Une lettre ouverte de Pierre Tartakowsky à Manuel Valls

La politique menée par le ministre de l’Intérieur concernant les demandeurs d’asile, les sans-papiers, et d’une façon générale, les immigrés, inquiète les associations, qui ne voient pas de différence avec celle que menait l’ancien gouvernement. Les expulsions se poursuivent, malgré la circulaire signée par M. Valls, des enfants se retrouvent encore en centre de rétention (pas plus tard que cette semaine)…

C’est la raison qui a poussé Pierre Tartakowsky à écrire une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, en espérant qu’il la lise, et qu’il en tienne compte… Nous la reproduisons ci-dessous.

Paris, le 10 janvier 2013

Monsieur le Ministre,

J’ai eu à plusieurs reprises, au cours de l’année écoulée, l’occasion de manifester auprès de vos services les incompréhensions, les inquiétudes et la désapprobation grandissante que suscite la politique actuelle du gouvernement en direction des femmes et des hommes dits « sans papiers » qui vivent, habitent et travaillent dans notre pays.

Je saisis ce début d’année nouvelle pour exprimer le voeu que ces messages soient pris en compte au niveau où ils le méritent et que l’actualité, hélas, illustre sans désarmer sur l’ensemble du territoire français.

Tout récemment, le préfet du Nord a reçu les représentants des grévistes de la faim du Nord, engagés dans une longue et cruelle grève de la faim pour l’obtention de la régularisation de leur séjour en France, en présence de la fédération du Nord de la Ligue des droits de l’Homme. Un conflit d’autant plus douloureux qu’il a été marqué par des expulsions dont la seule raison était d’intimider les grévistes, alors même que leurs revendications sont légitimes. Elles correspondent à la situation de nombre de personnes étrangères présentes sur le territoire national. C’est dire que si l’étude au cas par cas de la situation de ces grévistes de la faim est un acte responsable de votre administration, il ne saurait à lui seul suppléer à la définition législative et réglementaire d’une régularisation objective, permanente et stable.

Lors des nombreuses rencontres que vous avez eues avec les associations et syndicats membres de la « Plateforme des 12 », avant la publication de la circulaire du 28 novembre, dite de régularisation, nous vous avons présenté et expliqué la convergence, l’accumulation, la combinaison des effets de précarisation, de flexibilisation, de mise en clandestinité de milliers de personnes qui, pourtant, participent à la vie économique de notre pays au point que des secteurs notables, tels les services, la manutention, le bâtiment, la restauration et même la sécurité, ne peuvent plus s’en passer. Simplement parce que ces travailleurs effectuent le travail dont personne d’autre ne veut.

Discriminés, stigmatisés, ignorés, fragilisés, ces femmes et ces hommes subissent de plus le poids de l’arbitraire que leur infligent souvent, si ce n’est la plupart du temps, les servicespréfectoraux, soit qu’ils ignorent vos directives quand elles s’avèrent plus favorables qu’auparavant, soit qu’ils les appliquent avec un zèle excessif, quand malheureusement elles ont renforcé un arsenal répressif existant.

Ce que nous disent les grèves de la faim et autres occupations c’est que votre réglementation, trop timide dans ses avancées par rapport à une situation qui n’a fait que se dégrader ces dix dernières années, ne peut plus en compenser l’aggravation. La seule solution serait une régularisation massive et généreuse.

L’argument qui sert à refuser ces régularisations parce qu’elles produiraient un appel d’air – une forme de primes à la clandestinité – repose sur une déformation des liens de causalité. La présence de ces travailleurs est directement liée aux rigueurs des contrôles migratoires, qui renforcent l’organisation économique dominante vivant de la précarité et de la concurrence ycompris monétaire entre les salariés. Cette gestion sécuritaire produit de la clandestinité et de la discrimination, comme les excès du marché financier produisent des licenciements. Ce n’est donc pas en expulsant des immigrés même « clandestins » au seul sens administratif du terme, que la politique de votre gouvernement restaurera de l’emploi et de la confiance.

Nous attendons autre chose de votre gouvernement. Nous souhaitons qu’il traduise dans les faits ce qui a été affirmé pendant les campagnes électorales : puisque les immigrés ne sont pas le problème, les expulser n’est pas la solution. Nous réitérons auprès de vous et de vos services, que ces gens qui vivent, étudient, travaillent, jouent, aiment ici, doivent voir reconnue leur place dans la République, bénéficier de ses principes et de ses valeurs. Il est à cet égard parfaitement regrettable que vous ayez cru devoir reprendre à votre compte un objectif chiffré de rapatriement, autrement dit d’expulsions, sans qu’aucun argument objectif n’ait pu vous permettre de le fixer. Comment oublier d’ailleurs que ce chiffre de 35 000 expulsions est déjà atteint avec toutes les personnes expulsées au mépris de la loi, du droit et des droits, à partir de la Guyane ou de Mayotte ?

