques en mal d’exposition. Certains d’entre eux, toujours un peu les mêmes, réclament ni plus ni moins qu’un changement des règles du droit français liées à la légitime défense.

Peu de temps plus tard, des groupes de soutien, aux méthodes louches, se constituent sur Internet pour réclamer l’acquittement du bijoutier. Une curieuse odeur de populisme semble progressivement s’installer, allègrement propagée par toute une partie de la classe politique.

Car tous ces appels, visant à autoriser la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent) et à régulariser l' »auto-défense », sont de graves dérives. Faudra-t-il, demain, autoriser la vente libre d’armes à feu pour aider les braves citoyens à se défendre ? Pendant que l’on y est, peut-être pourrait-on également autoriser les milices privées ou encore les lynchages publics par la foule en délire…

Autoriser la loi du talion, c’est forcément, progressivement, revenir à la loi du plus fort. Est-ce vraiment ce que l’on souhaite ?

Marie-Claude Bompard se prend pour la mère supérieure de Bollène et refuse de marier de deux femmes

Marie-Claude Bompard est maire de Bollène (Vaucluse). Elue sous l’étiquette de la ligue du sud, fondée par son mari, Jacques Bompart, maire d’Orange, conseiller général et député, cofondateur en 1972 du front national.

Marie Claude Bompard est aussi catholique. C’est à ce titre qu’elle a « consacré » sa ville au « cœur sacré de Jésus » ; elle ne comprend pas que ce geste puisse soulever quelques critiques…

Alors, évidemment, le mariage pour tous, elle n’aime pas. Et ne se prive pas pour le dire. C’est ainsi que cette année, elle a utilisé la cérémonie commémorative du 8-mai pour en faire une tribune contre le mariage étendu aux personnes de même sexe.

Elle a aussi à plusieurs reprises annoncé qu’elle refuserait de célébrer ces mariages.

Elle vient de passer au travaux pratiques.

Deux jeunes femmes, Amandine Gilles et Angélique Leroux avaient projeté de se marier à Bollène. La maire les a reçues hier, vendredi 23 août, et leur a signifié qu’elle refusait de célébrer leur mariage : « Marie-Claude Bompard nous a dit qu’elle respectait les couples homosexuels mais que par rapport à ses convictions religieuses, il lui était impossible de nous unir », expliquent-elles. Les jeunes femmes lui ont alors demander de demander à un de ses adjoints de le faire : « On lui a alors dit de déléguer le pouvoir à un adjoint mais elle a refusé ». Mais n’allez pas supposer que Marie-Claude Bompard soit le moins du monde homophobe : elle n’est pas opposée « à une personne, mais à une loi » ! (source : article de Vauclusematin.com).

Les jeunes femmes ont décidé de s’adresser au préfet du Vaucluse.

Curieusement, la presse ne semble pas avoir repris cette information diffusée par Vaucluse matin, à part Europe 1 qui en a fait un flash.

Les refus de célébrations qu’on redoutait ont finalement été marginaux, et le fait de quelques illuminés seulement. Il y a eu le maire de Mésanger en Loire-Atlantique, celui d’Arcangues (Pyrénées-Atlantiques). Il est bon de rappeler que ce que ces maires baptisent abusivement « objection de conscience » n’est en fait que de la foutaise.

Comme on pouvait l’imaginer, ces mariages vont rapidement être banalisés. Sur son compte tweeter, Jean-Luc Moreno signale :

Déjà 148 #mariagepourtous célébrés a Paris et 558 dossiers déposés – dont le mien ! Qui a dit que les #gays ne veulent pas se marier ?

Quelqu’un pourrait-il signaler à Marie-Claude Bompard qu’elle est maire de Bollène, et non « mère supérieure » ?

