La quatrième résolution adoptée par le congrès de la Ligue des droits de l’Homme, au Mans, rappelle un des grands combats menés par la LDH, dès la fin de la guerre. Un combat tout aussi fondateur pour la Ligue que l’affaire Dreyfus.
Il est mené aujourd’hui par le groupe de travail Histoire de la LDH, et singulièrement par son co-animateur, l’historien Gilles Manceron, qui a défendu devant le congrès cette résolution qui, outre la réhabilitation des soldats victimes de la barbarie de l’Etat-major, demande la reconnaissance de toutes les autres victimes de cette barbarie : les mutins, les engagés étrangers, les soldats coloniaux… Et la résolution rappelle que le centenaire de la Grande Guerre est peut-être la dernière occasion de rendre justice à toutes ces victimes.
Réintégrons les fusillés pour l’exemple, mutins, engagés étrangers et soldats coloniaux dans la mémoire nationale
La dénonciation des injustices commises par les tribunaux militaires durant la Première Guerre mondiale a été l’un des grands combats de la Ligue des droits de l’Homme, dans le prolongement de l’affaire Dreyfus. Il a permis d’obtenir jusqu’en 1935 la réhabilitation d’un certain nombre de fusillés pour l’exemple. Nous déplorons qu’en 2014 le centenaire officiel de ce conflit n’ait pas été l’occasion d’un acte fort vis-à-vis de tous ceux non encore réhabilités, qui ont été victimes d’ordres arbitraires et injustes.
La création au musée de l’Armée, à l’Hôtel national des Invalides, d’espaces consacrés à cette question doit être saluée comme une avancée. Elle va dans le sens du souhait exprimé le 5 novembre 1998 à Craonne, par le Premier ministre Lionel Jospin, qui avait demandé que les fusillés pour l’exemple « réintègrent notre mémoire collective nationale ».
Mais cela ne répond pas à notre demande de réhabilitation de tous les soldats injustement condamnés qui voulaient, comme l’avait demandé Jaurès, être traités comme des citoyens sous l’uniforme. Avec le centenaire, pour les trois ans qui viennent avant 2018, une nouvelle et sans doute dernière fenêtre s’ouvre pour que soit posé un acte politique permettant la réhabilitation des fusillés pour l’exemple. Une vraie réhabilitation implique l’annulation judiciaire des condamnations et donc une série de décisions individuelles.
La Ligue des droits de l’Homme constate que ce combat continue. Les recherches à leur sujet doivent être poursuivies, leurs sépultures doivent être identifiées et dignement traitées, le transfert de leurs restes dans les communes dont ils étaient originaires doit contribuer à leur rendre justice, comme cela s’est produit, avec l’appui de la LDH de l’Oise et de la Corse, pour le soldat Sylvestre Marchetti, dans son village natal de Taglio d’Isolaccio.
Le travail doit aussi être poursuivi sur des questions occultées ou méconnues de la Grande Guerre qui ne présentent pas seulement un intérêt pour l’Histoire mais aussi pour nos enjeux contemporains. C’est le cas notamment des civils injustement accusés d’espionnage, pour lesquels la LDH, après la guerre, a mené de fortes campagnes pour leur réhabilitation ; celui des mutineries de 1917, qui ont affecté les deux tiers des divisions d’infanterie du front ; celui des bagnes coloniaux, des compagnies de discipline et des bataillons d’exclus, qui ont concerné des dizaines de milliers de soldats et ont provoqué beaucoup plus de morts parmi eux que les fusillés pour l’exemple ; celui des engagés volontaires étrangers européens, victimes de traitements brutaux dans des régiments de marche de la Légion étrangère ; celui des soldats coloniaux victimes de recrutements forcés, de promesses non tenues, d’un emploi inconsidéré et d’un quasi-abandon après-guerre ; et celui de l’ « importation » de dizaines de milliers d’indigènes militarisés, qui ont connu une mortalité très élevée dans les usines d’armement.
En ce qui concerne les mutineries, il importe d’éclairer en particulier le rôle joué par Philippe Pétain, nommé général en chef le 15 mai 1917, qui a eu recours à des procédures exceptionnelles en supprimant les recours en grâce pour hâter les exécutions, et en isolant les soldats considérés comme « meneurs » pour les envoyer sans procès dans des bagnes coloniaux, où beaucoup sont morts de traitements inhumains et dégradants.
Force est de constater, enfin, que les « poilus venus d’ailleurs », étrangers européens et travailleurs ou combattants coloniaux, absents de nos monuments aux morts, ne sont pas reconnus par notre mémoire nationale à la mesure du sort qui a été le leur. Seules de nombreuses tombes musulmanes en témoignent, au sein de nos nécropoles militaires. Il importe qu’un siècle plus tard, eux aussi « réintègrent aujourd’hui pleinement notre mémoire collective nationale ». La Ligue des droits de l’Homme et du Citoyen réclame de réintégrer les fusillés pour l’exemple, mutins, engagés étrangers et soldats coloniaux dans la mémoire nationale.
Résolution adoptée à l’unanimité moins 28 voix contre et 17 abstentions
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