Samedi 28 novembre, à 20h30, la section Loudéac centre Bretagne projettera le film Spartacus et Cassandra, de Yoanis Nuguet, dans le cadre du mois du film documentaire, au cinéma Le Cithéa de Plouguenast. Cette projection est organisée en partenariat avec CAC Sud 22, et avec le cinéma Le Cithéa, avec lequel nous avons déjà travaillé, notamment pour les projections de « La Guerre des boutons », avec un débat animé par Bertrand Rothé, auteur du roman « Lebrac, trois mois de prison » (lire ici), et « La saga des Contis », film de Jérôme Palteau, avec qui nous avions organisé un débat par vidéo conférence (lire ici).
Les deux héros du film, Spartacus et Cassandra , lui donnent leur nom. Deux enfants Rroms, qui vivent dans la rue avec un père alcoolique et une mère souffrant de graves problèmes psychiatriques. Ils sont tiraillés par leur amour pour leurs parents, et la nécessité pour eux de se libérer de cette situation qui risque de les broyer. Et une sorte de fée, Camille, une jeune trapéziste, arrive, et s’occupe des deux enfants.
Ce film est un chef d’œuvre. Il ne s’agit pas d’un film de plus sur les Rroms. C’est un film sur deux enfants, et une jeune adulte, qui mêlent leurs destins, et se construisent ensemble. Ioanis Nuguet, réalisateur, explique sa démarche : « Spartacus & Cassandra ne pouvait être un prétexte à observer la vie des Rroms dans les bidonvilles en France. Ce n`est pas le film que je voulais faire ».
Le résultat est une sorte de conte de fée, mais sans mièvrerie, sans misérabilisme, et, pour utiliser une formule à la mode, « sans pathos ». On en sort ragaillardi. La personnalité des trois protagonistes principaux, Spartacus, Cassandra et Camille y sont pour beaucoup. Cassandra, qui a présenté le film au festival Tyfilms de Mellionnec, est aujourd’hui une jeune fille épanouie, d’une maturité incroyable. Et le plus impressionnant, c’est que cette maturité ne lui a en rien ôté sa fraîcheur et sa spontanéité.
Ce film, c’est encore son réalisateur, Ioanis Nuguet, qui en parle le mieux. Voici ce qu’il en dit :
Je voulais faire un film à « hauteur d’enfants ». Il me fallait une forme dans laquelle leurs regards, leurs sentiments, leurs pensées allaient pouvoir prendre temps et images, s’entrechoquer. S’incarner poétiquement. J’ai cherché la forme littéraire qui s’approchait le plus de ce point de vue, là où la question de l’enfant en tant qu’être déjà porteur de sa propre destinée était la plus prégnante. Les contes des Frères Grimm ne parlent que de ça: un enfant, pour qui sa famille ne peut plus rien, porté devant un choix impossible pour tout autre que lui. Mieux encore, le conte opère un renversement des rôles traditionnels attribués habituellement au père et à la mère: c’est maintenant l’enfant qui a charge de sauver sa famille, de subvenir à ses besoins ou d’empêcher sa décrépitude. Grossièrement, dans le conte, les enfants doivent devenir les parents de leurs propres parents.
Spartacus & Cassandra a donc, naturellement, pris la forme d’un conte. D’un conte qui serait aussi un anti-conte ou un conte inversé : il ne s’agirait pas pour eux de sauver leurs parents, tâche qu`ils tentaient déjà d’accomplir, mais de se sauver eux-mêmes. Avec le rêve qu`ils pourraient un jour, leur situation faite, revenir pour leurs parents (comme dans Hansel et Gretel ou Le Petit Poucet).
J’al volontairement limité le nombre de personnages pour concentrer toute l’attention sur leur chemin initiatique. Chaque rencontre. Chaque rencontre, chaque être est une nouvelle épreuve, un moment charnière de leur vie. Camille les accompagne comme une bonne fée, une marraine dont la présence reste relativement mystérieuse tout au long du film. On ne saura jamais véritablement d’où elle vient ni ce que sont ses intentions profondes. C’est toujours à travers les questionnements des enfants, leurs inquiétudes, leur amour, qu’elle nous apparaît. Cet angle mort, ce point aveugle, était absolument nécessaire à la construction du conte : au fond, ce sont les enfants qui décident du sort de Camille et de la place qu’elle va prendre dans leur vie. Ils peuvent à tout moment faire choix de ne pas la suivre, de refuser son aide. Comme dans les contes. la fée – ou plus souvent la sorcière – est un personnage ambigu, dont les protagonistes se méfient car elle peut les faire tomber dans un malheur plus grand s`ils échouent à l’épreuve qu’elle propose.
Ioanis Nuguet
Pratique : samedi 28 novembre à 20h30, cinéma Le Cithé, Plouguenast. Entrée, 4€.
Partager la publication "« Spartacus et Cassandra », samedi 28 novembre, 20h30, au Cithéa de Plouguenast"