Leonarda solidaire de ses frères et soeurs

Léonarda va pouvoir, « si elle en fait la demande », poursuivre sa scolarité en France. Soit. Mais elle ne pourra rentrer en France que « seule ».

Seule, ça veut dire sans ses parents.

Seule, ça veut dire qu’elle aura le statut de « mineure étrangère isolée ». Pas brillant, mais bon.

Seule, ça veut aussi, et peut-être surtout, dire sans ses frères et sœurs.

Ils ne mériteraient donc pas la clémence du président ?

Curieuse décision. Ou plutôt décision très claire : d’un côté on veut calmer ces lycéens chahuteurs et leur permettant de retrouver leur copine, et de l’autre, on flatte le meilleur apprenti sorcier de France, par ailleurs ministre de l’intérieur.

Et on pense sans doute que ça fera reculer le front national…

Le conseiller général de Brignoles a été élu il y a moins d’une semaine,  et on a l’impression que la leçon est déjà oubliée…

Le président de la République avait l’occasion de se situer clairement par rapport au problème (est-ce vraiment un problème ? Ne serait-ce pas plutôt une chance ?) de l’immigration… occasion ratée… une de plus.

Evidemment, les critiques fusent de toute part.

Leonarda a déjà pris sa décision : elle reste avec sa famille, elle reste avec ses frères et sœurs. Elle prouve une nouvelle fois qu’elle est une fille bien. Elle aurait pu faire du bien à la République : on l’en empêche.

Elle va mal, la République !

Léonarda : l’expulsion de trop ?

L’expulsion de trop ? en tous cas, l’expulsion de la jeune lycéenne Léonarda Dibrani vers le Kosovo continue de soulever indignation et colère un peu partout : dans les associations de soutien aux demandeurs d’asile, évidemment, mais aussi jusqu’au parti socialiste, qui jusqu’ici, soutenait le ministre de l’intérieur dans tous ses errements. Et aujourd’hui, ce sont les lycéens qui se mobilisent pour faire revenir leur camarade. La Ligue des droits de l’Homme vient d’ailleurs de leur apporter son soutien avec un communiqué publié en début d’après-midi (lire en fin d’article).

Survenant après les deux drames successifs de Lampedusa (plusieurs centaines de demandeurs d’asiles morts pendant une traversée), l’histoire de Léonarda réunit effectivement tous les ingrédients pour soulever cette indignation. Et ce ne sont pas les déclarations du ministre qui affirme que tout s’est déroulé avec « humanité »… cela fait un peu penser, toutes proportions gardées,  au récit de l’exécution du dernier condamné à mort par une magistrate qui y a assisté :  elle raconte que, le condamné, à quelques secondes de la mort, demandant une troisième cigarette, le boureau répond « On a déjà été très bienveillants avec lui, très humains, maintenant il faut en finir », avant de l’exécuter, avec humanité évidement. Et cela fait aussi penser à la réponse de l’Europe aux drames de Lampédusa : sa seule préoccupation reste la sécurité des frontières.

On annonce une enquête administrative pour définir les responsabilités dans cette affaire. Il s’agira sans doute de trouver un fusible, en la personne d’un policier un peu zélé. Mais le véritable responsable de ce scandale, on le connaît : c’est le ministre, qui, même s’il n’a pas piloté personnellement la procédure qui a conduit à l’expulsion de la jeune fille, a créé par ses déclarations successives les conditions qui ont permis que cela se déroule ainsi. N’oublions pas que Leonarda n’est pas seulement étrangère : elle est aussi Rom…

Un blogueur, François Delapierre, rappelle très opportunément les déclarations de M. Valls dans un livre qu’il a écrit en 2008 : « Le jour où j’accepterai qu’on piège des sans-papiers pour les virer de chez nous (…) je serai foutu. Il faudra mieux que je fasse autre chose.  » « Et la droite c’est quoi ? C’est la saloperie qui consiste à convoquer un mec pour le piéger ? C’est cela incontestablement. Oui c’est une vision assez cynique de ce que peut être le rôle de l’Etat. Ça, c’est la droite. »

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme :

Arrêter la Valls des expulsion

La Ligue des droits de l’Homme salue la mobilisation des lycéens qui manifestent aujourd’hui en France, en soutien à Leonarda Dibrani et Khatchik Kachatryan, et se tient résolument à leurs côtés.

