Droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales : le gouvernement doit s’engager

Dans Libération datée du 20 octobre, l’éditorialiste Pierre Marcelle signe une tribune qui dénonce les « reculades » successives du gouvernement sur différents sujets de société, qui étaient autant de promesses symbolique du candidat socialiste à l’élection présidentielle. Or, trois jours plus tard, le gouvernement n’a pas réagi à cette tribune. Cela signifierait-il que Pierre Marcelle avait raison, et que ces promesses sont abandonnées ? Citons, en vrac :

  •  le droit de vote des étrangers : le ministre de l’intérieur estime que la tribune signée par 75 députés socialistes en faveur de ce droit ne représente pas « une revendication forte » ;
  • le récépissé qui, déjà expérimenté en Grande-Bretagne et en Espagne, pour limiter les contrôles d’identité abusifs, « au faciès », n’est pour le même ministre qu’une mesure lourde qui pourrait déboucher sur la création d’un fichier liberticide ( !!!) ;
  • l’interdiction du cumul des mandats : « Au nom des priorités prioritaires et des raisons «objectives», nous voici déjà craignant l’ajournement, d’abord, le renvoi, ensuite, et l’oubli définitif, enfin, de cet autre engagement de voter un terme au cumul des mandats électoraux. Ce n’est pas tant que cette mesure coûte cher; elle coûte quoi? Elle ne coûte que l’audace d’une conviction ».
  • les démantèlements de campements de Rroms qui se poursuivent, et qui vont à l’encontre de la circulaire interministérielle qui a pourtant été signée aussi par le ministre de l’intérieur…

Contentons-nous de ces mesures emblématiques. Ces renoncements sont d’autant plus graves que ces mesures ne représentaient pas de dépenses supplémentaires : l’argument de la crise ne tient pas.

C’est ce silence du gouvernement après la publication de cette tribune qui a amené la Ligue des droits de l’Homme à publier le communiqué suivant :

Droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales : le gouvernement doit s’engager

Alors qu’un grand quotidien national du matin titre à la une sur la reculade gouvernementale concernant le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales, l’Elysée et Matignon observent un mutisme du plus mauvais aloi.

La Ligue des droits de l’Homme, qui défend depuis plus de trente ans cette importante réforme démocratique, a pris acte de la promesse du candidat François Hollande. Elle a noté qu’à plusieurs reprises le gouvernement a rappelé sa volonté de la conduire à bonne fin.

Aujourd’hui, alors que les droites se rassemblent et convergent pour assumer une xénophobie agressive et décomplexée, alors que le risque est grand de voir désigner, au sein de notre population, des boucs émissaires, le silence des autorités gouvernementales ne peut que nourrir les discriminations, les inquiétudes et les crises de confiance qui affectent déjà profondément notre qualité de vie démocratique. C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme invite solennellement le président de la République et le Premier ministre à réaffirmer l’objectif du droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales, pour une mise en œuvre effective aux élections municipales de 2014.

L’extrême droite menace les migrants de Pacé : ils ont besoin de notre soutien !

Depuis le mois de mai, 250 personnes migrantes occupent l’ancienne maison de retraite de Pacé (35). Une bâtisse destinée à être réhabilitée, et qui appartient à la société HLM « Les Foyers ». La société Les Foyers s’est trouvée confrontée à un problème financier : qui va payer les factures d’eau et d’électricité sur cette période d’occupation ? La préfecture fait la sourde oreille, et la société Les Foyers refuse de couper l’eau et l’électricité, par souci humanitaire.

Mais le problème le plus grave est que le tribunal, saisi par le propriétaire, a autorisé l’occupation du bâtiment jusqu’au 15 novembre : l’échéance approche, et pour le moment c’est l’inconnue la plus totale sur l’avenir.

Autre menace : les ineffables excités du groupe idenditaire « jeune bretagne » (jeunesse toute relative lorsqu’on voit les photos de son « université (?…) d’été » ) appellent à manifester à Pacé le 7 novembre, avec en filigrane l’intention à peine voilée d’en découdre (le titre de leur tract : « Expulsion »). Ils adressent déjà des menaces très claires à des militants de Droit au logement (DAL).

