Election présidentielle : la position de la Ligue des droits de l’Homme

Organisation politique, mais non partisane (lire ici), la Ligue des droits de l’Homme, si elle prend régulièrement position sur les problèmes liés aux droits de l’Homme, n’a pas l’habitude de prendre position à la veille d’une élection présidentielle. L’importance du choix qui se jouera les 22 avril et 6 mai, pour l’élection présidentielle, puis les 10 et 17 juin, pour les élections législatives, et l’extrême gravité de la situation des droits au terme de ce mandat qui s’achève, ont conduit le Comité central de la Ligue a voter la résolution suivante. Téléchargeable ici au format pdf.

Résolution du Comité central de la Ligue des droits de l’Homme, réuni le 14 avril 2012

Notre avenir est l’affaire de toutes et de tous !

 L’élection présidentielle a lieu ces 22 avril et 6 mai ; elle sera suivie des élections législatives les 10 et 17 juin. La Ligue des droits de l’Homme appelle les citoyennes et les citoyens à s’approprier ces élections et à voter.

La Ligue des droits de l’Homme, qui combat depuis 1898 pour les droits politiques et sociaux de tous, Français et étrangers, n’a pas pour tradition de s’exprimer sur le vote avant le premier tour de la présidentielle.

Aujourd’hui, elle le fait avec gravité, en pleine conscience de ses responsabilités, sur la base des valeurs républicaines qu’elle défend et avec la diversité des choix et sensibilités politiques qui la caractérisent.

En juin 2005, face à une loi arbitraire réservant un sort inhumain aux étrangers, la Ligue des droits de l’Homme alertait sur les risques que cette politique faisait peser sur notre démocratie et sur la République. Dans une démarche exceptionnelle, elle lançait un « appel à l’insurrection des consciences ».

En mai 2007, sous l’impulsion directe de Nicolas Sarkozy, ex-ministre de l’Intérieur devenu président de la République, son gouvernement adoptait une série de mesures liberticides, asphyxiant la démocratie, construisant une société de méfiance, de surveillance et d’exclusion, bafouant la justice ainsi que la dignité et les valeurs de la République. Au point qu’en 2009, la Ligue des droits de l’Homme lançait un véritable cri d’alarme sous forme d’une campagne de mobilisation citoyenne, proclamant « Urgence pour les droits, urgence pour les libertés ! ».

En cinq ans, l’action du président de la République − à nouveau candidat − s’est partagée entre le mauvais et le pire : stigmatisation des populations fragilisées par les crises, agressions contre les organisations syndicales, exaltation de la xénophobie portée par le funeste débat sur « l’identité nationale », refus obstiné de mettre en débat les choix d’austérité, de débattre de l’emploi, des droits sociaux, régulièrement donnés comme les sujets principaux de préoccupation, avant la sécurité et l’immigration, pourtant cyniquement mis en avant pour tenter de rallier des voix sur l’unique base de la peur.

La Ligue des droits de l’Homme considère que poursuivre dans cette voie constituerait une menace des plus graves pour la République. C’est pourquoi, elle appelle les électrices et électeurs à refuser que soit poursuivie − et a fortiori aggravée − la régression des droits et des libertés, la xénophobie d’État et l’autoritarisme, la mise en cause de l’égalité des citoyens.

Elle les appelle à exprimer dans les urnes leur volonté de retrouver le vrai visage de la République, et à rester mobilisés au-delà des élections.

 

Une initiative originale : « ma photo pour résister ? OK ! »

La fédération du Nord Pas-de-Calais de la Ligue des droits de l’Homme lance une initiative originale pour résister au discours de l’extrême droite, qui sévit partout en France et particulièrement dans certaines villes, comme Hénin Beaumont. Il s’agit d’envoyer une photo de soi par courrier électronique. L’ensemble des photos recueillies sera rassemblé et monté pour en faire un clip vidéo. On peut, en plus de sa photo, écrire une phrase qui résume en quoi les valeurs de liberté, d’égalité, et de fraternité, qui sont le socle de notre République, sont importantes pour soi. Voici l’appel de la fédération du nord, téléchargeable ici :

MESSAGE  À DIFFUSER LARGEMENT

INITIATIVE UNITAIRE

MA PHOTO POUR RÉSISTER ? OK !

 « Tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits. »

La Ligue des Droits de l’Homme du Pas-de-Calais et de nombreuses organisations citoyennes, politiques et syndicales d’horizons variés vous invitent à manifester votre attachement à ces valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui, dans de nombreuses villes françaises et notamment sur Hénin-Beaumont, sont gravement menacées par les discours de l’extrême droite.