Devant l’interpellation de collégiens ou lycéens étrangers dans leur environnement scolaire, la LDH réaffirme le droit à la scolarité et à la vie en famille des jeunes étrangers.

La LDH le répète : il est temps de rompre avec les politiques migratoires du passé, politiques qui piétinent des droits fondamentaux, tel le droit à l’éducation, politiques qui nourrissent les discriminations et les discours de haines racistes.

Il est grand temps que le gouvernement rompe avec ces politiques du passé, pour faire respecter les droits des mineurs isolés étrangers, des enfants scolarisés, des familles, des travailleurs étrangers, afin de faire vivre la solidarité et la fraternité.

Député honoraire et fils de Manouche, les propos du ministre lui donnent la nausée, il demande sa démission

 

Jean-Claude Lefort est également président de l'association France Palestine Amitié Solidarit

Additif, 4 octobre : Jean-Claude Le Fort lance une pétition pour demander la démission de Manuel Valls. Lire et signer ici.

Jean-Claude Le Fort a été député du Val de Marne de 1988 à 2007. Rien que de très banal, sauf que Jean-Claude Le Fort a une histoire personnelle originale : il est fils de Manouche. Alors, quand il entend les propos odieux de Manuel Vals, lui-même fils de réfugié espagnol, il a « nausée », reconnaît-il. Et il prend la plume pour s’adresser au ministre, via une tribune publiée dans l’Humanité. Il me pardonnera – et le journal l’Humanité aussi – de la publier sur ce site sans avoir eu la possibilité de lui en demander l’autorisation : ce beau texte doit être diffusé le plus largement possible.

Manuel, souviens-t-en…

Manuel, tu as déclaré́ hier soir, sur BFMTV, que la situation était très différente pour toi, relativement à celle des Roms, car ta famille espagnole était venue en France pour fuir le franquisme.

Tu as été naturalisé français en 1982. Franco est mort en 1975. Sept ans avant ta naturalisation. Quand tu es devenu français, il n’y avait donc plus de dictature en Espagne. Tu avais donc « vocation », selon tes mots, à retourner dans ton pays de naissance, en Espagne. Tu ne l’as pas fait et je comprends parfaitement, de même que je comprends totalement ton souhait de devenir français. Cela sans l’ombre d’un doute.

Tu avais « vocation » à retourner à Barcelone, en Espagne où tu es né, pour reprendre tes propos qui concernaient uniquement les Roms. Celui qui t’écrit, en ce moment, est un Français d’origine manouche par son père. Mon père, manouche et français, est allé en 1936 en Espagne pour combattre le franquisme, les armes à la main, dans les Brigades internationales. Pour la liberté de ton pays de naissance, et donc celle de ta famille. Il en est mort, Manuel. Des suites des blessures infligées par les franquistes sur le front de la Jarama, en 1937. Je ne te demande aucun remerciement, ni certainement pas la moindre compassion. Je la récuse par avance. Je suis honoré en vérité qu’il ait fait ce choix, quand bien même il a privé ma famille de sa présence alors que je n’avais que neuf ans et ma sœur, dix-huit.

La guerre mondiale est venue. Et les camps nazis se sont aussi ouverts aux Tziganes. Tu le sais. Mais un nombre énorme de Manouches, de Gitans et d’Espagnols se sont engagés dans la Résistance sur le sol français. Ton père aurait pu en être. Il en avait l’âge puisque il est né en 1923. Georges Séguy et d’autres sont entrés en résistance à seize ans. Je ne lui reproche aucunement de ne pas l’avoir fait, bien évidemment. Mais je te demande le respect absolu pour celles et ceux qui se sont engagés dans la Résistance contre le franquisme, puis ensuite contre le nazisme et le fascisme. Contre ceux qui avaient fait Guernica. Et pourtant, à te suivre, ils avaient « vocation » à retourner ou à rester dans leur pays d’origine, ces « étrangers, et nos frères pourtant »…