C’est dans ce contexte tendu que le « Réseau 35 de vigilance contre le racisme et la xénophobie d’Etat », (qui réunit les organisations suivantes : AC35 ! – Collectif antifasciste – Conseil des migrants – EELV – GA – FASE 35 – FSU 35 – GU – MRAP – NPA – PCF – PG – PS – Solidaires – UDB) appelle à manifester notre solidarité avec les migrants. Deux événements sont prévus : un rassemblement à Pacé le mercredi 7 novembre à partir de 17h, et une « Marche des migrants », place de la gare à Rennes, le samedi 10 novembre à 15h.

Ce-dessous, le tract du collectif, téléchargeable ici..

Pour en savoir plus sur les identitaires, lire l’excellent dossier réalisé par le Télégramme et publié le 22 octobre 2012.

 

 

Solidarité avec les migrant(e)s de Pacé !

Des logements pour tous et toutes !

 

Depuis le mois de mai, 250 personnes migrantes (dont 80 enfants) occupent une ancienne maison de retraite vide à Pacé avec l’aide de l’association DAL (Droit au Logement).  Cette occupation est le résultat d’une politique du logement qui, depuis des années et encore aujourd’hui, laisse sans solution des centaines de milliers de gens, français ou étrangers, avec ou sans papiers. Pour l’occupation de Pacé, les autorités préfectorales n’ont à ce jour proposé aucune solution alternative.

Pire, suite à une décision de la justice favorable aux autorités, la préfecture se contente de menacer : le 15 novembre, les occupant(e)s de Pacé seront expulsé(e)s par la force. Les hommes, les femmes, les enfants de l’occupation se retrouveront à la rue, au mieux hébergé(e)s en urgence par le 115, qui se dit déjà saturé. Et tout ceci alors que 10 000 logements vides sont disponibles dans l’agglomération rennaise.

C’est dans ce contexte menaçant et angoissant pour les migrant(e)s sans logement de Pacé qu’un groupuscule d’extrême droite appelle, dans des termes orduriers, à manifester le mercredi 7 novembre en fin de journée pour revendiquer l’expulsion des migrant(e)s de Pacé, volant ainsi au secours de la préfecture !

 

Dans ce contexte aussi, nous avons décidé de réaffirmer notre solidarité avec les migrant(e)s et de redire haut et fort :

 

Un toit, c’est un droit ! Des logements pour tous et toutes !

Non aux expulsions !

Non au racisme !

 

Nous appelons donc à la solidarité avec les personnes migrantes de Pacé et, au-delà, avec toutes les personnes migrantes :

 

RASSEMBLEMENT DE SOUTIEN AUX MIGRANT(E)S DE PACÉ

Mercredi 7 novembre à partir de 17 h

Résidence du Parc (lieu de l’occupation), Avenue Pinault à Pacé

à l’initiative du réseau 35 de vigilance

contre le racisme et la xénophobie d’Etat.

 

MARCHE DES MIGRANTS

pour l’égalité des droits entre français et étrangers

Samedi 10 novembre à 14 h, place de la gare à Rennes

à l’initiative du Conseil des Migrants.

 

A l’appel du Réseau 35 de vigilance contre le racisme et la xénophobie d’Etat qui réunit les organisations suivantes : AC35 ! – Collectif antifasciste – Conseil des migrants – EELV – GA – FASE 35 – FSU 35 – GU – MRAP – NPA – PCF – PG – PS – Solidaires – UDB

 

Les « identitaires » s’agitent

Ils sont nerveux les identitaires. À Poitiers, ils investissent le chantier de la future mosquée. À Pacé (35), ils annoncent une manifestation début novembre pour « expulser » les sans-papiers qui logent dans l’ancienne maison de retraite. Et ils menacent par courrier électronique des militants de Droit au logement de représailles. Là,  c’est « jeune Bretagne » qui s’y colle. Il s’agit pour eux de multiplier les provocations, et engranger les bénéfices des déclarations de Copé sur le « racisme anti blanc » que l’encore chef de l’UMP a dénoncé à coup de pains au chocolat.