Il suffit, Monsieur le Ministre, de se pencher et de décomposer les données publiées dans les différents rapports sur l’immigration soumis à l’Assemblée nationale, pour comprendre que l’objectif fixé d’un nombre d’expulsions n’est que le masque d’une politique de communication. C’est un gage donné non pas à la réalité, mais à la peur.

Je me permets d’attirer votre attention sur un chiffre. Il s’agit du nombre de régularisations par le travail arrachées, depuis la grève des sans-papiers de 2008, à un gouvernement dont l’aménité vis-à-vis des « immigrés clandestins » n’était pas établie : 11 à 12 000 de plus par an ! La régularisation en nombre est donc possible, et sans dégâts perceptibles pour notre pays, lorsque les premiers concernés se mobilisent et bénéficient de la solidarité populaire. C’était sous un gouvernement de droite. Faut-il aujourd’hui recourir au même bras de fer en redoutant des résultats moindres ? Nous voulons espérer que ce n’est pas le cas.

Nos craintes s’enracinent dans les critiques et jugements de la circulaire du 28 novembre, que nous avons formulés. Les grèves de la faim attestent de leur validité. Car cette circulaire dite de « régularisation » exclut de fait certaines catégories d’étrangers, tout en prévoyant une maîtrise d’oeuvre par les préfectures qui reste changeante et aléatoire.

Sur le fond, la logique des critères pour obtenir un titre de séjour reste restrictive. En fixant des chiffres très élevés de présence constatée, la circulaire apporte certes des améliorations par rapport à la situation précédente, et ouvre la possibilité d’un nombre notable d’issues positives. Mais, que ce soit pour les enfants et les jeunes majeurs en cours d’études, pour leurs familles, que ce soit pour les salarié(e)s, les durées exigées sont trop loin de la réalité des demandes déposées ou exprimées. De plus, les autres conditions ajoutent une très rigoureuse limitation des situations éligibles à la régularisation, telle l’exigence de bulletins de salaire sur toute la période de référence, ce qui évacue de façon massive et négative toutes celles et tous ceux qui subissent nécessairement le système du travail non déclaré.

Si nous avons apprécié que votre ministère s’engage à mettre un terme à l’arbitraire des administrations préfectorales, en fixant des dispositions stables et pérennes applicables partout, nous sommes inquiets d’observer que la réalité est bien éloignée de cet objectif, parce que l’éloignement du territoire demeure encore et toujours la règle. Il est donc de votre responsabilité de ministre de l’Intérieur de s’assurer que les dérives de ces dernières années cessent.

Notre pays a besoin de fraternité, de justice, de sérénité et de progrès social, qui sont autant d’atouts dans la lutte contre les crises économiques et les extrémismes xénophobes qu’elles attisent. C’est pourquoi la LDH souhaite une autre orientation de la politique gouvernementale vis-à-vis des étrangers, de leur rôle et de leur apport. Il dépend de cela que l’espoir revienne chez des milliers de familles, de jeunes et de travailleurs sans papiers, dès maintenant.

Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.

Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de notre haute considération.

Pierre Tartakowsky

Rennes (35) : la police empêche l’installation d’un squat destiné aux migrants

Ajouté à 16h : une polémique a commencé entre la préfecture et « Un toit c’est un droit » : à lire sur le site d’Ouest-France. La préfecture assure que l’intervention de la police n’était pas une « évacuation » mais un « empêchement d’intrusion ».

Une tentative d’installation d’une nouvelle réquisition par l’association « un toit c’est un droit », issue du DAL 35, en vue de permettre le relogement de migrants et demandeurs d’asile, a eu lieu dans la soirée de samedi, à Rennes.  Le bâtiment visé, rue Antoine-Joly, abritait les services vétérinaires et le laboratoire départemental d’analyse : « c’est La preuve que l’Etat dispose de locaux. Aménagés, ils coûteraient moins cher que de payer des gîtes et des chambres d’hôtel, un système d’hébergement qui favorise l’insécurité des migrants. Ils se retrouvent à la rue dans la journée et ne peuvent scolariser leurs enfants », estiment les militants.

Vers minuit et demi, la police est intervenue de façon un peu musclée, avec des chiens, pour s’opposer à cette initiative. Deux ont  été menottés et conduits en fourgon à l’hôtel de police. Ce midi, la police surveillait toujours le bâtiment.

Nous mettrons à jour les informations au fur et à mesure qu’elles nous parviendront. Article dans Ouest-France ici.