Manuel, « on » a accueilli la Roumanie et la Bulgarie dans l’Union européenne alors que ces pays ne respectaient pas, et ne respectent toujours pas, un des fondamentaux pour devenir ou être membre de l’Union européenne : le respect des minorités nationales. Sensible à cette question pour des raisons évidentes, je m’en étais fortement inquiété à l’époque. En tant que député, je suis allé à Bruxelles, auprès de la Commission, pour prouver et dire que ces pays ne respectaient pas cette clause fondamentale. On m’a souri au nez, figure-toi.

Et aujourd’hui, dans ces pays, la situation des Roms s’est encore aggravée. Pas améliorée, je dis bien « aggravée ». Et ils ont « vocation » à rester dans leurs pays ou à y revenir ? C’est donc, pour toi, une espèce humaine particulière qui pourrait, elle, supporter les brimades, les discriminations et les humiliations de toutes sortes ? Ces pays d’origine ne sont pas des dictatures, c’est certain. Mais ce ne sont pas des démocraties pleines et entières pour autant.

Alors toi, l’Espagnol devenu français, tu ne comprends pas ? Fuir son pays, tu ne comprends pas ? Toi, tu ne comprends pas que personne n’a « vocation » à rester ou revenir dans son pays ? Sauf si tu es adepte de conceptions très spéciales, à savoir que ce qui vaudrait pour un Roumain ne vaudrait pas pour un Espagnol. Tu sais pourtant que le mot « race » va disparaître de nos lois. À juste titre car il n’y a pas de races, juste une espèce humaine. Et les Roms en sont.

La fermeté doit s’exercer là où se trouvent les responsabilités. Pas sur de pauvres individus qui n’en peuvent plus. Savoir accueillir et savoir faire respecter nos lois ne sont pas deux concepts antagoniques. Mais quand on est de gauche, on n’a pas la matraque en guise de cœur.

C’est un Français d’origine manouche qui t’écrit et qui écrit au Français de fraîche date que tu es. C’est un fils de « brigadiste » qui se rappelle à toi. Souviens-t’en : « Celui qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir. »

Pour l’heure, Manuel, j’ai la nausée. Tes propos me font gerber, même pire. Nos pères auraient donc fait tout ça pour rien ou pour « ça » ?

Ils sont morts pour la France, Manuel. Pour que vive la France. Inclus « ces étrangers, et nos frères pourtant ».

Par Jean-Claude Lefort, Député honoraire, Fils de Manouche.

L’Humanité, Tribune Idées, mardi, 1 octobre 2013.

 

Valeurs actuelles… comme en quarante ?

L’hebdomadaire « valeurs actuelles », qui n’a jamais été un modèle journalistique, ni une référence en matière d’information, s’est fendu, pour son dernier numéro, d’une une abjecte, avec en titre principal, « Roms, l’overdose », et en sous-titres, « le ras-le-bol des Français », puis « assistanat, délinquance : ce qu’on n’a pas le droit de dire ».

Cet hebdomadaire nous a habitués à des une souvent limites, et le site Rue 89 s’est livré à leur analyse depuis le lancement de sa nouvelle formule, en janvier 2013, soit 31 numéros. L’auteur de l’article, le journaliste François Kruq, dresse le prototype de la « bonne une » à la sauce « valeurs actuelles » :

  • « un titre-choc pour hérisser le poil des bien-pensants (« La France barbare » pour lancer la nouvelle formule, « Roms, l’overdose » cette semaine) ;
  • un sous-titre révélant la vérité que ces mêmes bien-pensants veulent ignorer (« Toutes les 24 heures : 13 000 vols, 2 000 agressions, 200 viols » en janvier, un sondage forcément exclusif sur « le ras-le-bol des Français » cette semaine) ;
  • un « appel de une », un de ces petits titres dans un coin de la couverture, évoquant le combat si fédérateur contre le mariage homosexuel (« Vague de fond et mensonge d’Etat » en janvier, « Sur la route avec les Veilleurs » cette semaine). »

(source : l’article de François Kruq, intitulé « ‘Roms, l’overdose’ : imaginez la prochaine couv’ de Valeurs actuelles »)

Puis l’auteur s’efforce de décrypter les 31 unes, d’en analyser le sens profond et d’essayer d’en deviner les motivations : un article passionnant, qui permet de pénétrer à l’intérieur d’un projet politique parfaitement assumé.