« Résister se conjugue au présent. » Lucie Aubrac

Comment ?

En figurant sur le clip « Ma photo pour résister ? OK ! ».

C’est très simple : envoyez dès à présent votre photo à l’adresse suivante : maphotopourresister@laposte.net

en indiquant votre NOM, votre prénom, votre statut (militant, dirigeant associatif, citoyen, etc) votre ville et, si vous le souhaitez, une phrase précisant en quoi ces valeurs sont importantes pour vous.

Je dis NON à la haine

Je rejoins la chaîne citoyenne

Je dis NON aux discours d’exclusion

Ma photo est un maillon

Je dis OUI à l’égalité et à la fraternité

Et j’envoie mon portrait !

Merci et à bientôt sur le clip « Ma photo pour résister ? OK ! ».

Le conseil des prud’hommes antichambre de l’expulsion ?

C’est un fait inédit, et particulièrement inquiétant, qui s’est déroulé dans les locaux d’un Conseil de Prud’hommes le 11 avril dernier. Suffisamment inquiétant pour que l’ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), le Gisti (Groupe d’information et de soutien des travailleurs étrangers), la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et le Syndicat de la magistrature le dénoncent dans un communiqué commun.

Une précision avant de passer au communiqué qui raconte les faits dans le détail. Un étranger sans papier ne peut pas travailler, et même lorsqu’il a des papiers, ce droit n’est pas automatique. La plupart du temps, pour survivre, il est obligé d’utiliser l’identité d’une autre personne, la plupart du temps un compatriote. Or les employeurs et les agences d’intérim qui les placent dans les entreprises le savent pertinemment.

Communiqué de presse

ADDE / Gisti / LDH / SAF / Syndicat de la magistrature

Le conseil de Prud’hommes comme antichambre de l’expulsion ?

Un sans-papier a été arrêté dans les locaux mêmes d’un Conseil de Prud’hommes le 11 avril. C’est une première ! Que la conséquence de la plainte d’un travailleur sans papier devant la juridiction spécialisée dans le droit du travail soit son arrestation immédiate est une façon encore inédite pour l’employeur de se prémunir du risque de revendication par ces salariés de leurs droits. L’activité policière vient ici en renfort des employeurs, bafouant le droit du travail.

Monsieur Z.K. est régulièrement employé depuis août 2010 dans une entreprise de restauration collective. Mais il est en situation irrégulière et n’a donc pu trouver son emploi qu’en se présentant sous l’identité d’une tierce personne. Ce qu’apprenant, l’employeur « licencie » M. K., c’est-à-dire qu’il lui dit… de ne pas revenir le lendemain.

M.K. estime avoir des droits, avec raison, puisque le Code du travail prévoit que des indemnités doivent être versées à l’étranger en cas de rupture du contrat de travail. La dernière réforme du droit des étrangers, adoptée en juin 2011, a même organisé un nouveau cadre réglementaire pour faire bon droit aux travailleuses et travailleurs étrangers licenciés alors qu’ils sont en situation irrégulière. Suivant les conseils d’un défenseur des salariés, militant syndical de la CNT-nettoyage, les Prud’hommes sont saisis.

Mercredi matin, juste au sortir de l’audience de conciliation au palais de justice de Nanterre, M. K. est interpellé, arrêté et rapidement emmené, sans que quiconque ait le temps de réagir.

Tandis que Monsieur K. est conduit en garde à vue dans les Yvelines, l’employeur explique, tout naturellement, qu’il a informé la police du jour et du lieu où elle pourrait « cueillir » son employé, contre qui il a porté plainte, pour usurpation d’identité, dès qu’il a appris qu’une procédure prud’homale était engagée.

Maintenir des travailleurs dans la précarité, en leur refusant d’être régularisés, ne suffisait apparemment pas. Avec cette interpellation dans l’enceinte même des locaux d’un Conseil des prud’hommes, vient d’être testé un nouveau degré d’insécurité pour la main d’œuvre sans-papiers : la privation pure et simple de l’accès à la justice.

Une plaquette, un livre, une revue : trois publications de la Ligue des droits de l’Homme

L’activité éditoriale de la Ligue des droits de l’Homme est riche en ce moment, puisque viennent de sortir, presque simultanément, une plaquette, un livre, et le dernier numéro de la revue Hommes et libertés.

