Tribune : « Parlementaires, rejetez ce texte au nom de nos libertés ! « 

Maître Henri Leclerc, président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme.

Maître Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme.

Le texte sur la parlementatisation de l’état d’urgence a été examiné ce matin en conseil des ministres, et va arriver rapidement au Parlement réuni en congrès. Quelques modifications lui ont semblent-il été apportées, mais, concernant la déchéance de nationalité, si la référence aux binationaux semble avoir été supprimée, il s’agit d’une modification purement cosmétique puisqu’on sait parfaitement qu’elle ne peut s’appliquer qu’à eux.

Cette tribune, cosignée par Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, est parue dans le journal Le Monde, et elle a été signée par plusieurs personnalités.

« Parlementaires, rejetez ce texte au nom de nos libertés »
Tribune. La France est une république parlementaire. Sous la Ve République, le président a certes des pouvoirs très étendus mais seuls le Parlement et le peuple français peuvent modifier la Constitution. Sur proposition de François Hollande, le gouvernement soumet au Parlement – donc à chacun des parlementaires – un projet de loi visant à introduire dans la Constitution une disposition qui légitime et autorise la déchéance de la nationalité française.
Parlementaires, ce projet de révision, ce sera sans doute l’un des votes les plus importants de toute votre vie politique. Nous demandons à chacun d’entre vous de réfléchir en conscience et, dans l’intérêt supérieur de la République et de la Nation, de le rejeter.

Quel message donneriez-vous en effet aux Français, d’aujourd’hui et surtout de demain, de ne mentionner dans la Constitution qui s’ouvre par la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, symbole d’unité entre tous les Français, notre nationalité que pour affirmer l’éventualité d’en être déchu, notamment pour de simples délits politiques ?

Dans la version d’origine, la mesure de déchéance ne s’appliquait qu’aux Français possédant une autre nationalité, instituant dans le texte le plus fondamental de notre République une distinction peu compatible avec ses principes, qui a choqué.

Dans la version récemment amendée par le gouvernement, la déchéance s’appliquerait à tout Français condamné « pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ». Le premier ministre s’est aussi engagé à faire ratifier une convention internationale de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

La distinction entre Français – selon qu’ils possèdent ou non une autre nationalité – s’inscrira donc dans la loi plutôt que dans la Constitution. Un Français doté d’une seule nationalité pourra cependant aussi être déchu. Car la France, en signant la convention de 1961, s’est gardé la possibilité de transformer un Français en apatride si son comportement a été « de nature à porter un préjudice grave aux intérêts essentiels de l’Etat ».

Enfin, cette dernière version du projet de réforme constitutionnelle prévoit non pas seulement qu’un crime mais qu’un simple délit « constituant une atteinte grave à la vie de la Nation » pourra conduire à une déchéance de nationalité. Etendre une sanction aussi grave à de simples délits, catégorie la plus vaste de notre droit pénal qui englobe notamment les délits d’opinion, c’est ouvrir la porte à ce qu’un jour, pour des raisons d’opinion politique, syndicale ou de divergence d’idées avec un pouvoir autoritaire, un Français puisse être déchu de sa nationalité. Le Conseil d’Etat s’y était donc nettement opposé.

Au total, le nouveau projet du gouvernement continue de traiter inégalement les Français, ouvre la voie à des situations d’apatridie, et surtout institue dans la Constitution une menace pour notre liberté politique, au fondement même de toute démocratie.

Depuis 1803, les règles relatives à la nationalité n’ont plus figuré dans aucune constitution de la France. Quand ces règles sont inscrites dans des constitutions étrangères, comme aux Etats-Unis, c’est seulement pour y affirmer de grands principes qui unissent, comme le droit du sol ou la naturalisation.

Nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les parlementaires, de laisser la déchéance de notre nationalité dans le domaine législatif, dans des dispositions qui pourront continuer de varier selon l’alternance des majorités et les changements de contexte. La Constitution n’est pas destinée à être le réceptacle de mesures de circonstances, et c’est se tromper sur les fonctions d’une constitution que de vouloir constitutionnaliser la déchéance.

Face aux terroristes qui, cherchant à mourir en tuant, n’accordent aucune importance à leur nationalité, vous devez réaffirmer l’égalité devant la loi, les droits fondamentaux de l’homme et la liberté politique qui nous unissent et qui seuls nous feront triompher.

Jacques Attali, écrivain ; William Bourdon, avocat ; Stéphane Brabant, avocat ; Daniel Cohen, économiste, membre du Conseil de surveillance du Monde ; Marie-Anne Cohendet, professeur de droit ; Daniel Cohn-Bendit, ancien parlementaire européen ; Mireille Delmas-Marty, professeur émérite du Collège de France ; Luc Ferry, ancien ministre ; Pascale Gonod, professeur de droit ; Christine Lazerges, professeur de droit ; Henri Leclerc, avocat ; Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel ; Thierry Marembert, avocat ; Thomas Piketty, économiste, chroniqueur au Monde ; Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France ; Dominique Schnapper, sociologue ; Patrick Weil, historien.

Tribune : « François Hollande, ne créez pas des sous-catégories de citoyens ! »

Ce n’est pas parce que la famille Le Pen émet une idée qu’il s’agit forcément d’une bonne idée. Le président de la République et le gouvernement ont l’air de découvrir cette évidence : décidés à faire entre la « déchéance de nationalité » pour les double-nationaux dans l’arsenal législatif anti-terroriste, il semblerait qu’ils sont en train de faire machine arrière. Peut-être cette tribune, co-signée par plusieurs responsables d’associations et syndicats y est-elle pour quelque chose ?