 

Quels voeux pour 2013 ?

Le 31 décembre, on pensait que quelques mois plus tard, le ciel se serait éclairci pour les laissés pour compte de la société, ceux qui sont obligés de fuir leur pays pour des raisons politiques, économiques, climatiques… Le 31 décembre 2013, le rêve a disparu, et la réalité n’est pas plus belle qu’un an plutôt. Aujourd’hui même, le réseau éducation sans frontière et toutes les associations mobilisées contre la chasse aux « sans-papiers » sont sur le pont, avec des dossiers lourds, souvent dramatiques.

Deux  exemples.

Celui de ce jeune Pakistanais, Ahmed Sohail, (source, RESF), 23 ans, arrivé tout seul en France à l’âge de 15 ans, pris en charge par l’ASE jusqu’à 21 ans. Il avait trouvé un employeur mais la préfecture du 93 ayant traîné pour lui donner un titre l’autorisant à travailler, son patron s’est lassé et ne l’a pas embauché. Il s’est retrouvé sans papiers, condamné à travailler au noir. Suite à un contrôle, il a été placé en rétention au centre de rétention de Vincennes. Il y est depuis 40 jours. Il a été présenté à l’avion cet après-midi. Une vingtaine de militants du RESF étaient dans le hall de l’aéroport pour informer les passagers du fait qu’ils risquaient de voyager dans un fourgon cellulaire volant avec un garçon de 23 ans menotté, ligoté et bâillonné dans la cabine. Ahmed a finalement réussi à ne pas monter à bord. Il a été ramené au CRA de Vincennes mais il risque fort d’être à nouveau présenté à l’avion dans les prochains jours, avec des risques de violences cette fois. Amhed devait être « extrait » du centre de rétention aujourd’hui à 13h15…

Celui de Zviad SULADZE, évoqué le 28 décembre dans cet article. Des contacts semblent s’établir à un niveau assez élevé, et une manifestation était à nouveau prévue à Saint-Brieuc aujourd’hui 31 décembre. Outre les complications administratives, il y a les difficultés financières : pour déposer un dossier de demande de régularisation, il faut commencer par régler le timbre fiscal. C’est presque donné : 110€… Remarquez, la République est bonne fille, elle ne demande pas aux retenus de payer leur séjour en CRA, ni aux expulsés de payer l’avion…

On a pu constater des avancées dans certains domaines : le mariage pour tous notamment. Mais dans le domaine des demandeurs d’asile et des sans-papiers, la situation n’a pas évolué, et aucun signe ne peut laisser espérer une amélioration : la circulaire Valls n’a pour le moment rien amélioré, et le ministre semble s’arcbouter dans une posture destinée avant tout à rassurer droite et extrême droite, et accessoirement ( ?) à assoir sa carrière…

Alors, quels vœux, ce soir ?

 

Saint-Brieuc (22) : un père de famille menacé d’expulsion

Le gouvernement a changé, mais pas la  politique d’immigration.

Un exemple précis, qui se déroule en ce moment : M. Suladze, Géorgien, réside avec sa famille à Saint-Brieuc. Il a été interpelé par la police à Rennes, et conduit au Centre de rétention administrative où il est retenu depuis deux semaines.

Il est en France depuis 2004, il a demandé plusieurs fois l’asile et a sollicité sa régularisation, mais les réponses furent toujours négatives.

Il est père de deux enfants : une adolescente de 15 ans scolarisée dans un collège de Saint-Brieuc, et un petit garçon de 21 mois, né d’un second mariage (la maman de la fille aînée est décédée il y a deux ans).

M. Suladze suit un traitement médical régulier très lourd, et il doit se rendre à l’hôpital Yves Le Foll le 15 janvier 2013. Mais sera-t-il toujours là ?

La famille est parfaitement intégrée en France : le papa et la fille aînée parlent un français correct. M. Suladze a épuisé tous les moyens juridiques, il ne reste plus que la mobilisation.

Un rassemblement est donc prévu ce vendredi 28 décembre à 12 h, à Saint-Brieuc, en haut de la rue Saint-Guillaume pour se diriger vers la préfecture.

Lire ici l’article d’Ouest-France.