Heureusement, les réactions sont unanimes contre les méfaits de ces excités.

Elles viennent à la fois du milieu associatif (MRAP, LICRA), et de partis politiques (parti communiste, parti socialiste, parti de gauche, jusqu’à l’UDI de Jean-Louis Borloo et… l’UMP, par la bouche de Copé. PS et PC réclament la dissolution du mouvement « génération identitaire ». Le MRAP a pour sa part bien cerné le problème, en réclamant «la dissolution immédiate de toutes les poupées gigognes de la mouvance identitaire d’extrême droite qui a occupé le chantier». (source : Libération).

Le parquet de son côté a ouvert une enquête pour « manifestation non autorisée, provocation à la haine raciale, participation à un groupement en vue de la préparation de dégradation de biens en réunion », et placé quatre personnes en garde à vue.

 

Notre-Dame des Landes : répression disproportionnée contre les opposants

Notre-Dame-de-Landes : répression disproportionnée. Récolte de grenades lacrymogènes... (photo Médiapart)

Les moyens utilisés pour déloger les opposants au nouvel aéroport prévu à Notre-Dame-de-Landes, pour remplacer l’actuel aéroport de Nantes, prennent des proportions incroyables : hélicoptère, 500 gendarmes mobiles, des engins de travaux publics…

Les expulsions des habitants des maisons encore occupées sur le site se multiplient : la Bellich’, Bel-Air, la Gaîté, les Planchettes, le Préfailli, mardi 16. Le lendemain, des maisons sont détruites.

De nombreux lieux, des terrains, 3 maisons sont encore occupées. Les opposants continuent de recevoir de plus en plus de messages de solidarité venant de toute la France, et de l’étranger.

Mireille Spiteri, présidente de la toute nouvelle section de la Ligue des droits de l’Homme de Redon s’indigne : « l’action de la police et de la justice ne peut pas avoir pour but de dissuader les citoyens de défendre un autre choix de société. On doit pouvoir contester collectivement ce qu’on estime injuste et injustifié. Il faut arrêter de chercher à criminaliser les mouvements sociaux ».

Elle poursuit : « en démocratie, la répression ne peut être un mode de régulation des conflits sociaux ».

Vous pouvez vous informer sur ces événements, qui se déroulent en ce moment sur le remarquable site du futur aéroport : https://zad.nadir.org/?lang=fr. ZAD ? Pour l’administration : « zone d’aménagement différé ». Pour les opposants : « zone à défendre » !

Lire ausi la réaction de la section de Nantes de la Ligue des droits de l’Homme à propos des poursuites judiciaires contre les manifestants. Et là, un article de Médiapart daté du 18 octobre.

Antoine Sollacaro, un homme « révolté contre toute forme d’injustice »

L’assassinat, mardi 16 octobre, d’Antoine Sollacaro, avocat et militant de la Ligue des droits de l’Homme, continue de provoquer une grande émotion. Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, et avocat lui aussi, et André Paccou, délégué régional Corse et membre du comité central de la LDH, rendent hommage à leur confrère et ami, et analyse les raisons de cette violence que rien ne semble arrêter en Corse, dans une tribune publiée par le journal Le Monde.

Quinze morts depuis le début de l’année. Plus d’un par mois. Antoine Sollacaro est le dernier de cette liste. Il fut un extraordinaire avocat, un militant de la LDH et derrière « sa véhémence » s’exprimait avant tout sa révolte contre toute forme d’injustice. N’est-ce pas lui qui, bâtonnier en exercice, provoqua l’ire d’un préfet dont les errements finirent par une pantalonnade dévastatrice pour l’autorité de l’Etat.

