Droit de vote des étrangers : les réponses du Président et du 1er ministre au collectif

Le Collectif « votation citoyenne » pour le droit de votes des étrangers non communautaires aux élections locales avait écrit au premier ministre et au Président de la République pour leur faire par de leur inquiétude sur l’avenir de cette promesse électorale du candidat Hollande. Les deux réponses viennent d’arriver. Si l’un et l’autre réaffirment leur attachement à cette mesure emblématique, ils soulignent les difficultés, sans doute bien réelles, auxquelles le gouvernement va se heurter pour trouver la nécessaire majorité des deux tiers du Parlement, puisque ce projet nécessite une réforme constitutionnelle. Quand on voit l’énergie que dépense la droite pour tenter d’empêcher le vote de la loi sur le mariage pour tous, on peut effectivement s’attendre à des arguments aussi pitoyables pour cette réforme.

 La lettre du collectif au président de la République.

Réf. : 502/12/VR/FS

Monsieur François Hollande

Président de la République

Palais de l’Elysée

55, rue du faubourg Saint-Honoré

75008 Paris

Paris, le 7 novembre 2012

Monsieur le Président,

Le collectif Votation citoyenne, qui regroupe des organisations militant depuis de nombreuses années pour le droit de vote de tous les étrangers aux élections locales, s’est réjoui de votre engagement en faveur de ce droit. Il s’inquiète aujourd’hui d’apprendre que cette promesse serait remise en cause.

Le droit de vote, qui permettra de conforter la démocratie locale et l’intégration des étrangers, doit être une mesure-phare de votre quinquennat. C’est une réforme de justice et de cohésion sociale. Nous pensons qu’il est temps que la citoyenneté de résidence trouve sa place dans notre pays, à côté de la citoyenneté nationale.

La France serait ainsi le dix-septième pays de l’Union européenne à avoir ouvert la citoyenneté à tous les résidents étrangers.

Le Collectif vous demande de ne pas céder aux pressions de la droite et de l’extrême droite, en pleine surenchère xénophobe, et qui font du droit de vote des étrangers un épouvantail. Vous le savez, depuis onze ans et jusqu’en décembre dernier, les Français ont constamment exprimé une adhésion majoritaire à cette avancée démocratique et à une égalité de traitement entre résidents européens et résidents extracommunautaires.

Il faut convaincre les parlementaires centristes et de la droite humaniste du bien-fondé de cette mesure, qui dépasse les clivages idéologiques classiques. Une rapide mise à l’ordre du jour du Parlement d’un projet de loi permettrait au congrès de se réunir avant l’été 2013, et de respecter le calendrier que vous aviez annoncé.

Le Collectif va demander à ses militants de rencontrer cet hiver tous les parlementaires dans les départements, et de s’efforcer de convaincre les plus hésitants d’entre eux. Par ailleurs, une campagne nationale de mobilisation sera lancée auprès de l’opinion publique, début 2013.

Nous savons que nous pouvons compter sur votre volonté réformatrice, et sommes à votre disposition pour vous exposer de manière plus détaillée notre projet de campagne.

Vous comprendrez, Monsieur le Président de la République, que nous rendions publique cette lettre.

Nous vous prions de bien vouloir recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

Pour le collectif Votation citoyenne :

  • Mohamed Ben Saïd, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR)
  • Michel Butez, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap)
  • Souad Chaouih, Association des Marocains en France (AMF)
  • Bernard Delemotte, La Lettre de la citoyenneté
  • Nacer el Idrissi, Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF)
  • Pierre Gineste, Association pour une citoyenneté européenne de résidence (Acer)
  • Vincent Rebérioux, Ligue des droits de l’Homme (LDH)

 La réponse du Président de la République, François Hollande.

Monsieur Vincent Rébérioux

Collectif Votation citoyenne

C/o Ligue des droits de l’Homme

 

Le Président de la République a bien reçu la correspondance que vous lui avez adressée, au nom de la Ligue des droits de l’Homme, membre du Collectif « Votation citoyenne », et m’a confié le soin de vous répondre.

Sensible aux raisons qui motivent votre démarche, le Chef de l’Etat tient à vous assurer qu’il partage votre conception répyublicaine de la citoyenneté et qu’à cet égard, accorder le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis plusieurs années apparaît tout à la fois comme une nécessité et une mesure de justice. Aussi, vous pouvez être certain de la détermination du Président de la République et du Gouvernement à poursuivre, dans un esprit de concertation, les efforts permettant la mise en œuvre de cet engagement présidentiel.