Cette une a fort heureusement déclenché une marée de protestations, sur les réseaux sociaux dès mercredi après-midi, puis de la part des appareils politiques et des associations. La Ligue des droits l’Homme a joint sa voix à ce concert de protestation, en publiant en fin d’après-midi, ce jeudi 22 août, le communiqué suivant :

Valeurs actuelles… comme en quarante ?

La Ligue des droits de l’Homme condamne avec la plus grande fermeté l’utilisation par la rédaction de l’hebdomadaire Valeurs actuelles dans la une et le contenu du numéro du 22 août 2013 de termes stigmatisants et injurieux vis-à-vis des Roms. Sous prétexte d’un sondage commandé par le journal à propos des occupations de terrains, Valeurs actuelles s’autorise en première page à stigmatiser l’ensemble des Roms en y accolant les termes « assistanat » et « délinquance ». Elle appelle par ailleurs à une réaction à leur égard puisqu’elle considère leur présence comme provoquant une « overdose ». La rédaction demande au gouvernement une réponse sur cette base. Il s’agit ainsi d’une prise de position raciste, puisque des personnes sont désignées non pas pour ce qu’elles font, mais pour ce qu’elles sont.

Le contenu du journal développe cette idéologie répugnante en qualifiant les Roms de « plaie » et de « fléau », menaçant notre pays d’invasion et justifiant une réaction citoyenne. Par un communiqué de presse, le journal se prétend républicain et soutient défendre avec force les principes fondateurs de notre démocratie. Mais ce cache ne trompera personne. Valeurs actuelles a glissé dans les limbes de l’extrême droite haineuse, appelant à la violence à l’encontre d’individus à raison de leur origine.

 

France 3, lundi 19 août à 22h55, Liberté, de Tony Gatlif

Le camp de concentration de Tziganes de Montreuil-Bellay (49)

Jacques Sigot s’est battu pendant de longues années pour que le camp d’internement de tziganes de Montreuil-Bellay (49) soit reconnu. C’est aujourd’hui chose faite, et un stèle commémorative y a été érigée. Jacques nous informe que   ce soir, lundi 19 août, France 3 va diffuser le film « Liberté », de Tony Gatlif. Voici ce qu’il en dit :

Ce soir, passe sur France 3, à 22 h 55, un film sur les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale. Tony Gatlif, le réalisateur, est parti de 5 lignes d’un témoignage de mon ouvrage sur le camp de Montreuil-Bellay (49) :

Un nomade, chef d’une famille, s’appelait Taloche. C’était un Hongrois, mais il se disait Belge, parce que né en Belgique. Il se procura, lui aussi, un domicile à Cerçay, dans les Deux-Sèvres. Mais il ne s’y installa pas, préférant retourner dans son pays natal. Là, les Allemands l’attrapèrent et l’enfermèrent dans un camp de concentration  où il fut éliminé.

Ça, c’est un témoignage que j’ai recueilli en 1980, publié en 1983 et qu’a utilisé Tony Gatlif. J’ai, par la suite, continué mes recherches et il s’est avéré que le témoignage était assez « fantaisiste », comme souvent les témoignages… J’ai même retrouvé ujne photo de l’homme qui s’appelait en réalité Toloche.