Migrants en Guadeloupe, Guyane et Mayotte : la France à nouveau condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme

La Cour européenne des droits de l’Homme vient de condamner une nouvelle fois la France, pour les expulsions de migrants auxquelles elle procède en Guyane, Guadeloupe et Mayotte. Ces territoires ressemblent désespérément à des zones de non droit, et le jugement de la Cour, qui a été adopté à l’unanimité, dans sa formation la plus solennelle, a réaffirmé que la législation d’exceptions qui y est appliquée viole le droit à un recours effectif garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme. Le collectif Migrants Outre-mer analyse cet arrêt dans un communiqué.
Arrêt de Souza Ribeiro c. France, 13 décembre 2012, n° 22689/07
Chaque année plusieurs dizaines de milliers de mesures d’éloignement sont exécutées à partir de la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte (ainsi que Saint-Martin et Saint-Barthélemy) sans aucun contrôle juridictionnel, en dérogation au droit commun applicable en France métropolitaine qui prévoit le caractère suspensif du recours contre les mesures administratives d’éloignement.
À l’unanimité, la Cour européenne des droits de l’Homme réunie en sa formation la plus solennelle, vient d’affirmer que cette législation d’exception violait le droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention : en l’espèce, le requérant 1 – un ressortissant brésilien – avait été reconduit à la frontière de Guyane avant que le tribunal administratif de Cayenne ait pu se prononcer sur le recours qu’il avait formé et dans lequel il invoquait la violation du droit au respect de sa vie familiale.
La Cour de Strasbourg réunie en section ayant rejeté cette requête par quatre voix contre trois (CourEDH, 31 juin 2011, n° 22689 07, De Souza Ribeiro c. France), l’affaire a été renvoyée devant la Grande chambre ; la Cimade, le Gisti et la LDH étaient tiers intervenants. La décision prise le 13 décembre 2012 renverse la précédente.
La Cour estime en effet que l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention « exige que l’État fournisse à la personne concernée une possibilité effective de contester la décision d’expulsion ou de refus d’un permis de séjour et d’obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes par une instance interne compétente fournissant des gages suffisants d’indépendance et d’impartialité ».
En citant abondamment la tierce intervention, la Cour relève les pratiques expéditives que dénotent les circonstances de l’affaire et balaie de surcroît les arguments rituels justifiant un droit d’exception en outre-mer.
« […], interpellé le matin du 25 janvier 2007, le requérant fit l’objet d’un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) et fut placé en rétention administrative le même jour à 10 heures, pour être ensuite éloigné le lendemain à 16 heures. Il a donc été éloigné de Guyane moins de trente-six heures après son interpellation », sur la base d’un arrêté motivé de façon succincte et stéréotypée qui atteste « le caractère superficiel de l’examen de la situation du requérant effectué par l’autorité préfectorale ».
Tout en se disant « consciente de la nécessité pour les États de lutter contre l’immigration clandestine et de disposer des moyens nécessaires pour faire face à de tels phénomènes », la Cour estime que cette nécessité ne justifie pas « de dénier au requérant la possibilité de disposer en pratique des garanties procédurales minimales adéquates visant à le protéger contre une décision d’éloignement arbitraire ».
Cette atteinte au droit au recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme combiné avec le droit au respect de leur vie privée et familiale concerne de très nombreuses personnes interpellées et reconduites de manière expéditive depuis l’outre-mer.
Pour la seconde fois en 20122, la Cour condamne la France sur une question relative à l’effectivité des procédures nationales de recours en matière d’immigration et à leur fonctionnement. L’État français doit mettre fin aux procédures condamnées par la Cour notamment aux régimes d’exceptions applicables aux étrangers en outre-mer incompatibles avec le respect des droits de l’Homme garantis par la Convention européenne sur tous les territoires de la République française.
Collectif migrants outre-mer (MOM) :
ADDE : avocats pour la défense des droits des étrangers ; AIDES ; CCFD : Comité catholique contre la faim et pour le développement ; Cimade : service œcuménique d’entraide ; Collectif Haïti de France ; Comede : comité médical pour les exilés ; Gisti : groupe d’information et de soutien des immigrés ; Elena : les avocats pour le droit d’asile ; LDH : Ligue des droits de l’homme ; Médecins du monde ; Mrap : mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple ; OIP : Observatoire international des prisons ; Secours Catholique.

Journée des migrants : rassemblement devant la préfecture de Saint-Brieuc

Demain mardi 18 décembre, journée internationale des migrants, le collectif contre le racisme et pour la solidarité, auquel collabore la Ligue des droits de l’Homme, organise un rassemblement devant la préfecture de Saint-Brieuc, à 12h15. Voici le tract qui sera distribué et que vous pouvez télécharger ici.

A noter qu’un rassemblement est également prévu place de la maire, à Rennes, à 18h.