La plaquette : c’est un outil militant, qui arrive opportunément en cette période d’élection présidentielle, puisqu’elle s’intitule : 2007-2012, bilan d’une législature sécuritaire. Télécharger la plaquette ici (4 pages).

Il convient là de rappeler une donnée essentielle : la Ligue des droits de l’Homme, si elle est indépendante de tout parti politique et de toute religieux, est bien une organisation politique. Politique, et non partisane. La Ligue milite pour des valeurs clairement situées à gauche, mais il ne faut pas compter sur elle pour appeler à voter pour tel candidat de gauche plutôt que pour tel autre.

On ne s’étonnera donc pas que ce bilan d’une législature sécuritaire soit un bilan à charge. En voici l’introduction :

La législature 2007- 2012 restera marquée par le vote d’un grand nombre de lois qui ont encore accentué le caractère sécuritaire de la législature précédente.

Elles ont continué d’organiser la surveillance de toute la population, de créer de nouveaux délits, de désigner un certain nombre de boucs-émissaires, qu’il s’agisse des Roms, des étrangers ou des chômeurs…

En termes de lutte contre la délinquance, l’efficacité de toutes ces lois est loin d’être démontrée. En revanche, elles ont rendu la vie toujours plus difficile pour les victimes de la xénophobie d’État, d’une précarité croissante. Au-delà, elles ont aggravé les injustices, agressé l’égalité et asphyxié la démocratie en France.

Elle se découpe en plusieurs parties :

Les libertés, avec le recensement des mesures qui les mettent en péril (contrôle social et société de surveillance généralisée, Internet sous haute surveillance, libertés de la presse et agents de renseignements, pression policière de plus en plus inquiétante, augmentation des pouvoirs du préfet), la justice (recul des garanties judiciaires, nouveaux délits et peines toujours plus lourdes, justice des mineurs), le ciblage des populations les plus « fragiles », avec notamment la réforme des soins psychiatriques, et enfin le durcissement de la législation envers les étrangers.

La deuxième publication est celle d’un livre, ouvrage collectif qui paraît désormais chaque année, intitulé « l’état des droits en France en 2011 », sous-titré cette année « un autre avenir ? »

Le journal Libération lui a consacré un article.

En fin d’article, la présentation du livre suivie de la table des matières. Notez que Stéphane Hessel a cosigné un article avec Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme.

Troisième publication, le dernier numéro de la revue « Hommes et Libertés », qui consacre un article aux médias : « Atouts technologiques, défis démocratiques ». A lire ici.

Après cinq années d’un Président dont la politique a consisté à mettre en cause les droits, cette nouvelle livraison fait le point sur la logique qui expliquerait une telle accumulation, dont la devise pourrait être : « Moins il y a de social, plus il y a de sécuritaire. »

L’année 2011 a été marquée à la fois par l’approfondissement de la crise économique, sociale et écologique, par la révolte des peuples arabes et par la préparation d’échéances démocratiques majeures en France. Pour relever ces défis, la Ligue des droits de l’Homme, dans la logique du Pacte pour les droits et la citoyenneté qu’elle a signé avec quarante-neuf autres organisations associatives et syndicales, pense qu’il est temps de porter, à côté de ses « indignations » et de ses critiques des régressions des droits, des propositions pour construire ensemble un avenir différent. Non pas un programme politique pour une alternance, mais des pistes pour des alternatives à la hauteur des enjeux.

La LDH affirme ici la nécessité de relégitimer le politique comme fondateur de démocratie ; de prendre au sérieux l’effectivité des droits sociaux et de réinvestir dans le service public ; de changer d’ère face à l’urgence écologique ; d’en finir avec la politique de la peur et du soupçon, de rendre la justice indépendante du politique et de mettre la police au service des droits des citoyens ; de refuser les logiques de discrimination, de racisme et de xénophobie pour choisir un avenir partagé, en France comme dans le nouveau monde qui naît, en agissant fermement pour l’universalité des droits.

Les citoyens ont envie de cette nouvelle donne. La société civile, dans sa diversité, est porteuse d’énergies, d’idées, de possibles. Elle cherche à les exprimer, à dire les mots du changement, elle veut être entendue. Ce livre n’a d’autre ambition que de mettre en débat ces ambitions et ces attentes, et le nouveau contrat social garantissant l’effectivité des droits pour un « autre avenir ».