Voici ce que je sais maintenant sur lui après une vingtaine d’années de nouvelles recherches :

http://jacques-sigot.blogspot.fr/2013/06/joseph-toloche-un-interne-du-camp-de.html

Publicité avec extraits du film sur le Net :

http://www.allocine.fr/film/fichefilm-137350/secrets-tournage/

Le film est très très beau !La naissance du projet

Secret de tournage sur Liberté

Tony Gatlif a depuis toujours souhaité évoquer le sort des Roms durant la seconde guerre mondiale : « J’avais envie de faire un film sur l’holocauste des roms depuis que j’ai commencé à faire du cinéma. Mais le sujet me faisait peur. Les Roms que je rencontrais me disaient souvent : « Fais-nous un film sur la déportation des Roms ». Début 2007, participant à un colloque international des Roms à Strasbourg, des jeunes élus roms de la communauté européenne m’ont fait la même demande. Ils me disaient à quel point ils souffraient de ce manque de reconnaissance, de l’ignorance des autres vis-à-vis de leur propre histoire. Je ne voyais pas comment faire ce film, moi qui suis un cinéaste qui aime la liberté de la caméra, comment respecter les règles d’une stricte reconstitution. Et je reculais de peur de mal faire en réalité. Et puis un jour, j’apprends que Jacques Chirac va rendre hommage aux Justes en les réunissant au Panthéon. Je me suis dit : on va enfin savoir si certains Justes ont sauvé des Tsiganes. Malheureusement ils n’étaient pas présents. Je me suis mis à les chercher. J’ai fini par trouver dans un livre de Jacques Sigot, une anecdote de quelques lignes : « Le destin d’un dénommé Tolloche fut particulièrement tragique. Interné à Montreuil-Bellay, il réussit à se faire libérer après avoir acheté, par l’intermédiaire d’un notaire, une petite maison à quelques kilomètres de la ville. Incapable de vivre entre quatre murs, il reprit la route pour retourner dans son pays d’origine, la Belgique. Il fut arrêté dans le Nord et disparut en Pologne avec ses compagnons d’infortune »

 

Pour la CNCDH, la situation des Roms en France est extrêmement préoccupante

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), qui assure, auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’homme, du droit et de l’action humanitaire  considère, dans un communiqué, que la situation des Roms en France est « extrêmement préoccupante et les accès au droit commun (scolarisation, santé, protection sociale) perdurent, de même que les difficultés pour accéder à un emploi salarié ». Le scandale est d’autant plus grand que la circulaire du 26 août 2012, qui posait la recherche de solutions alternatives en préalable aux démantèlements de camps n’est pratiquement jamais respectée. Et pourtant, des expériences d’intégration existent, et elles fonctionnent : le film de Sophie Averty, « Cause commune » (lire ici) qui relate une expérience magnifique à Indre prouve qu’avec un peu de courage politique, tout est possible.

Communiqué de la CNCDH

Paris, jeudi 2 août 2013 – La CNCDH appelle le gouvernement à la mise en œuvre stricte de la circulaire du 26 août 2012 pour garantir l’accès au droit commun des populations Roms présentes en France. L’institution nationale indépendante de protection des droits de l’homme souhaite également faire part de sa grande inquiétude face à l’alarmant climat de tension qui règne autour de la question, envenimé ces dernières semaines par d’intolérables propos de haine véhiculés par des élus ou des responsables politiques.

Le 26 août 2012 était signée par sept ministres la circulaire interministérielle « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites ». Cette circulaire avait été saluée par les associations de défense des droits de l’homme dans la mesure où elle marquait un changement de discours de la part des autorités et témoignait de leur volonté d’apporter une réponse individualisée et territorialisée aux situations de grande précarité vécues par des citoyens européens.

Presqu’un an après l’entrée en vigueur de cette circulaire, que constate-t-on sur le terrain ? Dans de nombreuses villes, les évacuations des lieux de vie se sont poursuivies trop souvent sans solutions alternatives et au mépris du caractère inconditionnel du droit à l’hébergement, mettant des hommes, des femmes et des enfants à la rue, dans une précarité toujours plus grande. Le volet préventif de la circulaire, qui prévoit l’anticipation des opérations d’évacuation des bidonvilles et l’accompagnement des populations, est peu et inégalement mis en œuvre sur le territoire. La situation des Roms en France est extrêmement préoccupante et les entraves dans l’accès au droit commun (scolarisation, santé, protection sociale) perdurent, de même que les difficultés pour accéder à un emploi salarié.