A la peine s’ajoute la sidération que provoque cet assassinat. Le président de l’Assemblée territoriale corse en appelle à l’action du gouvernement. Mais, l’autorité publique ne cesse, depuis des décennies, de mettre en œuvre tous les moyens d’exception à sa disposition : législation antiterroriste, Jirs, services de police spécialisés entretenant, parfois, des liens surprenants avec les personnes qu’ils sont censés surveiller, etc. La Corse vit sous un droit d’exception permanent sans que l’on sache que cela y ait changé quelque chose.

Non, la faute des autorités publiques n’est pas d’être inactive : c’est d’avoir confondu, depuis des décennies, le maintien de l’ordre et la paix publique, d’avoir cru que les rodomontades autoritaires pourraient pallier le sous-développement économique, le tourisme de carte postale ou les petits arrangements entre amis érigés en mode de vie. Au point où, maintenant depuis trop longtemps, les frontières deviennent floues entre l’action politique de certains, les intérêts d’autres et le souci des pouvoirs publics que tout cela reste un folklore à dominante locale, faisant de la Corse et de ses habitants, les pensionnaires d’un vaste zoo à ciel ouvert que les vacanciers viennent regarder vivre avec leurs drôles de mœurs et de coutumes.

Faire reproche à l’Etat de son inactivité, c’est se tromper de diagnostic, c’est croire que, depuis la fusillade d’Aléria à aujourd’hui, l’Etat n’a jamais fait autre chose, à une ou deux exceptions près, que gérer la situation sans jamais vouloir contribuer à sa solution. Ce n’est pas de l’inaction de l’Etat dont il faut se plaindre mais de son incompétence. S’en tenir là serait participer de la même erreur.

On ne peut, en effet, s’en prendre aux carences de l’Etat sans en même temps interpeller la société corse sur ses ressorts et ce qui fait qu’il est possible qu’une communauté de 300 000 personnes tolère que les cadavres parsèment ses rues et ses chemins. Cette espèce d’hymne à la mort qui est fredonné depuis des décennies par les milieux les plus divers n’a pas encore trouvé son frein naturel, c’est-à-dire son rejet par la communauté elle-même. Non que l’indignation ne soit pas sincère, comme elle le fut à d’autres occasions, mais plus simplement l’acceptation tacite d’une sorte de rite qui va de pair avec d’autres stigmates.

Poser ces questions, ce n’est pas montrer du doigt « les Corses », c’est rappeler à chacun que l’exercice de la citoyenneté n’est pas de la seule responsabilité de l’Etat, elle est aussi celle de la société elle-même. Beaucoup pensent déjà que l’on ne retrouvera pas les assassins et les commanditaires de l’assassinat d’Antoine Sollacaro ; les services de police et la justice feront, on veut le croire, leur devoir. A la société corse de montrer qu’elle ne reconnaît pas le droit d’abattre quiconque comme un chien. C’est bien le moins que l’on doit à la mémoire d’un homme qui aima son pays et la liberté.


 

Gardanne ne chasse pas les Rroms, elle les accueille

Roger Meïl est de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, depuis 1977. Et alors que ses collèges des environs ont pour souci essentiel d’empêcher des familles Rroms de s’installer dans leur commune, lui les accueille. Et, le croirez-vous ? Ça se passe plutôt pas mal.

Au départ, il y a un contrat : « je vous aménage un espace, à condition que vos enfants soient scolarisés ». Les écoles et les collèges de la ville jouent le jeu, et une quinzaine d’enfants, filles et garçons, y sont scolarisés. « La mobilisation de l’Éducation nationale a été exemplaire, a souligné Angèle Planidis-Dumont, responsable du secteur éducation municipal. Nous avons fait en sorte que les familles fassent elles-mêmes la démarche de venir inscrire leurs enfants, dont certains mangent aussi à la cantine, comme les autres Gardannais. » (source : La Provence).