Dominique Sopo, président de SOS Racisme, Françoise Dumont, Pierre Tartakowsky, respectivement présidente et président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, Alain Le Cléach  et Pierre Henry, France Terre d’asile, William Martinet, président de l’UNEF, Sacha Reingewirtz, président de l’union des étudiants juifs de France (UEJF) et Frédérique Rolet (secrétaire générale du SNES – FSU) on publié cette tribune dans le journal le Monde, le 17 décembre dernier.

Comme chacun d’entre nous, Monsieur le président vous avez été touché au plus profond de votre chair par les événements tragiques du 13 novembre dernier. En tant que garant de nos institutions, vous êtes maintenant en quête de solutions pour réduire, autant qu’il est possible, le risque d’attentat dans notre pays. Pour ce faire, vous seriez manifestement prêt à proposer une loi permettant de déchoir de la nationalité française, les binationaux convaincus de terrorisme, y compris ceux nés Français.

Cette proposition, formulée de longue date par le Front national, nous parait dangereuse et nous attendons de vous que vous y renonciez. Car au-delà du fait que la déchéance de nationalité pour faits de terrorisme est déjà prévue dans le droit français pour les personnes binationales naturalisées depuis moins de 15 ans, de nombreux arguments nous poussent à nous élever contre cette annonce.

Tout d’abord, d’un point de vue pragmatique, permettez-nous de vous dire qu’une telle mesure ne dissuadera en aucun cas les terroristes de tenter de commettre des attentats sur notre sol. En effet, ceux-ci sont dans une logique nihiliste et ont parfaitement acquis que leurs projets, en cas de succès, se termineront dans le carnage et la mort. Risquer la déchéance de la nationalité n’est donc guère susceptible de les impressionner. De plus, comme le révèlent les investigations antiterroristes, les factieux peuvent aussi bien être français depuis plusieurs générations, que français de parents étrangers ou simplement étrangers. Le terrorisme n’est pas le monopole des Français binationaux nés sur notre sol.

Par ailleurs, la déchéance de nationalité étendue viserait donc à renvoyer davantage de monde de notre territoire. Concrètement, il s’agirait de renvoyer des gens vers le Maghreb ou le Mali, des zones qui ont déjà fort à faire avec les attaques menées par des organisations terroristes qui rêvent, de Tunis à Bamako, de ces renforts que nous leur apporterions.

Enfin, et il s’agit là de la conséquence la plus grave, vous valideriez, depuis le plus haut sommet de l’Etat, l’idée qu’il y aurait deux catégories de Français. Les binationaux nés Français, qui sont « un peu moins français » et les Français qui n’ont qu’une nationalité et qui seraient « un peu plus français ». Il s’agit là d’une idée contraire à notre pacte républicain et aux valeurs les plus nobles constitutives depuis 1789 de notre identité commune. Ce sont précisément ces valeurs que Daech cherche à détruire et que nous devons plus que jamais préserver. A l’heure où de trop nombreux jeunes doutent de leur pleine appartenance à la société française, cette mesure, quand bien même elle ne les concerne pas, serait un signal vécu comme une défiance supplémentaire à leur endroit, là où il faudrait au contraire que la France montre pleinement qu’elle embrasse l’ensemble de ses enfants. La déstabilisation serait d’autant plus grave que chacun sait que vous ouvririez là un dangereux précédent. Car, une fois cette brèche ouverte, qui sait quels seront les critères qui pourront, demain ou après-demain, provoquer la déchéance de la nationalité ?

Installer l’idée que les Français ne sont pas tous égaux face à la loi, c’est donner du grain à moudre aux discours haineux des djihadistes ou de l’extrême droite « traditionnelle » qui prétendent que la coexistence entre Français de différentes origines est impossible, c’est imprimer une marque indélébile sur nos concitoyens, nés en France, ayant vécu toute leur vie dans notre pays, mais ayant pour seul tort d’avoir un parent étranger. C’est en définitive tourner le dos à « l’âme de la France [qui] est l’égalité » comme vous l’affirmiez au Bourget, le 22 janvier 2012.

« Le terrorisme ne détruira pas la République, car c’est la République qui le détruira » avez-vous proclamé avec force lors de votre adresse aux parlementaires à Versailles.

Monsieur le président, mettez vos actes en adéquation avec vos propos en renonçant à cette mesure qui n’a pas sa place dans la patrie qui offrit la Grande Révolution à ses citoyens et au monde.

Dominique Sopo est président de SOS Racisme ; Françoise Dumont et Pierre Tartakowsky sont respectivement présidente et président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme ; Alain Le Cléach et Pierre Henry sont respectivement président et directeur général de France Terre d’Asile ; William Martinet est président de l’Union nationale des étudiants de France ; Sacha Reingewirtz est président de l’Union des étudiants juifs de France et Frédérique Rolet est secrétaire générale du syndicat national des enseignements de second degré – FSU

La liste intégrale des signataires se trouve ici :

http://sos-racisme.org/non-la-decheance-de-nationalite/

Sortir de l’état d’urgence !