Face à la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent les 20 000 personnes Roms vivant en squats ou en bidonvilles actuellement, des solutions existent et la CNCDH formule ci-joint des recommandations qui lui semblent devoir être mises en oeuvre le plus rapidement possible, afin que soient respectés les droits fondamentaux de ces citoyens européens vivant sur le territoire français : droit à l’hébergement, respect de la scolarisation des enfants, droit à la santé et accès au travail. Les recommandations de la Commission s’appuient sur les travaux menés sur le terrain par ses associations membres, sur les interventions du Défenseur des droits en la matière et reprennent pour une grande part des recommandations déjà formulées par la CNCDH dans un avis de mars

L’été est dur pour les Roms et les gens du voyage

Le camp de concentration de Tziganes de Montreuil-Bellay (49)

L’été n’est pas une bonne saison pour les gens du voyage et les roms. Il y avait eu le « discours » de Grenoble. Cette année, il y a eu la saillie de Bourdouleix qui regrette qu’Hitler n’en ait pas tué suffisamment. Il y a eu le « guide pratique d’expulsion » d’Estrosi. Et maintenant on a, dans le désordre, la coupure d’eau effectuée par un maire socialiste, et le projet de loi d’Accoyer, qui veut durcir les sanctions.

La coupure d’eau, c’est à Régis Roy-Chevalier, maire PS de Wissoux, dans l’Essonne, qu’on la doit. Elle concerne un camp de Rroms, qui doivent maintenant marcher un kilomètre pour s’approvisionner. « On n’a jamais privé un être humain d’eau. C’est une valeur universelle. La droite, la gauche, personne n’y touche. Le maire veut élargir son assiette électorale en allant vers l’extrême droite et en coupant l’eau, faire en sorte que ces gens s’en aillent », s’insurge Eve Desjardin, d’Europe Ecologie les Verts. Le maire quant à lui n’estime pas prendre une mesure scandaleuse, et renvoie la responsabilité à l’Europe qui ne gère pas le problème.

Bernard Accoyer, recordman de France de distribution de réserve parlementaire, veut faciliter les mesures d’expulsion des gens du voyage, en raccourcissant les délais et en assouplissant les conditions. Au moins veut-il faire cela par la loi. Parce que son petit copain Estrosi ne s’embarrasse pas de la loi : il demande que les maires puissent faire la loi avec leur police municipale, et qu’ils aient le droit de saisir « les belles voitures et les belles caravanes » (ceci revient en boucle chez Estrosi), sans intervention de la justice ! On ne va quand-même pas se laisser enquiquiner par l’Etat de droit !

Noël Mamère, sur son blog, conclut un bel article intitulé « Les Roms ou la nouvelle question juive » par ceci : « Si les élus et les médiateurs de toutes sortes ont un rôle, c’est justement celui de permettre la coexistence de modes de vie, d’habitat et de consommation différents. La communauté nationale ne se différencie pas en fonction de l’origine, du sexe, du milieu social, du type d’habitat, de ses choix de vie… L’égalité suppose la reconnaissance des différences ».

Gens du voyage : les lignes vont-elles enfin bouger ?

Hubert Derache, préfet, a présenté son rapport sur les gens du voyage.

Les lignes seraient-elles en train de bouger concernant les « gens du voyage » ?

Quelques indices très positifs peuvent le laisser espérer.

Il y a eu tout d’abord la publication du projet de loi de Dominique Raimbourg, député de Loire-Atlantique, qui, parmi d’autres mesures, aggrave les sanctions financières contre les communes qui ne respectent pas l’obligation d’avoir une aire d’accueil lorsqu’elles ont plus de 5000 habitants, et contre les départements qui ne prévoient pas d’aires de « grands passages », qui ont généralement lieu l’été.

Il y a eu ensuite le rapport de l’ancien préfet de Mayotte, Hubert Derache, intitulé « Appui à la définition d’une stratégie interministérielle renouvelée concernant la situation des gens du voyage », et téléchargeable ici. Dans son introduction, il regrette que les gens du voyage « ont longtemps été considérés comme des Français entièrement à part, et non comme des Français à part entière, en raison de leur style de vie fondée sur la tradition culturelle du voyage ». Ce rapport étudie précisément la situation de cette population, les difficultés qu’elle rencontre, et les discriminations dont elle est victime. Et il fait des propositions précises.

