Ça s’est fait discrètement : des communiqués brefs dans les quotidiens. Pourtant, le symbole est fort. Alors que le président de la République, dans ses propositions électorales, prévoyait d’inscrire la séparation de l’église et de l’Etat dans la constitution, voilà que le ministre de l’Intérieur, qui n’en est plus à un renoncement prêt, qui va assister à la canonisation d’un père jésuite au Vatican. Et pas n’importe quel religieux : un missionnaire, parti à la Réunion puis à Madagascar, au XIXème siècle. Un colonialiste chargé de convertir les populations locales, ce qu’il fit semble-t-il avec beaucoup de zèle.
Le quotidien La Croix met cette présence d’un ministre d’une république laïque à un événement religieux, et pas n’importe lequel, sur le compte de la tradition. Voici ce qu’il écrit : « Conformément à la tradition qui veut que le gouvernement français soit représenté à Rome lors de la canonisation d’un Français, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, sera présent, dimanche 21 octobre, place Saint-Pierre, pour la canonisation du P. Jacques Berthieu, jésuite, martyrisé à Madagascar en 1896. »
L’Humanité ne partage pas ce point de vue : « Le ministre de l’intérieur se serait-il converti à la « laïcité positive » de Nicolas Sarkozy ? Le 22 septembre, le diocèse de Troyes a accueilli Manuel Valls à l’occasion de la béatification du père Louis Brisson. C’était la première fois dans l’histoire de la République qu’un ministre de l’Intérieur se rendait lui-même à ce type d’événement ecclésial en France ». Et le journal rappelle que Jacques Berthieu était « missionnaire colonial dans les villages de Madagascar, lorsque ceux-ci se soulevaient contre le joug colonial ». En fin de compte, un humaniste, ce Berthieu…
Autre ministre, autre humaniste : on apprend que le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, inaugurera une stèle à la mémoire du grand humaniste Bigeard le 20 novembre au mémorial des guerres d’Indochine, à Fréjus. On se souvient du tollé qu’avait provoqué l’annonce par le précédent ministre de la défense, Gérard Longuet, du dépôt des cendres du tortionnaire aux Invalides. Une pétition contre ce projet ignoble avait rassemblé des milliers de signatures et on pensait l’affaire classée : eh bien non, c’était sans compter sur le zèle du nouveau gouvernement !
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