Les problèmes ? Ils ne viennent pas des onze familles accueillies, soit 62 personnes : la police elle-même reconnaît que, depuis leur arrivée, il y a un mois, on n’a pas constaté d’augmentation du nombre de vols ou autres délits. Ils viennent de certains habitants, qui n’admettent pas la présence de ces familles. Alors Roger Meïl, inquiet « de la montée  de la haine et de l’incompréhension à l’égard des Rroms, explique, inlassablement. Il met les associations dans le coup, et elles aussi jouent le jeu, il coordonne leurs actions.

La seule réelle difficulté, c’est la santé. Et la difficulté ne vient pas des familles : elle vient du mode de vie qu’on leur impose : l’absence de carnet de santé, par exemple, est un casse-tête pour les vaccinations.

« On envisage de mettre des mobile home ou des tentes de l’armée, pour l’hiver« , indique le maire, communiste, Roger Meïl, qui a débloqué 30000€ pour cela (source : l’Humanité).

Roger Meïl n’est toutefois pas un naïf : il reconnaît qu’il ne peut s’agir là que d’une « solution d’attente » et qu’il revient à l’État et à l’Europe de régler la question de l’accueil des Roms sur le long terme (Le Point).

Contrôles illégitimes : signez la pétition !

La ligue des droits de l’Homme a signé un appel pour faire cesser les contrôles d’identité abusifs dont sont victimes certaines personnes, et appelle à signer la pétition en ligne.

Communiqué commun aux huit associations (liste en fin d’article) :

Au cours de la campagne présidentielle, François Hollande s’est engagé à lutter contre les contrôles au faciès par une mesure respectueuse des citoyens. A la veille des élections législatives de juin dernier, cette mesure a été précisée par son Premier ministre Jean-Marc Ayrault : la mise en place du reçu du contrôle d’identité, défendue par de nombreuses associations de terrain et de défense des droits depuis des années.
Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a depuis déclaré son désintérêt pour la mesure, en proposant des initiatives qui certes pourraient améliorer le rapport police-citoyen, mais qui ne répondent pas à l’engagement 30 du Président Hollande et du gouvernement: la lutte contre le contrôle au faciès.
Le Premier Ministre se dit aujourd’hui convaincu par Manuel Valls de l’impossibilité d’appliquer cette mesure, pourtant simple et indéniablement efficace. Montrons-lui que les citoyens et élus de ce pays en ont compris l’intérêt et qu’ils attendent du gouvernement qu’il tienne ses engagements!
Signez la lettre ouverte de la Ligue des Droits de l’Homme et de Stop le Contrôle au Faciès, puis diffusez largement!

Monsieur le Premier Ministre,
L’année 2011 a été marquée, sur le plan de la lutte contre les discriminations, par une mobilisation sans précédent autour de la question des contrôles au faciès. Des centaines d’associations, des milliers de citoyens ont pris à cœur de mettre un terme à cette pratique abusive, discriminatoire et donc inefficace, dans la mesure où les contrôles d’identité motivés par l’apparence ne mènent que très rarement à des interpellations justifiées.
Non, de tels contrôles ne mènent à rien, si ce n’est à instaurer un climat de défiance complexifiant le travail quotidien des policiers et à miner, chaque jour un peu plus, le respect des libertés fondamentales et, ipso facto, notre pacte républicain.

