L’aide médicale d’Etat est régulièrement la cible d’élus de droite, qui dénoncent le « gaspillage » que représente cette aide qui permet aux étrangers, notamment demandeurs d’asile, de se soigner. Une attaque en règle, souvent basée sur des chiffres fantaisistes et des mensonges éhontés. Et surtout une attaque stupide et dangereuse : l’aide médicale d’Etat permet de contenir certaines épidémies, et d’éviter l’apparition de souches résistantes dans certaines maladies telles que la tuberculose. Ne pas soigner ces malades serait prendre un risque énorme. Il s’agit d’un problème de santé publique.
L’observatoire du droit à la santé des étrangers est un collectif d’associations (on peut en consulter la liste sur son site), qui entendent dénoncer les difficultés rencontrées par les étrangers dans les domaines de l’accès aux soins et du droit au séjour pour raison médicale. Le collectif entend porter des revendications communes.
Il s’adresse aujourd’hui à Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, pour manifester son inquiétude devant une pratique totalement illégale mise en œuvre en Seine-Saint-Denis (93) par la caisse primaire d’assurance maladie : consigne a été donnée de « ne pas traiter les demandes d’aide médicale d’Etat (AME) déposées et non encore instruites au 6 décembre 2013. Un moyen pour la caisse primaire de résorber le retard pris dans l’examen des dossiers en raison de la surcharge de travail devant à laquelle elle doit faire face. Une pratique inquiétante, illégale, et qu’il pourrait être tentant de généraliser si on ne la dénonce pas rapidement.
Voici le texte de lettre de l’observatoire.
ODSE – Observatoire du droit à la santé des étrangers
Madame la Ministre,
Nos associations ont constaté une situation inquiétante à laquelle il parait urgent de remédier. En effet, nous avons eu confirmation orale qu’une note interne de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de Seine Saint Denis (93) demande à ses services de ne pas traiter les demandes d’aide médicale État (AME) déposées et non encore instruites au 6 décembre 2013. En refusant d’examiner les demandes des usagers, qui ne sont ni informés ni mis en position d’exercer des recours, la CPAM de Seine Saint Denis démissionne purement et simplement de son obligation de service public, empêchant les personnes de se soigner, ou les laissant endettées à vie face à des factures hospitalières. Une telle décision aboutit à un déni de droit inacceptable frappant les personnes les plus précaires sur le plan social et administratif. Elle constitue en outre une discrimination grossière, viole le principe d’égalité devant le service public et porte atteinte aux normes garantissant le droit fondamental à la santé :
- La technique du « déstockage des dossiers », par destruction ou archivage en bloc des demandes en cours, est illégale. L’argutie, consistant à considérer que l’administration a « le droit » de rejeter implicitement toute demande des usagers, est un contre-sens juridique qui retourne contre les citoyens les garanties acquises par les lois successives organisant les relations avec l’administration. [1]
- Nous sommes inquiets du risque de pérennisation d’une telle pratique, comme mode de gestion de la charge de travail des Caisses, sur le dos des usagers les plus faibles.
- Cette mesure nuit à l’intérêt général en portant atteinte à la santé publique et à l’accès aux droits de chacun : aujourd’hui la Cpam refuse arbitrairement de traiter les demandes d’AME ? Mais combien de temps avant que cette pratique ne se généralise à l’ensemble des usagers ?
Face à l’urgence de la situation, il appartient à l’État qui est en charge du dispositif AME, d’exercer son pouvoir de contrôle sur la Caisse à qui il en a délégué la gestion. Il vous appartient en tant que Ministre de la santé de faire respecter les principes élémentaires de fonctionnement des services de santé et de protection maladie dans l’intérêt des personnes concernées et de l’ensemble des assurés.
Certains de l’attention que vous porterez à notre interpellation, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.
Vendredi 21 février 2014
L’ODSE
[1] Principalement la loi DCRA (Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) et ses décrets d’application.
Vous pouvez retrouver ce communiqué sur le site
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