 

France 3, lundi 19 août à 22h55, Liberté, de Tony Gatlif

Le camp de concentration de Tziganes de Montreuil-Bellay (49)

Jacques Sigot s’est battu pendant de longues années pour que le camp d’internement de tziganes de Montreuil-Bellay (49) soit reconnu. C’est aujourd’hui chose faite, et un stèle commémorative y a été érigée. Jacques nous informe que   ce soir, lundi 19 août, France 3 va diffuser le film « Liberté », de Tony Gatlif. Voici ce qu’il en dit :

Ce soir, passe sur France 3, à 22 h 55, un film sur les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale. Tony Gatlif, le réalisateur, est parti de 5 lignes d’un témoignage de mon ouvrage sur le camp de Montreuil-Bellay (49) :

Un nomade, chef d’une famille, s’appelait Taloche. C’était un Hongrois, mais il se disait Belge, parce que né en Belgique. Il se procura, lui aussi, un domicile à Cerçay, dans les Deux-Sèvres. Mais il ne s’y installa pas, préférant retourner dans son pays natal. Là, les Allemands l’attrapèrent et l’enfermèrent dans un camp de concentration  où il fut éliminé.

Ça, c’est un témoignage que j’ai recueilli en 1980, publié en 1983 et qu’a utilisé Tony Gatlif. J’ai, par la suite, continué mes recherches et il s’est avéré que le témoignage était assez « fantaisiste », comme souvent les témoignages… J’ai même retrouvé ujne photo de l’homme qui s’appelait en réalité Toloche.

Voici ce que je sais maintenant sur lui après une vingtaine d’années de nouvelles recherches :

http://jacques-sigot.blogspot.fr/2013/06/joseph-toloche-un-interne-du-camp-de.html

Publicité avec extraits du film sur le Net :

http://www.allocine.fr/film/fichefilm-137350/secrets-tournage/

Le film est très très beau !La naissance du projet

Secret de tournage sur Liberté

Tony Gatlif a depuis toujours souhaité évoquer le sort des Roms durant la seconde guerre mondiale : « J’avais envie de faire un film sur l’holocauste des roms depuis que j’ai commencé à faire du cinéma. Mais le sujet me faisait peur. Les Roms que je rencontrais me disaient souvent : « Fais-nous un film sur la déportation des Roms ». Début 2007, participant à un colloque international des Roms à Strasbourg, des jeunes élus roms de la communauté européenne m’ont fait la même demande. Ils me disaient à quel point ils souffraient de ce manque de reconnaissance, de l’ignorance des autres vis-à-vis de leur propre histoire. Je ne voyais pas comment faire ce film, moi qui suis un cinéaste qui aime la liberté de la caméra, comment respecter les règles d’une stricte reconstitution. Et je reculais de peur de mal faire en réalité. Et puis un jour, j’apprends que Jacques Chirac va rendre hommage aux Justes en les réunissant au Panthéon. Je me suis dit : on va enfin savoir si certains Justes ont sauvé des Tsiganes. Malheureusement ils n’étaient pas présents. Je me suis mis à les chercher. J’ai fini par trouver dans un livre de Jacques Sigot, une anecdote de quelques lignes : « Le destin d’un dénommé Tolloche fut particulièrement tragique. Interné à Montreuil-Bellay, il réussit à se faire libérer après avoir acheté, par l’intermédiaire d’un notaire, une petite maison à quelques kilomètres de la ville. Incapable de vivre entre quatre murs, il reprit la route pour retourner dans son pays d’origine, la Belgique. Il fut arrêté dans le Nord et disparut en Pologne avec ses compagnons d’infortune »

 

Des voix s’élèvent contre l’interdiction du foulard à l’Université

Jean Baubérot

Une nouvelle polémique alimente depuis quelques jours les discours xénophobes, racistes et islamophobe : le port du foulard par des jeunes femmes musulmanes à l’Université.

Cette polémique est née à la suite de la publication d’un rapport réalisé par le Haut conseil à l’intégration, un organisme créé par Michel Rocard en 1989. Or ce comité, qui avait une mission « laïcité », n’existe plus : il a été remplacé, en décembre 2012, par l’Observatoire de la laïcité, présidé par l’ancien député Jean-Louis Bianco. Parmi les mesures préconisées par ce rapport, il y a l’interdiction du port du foulard à l’Université.