Les « dégâts collatéraux » liés à l’état d’urgence se multiplient : interdiction de manifestations sans aucun lien avec le terrorisme, climat de suspicion généralisé… Le tout pour des résultats d’une efficacité toute relative. C’est la raison pour laquelle, après l’appel « nous ne céderons pas », une centaine d’associations ont convoqué, jeudi 17 décembre, une conférence de presse au siège de la Ligue des droits de l’Homme à Paris. Elle a débouché sur la publication de ce communiqué intitulé « sortir de l’état d’urgence » :

En réaction à l’horreur des attentats, l’état d’urgence a été décrété par le gouvernement, puis aggravé et prolongé pour une durée de trois mois. Nos organisations ont immédiatement exprimé leurs craintes vis-à-vis de ce régime d’exception ; ces craintes sont aujourd’hui confirmées par l’ampleur des atteintes aux libertés constatées depuis quelques semaines. Nous assistons à un véritable détournement de l’état d’urgence qui cible également des personnes sans aucun lien avec des risques d’attentat. Ces abus doivent cesser.

La volonté de se rassembler et de manifester ensemble a prévalu après les attentats commis à Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Vincennes, en janvier 2015. Elle prévaut encore. Or, depuis le 13 novembre 2015, les interdictions visant les mobilisations sur la voie publique se multiplient. Manifester n’est plus un droit, et les rares concessions accordées par les préfectures, qui attendent souvent le dernier moment pour informer de leurs intentions, entravent dans les faits son exercice.

Le ministère de l’Intérieur justifie tout cela par son incapacité à sécuriser les parcours alors même qu’il autorise, dans le même temps, les rencontres sportives et des événements tels que les marchés de Noël, qui se tiennent sur la voie publique. L’interdiction des rassemblements et manifestations entraîne la multiplication des arrestations, des gardes à vue, des assignations à résidence, un fichage policier des militants, et, pour quelques-uns,  des condamnations. Qui peut croire que cela soulage les autorités ?

La censure, ici, s’avère doublement contreproductive…

L’état d’urgence autorise par ailleurs des perquisitions sur ordre des préfectures, de jour comme de nuit, en dehors de tout cadre judiciaire, sur le fondement de fiches possiblement erronées, de dénonciations, d’informations et de soupçons sujets à caution. Plus de deux mille six cents intrusions discrétionnaires sont intervenues à domicile, dans des mosquées, des commerces, interventions souvent violentes, sans qu’aucune mise en examen pour terrorisme n’ait eu lieu. Rien n’indique qu’une telle frénésie va s’arrêter, chacun peut en être victime.

Les assignations à résidence se multiplient sur la base de motifs aussi vagues que la présence sur le lieu d’une manifestation ou le fait de « connaître » tel ou tel individu. Ces graves restrictions sont appliquées, sans distinction, et de manière massive, d’autant que les juridictions administratives ont montré qu’elles s’en accommodent, quitte à ce que les libertés en souffrent. Elles reprennent à leur compte toutes les allégations du ministère de l’Intérieur et, comble de la démission, sont nombreuses à considérer qu’il n’y aurait pas d’urgence à statuer sur l’état d’urgence.

L’état d’urgence et le climat de guerre intérieure alimenté par le gouvernement contribuent au renforcement des amalgames et aux pratiques discriminantes, notamment de la part des forces de police. Ce ne sont pas «  les terroristes qui sont terrorisés », ce sont des jeunes et des populations victimes de l’arbitraire en raison de leur origine et/ou de leur religion qui voient leur situation encore davantage fragilisée.

Reprenant à son compte les exigences de l’extrême droite, FN en tête, le gouvernement s’engage honteusement dans une modification de la Constitution visant à étendre la déchéance de la nationalité aux binationaux nés en France.

Ces multiples atteintes portées au contrat démocratique sont une mauvaise réponse aux actes terroristes. Notre pays a été blessé, mais loin d’en apaiser les plaies, l’état d’urgence risque de les exacerber en appauvrissant notre démocratie, en délégitimant notre liberté.

Dans ces circonstances, nous appelons les pouvoirs publics à :

  • jouer leur rôle de garants de la défense des droits et des libertés publiques ;
  • rétablir, sans délai, le droit plein et entier de manifester ;
  • cesser les perquisitions et les assignations à résidence arbitraires et à agir dans le cadre de procédures judiciaires ;
  • mettre en place des garanties effectives de contrôle ;
  • lever l’état d’urgence ;
  • renoncer à une réforme constitutionnelle préparée dans l’urgence et au contenu inacceptable.

Paris, le 17 décembre 2015

Signataires :