JOURNEE INTERNATIONALE DES MIGRANTS

18 décembre2012

LE COLLECTIF CONTRE LE RACISME ET POUR LA SOLIDARITE

dénonce  la poursuite de la politique xénophobe de l’Etat qui se traduit en Côtes d’Armor par :

  • des conditions d’accueil des Etrangers ne permettant pas un accès normal au droit d’asile. Est-il juste que des personnes en demande d’asile soient contraintes d’occuper durablement des places précaires de l’hébergement d’urgence (le 115) ? Les délais d’attente pour accéder à la préfecture de région sont de plus en plus longs.
  • une précarité quotidienne qui ne crée pas des conditions humainement acceptables pour une demande d’asile, tout en perturbant la scolarisation des enfants.
  • des différences de traitement totalement injustes, un matraquage fiscal pour les régularisations.

dénonce la circulaire VALLS qui entretient la misère, la peur du lendemain en n’ouvrant pas suffisamment les possibilités de régularisation. Elle va continuer à créer des Sans Papiers.

demande

  • le respect du droit d’asile,
  • l’accès à des logements adaptés
  • une régularisation élargie et l’arrêt des expulsions,
  • la suppression des taxes monstrueuses pour les régularisations
  • la fermeture des CRA,
  • l’égalité des droits entre Français et Etrangers,
  • le droit de vote aux élections locales

Centres de rétention : pas de droits pour les personnes, pas de liberté pour les associations ?

La Ligue des droits de l’Homme prend à son tour position contre l’appel d’offre que vient de lancer le ministère de l’intérieur aux associations qui interviennent dans les centres de rétention administrative. Dans un communiqué, elle dénonce les mesures qu’elle estime inacceptables, et demande le retrait pur et simple de cet appel d’offre et l’arrêt de l’enfermement des étrangers sans papiers.

La Ligue des droits de l’Homme a eu connaissance des nouvelles dispositions que le gouvernement a prises en ce qui concerne les centres de rétention administrative. Les conditions dans lesquelles les associations concernées vont devoir répondre au nouvel appel  d’offre sont inacceptables : liberté d’action limitée, droit à investigation dénié, limitation du droit des personnes à bénéficier d’une aide. Au lieu d’une amélioration des conditions de fonctionnement et du respect des personnes, le gouvernement accentue les mesures restrictives.

Alors qu’aucune diminution du nombre de personnes retenues dans les centres de rétention n’est attendue, compte tenu du chiffrage du nombre d’expulsés d’ores et déjà annoncé par le ministère de l’Intérieur,  l’intervention des associations contractantes est rendue plus difficile, en recourant à un contrôle étroit de leurs activités.

Ainsi, elles devront par exemple prévenir les chefs des centres de rétention, dès qu’une des personnes enfermées qu’elles accompagnent osera déposer un recours, et les personnes étrangères enfermées ne pourront plus s’entretenir avec les associations accompagnées d’un co-retenu de leur choix, ce qu’elles souhaitent pourtant très fréquemment.

Enfin, en matière de liberté d’information, les associations seront soumises à un « devoir de réserve » et une « obligation de discrétion », et devront exprimer « de manière mesurée, des opinions dans le domaine des politiques publiques relatives à l’immigration ».

L’empilement de ces mesures de restriction signifie que le regard critique et de dénonciation que portaient les associations est largement mis en cause. Ainsi, tout affichage dans leurs bureaux est soumis à l’autorisation préalable du chef du centre de rétention. De même, le prêt de moyens de communication vers l’extérieur est interdit, mettant ainsi en cause le droit de correspondre pour se  défendre. 

Enfin le texte de l’appel prévoit des sanctions, des pénalités financières, l’interdiction définitive pour les salariés d’accéder au centre de rétention, voire la résiliation des contrats des associations. Ces sanctions seront prononcées par la police ou le ministère de l’Intérieur, sans moyen de recours compte tenu de la liberté d’appréciation qui leur est laissée.

En matière de rétention des étrangers, l’orientation va donc dans le sens de la répression : expulsions collectives, absence d’amélioration du traitement des étrangers malades, création, après l’arrêt du conseil d’État sur la garde à vue, d’une nouvelle disposition de retenue, au mépris du droit commun, poursuite de l’enfermement d’enfants dans le centre de rétention de Pamandzi à Mayotte, mise à l’écart des Cra de Mayotte et de Martinique du marché public. Ce faisant, les mesures d’assouplissement de la politique antérieure sont noyées dans un ensemble défavorable.

La Ligue des droits de l’Homme se prononce pour la fin de la politique d’enfermement des étrangers sans papiers, et pour le retrait de l’appel d’offre du marché  public de la rétention, tel qu’il est proposé  aux associations intervenant dans les centres de rétention.

 

« Garde à vue bis » pour les étrangers, centres de rétention : pour Valls, le changement, ça n’est pas maintenant !

Sale temps pour les demandeurs d’asile et les sans-papiers.

Alors que le ministère de l’intérieur vient d’adresser aux associations habilitées à pénétrer dans les centres de rétention son appel d’offre pour l’année prochaine, l’assemblée vient de voter la « retenue » des étrangers pour vérifier leur identité (le conseil d’Etat avait reconnu illégale la garde à vue).