Et en voici la table des matières :

Introduction. 2011-2012 : crises, indignations… et agenda électoral par Pierre Tartakowsky

  • Retour sur l’année 2011 et sur les tares qui minent la République
  • La probité et l’intérêt général dévoyés
  • Des cibles offertes à la stigmatisation pour instaurer la division
  • Redonner de l’oxygène à la démocratie
  • Lassitude de la politique et souhaits d’un « autrement politique »
  • Le projet partagé d’une pleine citoyenneté civique et sociale

1. Face à la crise, la démocratie : réactiver le politiquepar Stéphane Hessel et Jean-Pierre Dubois

  • Une demande universelle : face au despotisme comme à la « gouvernance financière », l’effectivité démocratique
  • Singularités françaises : « monarchie élective », cumul des mandats, éloignement du politique
  • Urgences : refonder la démocratie en France et dans l’Union européenne
  • L’avenir humain : démocratiser la mondialisation

2. Face à la crise, la solidarité : garantir les droits et investir dans le service public par Gérard Aschieri

  • Année sociale, annus horribilis ?
  • Impératifs incontournables ou choix délibérés ?
  • Penser autrement les droits
  • Prendre l’offensive

3. Face à l’urgence écologique, changer d’ère par Jean-Louis Galzin

  • Droits fondamentaux et développement durable
  • Environnement : des engagements frileux solubles dans la crise économique
  • Les entreprises, des acteurs qui ont aussi leur place
  • Urgences économique et écologique : opposition ou possible synergie ?
  • Un impératif : concilier démocratie et urgence écologique
  • Conclusion

4. Contre la politique de la peur. Pour une justice indépendante du politique et une police au service des citoyens par Evelyne Sire-Marin

  • « Étranger, nous avons tout pour te recevoir, un hôtel, une prison et un cimetière »
  • « N’ayez pas peur, on n’est pas de la police »
  • Résistance et désobéissance
  • La justice, un business ?
  • L’âme du parquet

5. étrangers: la névrose obsessionnelle par Catherine Teule

  • Les concepts sarkoziens fondateurs
  • Arithmétique politique
  • Si l’étranger n’existait pas, le xénophobe l’inventerait
  • Interdire, précariser, expulser… la trilogie

6. Face au nouveau monde qui se dessine, agir ensemble par Michel Tubiana

  • Révoltes pour les droits et la démocratie dans le monde arabe
  • Droits et démocratie en Méditerranée : regards de la rive Nord, réalités de la rive Sud
  • Universalité des droits, diversité des sociétés, défis démocratiques

Chronologie de l’année 2011 par Gilles Manceron et François Nadiras

Auteurs et directeurs d’ouvrage

 

 

La CNDH inquiète sur le suivi de la loi de juillet 2011 sur l’hospitalisation sous contrainte

La Ligue des droits de l’Homme fait sienne cet avis, téléchargeable en pdf ici,  émanant de la Commission nationale consultative des droits de l’Homms, à propos  du suivi de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Ci-dessous, le communiqué de la CNDH au sujet de cet avis, suivi d’une note sur le rôle de cette commission.

La psychiatrie vit depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011 une réforme d’envergure, dont la CNCDH avait suivi l’élaboration et souligné les enjeux. L’obligation d’un contrôle systématique de l’hospitalisation sous contrainte par le juge introduit en effet une garantie importante en matière de liberté individuelle, à condition que les moyens de ce contrôle soient assurés. A cet égard, l’organisation des audiences et le lieu où elles se déroulent apparaissent comme des questions centrales. Pour la CNCDH, la tenue des audiences à l’hôpital devrait être la règle : elle garantit l’effectivité du contrôle de la privation de liberté par le juge, qui rencontre les malades et ne se prononce pas uniquement à la lecture d’un dossier ; elle fait aussi entrer un regard extérieur dans l’hôpital psychiatrique, vecteur d’un intérêt pour des malades dont les droits sont les mêmes que ceux des autres malades et doivent être défendus au même titre.

Tout en saluant la mobilisation rapide et convaincue des acteurs de la réforme du 5 juillet 2011, médecins, magistrats et administrations, la CNCDH exprime dans son avis ses inquiétudes : beaucoup d’hospitalisations psychiatriques échappent de fait au contrôle par le juge ; tout un volet de la loi, celui qui concerne les soins sans consentement hors de l’hôpital, reste très vague alors même que des atteintes aux droits des patients et de son entourage sont en jeu ; alors que la prise en charge des malades mentaux est un continuum entre des séjours à l’hôpital et un traitement hors les murs, la loi de juillet 2011 complique le passage de l’hôpital à l’ambulatoire et réduit de fait les possibilités concrètes de sorties pour certains malades.