AFD International, Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda), Altertour, L’Appel des appels, Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association démocratique des Tunisiens en France (ADTF), Association française des juristes démocrates (AFJD), Association France Palestine solidarité (AFPS), Association Grèce France Résistance, Association interculturelle de production, de documentation et de diffusion audiovisuelles (AIDDA), Association des Marocains en France (AMF), Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes (ARDLFM), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip),  Attac, Cadac, Cedetim, Centre islamique Philippe Grenier (CIPG), Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), CGT-Police Paris, Collectif 3C, Collectif des 39, Collectif CGT Insertion-Probation (UGFF-CGT), Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Palestine (CJACP), Collectif Stop le contrôle au faciès, Confédération générale du travail (CGT), Confédération nationale du logement (CNL), Confédération paysanne, Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), Collectif des féministes pour l’égalité (CFPE),  Collectif Memorial 98, Collectif des musulmans de France (CMF), Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Comité pour le développement et le patrimoine (CDP), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Commission islam et laïcité, Confédération syndicale des familles (CSF), Coordination de l’action non-violente de l’Arche (Canva), Coordination des collectifs AC !, Droits devant !, Droit au logement (Dal), Droit solidarité, Emmaüs France, Emmaüs International, Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), Fédération nationale de la Libre pensée, Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Femmes Solidaires, Filles et fils de la République (FFR), Fondation Copernic, Fondation Danielle Mitterrand France Libertés,  Genepi, Ipam, La Cimade, La Ligue de l’enseignement, La Quadrature du Net, Le Gisti, Le Mouvement de la paix, Les Amoureux au ban public, Les Céméa, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Maison des potes, Mamans toutes égales (MTE), Minga-agir ensemble pour une économie équitable, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Observatoire international des prisons (OIP) – section française, Organisation de femmes égalité, Osez le féminisme !, Planning familial, Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’Homme (RaidH), Réseau éducation sans frontières (RESF), Réseau euromaghrébin culture et citoyenneté (REMCC), Réseau Euromed France (REF), Réseau Immigration Développement Démocratie (IDD), SNPES-PJJ/FSU, Solidaires étudiant-e-s, Solidarité laïque, Sud Intérieur, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat français des artistes interprètes (SFA), Syndicat de la magistrature, Syndicat de la médecine générale, Syndicat national des arts vivants (Synavi), Syndicat national des journalistes (SNJ), Syndicat national unitaire interministériel des territoires, de l’agriculture et de la mer (SNUITAM – FSU), SNJ-CGT, Unef, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT (UGFF-CGT), Union juive française pour la paix (UJFP), Union nationale lycéenne (UNL), Union syndicale de la psychiatrie (USP), Union syndicale Solidaires, Union des travailleurs immigrés tunisiens (Utit).

Associations locales et autres :

Asti 93, Collectif 07 stop au gaz et huile de schiste, Collectif BDS Saint-Etienne, Collectif Justice & Libertés (Strasbourg), Collectif Maquis de Corrèze, Collectif Romeurope 94, la revue Ecole émancipée, Espace franco-algérien, Faucheurs volontaires de la Loire, la revue Inprecor, le journal Regards, Réseaux citoyens Saint-Etienne, Vigilance OGM 18.

Manifestation interdite à Pontivy : la réaction du comité régional Bretagne de la LDH

Le préfet du Morbihan a interdit la manifestation prévue samedi 19 décembre à Pontivy, contre le racisme et la xénophobie, à la suite des violences commises par les manifestants de l’association identitaire bretonne adsav le 14 novembre dernier.

Le comité régional Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme a décidé de se ranger à décision du collectif organisateur d’annuler la manifestation. Mais elle est scandalisée par cette interdiction, alors que la manifestation d’adsav avait été autorisée. Elle a transmis le communiqué suivant à la presse:

Manifestation interdite à Pontivy : la réaction de la Ligue des droits de l’Homme

Le comité régional Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme avait apporté son soutien à l’organisation d’une manifestation contre le racisme et la xénophobie, prévue le 19 décembre à Pontivy, en réponse à la manifestation fasciste organisée le 14 novembre dans cette même ville.

L’interdiction de cette manifestation par le préfet nous amène à nous en retirer, comme plusieurs autres organisations (associations, syndicats, partis politiques).

Le comité régional de la LDH tient cependant à protester vigoureusement contre le fait que la manifestation du 14 novembre, qui était ouvertement raciste et xénophobe, et organisée par une association dont la violence et l’agressivité sont connues de tous, ait pu être autorisée, le lendemain des attentats de Paris, alors que l’état d’urgence était déjà décrété. L’interdiction aujourd’hui d’une manifestation qui se voulait « pacifique et festive » est d’autant plus incompréhensible.

Henri Leclerc : « un état d’urgence qui inquiète »

Henri Leclerc est une des grandes voix de la Ligue des droits de l’Homme. Il en vit et en construit l’histoire depuis des dizaines d’années, en a été le président, et il en est aujourd’hui le vice-président. Avocat, sa voix compte également dans le débat moral et politique du pays. Ce n’est pas l’homme des idées simples ni simplistes. Aussi, lorsqu’il s’inquiète des conséquences possibles de l’état d’urgence décrété après les attentats du 13 novembre dernier, on a tout intérêt à l’écouter, et surtout à l’entendre. Il signe, ce mercredi 9 décembre 2015, un « point » de vue en une du quotidien Ouest-France, sous le titre « un état d’urgence qui inquiète ».

Un état d’urgence qui inquiète

On l’a appris par un communiqué du secrétariat général du Conseil de l’Europe : les autorités françaises l’avaient informe qu’un certain nombre de mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence étaient susceptibles de nécessiter une dérogation à certains droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme ».

Nous en sommes abasourdis.

Cette Convention lie les pays européens. Elle reconnait et garantit, comme le dit son préambule, leur patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit ». ·

Certes, l’article 15 de la Convention le permet dans des circonstances très exceptionnelles, lorsque la vie même de la nation est menacée — ce qui n’est quand même pas tout à fait le cas de la France — mais surtout, on peut s’étonner de ce qu’une mesure aussi chargée de sens n’ait pas donné lieu à une information solennelle de la nation.

Les crimes commis à Paris nous ont secoués de chagrin, d’effroi et même de colère. Le gouvernement a pris des mesures pour circonscrire la menace immédiate, enquêter et prévenir d‘autres crimes peut- être en train de se préparer.