Les centres de rétention tout d’abord. L’appel d’offre n’est pas public, seules les associations concernées le recevront. Le site Médiapart a cependant réussi à en avoir connaissance, et ça n’est pas triste…

Parmi les nouveautés : un devoir de réserve, ou de discrétion, est imposé aux intervenants, mandatés pour informer et apporter un soutien aux personnes retenues. La violation de ce devoir sera punie d’une amende de 500€…

Lorsqu’une personne retenue voudra déposer un recours, l’intervenant devra prévenir le chef de centre. Les personnes retenues ne pourront être entendues qu’une par une par les avocats ou les intervenants : sauf qu’il arrive qu’un retenu maîtrisant le français pouvait servir d’interprète…

La conclusion de la Cimade est sévère : « Ce régime d’exception risque fort de devenir le nouvel outil des préfectures et de la police. Il s’ajoutera à l’arsenal déjà mis à leur disposition sous l’ère Sarkozy et toujours en vigueur en devenant le premier maillon d’une chaîne visant à enfermer en rétention et expulser au détriment des droits » (lire ici). « La Cimade demande au gouvernement de retirer cet appel d’offre et d’adopter de nouvelles dispositions qui garantissent l’accès effectif aux droits des personnes étrangères enfermées en rétention ainsi que l’indépendance d’associations exerçant un rôle essentiel de vigilance citoyenne, de regard de la société civile  sur ces lieux d’enfermement ». En conclusion, l’association considère qu’il s’agit ni plus ni moins d’une « garde à vue bis spéciale étrangers ».

Passons au texte de loi sur la retenue des étrangers. Il avait déjà été adopté par le sénat, et l’Assemblée nationale vient de le finaliser. Première chose, la retenue ne pourra pas excéder 16h : c’est un progrès. C’est bien le seul !

La discussion a été vive à l’Assemblée. La droite a évidemment entamé son refrain xénophobe. Mais c’est de la gauche qu’est venue l’opposition la plus intéressante. Elle a permis notamment d’autoriser la présence d’un avocat, pour un entretien de 30 minutes : « Il est ainsi prévu explicitement que l’étranger peut demander à être assisté par un avocat, que l’avocat peut, dès son arrivée, communiquer pendant trente minutes avec la personne retenue, que l’étranger retenu peut demander que l’avocat assiste à ses auditions au cours desquelles celui-ci peut prendre des notes et qu’à la fin de la retenue l’avocat peut, à sa demande, consulter le procès-verbal de retenue ainsi que le certificat médical annexé. La première audition ne pourra débuter sans la présence de l’avocat avant l’expiration d’un délai d’une heure, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité ». Le Monde poursuit : « S’il a reconnu « une avancée extrêmement importante » avec ces amendements, le chef de file des députés radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, a pointé avec insistance un traitement moins favorable à ses yeux pour les sans-papiers retenus que pour les gardés à vue, vu la possibilité d’une audition pendant une heure sans présence d’un avocat sur les éléments d’identité, « cœur de cible » à ses yeux des auditions dans le cas de la retenue » (article ici).

Les associations ne pourront qu’être déçues par ces deux nouvelles, qui viennent s’ajouter à plusieurs événements inquiétants : démantèlement des camps de roms sans relogement, renoncement au récépissé pour les contrôles d’identité (Valls s’est contenté d’une « réécriture » du code de déontologie de la police et de la gendarmerie)…

Au ministère de l’intérieur, le changement, ça n’est décidément pas maintenant…

Circulaire « régularisations » : tout ça pour ça !

La publication hier de la tant attendue circulaire sur la « régularisation des sans-papiers » suscite, comme on pouvait le supposer, de nombreuses réactions. Et la plupart sont au minimum très réservées quand ce n’est pas carrément hostile. Laissons évidemment de côté les âneries des commentaires de droite et d’extrême droite qui recyclent des arguments usés jusqu’à la corde et pour la plupart fondés sur des statistiques fausses ou manipulée. Les critiques portent sur l’espoir suscité que la circulaire ne satisfait pas, sur la timidité des mesures, sur la continuité de la politique de l’immigration par rapport aux précédents gouvernements, sur la sévérité et l’irréalisme des conditions posées (demander des fiches de paye à un travailleur sans papiers !).

La Ligue des droits de l’Homme a pour sa part publié un communiqué, reproduit ci-dessous, dès hier après-midi. Et elle l’a accompagné du texte intégral de la circulaire qu’on peut télécharger ici. Chacun pourra donc se faire son opinion à partir du document original.