La CNCDH rappelle que les réflexions sur la loi de juillet 2011 ne doivent pas être déconnectées de réflexions plus larges sur la politique de la France en matière de psychiatrie. Dans un contexte de fragilisation de l’organisation des soins psychiatriques et de ‘remise en cause progressive et profonde du secteur’, récemment pointée par la Cour des Comptes et que la CNCDH a déjà dénoncée à plusieurs reprises, ce sont non seulement les soins sans consentement hors de l’hôpital mais également l’ensemble des soins librement consentis qui sont hypothéqués. Et par là les droits des malades mentaux qui sont menacés.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est l’institution nationale de promotion et de protection des droits de l’homme française au sens des Nations Unies. Par ses avis, ses études et ses recommandations, elle assure, de manière indépendante, un rôle de conseil et de proposition auprès du gouvernement en matière de droits de l’homme, de droit international humanitaire et d’action humanitaire tant sur le plan national qu’international. Elle appelle en outre l’attention du gouvernement et du Parlement sur toute mesure lui paraissant de nature à favoriser le respect des droits de l’homme. http://www.cncdh.fr/

Universités : Laurent Wauquiez fait l’unanimité contre lui

Comme Valérie Pécresse, qui l’a précédé au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, Laurent Wauquiez a réussi faire l’unanimité contre lui. Mais, comme l’ancienne ministre, cela ne semble pas l’atteindre.

Cette fois, il s’agit d’une mesure qui rassemble les caractéristiques de la politique sarkoziste : mesure de circonstance, improvisée, et imposée sans la moindre concertation.

Laurent Wauquiez a décidé d’introduire une nouvelle discipline à celles qui sont enseignées à l’université : la criminologie. Et ceci à un mois de l’élection présidentielle : on voit bien sûr l’intérêt politique de cette mesure pour l’image de celui qui se pose depuis les événements tragiques de Toulouse en protecteur de la nation et des victimes.

C’est tout d’abord la commission permanente du Conseil national des universités qui s’est opposé à cette mesure. Première critique : « Le projet de création d’une section de criminologie n’a fait l’objet d’aucun débat sérieux impliquant l’ensemble de la communauté scientifique. » Ensuite, « la CP-CNU estime que la création de la section de criminologie est motivée par des préoccupations étrangères à la logique scientifique ».  La CP-CNU entend apporter son soutien au développement de études en criminologie, mais « comme champ d’étude pluridisciplinaire ». Elle précise, avec des mots durs : « Mais elle refuse d’en faire une science de gouvernement et de l’enfermer dans une école de pensée marquée idéologiquement, ou dans un paradigme particulier comme le concept de « sécurité globale » défendu par les promoteurs de la nouvelle section de criminologie2. La création politique d’une section 75 de « criminologie » au sein du CNU, suscite notre réprobation et notre indignation, car elle va à l’encontre des valeurs essentielles qui fondent la vie scientifique et universitaire : le débat, la transparence, la collégialité et la responsabilité. » Et la commission permanente de la CNU conclut : « Pour toutes ces raisons, la Commission permanente du Conseil national des universités dénie toute légitimité à une section du CNU créée dans ces conditions. Elle souhaite que les universitaires ne rejoignent pas la nouvelle section de « criminologie » ».

C’est ensuite l’Association de droit pénal qui monte au créneau : cela vaut la peine de publier in extenso la motion qu’elle a adoptée à l’unanimité en janvier dernier et intitulée « Motion de l’Association française de droit pénal contre la création d’une section « expérimentale » de criminologie au sein du Conseil national des universités ». La voici :

L’association française de droit pénal (AFDP) tient à exprimer son indignation face à la création  d’une section interdisciplinaire dite « expérimentale » de Criminologie au sein du CNU, doublée de la mise en place d’un Institut National de la Criminologie.

L’AFDP met en garde contre l’instrumentalisation de la criminologie à des fins politiques et dénonce tant la méthode, qui a présidé à la mise en place de cette nouvelle instance, que l’inconsistance de son objet:

  • La nomination des 48 membres de cette section, en marge des élections au CNU, est un contournement inacceptable du processus démocratique, mise en place par le décret n°92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des Universités.
  • La criminologie ne saurait constituer l’objet d’une section du CNU, dès lors qu’elle n’est qu’un champ d’étude au croisement de nombreuses disciplines et non une discipline à part entière.