Pour cela, il a proclame l’état d’urgence qui donne des pouvoirs considérables a l’exécutif et relègue au second plan l’autorité judiciaire, constitutionnellement gardienne de la liberté individuelle. Fallait-il que le Parlement le proroge au-delà des douze jours initiaux prévus par la loi et surtout pour une durée longue de trois mois ? Jusqu’à quand ?

C’est en tout cas aujourd’hui la loi. Mais, comme on pouvait s’y attendre, un tel régime se prolongeant ouvre la porte a des excès, voire à des débordements préoccupants : perquisitions de nuit parfois arbitraires, brutales et dévastatrices ; assignations à résidence qui deviennent de fait de véritables rétentions administratives ; utilisation de ces mesures au-dela de la sphère des terroristes pour toucher ceux qui veulent manifester pour des raisons politiques ou sociales.

Le gouvernement envisage de réformer la Constitution dans la précipitation, et de se donner les moyens de prolonger encore dans le temps un tel régime d’exception. Jusqu’à quand ? Qui sera au pouvoir demain ‘? Qui, dans de telles conditions, aura le courage de mettre un terme à cet état d’exception, alors que chacun sait que le terrorisme ne sera pas « éradiqué » comme l’a souhaité le président de la République ?

Le ministre de l’intérieur a affirmé que l’état d’urgence est un État de droit ». Alors, on ne saurait envisager de déroger à la Convention européenne des droits de l’homme qui permet déjà de porter atteinte à de nombreux droits par des mesures prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique à la protection des intérêts essentiels, dont la sécurité publique.

Les autorités françaises ne peuvent avoir pour intention de déroger aux droits indérogeables comme le droit à la vie ou celui de ne pas être torturé. S’agit—il alors du droit at la présomption d’innocence, de celui de n’être privé de sa liberté que dans des cas prévus par la loi, pour des motifs précis et sous le contrôle d’un juge ?

Les criminels du 13 novembre ne doivent pas avoir réussi à montrer que nos principes fondamentaux, qu’ils haïssent tant, ne seraient que des leurres. La peur ne saurait aujourd’hui diminuer la vigilance des citoyens.

(*) Avocat, président d’honneur de la Ligue des droits de l’nomme.

 

 

Nous ne céderons pas : l’appel de 68 associations

Nous ne céderons pas : l’appel est lancé, pour le moment (la liste n’est pas close), par 68 associations. Un appel qui met le doigt sur le danger que court la démocratie dans cette période où la peur (souvent provoquée par les politiques, de tous bords, qui espèrent en tirer bénéfice) sert d’alibi pour saper les fondements de la démocratie, en s’attaquant aux libertés fondamentales. Provisoirement, disent-ils. On connaît bien des mesures provisoires qui durent encore…

Cet appel prouve que, si elle est menacée, la démocratie est bien vivante, et que ses partisans ne sont pas prêts à la brader. Il est finalement une preuve de sa bonne santé.

Certes, il faut faire preuve de courage politique pour ne pas céder aux sirènes des extrémistes de droite qui distillent le venin contagieux. On est en droit de l’exiger des responsables politiques.

Une dernière chose. Il faut lire attentivement la liste des signataires de cet appel. Elle est réconfortante.

Nous ne céderons pas

Ceux qui, au nom de Daech, ont fait subir à Paris et à Saint-Denis un moment d’inhumanité absolue ne nous feront pas céder. Rien ne peut justifier ces assassinats, ici ou ailleurs. Chacune des victimes vit en nous parce que nous appartenons à la même humanité. Notre solidarité à leur égard et à l’égard de leurs familles est totale. Ce crime est immense mais c’est en continuant à vivre librement et fraternellement que notre réponse sera à la hauteur.

Nous ne sommes pas naïfs : nous savons que ces actes de terrorisme appellent des réponses à la mesure du danger qu’ils représentent. Comme nous savons que le rôle des forces de l’ordre et de la justice est essentiel pour protéger nos libertés. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux réponses que notre société doit apporter à ces actes et à celles déjà mises en œuvre.

C’est la démocratie qui est mise à mal quand le Parlement est appelé à délibérer d’un jour à l’autre, sous la pression de l’émotion et les assauts de démagogie de responsables politiques qui cultivent la peur.

Après la prorogation de l’état d’urgence et l’extension des pouvoirs de police, d’autres mesures sont encore annoncées par le président de la République.

Il nous paraît essentiel de rappeler que rien ne doit nous faire sortir de l’Etat de droit et nous priver de nos libertés. L’état d’urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l’exercice de la citoyenneté et le débat public.

Depuis 1986, les lois accordant plus de pouvoirs aux forces de l’ordre, organisant une justice d’exception et restreignant nos libertés, au prétexte de lutter contre le terrorisme, s’empilent. L’adoption d’autres dispositifs législatifs, y compris d’ordre constitutionnel, exige de poser la question de leur efficacité et de l’atteinte supplémentaire aux libertés qu’ils constituent. Avant de modifier la loi et de conférer à l’Etat des pouvoirs accrus, il faut que celui-ci s’interroge sur ce qui n’a pas permis d’éviter une telle abomination. La réponse des autorités se veut martiale, elle n’est pas une assurance de sécurité et ne garantit en rien le respect de nos libertés.

