Manifeste pour un titre de séjour unique, valable 10 ans, délivré de plein droit
À force de réformes du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), de plus en plus d’étrangers et d’étrangères sont placés dans une situation insupportable : précarité des titres de séjour délivrés, délais interminables pour en obtenir le renouvellement même dans les cas où il est de plein droit, arbitraire d’une administration qui interprète les textes le plus restrictivement possible, conditions d’accueil déplorables dans les préfectures…
La situation s’est dégradée à un point tel que les soutiens habituels ou les personnes qui sont en relation avec des immigré-e-s ne sont plus les seules à s’en émouvoir : en haut lieu aussi on commence à se préoccuper des retombées néfastes de la réglementation actuelle et de ses conditions d’application, comme en témoigne le rapport Fekl remis au gouvernement en mai 2013 [1].
Pour sortir de cette situation, ce rapport préconise, comme s’il s’agissait d’une grande avancée, la création d’une carte « pluriannuelle », intermédiaire entre la carte temporaire d’un an et la carte de résident de dix ans. Mais pourquoi se contenter de cette demi-mesure ? Il y a trente ans, l’Assemblée nationale votait, à l’unanimité, la création de la carte de résident, valable dix ans et renouvelable de plein droit. Ce « titre unique de séjour et de travail » avait vocation à devenir le titre de séjour de droit commun pour l’ensemble de ceux et celles qui étaient installés durablement en France ou qui avaient vocation à s’y établir en raison de leurs attaches familiales ou personnelles. Les réformes successives ont détricoté ce dispositif, alors considéré, à droite comme à gauche, comme le meilleur garant de l’insertion – selon la terminologie de l’époque – des personnes concernées : c’est la carte de séjour temporaire qui fait aujourd’hui figure de titre de droit commun, tandis que l’accès à la carte de résident n’est plus qu’une perspective lointaine et aléatoire, soumise au bon vouloir de l’administration qui vérifie préalablement l’« intégration républicaine » des postulant-e-s.
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N’ayons pas la mémoire courte : la loi du 17 juillet 1984 a été adoptée dans un contexte qui avait beaucoup de points communs avec celui d’aujourd’hui : le chômage de masse sévissait déjà, le Front national était une force politique montante et l’inquiétude quant à l’avenir n’était pas moindre. Pour des raisons essentiellement électoralistes, les gouvernements successifs ont mené des politiques systématiques de précarisation dont nous constatons chaque jour les effets dévastateurs.
Revenir à la carte de résident telle qu’elle avait été initialement instituée est une revendication nécessaire et réaliste. Les raisons mises en avant en 1984 pour réclamer et obtenir l’instauration de la carte de résident demeurent toujours valables aujourd’hui : simplification des démarches administratives, amélioration des conditions d’accueil dans les préfectures – et accessoirement des conditions de travail des fonctionnaires, mais surtout garantie de sécurité juridique indispensable pour pouvoir construire sa vie dans la société française.
Nous, organisations signataires, refusons qu’en 2014 les personnes étrangères qui ont construit leur vie en France soient maintenues dans l’insécurité d’un droit au séjour précaire.
Nous voulons qu’il soit mis fin aux effets désastreux de cette précarité dans les domaines de l’activité professionnelle, de la vie familiale, de l’accès aux droits sociaux, à un logement, à un prêt bancaire…
Nous demandons que leur soit remis un titre de séjour pérenne, le même pour tous.
Ce titre de séjour, créé il y a trente ans, existe encore dans la réglementation, même si les conditions de sa délivrance ont été progressivement dénaturées : nous réclamons le retour à la philosophie qui avait inspiré sa création et la rupture avec une politique aux conséquences injustes et inhumaines. La carte de résident, valable dix ans, doit à nouveau être délivrée et renouvelée de plein droit aux personnes établies en France, garantissant leur droit à y demeurer sans crainte de l’avenir.
Le « Manifeste pour un titre de séjour unique, valable 10 ans, délivré de plein droit » est à l’initiative des organisations suivantes :
>> Associations nationales :
- Acort (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie)
- Act Up-Paris
- AFVS (Association des familles victimes du saturnisme)
- AMF (Association des Marocains en France)
- Amoureux au ban public
- Ardhis (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour)
- Ašav (Association pour l’Accueil des Voyageurs)
- Assfam (Association Service Social FAmilial Migrants)
- Association Henri Pézerat Santé Travail Environnement
- Association Intermèdes
- ATF (Association des Tunisiens de France)
- ATMF (Association des Travailleurs Maghrébins de France)
- Catred (Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits)
- CCFD – Terre Solidaire
- Centre Osiris
- Centre Primo Levi
- La Cimade (service œcuménique d’entraide)
- Cnafal (Conseil national des associations familiales laïques)
- Comede (Comité médical pour les exilés)
- Comité pour le développement et le patrimoine (CDP)
- Copaf (Collectif pour l’avenir des foyers)
- Droits Devant !!
- Emmaüs France
- Enfants d’Afghanistan et d’ailleurs
- Fasti (Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleur-euse-s Immigré-e-s)
- Fédération Entraide Protestante
- Fédération initiatives des Femmes Africaines de France et d’Europe
- Femmes de la terre
- Femmes plurielles
- Fnars (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale)
- Fondation Frantz Fanon
- FTCR (Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux rives)
- Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s)
- Immigration Développement Démocratie (IDD)
- JRS France
- Ligue des droits de l’Homme
- MCTF (Mouvement Citoyen des Tunisiens en France)
- Médecins du Monde (MdM)
- Mouvement de la paix
- Mrap
- Rajfire
- RCI (Réseau chrétien-Immigrés)
- RESF (Réseau Éducation sans frontières)
- REMCC (Réseau Euro-Maghrébin citoyenneté et culture)
- Romeurope
- Secours catholique
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