Forts de cette certitude, nous nous associons aujourd’hui à la demande de mise en place de la politique de reçu du contrôle d’identité adaptée au contexte français, telle que portée par de nombreux collectifs et associations de terrain. Les objectifs sont simples : permettre, d’une part, aux autorités d’obtenir des données quantitatives et qualitatives sur les contrôles d’identité à l’échelle nationale (leur nombre, leurs motifs, leurs résultats et leur impact) et, ainsi, de permettre aux commissariats d’évaluer leurs pratiques et de mieux cibler les contrôles ; d’autre part, permettre à chaque citoyen de garder une trace des contrôles d’identité dont il fait l’objet, élément objectif qu’il pourrait présenter au Défenseur des Droits en cas dʼabus.
Contrairement aux affirmations de certains, ce PV, remis à l’issue de chaque contrôle, ne saurait constituer un passe-droit en cas de nouvelles vérifications
policières et respecte la protection des données personnelles. Et, comme vous lʼavez vous- même signalé, Monsieur le Premier Ministre, le 1er juin dernier, elle ne saurait constituer un frein à l’activité policière. Les expériences étrangères nous rassurent, au contraire, sur la capacité de cette politique à conjuguer efficacité, sécurité et justice.
Notre pays peut-il se permettre de passer à côté d’une politique visiblement opérante sans tenter de se l’approprier ? Peut-on se dire « convaincu » des difficultés liées à la mise en place d’un dispositif sans l’avoir testé et ce, alors même que d’éminents responsables politiques et une cinquantaine de parlementaires soutiennent une expérimentation dans leur circonscription ?Mais surtout, peut-on encore se permettre de refuser de connaître le nombre de contrôles effectués en France, et dʼainsi pouvoir en mesurer l’efficacité ?
La lutte contre les contrôles au faciès fut placée au cœur du programme présidentiel, justement afin de redonner toute leur consistance aux principes d’égalité et de justice, principes fondateurs du socle national. C’est, et vous l’aviez bien compris Monsieur le Premier Ministre qu’il est primordial d’apporter des réponses concrètes à un problème de société persistant.
En 1993 déjà, le Conseil Constitutionnel saisi par de nombreux responsables politiques – dont vous encore, Monsieur le Premier Ministre prenait la mesure de cette discrimination majeure portant atteinte aux libertés constitutionnelles, et recommandait une motivation individualisée et objective de chaque contrôle dʼidentité. Près de vingt ans après cette décision restée lettre morte, alors qu’émeutes, blessés, décès et procès se sont se multipliés, il y a urgence.
 Jusqu’ici, aucune proposition, aucune des pistes avancées par le Ministre de l’Intérieur – vouvoiement, matricule – ne saurait répondre à la problématique du contrôle au faciès, et de la traçabilité des contrôles d’identité. Elles ne sauraient non plus garantir le respect des droits et des libertés reconnus, notamment, par la Convention européenne des Droits de l’homme dont notre pays est signataire.
La lutte contre le contrôle au faciès impose des décisions courageuses animées par la volonté de changer le quotidien de millions de citoyens victimes de procédures abusives.
Monsieur le Premier Ministre, cette décision vous revient. Nous vous prions de bien vouloir reconsidérer la position exprimée par une partie du gouvernement et de permettre l’instauration d’un débat clair et serein sur la base des observations rendues par le Défenseur des droits; à tout le moins une expérimentation de la politique du reçu du contrôle d’identité dans une ou plusieurs zones test, dès cette année.

POUR SIGNEZ ET DIFFUSER C’EST ICI: https://www.change.org/stopcontroleaufacies
ASSOCIATIONS SIGNATAIRES:
Ligue des Droits de l’Homme ; Collectif Contre le Contrôle au Faciès ; Les Indivisibles ; Cité en Mouvement ; Collectif Antinégrophobie ; Brigade Antinégrophobie ; La Balle au Centre Bobigny ; HIA < Network France ; Nordside ; Agir Pour Réussir ; Collectif ACLEFEU ; Collectif contre l’Islamophobie en France ; Collectif Nous ne Marcherons Plus ; Collectif Vies Volées ; CRAN ; Espace Projets Associatifs de Vaulx en Velin ; FoulExpress ; RTT Prod ; C’Noues ; République et Diversité ; An Nou Allé ; Comité IDAHO France ; Fédération de la mixité de France ; BANLIEUES’ART : Parti Communiste Français ; Front de Gauche ; EELV ; Mouvement des Jeunes Socialistes…

 

Assassinat d’Antoine Sollacaro, militant de la Ligue des droits de l’Homme

La Ligue des droits de l’Homme exprime son émotion à la suite de l’assassinat d’un de ses militants, Antoine Sollacaro, ce matin 16 octobre en Corse :