Vouloir priver de leur nationalité jusqu’aux personnes nées françaises, c’est délivrer une nouvelle fois le message d’une France divisée. Le silence du président de la République, lors de la réunion du Parlement, sur l’indispensable engagement de l’Etat en faveur de l’égalité des droits, de la justice sociale, sur le développement des services publics, contre toutes les discriminations et contre toutes les manifestations de racisme accroît dramatiquement le sentiment d’exclusion que vit toute une partie de notre peuple. Il donne ainsi un peu plus corps à la stigmatisation croissante qui s’exerce mettant en péril notre volonté de vivre ensemble.

Nous voulons que ces dramatiques événements soient, au contraire, l’occasion de construire un autre chemin que celui qui nous est proposé. Un chemin qui refuse de désigner des boucs émissaires et qui refuse que la France soit en guerre contre elle-même. Un chemin qui donne à la paix et à l’égalité des droits toute leur place et qui s’engage en faveur d’une France solidaire, ouverte à l’autre, accueillante, libre et fraternelle.

Pour nos libertés, pour une société où la fraternité a toute sa place, nous ne céderons pas à la peur dans laquelle veulent nous faire vivre ceux et celles qui font de la mort leur raison de vivre.

Nous appelons les femmes et les hommes de ce pays à rester solidaires et à lutter contre toute forme de racisme. Nous appelons aussi à la défense des libertés car nous ferons prévaloir en toutes circonstances notre liberté d’information, d’expression, de manifestation et de réunion. Nos organisations construiront, partout en France, ces lieux qui nous permettront de débattre et nous exercerons une vigilance permanente afin que nos droits et libertés soient préservés et que nul ne soit victime de discriminations.

Premiers signataires :

  1. AFD International,
  2. Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda),
  3. Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort),
  4. Association des Marocains en France (AMF),
  5. Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF),
  6. Association des Tunisiens en France (ATF),
  7. Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip),
  8. Association française des juristes démocrates (AFJD),
  9. Association France Palestine solidarité (AFPS),
  10. Association Grèce France Résistance,
  11. Association interculturelle de production, de documentation et de diffusion audiovisuelles (AIDDA),
  12. Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes (ARDLFM),
  13. Associations démocratiques des Tunisiens en France (ADTF),
  14. Attac,
  15. Cadac,
  16. Cedetim,
  17. Confédération générale du travail (CGT),
  18. Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal),
  19. Collectif national pour les droits des femmes (CNDF),
  20. Collectif 3C,
  21. Collectif des 39,
  22. Collectif des féministes pour l’égalité (CFPE),
  23. Comité pour le développement et le patrimoine (CDP),
  24. Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT),
  25. Commission islam et laïcité,
  26. Confédération syndicale des familles (CSF),
  27. Collectif des musulmans de France (CMF),
  28. Coordination des collectifs AC !,
  29. Droit au logement (Dal),
  30. Droit solidarité,
  31. Droits devant !!,
  32. Emmaüs France,
  33. Emmaüs International,
  34. Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR),
  35. Fédération nationale de la Libre pensée,
  36. Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH),
  37. Filles et fils de la République (FFR),
  38. Fondation Copernic,
  39. Fédération syndicale unitaire (FSU),
  40. Genepi,
  41. Ipam,
  42. La Cimade,
  43. La Quadrature du Net,
  44. Le Mouvement de la paix,
  45. Ligue des droits de l’Homme (LDH),
  46. Le Gisti,
  47. Les Amoureux au ban public,
  48. Les Céméa,
  49. Maison des potes,
  50. Mamans toutes égales (MTE),
  51. Médecins du monde,
  52. Mrap,
  53. OIP – section française,
  54. Organisation de femmes égalité,
  55. Planning familial,
  56. Réseau éducation sans frontières (RESF),
  57. Réseau euromaghrébin culture et citoyenneté (REMCC),
  58. Réseau Euromed France (REF),
  59. SNPES-PJJ/FSU, Snuclias-FSU,
  60. Syndicat des avocats de France (Saf),
  61. Syndicat national des journalistes (SNJ),
  62. SNJ-CGT,
  63. Unef,
  64. Union des travailleurs immigrés tunisiens (Utit),
  65. Union juive française pour la paix (UJFP),
  66. Union nationale lycéenne (UNL),
  67. Union syndicale de la psychiatrie (USP),
  68. Union syndicale Solidaires

Les perquisitions se multiplient, les abus aussi

Noël Mamère, un des six députés qui n'ont pas voté la prolongation de l'état d'urgence pendant trois mois.

Elles étaient peu nombreuses, les voix qui s’étaient élevées pour oser s’interroger sur les dérives possibles qu’allait vraisemblablement générer l’état d’urgence et ses mesures liberticides. On nous avait dit, « ça n’est rien », juste quelques perquisitions en plus. Et ils étaient encore moins nombreux, les députés qui craignaient ces dérives : seulement 6…

Et ça n’a pas traîné…

« Les dégâts colatéraux », d’abord. Les attaques contre les personnes d’origine maghrébine ont explosé en quelques jours. Les rumeurs les plus folles ont commencé à se répandre, jusques et y compris en zone rurale : rumeur de propos faisant l’apologie des terroristes, de mosquées qui n’existent pas, de personnes qui ont refusé la minute de silence…