Le Président de la République a toutefois rappelé, lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 13 novembre dernier, que cette réforme nécessitant de modifier l’article 3 de la Constitution, la majorité des 3/5èmes   du Parlement réuni en Congrès devrait être constituée. Il a donc demandé au Gouvernement et aux responsables des groupes parlementaires de travailler à la constitution de cette majorité avant toute présentation d’un texte de loi.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Pierre Besnard

La lettre du collectif au premier ministre

Monsieur le Premier ministre,

Le collectif Votation citoyenne, qui regroupe des organisations militant depuis de nombreuses années pour le droit de vote de tous les étrangers aux élections locales, s’est réjoui de votre engagement en faveur de ce droit, affirmé lors de votre déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, le 3 juillet dernier, et confirmé plus récemment, le 19 septembre.

Notre Collectif s’inquiète aujourd’hui d’apprendre que cette promesse serait remise en cause.

Le droit de vote, qui permettra de conforter la démocratie locale et l’intégration des étrangers, doit être une mesure-phare de votre gouvernement. C’est une réforme de justice et de cohésion sociale. Nous pensons qu’il est temps que la citoyenneté de résidence trouve sa place dans notre pays, à côté de la citoyenneté nationale. La France serait ainsi le dix-septième pays de l’Union européenne à avoir ouvert la citoyenneté à tous les résidents étrangers.

Le Collectif vous demande de ne pas céder aux pressions de la droite et de l’extrême droite, en pleine surenchère xénophobe, et qui font du droit de vote des étrangers un épouvantail. Vous le savez, depuis onze ans et jusqu’en décembre dernier, les Français ont constamment exprimé une adhésion majoritaire à cette avancée démocratique et à une égalité de traitement entre résidents européens et résidents extracommunautaires.

Il faut convaincre les parlementaires centristes et de la droite humaniste du bien-fondé de cette mesure, qui dépasse les clivages idéologiques classiques. Une rapide mise à l’ordre du jour du Parlement d’un projet de loi permettrait au congrès de se réunir avant l’été 2013, et de respecter le calendrier que vous aviez annoncé.

Le Collectif va demander à ses militants de rencontrer cet hiver tous les parlementaires dans les départements, et de s’efforcer de convaincre les plus hésitants d’entre eux. Par ailleurs, une campagne nationale de mobilisation sera lancée auprès de l’opinion publique, début 2013.

Nous savons que nous pouvons compter sur votre volonté réformatrice, et sommes à votre disposition pour vous exposer de manière plus détaillée notre projet de campagne.

Vous comprendrez, Monsieur le Premier ministre, que nous rendions publique cette lettre.

Nous vous prions de bien vouloir recevoir, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre haute considération.

Pour le collectif Votation citoyenne :

  • Mohamed Ben Saïd, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR)
  • Michel Butez, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap)
  • Souad Chaouih, Association des Marocains en France (AMF)
  • Bernard Delemotte, La Lettre de la citoyenneté
  • Nacer el Idrissi, Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF)
  • Pierre Gineste, Association pour une citoyenneté européenne de résidence (Acer)
  • Vincent Rebérioux, Ligue des droits de l’Homme (LDH)

La réponse du premier ministre, Jean-Marc Ayrault.

Messieurs,

Par lettre du 7 novembre dernier, votre collectif « votation citoyenne » a appelé mon attention sur la question du droit de vote des étrangers aux élections locales. Vous redoutez que ce projet ne soit remis en cause.

Comme vous le rappelez, j’avais indiqué, lors de ma déclaration de politique générale le 3 juillet dernier, l’intention du Gouvernement de proposer l’ouverture du droit de vote pour les élections municipales aux étrangers résidant en situation régulière depuis au moins 5 ans sur notre territoire. J’ai confirmé cet engagement lors de l’émission de télévision « Des paroles et des actes » le l9 septembre.

La République française est une terre d’immigration et d’intégration. Sur ce sujet, trop de passions divisent nos compatriotes. C’est pourquoi j’entends faire prévaloir une approche sobre et dépassionnée du débat, loin de toute stigmatisation, dans un esprit de responsabilité et avec le souci constant du respect des valeurs de la République.

Or, comme vous le savez, l’extension du droit de vote aux ressortissants étrangers non européens devra, après avoir été adoptée par les deux chambres dans les mêmes termes, obtenir une majorité des 3/5èmes des membres du Parlement réuni en congrès.

Le Gouvernement ne disposant pas à ce jour de cette majorité des 3/5éme, il est nécessaire de poursuivre le débat, comme l’a rappelé le Président de la République lors de sa conférence de presse du 13 novembre dernier, pour que nous puissions convaincre le plus grand nombre de parlementaires possible de l’intérêt de cette réforme pour notre Pays. À cet égard, ces initiatives comme la vôtre sont utiles pour conduire un débat apaisé et serein sur cette question, et faire évoluer les positions des uns et des autres.

Je vous prie de croire, Messieurs, en l’expression de mes sentiments distingués.