L’observatoire de l’enferment des étrangers (OEE) vient d’adresser une lettre ouverte au premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour lui demander une réforme du droit d’accès des associations aux centres de rétentions, et plus généralement, aux « lieux d’enfermement des étrangers » (comme à Roissy, par exemple). Ce droit a en effet été sérieusement limité par un décret de juillet 2011 : habilitation des associations autorisée à visiter les étrangers par le ministère de l’intérieur, limitation du nombre de personnes autorisées, obligation de prévenir de la visite, etc… Il faut savoir que les associations jouent un rôle essentiel dans les centres de rétention : ce sont elles, et elles seules, qui peuvent dire leurs droits aux personnes retenues, elles qui les aide à monter leurs dossiers, les mettent en contact avec les avocats… toutes choses rendues très difficiles par cette réglementation, alors que ce travail est déjà difficile même quand il est effectué dans de bonnes conditions.
Cette lettre ouverte est accompagnée d’un document plus complet que vous pouvez télécharger ici.
Paris, le 6juillet 2012
Lettre ouverte
Monsieur le Premier ministre,
La législation européenne oblige la France à prévoir un droit d’accès des associations dans les lieux ou sont enfermés les étrangers pour la seule raison qu’ils ne disposent pas d’un titre de séjour en règle. Le décret du 8 juillet 2011, pris en application de la loi de juin 2011 réformant le Code de l‘entrée et du séjour des étrangers, définit ce droit d’accès de manière très restrictive. Parmi les conditions qui nous semblent aller à l’encontre de l’objectif de transparence qui devrait prévaloir, on retient que :
- le ministère de l’intérieur a les pleins pouvoir pour habiliter les associations ;
- les associations ne peuvent habiliter que cinq personnes pour exercer leur droit d’accès ;
- le droit d’accès dans un lieu de rétention est limité à une seule association à la fois ;
- les associations sont tenues de prévenir de leur visite vingt-quatre heures à l’avance ;
- le décret ne précise pas l’étendue des locaux accessibles dans le cadre du droit d’acces.
Sur requête des organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), le Conseil d’État a déjà annulé une disposition abusive du décret, qui entendait interdire le droit d’accès aux associations conventionnées par l’État pour apporter aux étrangers une aide à l’exercice de leurs droits dans les lieux de rétention.
Pour autant, ce décret reste en l’état inacceptable. Votre gouvernement doit l’abroger et garantir la transparence des lieux d’ent`ermen‘1ent administratif des étrangers sur la base d’un nouveau texte. En particulier,
- le droit d’accès des associations doit être garanti par la loi ;
- il doit bénéficier de droit é toutes les associations qui se donnent pour but la défense des droits des étrangers, sans autre restriction ;
- il doit pouvoir être exercé sans information préalable de l’administration ;
- il doit donner accès à tous les locaux relevant des dispositifs d’enfermement administratif des étrangers et à l’ensemble de leurs annexes ;
- il doit permettre un accès non restreint a priori à toutes les personnes enfermées ainsi qu’à tous les personnels intervenant dans les lieux d’enfermement ;
- l’habilitation des associations doit être délivrée par une autorité administrative indépendante, qui précisera les modalités pratiques de l’exercice de ce droit par les membres de l’association.
Ces principes sont rassemblés dans la « Platef0rme de revendications pour un droit d’accès associatif dans les lieux d’enfermement des étrangers » que l’OEE rend publique ce jour, et que vous trouverez ci-joint. Les organisations membres de l’OEE vous demandent de les mettre en œuvre. Dans cette perspective, nous vous saurions gré de bien vouloir nous accorder une entrevue, dans un délai que nous espérons rapide.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’expression de notre haute considération.
Pour l’Observatoire de l’enfermement des étrangers,
Florence Boreil (ACAT)
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