Les perquisitions n’ont en effet pas tardé à se multiplier : le 24 novembre, Mediapart recensait « En dix jours, une salve de 1 200 perquisitions administratives [ont été] opérées en France, sur ordre des préfets, aiguillés par les services de renseignement ». Et le journal s’interroge : « pour quelle efficacité ? » (source). « Le gouvernement ne communique surtout pas sur la nature exacte des procédures ouvertes. Car à l’évidence, le millier de « descentes » a essentiellement alimenté les procureurs de la République en infractions dites de « droit commun » (stupéfiants, etc.), qui font déjà leur pain quotidien, et dont la répression ne mérite peut-être pas ces mesures d’exception. Il n’est même pas certain qu’une perquisition administrative ait nourri ces derniers jours les magistrats antiterroristes – questionnés sur ce point, les ministères de l’intérieur et de la justice n’ont pas répondu ». Il y a eu certes des résultats, notamment la découverte d’armes (« 230 armes, dont un véritable arsenal de guerre près de Lyon, et la découverte de stupéfiants dans 77 cas au moins »).

Les « bavures » se multiplient. Certes, il n’y a pas eu mort d’homme, ni de blessés. Mais que d’humiliations ! que de casse dans les maisons et les appartements, portes défoncées, meubles renversés… Que de réputations mises à mal, avec les conséquences qu’on imagine en zone rurale…

Un restaurant de Saint-Ouen l’Aumône a lui aussi fait les frais d’une perquisition musclée : le récit en est fait par le journal Le Monde.

Autre liberté bafouée : la liberté de manifester. La Ligue des droits de l’Homme vient de publier un communiqué à ce sujet :

« La LDH apprend avec consternation que le ministère de l’Intérieur a transmis au procureur de la République les photos de plusieurs personnes qui auraient manifesté, dimanche 22 novembre 2015, en faveur des réfugiés.

Le gouvernement a décidé de mettre à profit l’état d’urgence pour interdire toute manifestation publique. Après avoir interdit la marche qui devait accompagner la COP21, le gouvernement s’engage dans une voie répressive et de la manière la plus inutile qui soit.

Empêcher toute expression sur la voie publique ou autoriser seulement ce qui agrée au gouvernement, c’est porter une atteinte directe à la liberté d’expression que rien ne justifie.

La LDH appelle le gouvernement à respecter le droit de manifester ».

Et la LDH participera, dimanche 29 novembre, à l’initiative de la Coalition climat 21, comme elle l’indique dans un second communiqué :

« La LDH va participer à l’action « chaîne humaine » de la Coalition Climat 21 qui remplacera dimanche prochain à Paris  la marche pour le climat interdite en raison de l’état d’urgence.

Il s’agit de former sur les trottoirs du boulevard Voltaire, de République à Nation, une chaîne humaine de citoyens qui se tiendra sur les trottoirs, sans barrer les rues aux intersections avec le boulevard, qui portera nos revendications à l’ouverture de la COP21. Cette action, qui aura certainement un fort retentissement médiatique, n’est pas illégale et la Préfecture de police, qui en a été avertie, ne s’y est pas opposée ».

Jean-Pierre Dubois : « Nous sommes dans une logique de l’impuissance guerrière ».

Jean-Pierre Dubois, au congrès de la LDH à Reims en 2011.

A en croire les médias, piller le fonds de commerce idéologique de la droite c’est faire preuve d’une « grande habileté politique ». Si tel est le cas, alors, oui, chapeau bas M. Hollande.

Ce pillage, dont le président de la république avait chargé sa créature, M. Macron, de l’accomplir au niveau social et économique, il l’a assumé lui-même, au niveau des libertés et de la « sécurité » devant le Parlement réuni en congrès à Versailles, lundi. Il avait déjà bien commencé le boulot, avec les lois sécuritaires, il le poursuit aujourd’hui sans vergogne, allant même jusqu’à recycler des propositions de d’Edouard Balladur…

Objectif atteint : Mme Le Pen elle-même salue l’exercice…

Lundi, le congrès, convoqué par le président de la République, s’est réuni à Versailles. « Le Parlement n’est pas encore une Chambre bleu horizon, comme en 1919, puisque la gauche est au pouvoir. Mais il est de toute évidence une Chambre bleue, convertie à la nécessité de la « guerre » et prête à approuver des mesures d’exception », commente Mathieu Magnaudeix dans Médiapart.

Rares sont les voix qui se lèvent pour dénoncer ce que tout le monde aurait dénoncé si cela avait été proposé par la droite.

On en entend cependant quelques-unes. Rafraichissantes. Celle de Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, par exemple. Qui, dans Rue 89, déclare : « nous sommes dans une logique de l’impuissance guerrière ».

Interrogé par  Robin Prudent, qui lui rappelle : « Après les attentats de Charlie Hebdo, vous nous mettiez en garde contre une possible « hystérie sécuritaire », Jean-Pierre Dubois répond : « Après les attentats de janvier, on a entendu dans la bouche de certains gouvernants, notamment Manuel Valls et François Hollande, que nous étions en guerre.

C’est exactement ce que l’on entend de nouveau.

Si on est dans une logique de guerre, les mots n’ont pas beaucoup de sens, parce que personne ne sait comment faire la guerre à des gens qui ne sont pas un Etat. Comment fait-on la guerre à des gens qui ouvrent le feu au hasard avec des armes rudimentaires que l’on peut trouver très facilement ?

Surtout, cela signifie que nous allons vers ce qui est le sort des démocraties en guerre : l’état d’exception.

L’état d’urgence a été proclamé. Dans un premier temps, on peut se dire que c’est une situation exceptionnelle et que l’on ne peut pas y répondre autrement que par des mesures exceptionnelles.