Circulaire régularisation : tout ça pour ça !

Le ministre de l’Intérieur vient de présenter, au Conseil des ministres, le projet de circulaire dite de « régularisation ». La Ligue des droits de l’Homme condamne à la fois la méthode employée et le contenu des critères retenus envers l’ensemble des catégories d’étrangers qui auraient pu en être bénéficiaires.

La méthode choisie renvoie malheureusement les associations et les syndicats à une place de dupes. Alors qu’un temps long avait été donné avant la publication de ce texte, parce qu’il semblait nécessaire à la discussion et à la confrontation tant avec les organisations associatives que syndicales, il n’a guère été tenu compte des propositions alternatives qu’elles opposaient à celles défendues dès le départ par le ministère.

Sur le fond, la logique des critères pour obtenir un titre de séjour est particulièrement restrictive. En fixant des chiffres très élevés de présence constatée, la circulaire apporte certes des améliorations par rapport à la situation précédente et ouvre la possibilité d’un nombre notable d’issues positives, mais pas dans les catégories les plus difficiles. Que ce soit pour les enfants et les jeunes majeurs en cours d’études, pour leurs familles, que ce soit pour les salarié(e)s, les durées demandées sont incompatibles avec la réalité des demandes déposées ou exprimées. De plus, les autres conditions demandées ajoutent une très rigoureuse limitation des situations éligibles à la régularisation, telle l’exigence de bulletins de salaire sur toute la durée de référence.

Le ministère dit avoir voulu fixer des critères stables et pérennes applicables par toutes les préfectures. On ne peut qu’apprécier cette orientation. Mais compte tenu des critères retenus, rien ne garantit que l’arbitraire des préfectures ne puisse perdurer, sachant que l’éloignement du territoire demeure la règle. Il est de la responsabilité du ministère de l’Intérieur de s’assurer que les dérives de ces dernières années cessent.

Pourtant, l’attente d’une politique différente de celle du gouvernement précédent était forte. Cette circulaire avait suscité un grand espoir, notamment pour les familles, les jeunes et les travailleurs sans papiers. Cet espoir est largement déçu.

Alors qu’elle a été reçue à plusieurs reprises au ministère de l’Intérieur, soit en son nom propre, soit au sein des collectifs qui luttent pour les droits des étrangers, la LDH entend réaffirmer la nécessité d’un débat sur l’immigration, et d’une réforme législative du droit au séjour, du droit d’asile et du contentieux de l’éloignement respectueuse des droits fondamentaux.

 

Le squat de Pacé a été évacué dans la « dignité ». C’est quoi, au juste, la dignité ?

Photo Philippe Chérel, Ouest-France.

Le squat de Pacé. Le « plus grand squat » de France. Il a été évacué hier. Ce qui a permis aux  » humanistes  » de Novopress de titrer : « Évacués du squat de Pacé, les 250 clandestins seront relogés aux frais des contribuables ».

