Michel Moisan, 11 ans en 1944, Le Montoir-d’en-Bas

C’est surtout les gars qui allaient voir le camp. Les filles étaient plus tenues. Les noirs avaient des balafres sur la figure. Ils étaient en liberté. Ils avaient froid, c’était la fin de l’année.

Je ne sais pas comment ils étaient apparus au Montoir-d’en-Bas. C’est deux copains qui sont arrivés.

Ce dont je suis sûr c’est qu’ils étaient dans la cheminée à se chauffer. Mon père était parti s’occuper des vaches dans l’étable et ma sœur était à les traire. Notre mère était déjà décédée.

Moi, je suis resté les garder dans la maison. Un des deux m’a dit qu’il était instituteur. Je me rappelle qu’il y avait une poule et ils se chauffaient au coin du feu pendant que la poule était à cuire dans la soupe.

On a mangé ensemble et ils nous ont donné quelques conserves de sardines. C’est qu’ils devaient avoir des colis, parce qu’il n’y avait pas grand-chose dans les commerces.

Ils parlaient avec le père de leur situation, mais moi, je ne comprenais pas trop leur affaire.

Il faut dire aussi que nous, on n’avait rien contre eux.