Sauf que quand on regarde bien, l’état d’urgence n’ajoute pas grand-chose à ce qui est devenu permanent. Les mesures antiterroristes, les lois sur le renseignement, on les a déjà, et cela ne fonctionne pas ».

Lisez l’interview de Jean-Pierre Dubois du 14 novembre 2015 par Robin Prudent, ici.

Et relisez son interview du 8 janvier 2015 par Xavier Delaporte ici.

Ils ne gagneront pas, parce que #NousSommesTousUnis

Les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis vendredi 13 novembre sont évidemment pain bénit pour les extrémistes de tous poils, qui n’ont pas tardé à distiller leur venin. Le front « national » en tête, évidemment, bien dans son rôle, accompagné par quelques excités tels que Wauquiez  (pardon à René Vautier d’avoir confondu son nom avec celui de cet individu !… Erreur corrigée !), Morano et Ciotti, rejoint par leur chef de meute, l’ancien président de la République pour réclamer davantage de mesures sécuritaires. #NousSommesTousUnis, oui, mais pas avec n’importe qui.

La Ligue des droits de l’Homme, et la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme ont publié, ce samedi 14 novembre en début d’après midi, des communiqués qui mettent en garde contre d’éventuelles dérives prétendues sécuritaires, qui ont largement et depuis longtemps prouvé leur totale inefficacité. Nous les reproduisons ci-dessous.

Communiqué de la Ligue de droits de l’Homme

Ils ne gagneront pas

L’assassinat de plus de 120 personnes à Paris dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 restera comme un des pires outrages infligé aux habitants de ce pays. Ces actes provoquent horreur et révolte.

C’est d’abord aux victimes et à leurs familles que la LDH pense en toute solidarité et avec émotion.

Parce que notre démocratie a le droit et le devoir de se défendre, l’adoption de mesures exceptionnelles peut répondre à l’urgence du moment.

Ces mesures qui s’ajoutent aux possibilités déjà très larges ouvertes par la législation antiterroriste ne peuvent être appliquées que pour une période limitée et doivent l’être sans aucune stigmatisation.

C’est ensemble, tous ensemble, que nous devons répondre à l’immense défi qui nous est lancé. C’est par une réaction citoyenne que nous devons réaffirmer notre volonté de vivre ensemble et de protéger notre démocratie et nos libertés parce que nous refusons la peur et parce que les assassins

ne gagneront pas.

Communiqué commun de la Ligue des droits de l’Homme et de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH)

#NousSommesTousUnis

La FIDH et son affiliée française la LDH (Ligue des droits de l’Homme et du citoyen) condamnent avec la plus grande fermeté les actes terroristes intervenus dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 à Paris et à Saint-Denis.

Nous exprimons nos sincères condoléances aux familles des victimes décédées ainsi que notre solidarité et nos vœux de rétablissement aux nombreux blessés. Nous témoignons de la solidarité exprimée ces dernières heures par de nombreuses organisations membres et défenseurs des droits de l’Homme à travers le monde. C’est l’humanité qui est visée par ces attaques ignobles.

Nous soulignons que les mesures exceptionnelles adoptées, si elles peuvent répondre à l’urgence du moment, ne doivent être appliquées que pour une période limitée et sans aucune stigmatisation.

Nous nous joignons aux appels à l’union citoyenne contre la peur, pour protéger les libertés, la démocratie et notre volonté de vivre ensemble.

Terrorisme : savoir raison garder !

Communiqué publié par la Ligue des droits de l’Homme, ce lundi 2 février

Un gamin traîné au commissariat pour « apologie de terrorisme », un prof de philo suspendu et incriminé sur la base d’un propos indirect, et à ce jour non porté à la connaissance de l’enseignant en question, des agents municipaux inquiétés pour avoir refusé de participer à une minute de silence, des syndicalistes menacés de licenciement… Il est temps de se reprendre et de revenir à la raison ! Quoi de plus déraisonnable, en effet, que la confusion qui s’installe entre vigilance nécessaire et chasse aux sorcières ! Ni la restriction de la liberté de parole des adultes, ni les interrogatoires policiers d’enfants de 8 ans ne favoriseront notre sécurité. Ces mesures, à l’inverse, exacerbent un climat de défiance tous azimuts, incitent chacune et chacun à chercher autour de soi qui un terroriste, qui un terroriste potentiel… Un tel climat de recherche à tout va de boucs émissaires est insupportable ; pire, il est hautement contre-productif. Promouvoir les valeurs de liberté, de fraternité, expliquer au quotidien ce qu’est la laïcité, bref, vivre la République, implique de pouvoir en débattre, de façon libre, ouverte, confiante.

Privilégier la dénonciation et la mise à l’écart, c’est au contraire engendrer des situations insupportables au regard des droits élémentaires des personnes visées, alimenter amertumes et contentieux, donner finalement le sentiment d’une République essentiellement répressive.

La Ligue des droits de l’Homme avait déjà poussé un cri d’alarme après les invraisemblables décisions rendues en comparution immédiate, qui ont entraîné parfois des peines lourdes pour une divagation alcoolique.

Il est temps de calmer les esprits. Le gouvernement doit s’y employer et se rappeler que la lutte contre le terrorisme ne saurait trouver une quelconque efficacité en dehors du respect de la lettre et du principe de l’Etat de droit.