Ce mardi 16 octobre 2012 est un jour de deuil pour la Ligue des droits de l’Homme. Antoine Sollacaro, formidable avocat et militant de la LDH, a été brutalement assassiné en Corse. Il complète ainsi la triste liste des morts sur cette île, qui n’en peut plus. Quinze morts depuis le début de l’année. La LDH s’honorait de compter, dans ses rangs, un homme dont la véhémence exprimait avant tout sa révolte contre toute forme d’injustice. Cet assassinat démontre à l’évidence que la Corse vit sous un droit d’exception permanent, sans que cela ait changé quelque chose à ce qui y défigure la République. Ce n’est certes pas de l’inaction de l’État dont il faut se plaindre, en l’occurrence, mais de son incompétence. Il revient, en ces heures douloureuses, de se tourner vers la société corse, et de rappeler que l’exercice de la citoyenneté n’est pas de la seule responsabilité de l’Etat, mais de celle de la société elle-même.

La Ligue des droits de l’Homme, dans son ensemble, est profondément meurtrie par la mort d’Antoine Sollacaro. Elle perd un militant chevronné et emblématique, et les droits perdent un de ses acteurs défenseurs essentiels. Elle attend et espère que toute la diligence sera de mise pour retrouver les assassins.

 

Contrôles au faciès : le rapport du défenseur des droits

Le défenseur des droits, Dominique Baudis, avait entrepris une étude sur ce qu’il est maintenant convenu d’appeler les « contrôles au faciès » : les contrôles effectués souvent abusivement et de façon répétée (c’est souvent un euphémisme) à l’encontre des personnes de couleur, ou présentant une particularité quelconque susceptible de les rendre suspectes aux yeux de la police.

Ce rapport était très attendu, après la décision du ministre de l’intérieur d’abandonner le projet de récépissé qui avait pourtant été annoncé par le premier ministre au mois de juin dernier.

L’élaboration du rapport a été longue : huit mois. On peut donc supposer qu’il s’agit d’un travail sérieux !

Dominique Baudis retient trois axes, comme le souligne l’article du journal Le Monde :

  • les policiers et les gendarmes doivent être identifiables par un numéro de matricule,
  • la pratique des palpations de sécurité doit être encadrée juridiquement dans le code de procédure pénale,
  • tout nouveau « dispositif de régulation des contrôles » doit être préparé minutieusement et expérimenté avant sa généralisation.

Il n’entend donc pas mettre en place immédiatement le récépissé (il n’en a d’ailleurs pas le pouvoir, puisque son rôle se limite à exercer « une mission de promotion des droits et de l’égalité, en particulier au titre des recommandations générales qu’il formule ».

Les associations, et notamment « Stop le contrôle au faciès » ont rapidement réagi : ainsi cette dernière écrit-elle sur son compte Twitter : « gros oubli dans la politique du reçu, la clé de l’évaluation des contrôles : en relever le résultat ».

Il n’en reste pas moins que le défenseur des droits d’une part reconnaît la gravité du problème posé, met en garde contre le danger que représente la perte de la confiance de certaines population à l’égard de la police (qui peut avoir des conséquences dramatiques), et qu’il recommande que des solutions soient étudiées.

On va maintenant attendre avec impatience les réactions du gouvernement, et singulièrement celles du ministre de l’intérieur.

Vous pouvez télécharger ici :

Le rapport du défenseur des droits ;

Des modèles de récépissé : celui élaboré par Stop les contrôles faciès, et ceux expérimentés en ce moment en Grande-Bretagne et en Espagne (qui ne sont pas transposables en France où les statistiques ethniques sont contraires à la constitution) ;

Les actes du séminaire international que Dominique Baudis avait réuni le 8 octobre dernier, intitulé « CONTROLES D’IDENTITE ET RELATIONS POLICE-PUBLIC : PRATIQUES DE POLICES DANS D’AUTRES PAYS ».

