Publication des noms des fraudeurs : les photos, c’est pour quand ?

Xavier Bertrand a un but dans la vie, le bien public. Et pour l’atteindre, il fait preuve d’une imagination débordante.

Sa dernière idée ? Publier dans la presse les noms des fraudeurs aux allocations familiales. Vous savez, ce « cancer » diagnostiqué en son temps par Laurent Wauquiez.

Cette proposition enchante Mme Valérie Rosso-Debord. (mais si, vous connaissez : c’est celle qui, à la question de Yann Barthès sur Canal + le 31 octobre 2011 : « Aujourd’hui, vous avez fait quoi en tant que femme de droite ? »  a répondu : « J’ai fait une tarte pour moi même »), qui y voit une mesure « pédagogique » !

Mais vous pourriez faire beaucoup mieux, Monsieur Bertrand. Pourquoi se contenter des noms ? Pourquoi pas les photos ? Comme aux Etats-Unis, comme le signale Philippe Bernard dans son blog :

« Le « Tampa Day », quotidien de qualité, a trouvé un moyen hallucinant pour renforcer une audience déclinante : il publie systématiquement les photos d’identité judiciaire (« mugshots ») des personnes arrêtées dans les quatre comtés de sa zone de diffusion. Du conducteur sans permis au violeur en passant par les ivrognes, toute personne interpellée par la police est ainsi clouée à ce pilori d’autant plus redoutable que les noms qui y figurent sont accessibles par Google et ne sont pas effacés, même en cas de classement sans suite ou de relaxe. Le journal télécharge en temps réel les fiches de police avec photos diffusés par les shérifs concernés, et les « balance » sur son site. »

Vous doperiez ainsi le tirage des journaux, et contribueriez efficacement à la croissance !

La Ligue des droits de l’Homme s’est émue de cette nouvelle « violation des libertés constitutionnelles » dans un communiqué publié ce matin :

La LDH s’insurge contre la dernière « idée » de Xavier Bertrand qui, si elle se concrétisait, serait un pas de plus dans la violation des libertés constitutionnelles : la désignation administrative de « boucs émissaires ».

Le ministre du Travail et des Affaires sociales a émis, le 26 janvier dernier, une nouvelle idée musclée pour lutter contre la fraude aux allocations familiales : les noms des fraudeurs seraient publiés dans la presse, renouant ainsi avec la condamnation au pilori des délinquants… avant l’exécution de leur peine. Cette initiative serait, selon le ministre, dissuasive, la déléguée générale de l’UMP, Valérie Rosso-Debord, estimant pour sa part qu’elle serait « pédagogique ».

Le gouvernement prétend ainsi lutter contre ce que Laurent Wauquiez, ministre lui aussi, appelle le « cancer » de l’assistanat et de la « fraude sociale », liés le plus souvent, explicitement, à l’immigration. D’ores et déjà, l’interconnexion des fichiers des bénéficiaires de prestations sociales et toutes les enquêtes indiquent que l’essentiel de la fraude provient d’employeurs qui cherchent par tous les moyens à ne pas s’acquitter des cotisations correspondant à leurs salariés.

Le projet de Xavier Bertrand s’inscrit dans une gesticulation électoraliste honteuse. Qu’un ministre en arrive à négliger l’institution judiciaire pour inventer la présomption de culpabilité et généraliser la vindicte publique relève indéniablement du registre le plus démagogique. La honte est au rendez-vous lorsqu’on imagine les suites possibles d’un tel appel au lynchage populaire.