Il y a eu enfin, mercredi 17 juillet, le colloque des députés socialistes sur le thèmes des gens du voyage, au cours duquel Dominique Raimbourg a présenté son travail, et, surtout, au cours duquel le ministre de l’intérieur a déclaré être favorable à l’aggravation des sanctions financières évoquée plus haut. Ça ne semblait pas aussi évident que cela dans les récentes déclarations du ministre.

Enfin, bonne nouvelle : le maire de Nice, Estrosi, qui s’est fait remarquer par ses déclarations aussi stupides que nauséabondes et mensongères, et Le Pen, qui apporte un démenti violent à la prétende évolution positive de son parti en qualifiant la présence de Roms à Marseille d’  « urticante » et « odorante », sont poursuivis par le Forum européen des Roms et des gens du voyage, une ONG soutenue par le Conseil de l’Europe, qui a porté plainte contre ces deux personnages. « De tels propos xénophobes et discriminatoires vont clairement à l’encontre des valeurs républicaines de la France ainsi que des principes directeurs de l’action contre le racisme engagée par la garde des Sceaux », affirme son président, Rudko Kawczynski,

Gens du voyage : les maires ont vocation à respecter la loi !

Après les insanités d’Estrosi sur les gens du voyage le maire de Guérande démissionne à cause de l’installation de nombreuses caravanes dans sa commune. Ne voulant sans doute pas être en reste, le maire socialiste de Quimper, Bernard Poignant, s’y met aussi (il s’était déjà fait remarquer par son opposition au mariage ouvert aux personnes de même sexe).

Y aurait-il un problème avec ceux qu’on appelle « les gens du voyage » ?

Il y a un problème. Mais ce n’est pas avec eux qu’il y a problème. Eux, ils demandent l’application de la loi. Et la loi prévoit des aires d’accueil adaptées et équipées. Elle prévoit également des aires destinées aux « grands passages » (regroupements importants généralement liés à des événements religieux).

Dans une interview qu’il a accordée au Nouvel Observateur, Laurent El Ghozi, président de la Fédération nationale des associations d’actions solidaires avec les Tziganes et les gens du voyage (FNASAT) rappelle de façon claire et précise quelles sont les obligations des maires en la matière. Et, prenant l’exemple d’Estrosi, montre que ce donneur de leçons ( !) est hors la loi. Rappelant ce que préconise ce qu’Estrosi appelle la « circulaire Valls », parue l’été 2012, et qui est en fait (et ce détail a une grande importance) une circulaire interministérielle, Laurent El Ghozi indique : « Ceux contre lesquels Christian Estrosi part en guerre sont des citoyens français vivant en caravane et voyageant, comme la Constitution et la loi leur donne parfaitement le droit. Ils ont la liberté d’aller et venir, de circuler, de s’arrêter, et les collectivités et les pouvoirs publics (préfet, conseil général, conseil régional et commune) ont l’obligation de leur assurer des conditions de stationnement. »  Et si ces conditions ne sont pas remplies, dans une commune ou un département, la faute en incombe à la collectivité locale et aux services de l’Etat. »

Rappelant que le MRAP a porté plainte contre Estrosi pour  ses propos, et que la Fnasat envisage de saisir le défenseur des droits, Laurent El Ghozi estime qu’on peut lui reprocher de ne pas avoir aménagé une aire de grand passage : « On peut lui reprocher collectivement, en tant que maire de la plus grande ville du département, parlementaire de surcroît, qui ne peut ignorer la loi. S’il n’est pas seul responsable de l’absence d’aire de « grand passage », il est seul responsable, en revanche, de ses propos. En l’occurrence, la situation à Nice a finalement été réglée en 24 heures. C’est bien la preuve que c’est possible. Il faut simplement de la bonne volonté de la part des collectivités territoriales et des services de l’Etat. Mais s’il n’est pas seul responsable de l’absence d’aire de « grand passage », il est seul responsable, en revanche, de ses propos. »