Ci-dessous, la bande annonce de la vidéo intitulée « Mon premier contrôle d’identité », une vidéo redoutable d’efficacité ! Vous pouvez en profiter pour lire les commentaires qui l’accompagnent !…

httpv://www.youtube.com/watch?v=Y0Dpw01DZLo

 

Pierre Tartakowsky : « l’immense conjuration des imbéciles »

Dans son éditorial paru dans le numéro de septembre de LDH Info, le bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, revient sur l’affaire du film sur l’Islam et les caricatures parue par la suite dans le journal Charlie Hebdo. Il en livre une analyse intéressante.

Nous essuyons d’étranges tempêtes. Des récits pleins de bruit, de fureur, qu’un idiot raconte. Et qui n’ont pas de sens, pour reprendre les mots désabusés de Macbeth. Modernes Prospero, nos médias prennent plaisir et avantage à agiter des rideaux de brumes et d’angoissantes figures, plaçant le Nord au Sud et l’endroit à l’envers. Mais contrairement au drame de Shakespeare, l’épilogue, bien qu’encore non écrit, pourrait être tragique.

Revenons un peu en arrière. Un crétin islamophobe met en ligne un film dont l’indigence le dispute à la vulgarité ; d’autres crétins sautent sur l’occasion pour tenter de rameuter les foules ; un ambassadeur américain est tué dans des conditions qui évoquent davantage la préméditation et l’organisation d’un commando que le débordement d’une foule en colère. Dans le monde, quelques milliers de gens défilent, ici on hurle, là on brûle un drapeau… Quelques centaines de millions de musulmans se sentent agressés, d’ailleurs à juste titre, mais se gardent bien de suivre les crétins qui menacent le crétin. Sur ces entrefaites, d’autres boutefeux, dont le métier est la satire, publient des dessins dont le seul résultat objectif est de faire la course entre crétins. On pourrait croire que la presse non satirique calmerait le jeu, eh bien non. Un grand journal du soir appâte le chaland à coups de titres racoleurs, « Le monde de l’Islam s’embrase », et le gouvernement, Président et Premier ministre en tête, se sent obligé de voler au secours de la liberté d’expression, qu’on ne savait pas tant menacée…

Et chacun de se voir sommé de prendre position sur ce qui n’aurait jamais dû cesser d’être un mauvais fait divers. Pour l’heure, la seule valeur menacée dans cette affaire, c’est l’intelligence. Charlie Hebdo a certes « le droit » de critiquer l’islam, les fondamentalistes, les musulmans et les garçons coiffeurs. Les partisans de la liberté d’expression ont tout à fait le droit de souligner que l’islam est très loin de se résumer aux fondamentalismes et que les musulmans sont dans notre société – mais pas seulement – plus facilement pris pour cibles que les garçons coiffeurs. De même peut-on souligner que la provocation – même de droit – n’est pas vertu, et qu’elle peut finir par faire d’étranges compagnons de lit. Nos caricaturistes auront beau jeu de protester de leur distance avec la proposition de Marine Le Pen d’expulser tous les fondamentalistes ; mais force est de constater que le leader du Front national se contente – trop facile, vraiment ! – de ramasser le pot auquel ils ont largement donné.

Le gouvernement, dans ce contexte agité de coupables confusions, a décidé d’interdire les manifestations de protestation au motif d’éviter l’expression publique de la haine. Mais le message que porte cette décision risque d’être compris ainsi : les musulmans de notre pays sont « à part », et doivent être traités comme tels. La déclaration du Premier ministre demandant à ce qu’on « n’importe pas » dans notre pays des « conflits étrangers » donne une fois encore la mesure du déni opposé, volontairement ou non, aux millions de Français qui se reconnaissent peu ou prou dans la foi islamique. Souhaite-t-on réellement les interdire d’espaces publics, les renvoyer à des sphères obscures et qui – trop souvent – se révèlent obscurantistes ?

La France a plus que jamais besoin de débattre avec elle-même de la place, du rôle, des droits de celles et ceux qu’elle considère encore et à tort comme des étrangers alors qu’ils sont, au plus profond de la réalité républicaine, une part d’elle-même. Sauf à accepter de s’inscrire dans sa transformation en caricature.