Délinquance des étrangers : des données contestables

La délinquance des étrangers : en voilà un sujet qu’il est intéressant ! et tout le monde s’y intéresse ! alors forcément, quand un journal a besoin de booster son lectorat, il lui suffit d’en rajouter une petite couche.

Et c’est d’autant plus intéressant lorsque « l’étude » sur laquelle on s’appuie est, disons, un peu approximative.

Rappelons les faits : la presse annonce, lundi 16 décembre, la parution d’un rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) sur la « délinquance des étrangers ». Elle est, comme on peut s’en douter, en augmentation spectaculaire : « 27% des vols sont commis par des étrangers » ! Information livrée brute, sans la moindre analyse.

C’est ce que dénonce le sociologue Laurent Mucchielli sur son blog : « Pour l’ONDRP, pourquoi transformer en marronnier ce sujet et ainsi risquer de lui donner implicitement le rôle d’une sorte d’indicateur ? »

Beaucoup plus grave, le sociologue poursuit : « pourquoi s’empresser de communiquer à la presse lors même que l’on cherche en vain, ce matin, à lire l’étude sur le site Internet de l’ONDRP ? », au moment où les résultats ont été rendus publics.

On serait donc prié de croire l’ONDRP sur parole, sans pouvoir juger  les méthodes utilisées, sans pouvoir connaître les méthodes utilisées ? « Voilà un procédé anti-scientifique hautement critiquable. Il est vrai que l’ONDRP n’a jamais été une organisation mue par des principes scientifiques, et c’est plus que regrettable. L’éthique scientifique permettrait d’éviter ce genre de dérives et de privilégier la mission d’information sur le goût de la publicité. », estime Laurent Mucchielli. Cependant, Laurent Borredon, du Monde, rappelle : « L’Observatoire a fondé son étude sur un recoupement entre le système de traitement des infractions constatées (STIC), fichier qui réunit tous les auteurs supposés de crimes et de délits, et l’ »état 4001″, la base statistique du ministère de l’intérieur. La notion de « mis en cause », qui n’a pas d’existence juridique, recouvre l’ensemble des suspects dont le nom est transmis par les forces de l’ordre au parquet, quelles que soient les suites pénales ». Quand on connaît la fiabilité du fichier STIC, on est en droit de s’interroger.

Le plus drôle (mais est-ce vraiment drôle ?), c’est que M. Ciotti, député UMP dont on connaît le sens de la nuance, s’est précipité sur cette enquête et y voit la preuve de l’échec de la gauche dans le domaine de la sécurité. Sauf que cette enquête porte sur la période 2008 – 2012…

L’article de Laurent Mucchielli est édifiant, et inquiétant : il souligne la légèreté avec laquelle certains journalistes acceptent des informations sans prendre la précaution d’en vérifier l’authenticité. Le b.a. ba pourtant…