Comme chaque fois que ce « problème » est abordé, un amalgame est fait entre le foulard, qui ne recouvre que les cheveux, et la burqua, qui « anonymise » celle qui la porte puisqu’elle cache intégralement le visage. La loi qu’avait fait voter Sarkozy en 2010 concernait le port de la burqua dans les espaces publics, pas le voile. Evidemment, cet amalgame n’est pas innocent.

Le ministre de l’intérieur s’est, comme on pouvait s’y attendre, précipité sur cette publication pour dire tout le bien qu’il en pensait. La ministre des universités s’est quant à elle prononcée contre.

Et fort heureusement, d’autres voix se sont élevées pour dénoncer cette mascarade. Et des voix autorisées. À commencer par la Conférence des Universités. Des intellectuels ont également apporté leur éclairage, tout aussi autorisé.

Jean Baubérot (lire ici le compte rendu de sa conférence donnée à Saint-Brieuc en décembre 2012 sur le thème « laïcité et lutte contre les discriminations »), tout d’abord, historien, spécialiste de la laïcité, et membre de l’Observatoire national de la laïcité. Il ne mâche pas ses mots : « On a l’impression », dit-il, « que ce petit lobby n’a de cesse de vouloir exacerber les tensions, faire monter la pression, énerver les musulmans, bref se fabriquer des adversaires pour mieux pouvoir se poser en héros contre l’intégrisme par la suite ». Et il ajoute : « Ce faisant, on fait le lit de l’extrême droite, alors que se profilent des élections, et celui des islamistes intégristes qui deviennent attractifs: ils peuvent entretenir le sentiment de victimisation de musulmans susceptibles de se radicaliser. C’est pain bénit pour eux ». Il revient aussi sur cet amalgame : « L’ennui, c’est que l’amalgame est systématiquement fait entre ce voile intégral qui cache l’identité d’une personne et le foulard qui ne fait que cacher les cheveux, mais permet l’identification. Vous avez même des dessins qui représentent des femmes en niqab, alors qu’on parle du foulard ». Et il conclut : « Que veut-on ? Renforcer l’exclusion de femmes qui peuvent s’épanouir à l’université ? Provincialiser l’université française qui n’est pas la mieux classée au monde ? Faire comme si la France était une île et qu’on ne regarde pas ce qui se passe ailleurs ? ».

Danièle Lochak

Une autre voix s’était exprimée, en décembre 2011 : celle de Danièle Lochak. Cette historienne, membre de la Ligue des droits de l’Homme, publiait alors un article sur le Haut conseil à l’intégration, et elle non plus ne mâche pas ses mots, lorsqu’elle présente un historique des préconisations de cet organisme : «  lorsqu’on examine le contenu des rapports et des avis du Haut Conseil à l’intégration sur une période de vingt ans, ce qui saute aux yeux c’est le nombre de propositions qui ont pour effet — sinon pour objet — de restreindre les droits des étrangers ou de précariser leur situation par des mesures de contrôle toujours plus strictes. Ce faisant, le HCI embraye sur le discours tenu par tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche et se coule dans la problématique imposée depuis plus de trente ans : à savoir que la « maîtrise des flux migratoires », et donc la lutte contre l’immigration irrégulière, sont le préalable à toute politique d’intégration des immigrés résidant légalement en France. Or cette thèse est fallacieuse.

D’abord parce que les mesures répressives engendrent insécurité et précarité, stigmatisent l’ensemble de la population immigrée, encouragent la suspicion et la xénophobie. Elles ont donc des effets désintégrateurs. Ensuite, elles mobilisent les énergies et les crédits et la priorité qui leur est donnée a pour conséquence de repousser toujours à plus tard les initiatives concrètes en faveur de l’intégration. » (source : le site « les mots sont importants, http://lmsi.net/Le-Haut-Conseil-a-la-des). On peut voir ici la vidéo d’une conférence de Danièle Lochak donnée à Lorient en septembre 2011 sur la « généalogie des droits de l’Homme »).

Ces deux articles, passionnants, éclairent de façon très intéressante le sujet : à lire d’urgence !