 

 

Rroms : de plus en plus d’évacuations forcées

Trois ans après le triste « discours de Grenoble » qui marquait une déclaration de guerre du président de la République de l’époque à toute une partie de la population, les Rroms et les gens du voyage, il y a eu changement de majorité. Mais pas de changement politique sur ce sujet. Pour preuve, les statistiques d’évacuations forcées des Rroms au cours du 2ème trimestre 2013 : 5482 personnes évacuées, deux fois plus qu’au premier trimestre. Des résultats à faire pâlir de jalousie les Hortefeux, Besson et Guéant. Et à faire rugir de plaisir M. Estrosi, qui s’est fait remarquer ce week-end par des déclarations qui donnent la nausée

La parution de ces statistiques a été l’occasion pour l’ERRC (European Roma Rights center) et la Ligue des droits de l’Homme de publier un communiqué commun dans lequel les deux associations les commentent. On peut télécharger le dossier statistique complet ici. Lire également l’article paru dans le journal l’Humanité.

Les Roms étrangers évacués de force durant le deuxième trimestre de l’année 2013 ont été plus nombreux que durant le premier trimestre. Ces nouvelles données délivrées par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le European Roma Rights Centre (ERRC) viennent d’être publiées dans le recensement des évacuations forcées du deuxième trimestre 2013.

Un total de 5 482 personnes ont été évacuées de force par les autorités durant le deuxième trimestre, comparé à 2 883 durant le premier trimestre de 2013.

La plus forte augmentation du nombre d’évacuations forcées a été observée en Ile-de-France. Dans les autres régions (incluant Paca, Rhône-Alpes et le Nord), les évacuations forcées ont perduré à un rythme stable.

Trois personnes, dont un enfant, sont décédées dans un incendie d’un squat à Lyon, le 13 mai. Ce serait une bougie d’éclairage qui aurait causé l’incendie après que l’électricité a été coupée quelques jours auparavant. En tout, le nombre de personnes forcées d’évacuer leurs lieux de vie à cause d’un incendie, d’une inondation ou d’une agression, a diminué (530 contre 1 007).

Durant le deuxième trimestre 2013, les évacuations forcées ont continué à un rythme élevé et, dans la plupart des cas, sans solution alternative crédible de relogement ni d’accompagnement social. Dans la pratique, la mise en application de la circulaire interministérielle du 26 août 20121 « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » reste rare, hétérogène ou est généralement très rapide et superficielle. Elle s’apparente souvent plutôt à un recensement des populations qu’à un réel et durable travail social d’insertion. Malgré le fait qu’aucune expulsion du territoire ne soit rapportée durant le deuxième trimestre, le recensement montre qu’il y a eu 8 distributions massives d’obligations de quitter le territoire français (OQTF), attribuées à 424 personnes.

Les autorités françaises continuent dans la réalité à violer impunément les lois européennes et plusieurs traités internationaux, notamment la Charte sociale européenne révisée. Ceci se perpétue tout en développant un discours gouvernemental ambigu, se traduisant dans les faits par la même violence qu’antérieurement. Les traumatismes faisant suite aux évacuations forcées continuent de provoquer une précarité de plus en plus grande : rupture d’accompagnement social, déscolarisation des enfants, rupture de soins, instabilité, pertes de biens personnels… sans évoquer les traumatismes psychologiques.

Ce n’est pas en souhaitant leur retour dans leur pays d’origine que l’on va réussir à insérer, en France, ces populations vivant dans les bidonvilles. Ce n’est pas une solution à long terme durable pour la France.

Nous demandons l’arrêt immédiat de cette politique de rejet : les évacuations forcées ne peuvent se perpétuer au mépris des traités internationaux et européens. Au-delà de l’application concrète de la circulaire du 26 août, nous demandons par ailleurs qu’une véritable politique d’insertion pour ces personnes en grande précarité soit mise en place. Cette politique devra dépasser celle qui « anticipe et accompagne » leurs expulsions ou leurs évacuations forcées.