Des élèves du club Unesco du lycée Roz-Glas de Quimperlé (29) ont réalisé une exposition intitulée « question de genre » : il s’agissait de se mettre dans la peau d’une personne de sexe opposé. C’est ainsi que les garçons ont été photographiés habillés en filles, et les filles en garçons. Photographies réalisées par le portraitiste Christian Scaviner, et accompagnées de textes écrits par les lycéens dans le cadre de ce travail suffisamment remarquable pour être exposé au parlement européen à Bruxelles.
Malheureusement pour lui, ce travail a été aussi remarqué par un éclésiastique, Olivier Manaud, curé de Quimperlé, qui, sans avoir vu l’exposition (il le reconnaît lui-même), a, dans un éditorial publié dans le bulletin paroissial de la ville, invité les paroissiens à manifester leur indignation en écrivant à la Cocopaq, la communauté de communes du pays de Quimperlé, qui a installé l’exposition dans les bibliothèques et médiathèques de son réseau. Indignation basée, on s’en doute, sur les âneries que la frange la plus réactionnaire et conservatrice de l’église catholique débite depuis quelques semaines sur une fumeuse théorie du genre qui n’existe que dans ses fantasmes. Pour aider ses paroissiens qui pourraient avoir des difficultés de rédaction, le curé leur donne l’exemple d’une lettre type présentée par le site VigiGender, naturellement très proche de la « manif pour tous »… Et une vingtaine de courriers sont ainsi arrivés à la Cocopaq, pour dénoncer la « théorie du genre ».
Faisant preuve d’un courage politique suffisamment rare pour être relevé, les responsables de la Cocopaq n’ont pas souhaité étouffer l’affaire : ils l’ont rendu publique, par un communiqué qui a été publié dans la presse locale. Nicolas Morvan, président de la communauté de commune, déclare ainsi : « Oui la Cocopaq est fière de mener une politique publique pour l’égalité femme-homme. Et non, en aucun cas, elle ne fait la promotion d’une idéologie, ni la promotion de quelconques pratiques sexuelles ! »
Dans l’article consacré à l’affaire par le quotidien Le Télégramme, Annie Sow, conseillère principale d’éducation qui a piloté le projet répond de son côté à ces détracteurs : « Nous avons proposé ce projet dans une démarche citoyenne pour faire réfléchir les jeunes sur les relations filles-garçons. C’était un exercice, pas une question d’idéologie. Et les jeunes sont fiers de leur travail. Aujourd’hui, ils mènent des réflexions très pertinentes sur le sujet ». Christian Scaviner, le photographe, estime lui « que cette exposition « c’est le fondement de la vie en société, le respect de l’autre et de soi, il n’y a que des belles choses dans cette exposition ». « Questions de genre » continuera donc à être présentée. « S’il faut interdire tous les jeux de rôle dans ces cas-là, on ne peut plus rien faire », déplore Jacques Juloux, le vice-président de la Cocopaq en charge de la culture qui martèle que « les communes et les médiathèques sont libres ».
Les amicales laïques de Quimperlé et Concarneau, et la section Françoise-Bosser de la Ligue des droits de l’Homme ont, elles aussi, réagi, en publiant le communiqué suivant :
« Les Amicales laïques de Quimperlé et Concarneau, la section Françoise Bosser de la Ligue des Droits de l’Homme, se félicitent de la position prise par la Cocopaq face aux courriers demandant la suppression de la remarquable exposition « Questions de genre » ; exposition réalisée par les élèves du club UNESCO du lycée de Roz Glas dans le cadre d’un projet pédagogique visant à les faire réfléchir sur les relations filles-garçons.
Les continuelles tentatives d’immixtion rétrogrades que subit actuellement le système scolaire de la part, notamment, d’activistes religieux, constituent d’inacceptables atteintes aux libertés de conscience, d’expression et de création. Elles sont évidemment à prendre au sérieux et doivent être à chaque fois combattues énergiquement
Dans la droite ligne des objectifs qui lui sont assignés par le Code de l’Éducation, l’école doit, en effet, pouvoir poursuivre son travail, dans la sérénité, pour la compréhension et l’éducation des rapports entre les hommes et les femmes, entre masculin et féminin (voir les travaux d’E. Roudinesco sur la « théorie du genre »). Et le chemin est encore long vers l’égalité de droit.
En refusant de céder à la pression, la Cocopaq réaffirme avec force ces objectifs et rappelle simplement que l’égalité se construit, s’apprend… tout comme la démocratie. Qu’elle en soit chaleureusement remerciée. »
Quant au curé de Quimperlé, on ne peut que lui conseiller de retourner s’occuper de musique liturgique, domaine dans lequel il a, semble-t-il, une certaine expertise.
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