Les premiers articles de presse ont fait état du calme dans lequel s’est déroulée l’évacuation. Le préfet a indiqué, après l’opération : «Tout s’est passé sans incident, dans le respect des personnes et dans le calme » (Libération). Dans un reportage diffusé par FR3, une femme venant d’être évacuée déclarait : « On s’attendait au pire, ça s’est bien passé ». Le maire de Pacé confirme : « Cette évacuation s’est faite avec humanité et respect des personnes et des biens ».
Heureusement, M., une militante de Droit au logement, qui a soutenu avec beaucoup d’autres les migrants depuis leur arrivée au mois de mai dans l’ancienne maison de retraite de Pacé, vient nous remettre les idées en place. Parce qu’il n’y a pas eu de violences physiques, pas de blessés, pas de coups, on en arriverait à considérer que ça s’est bien passé, que ça a été digne… Nous serions-nous laissés contaminer par l’idéologie ambiante de chasse à l’étranger ?
Merci, M., d’autoriser la publication de votre beau texte.
« Alors, il faut toujours essayer d’être objectif, hein? Donc oui il y a sûrement des choses bien quand même dans ce qui s’est passé ce matin. Vous savez, l’expulsion de 250 personnes qui allait se régler avec dignité…
Alors il y a déjà  le côté froid et silencieux de l’expulsion du matin : les familles sont invitées à aller à la préfecture avec un petit papier attestant qu’elles viennent du squat de Pacé. Elles sont dehors dès 6h15 pour les premières, une cinquantaine de voitures de policiers, mais pas l’idée d’avoir fait venir une navette qui emmènerait tout le monde à la préfecture… C’est sûrement tellement plus digne de laisser les familles, les bébés dans les bras des mamans et les gamins dans les poussettes dans le froid et la nuit noire à 6h30 dehors. À attendre le bus 52 qui arrive déjà quasi plein de gens du coin qui partent au boulot… Et puis tous les gens qui portent des sacs, des matelas tout ça tout ça. Le petit crachin du matin a rajouté un peu à la dignité ambiante, c’était super. Mais attention, ça s’est fait dans le calme, donc hein, vous voyez bien qu’on traite bien les gens !
Arrivée des familles à la préfecture : ils rentrent au compte-goutte, les autres attendent dehors. C’est vrai, c’est tellement digne de voir 12 policiers regarder les femmes enceintes et les bébés, les personnes inquiètes et fatiguées, là, dehors debout devant la porte. Par contre à l’intérieur apparemment c’est le monde des bisounours : chocolat chaud, croissants offerts à tout le monde, les gens attendent sereinement, le personnel se met en 4 pour s’occuper de tout le monde, même le préfet nous dit-on met la main à la pâte. Et puis après on leur dit où ils vont et on les met dans un taxi qui les accompagne jusqu’au lieu. Jusque-là, ça va, c’est chouette, le préfet a fait ce qu’il a dit, vous voyez bien!
Sauf que sauf que, les gens dans les taxis passent par l’arrière de la préfecture, pas de possibilité de voir les soutiens qui étaient là à les accompagner, devant la pref’ car eux n’avaient pas le droit de les suivre dans la pref’. Et puis quand les soutiens commencent à arrêter les taxis pour demander aux gens où ils allaient, pour combien de temps, voire s’ils souhaitaient récupérer leurs affaires qui étaient dans les coffres de voiture sur le parking, les chauffeurs au début s’arrêtaient. Mais l’autre douzaine de policiers, en faction eux devant la grille de sortie des taxis, ont  commencé à grogner par contre. Et puis finalement ils ont interdit qu’on arrête les taxis. C’est vrai, c’est tellement plus digne de partir dans un taxi qui ne s’arrête pas, sûrement pour qu’ils puissent s’imaginer stars de cinéma en voyage incognito? Oui sûrement, car ça ne peut pas être pour couper complètement les migrants de leurs soutiens divers, non, ça se serait vraiment être mauvaise langue.
Et puis après on commence à voir que certains n’ont pas de notion de durée de leur séjour à Petaouchnok, euh pardon, dans le gîte rural machin de la baie du Mont-Saint-Michel, mais bon c’est tellement digne d’être emmenés vers la campagne du bord de mer. Donc on ne sait pas si c’est pour 1, 2 3 nuits ou plus. Pour d’autres c’est plus clair : 5 jours à Vern-sur-Seiche, 3 jours au foyer bidule. Et pour d’autres vraiment plus clair: rendez-vous à l’Hôtel-Dieu à 18h. Et jusqu’à 18h? Ben euh, j’sais pas moi, c’est pas digne de rester dans la rue avec tous vos sacs?
Ah et puis on commence à recevoir des coups de fil intéressants, comme celle qui accompagnait une famille au Rheu, un couple avec 2 bébés. Le lieu d’hébergement qui refuse d’ouvrir avant 17h… C’est bien, c’est très digne d’attendre 5 heures de suite debout devant une porte fermée avec ses 2 bébés sous le bras. Alors certains invitent les personnes chez elles jusqu’à 17h…
Ah et puis ces migrants sans papiers qui n’ont pas osé rester la nuit dernière à Pacé, peur de la PAF (Police de l’air et des frontières) du petit matin, difficile de leur en vouloir. Alors on les accompagne jusqu’à la porte de la préfecture et on dit aux policiers qui bloquent l’accès « la dame enceinte là et sa petite fille étaient au squat de Pacé, mais n’ont pas le papier distribué ce matin, par contre ils ont bien été recensés par la préfecture la semaine passée, pourraient-ils rentrer s’il vous plaît, car on va quand même pas laisser une femme enceinte à ce point dehors, hein ? » On reprendrait presque espoir quand un des messieurs devant la porte (Renseignements généraux ?) finit par accepter d’aller se renseigner.
Puis on commence à être remis très vite dans la réalité quand on entend les policiers ricaner en disant « sympas les Pacéens, ils en récoltent dans la rue et ils nous les amènent maintenant ». On explique au policier que c’est mal de se moquer ainsi des gens qui sont en plus devant lui et qui l’entendent. Et puis de toute façon on laisse tomber, car la personne ne revient et confirme que les migrants qui n’ont pas le papier distribué le matin à Pacé ne seront pas reçus. Même pas les femmes enceintes, et ça c’est vraiment décidément de plus en plus digne.
Bon allez, stop, excusez-moi de ce long message, c’est fou comme la dignité m’en met gros sur la patate aujourd’hui… »
M.