L’AFDP reconnait cependant que la formation et la recherche en criminologie dans l’Université française  souffrent d’une grande disparité et d’une faible visibilité et soutient en conséquence la conférence élargie des directeurs d’Instituts de sciences criminelles et de centres de recherche en droit pénal en criminologie, qui formulera en 2012 des propositions concrètes pour revaloriser les diplômes universitaires de criminologie et redynamiser la recherche universitaire en ce domaine.

L’association a été reçue depuis au ministère, et a publié le compte-rendu de cette audience téléchargeable ici. Un communiqué a ensuite été publié (version pdf). La conclusion de ce communiqué daté du 16 mars : « Nous déposons, contre ces arrêtés, un recours devant la juridiction compétente, afin d’en obtenir l’annulation ». C’est dire la gravité du désaccord.

C’est enfin (il y en a tellement d’autres qu’il est impossible de les citer toutes. On en trouvera des liens dans le compte-rendu d’audience de l’Association française de droit pénal) l’association « Qualité de la Science Française », créée en 1982 à l’initiative de Laurent Schwartz, et qui « a pour mission de défendre et de promouvoir la qualité et la créativité de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, conditions indispensables de la compétitivité de la science, du développement de l’économie, et de la diffusion de la culture ». On peut lire son communiqué ici.

Jusqu’au dernier jour du quinquennat, ce pouvoir tentera de faire passer en force de projets les plus contestables, et le domaine de la justice et de l’enseignement et la recherche ont été particulièrement touchés ! ça n’est peut-être pas un hasard… La dernière trouvaille : le concept de « réitération » : il s’agit de crimes et délité répétés, mais, contrairement à la récidive, différents ; lire ici l’article qu’y consacre François Nadiras dans le site de la section de Toulon. Lire aussi le passionnant article de Véronique Soulé sur son blog.

Le maire de Nogent-sur-Marne retire son arrêté interdisant de fouiller les poubelles

L’histoire avait fait grand bruit à l’époque. Le Ligue des droits de l’Homme vient de remporter une victoire hautement symbolique : le maire de Nogent-sur-Marne a retiré son arrêté interdisant de fouiller dans les poubelles, après un jugement du tribunal administratif « sur la forme », en attendant un jugement sur le fond. Le Ligue a par conséquent renoncé à la procédure. Voici le communiqué qu’elle a publié :

Nogent sur Marne : plus belle la ville !

Communiqué LDH

La Ligue des droits de l’Homme salue la décision prise par le maire de Nogent-sur-Marne, par un arrêté en date du 22 février 2012, de supprimer l’interdiction de fouiller dans les poubelles qu’il avait décidé d’infliger à la population indigente présente dans sa commune.

La LDH et sa section locale avaient contesté, tant devant le maire que devant la juridiction administrative, les mesures anti-pauvres qui se sont succédé depuis plus d’un an dans cette commune au nom de la santé et de la salubrité publiques.

Le 9 septembre 2010, M. J.-P. Martin prenait en effet un arrêté anti-mendicité applicable, de surcroît, en pleine période hivernale. Face à l‘illégalité manifeste de ce dernier soulevée par la LDH, cet arrêté n’avait pas été reconduit. Pourtant, le 16 septembre dernier, toujours à l’entrée de la période hivernale, un nouvel arrêté interdit de fouiller dans les poubelles. Devant la contestation d’une grande partie de ses administrés et l’introduction par la LDH d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, le maire modifiait son arrêté le 3 novembre 2011 en précisant que le glanage – coutume locale moyenâgeuse portant sur les productions agricoles – n‘était pas concerné par son interdiction qui ne visait que le chiffonnage ! La LDH maintenait son recours et introduisait parallèlement un référé-suspension pour faire obstacle dans un délai rapproché à l’application de cette interdiction. Après avoir constaté l’urgence et l’atteinte à la liberté d‘utiliser le domaine public, le tribunal administratif de Melun suspendait le 17 novembre 2011 l’arrêté du maire dans l’attente du jugement sur le fond. Par un nouvel arrêté en date du 29 février dernier, le maire de Nogent-sur-Marne mettait donc un terme à l’interdiction de fouiller dans les poubelles, ne laissant plus en vigueur que celle de déverser les déchets sur la voie publique.

La LDH ne peut que saluer le retour du maire de Nogent-sur-Marne à la raison et l‘encourager à prendre des mesures en faveur des plus démunis. Elle se désiste de son recours au fond, et rappelle que, mieux que de multiples interdictions visant les personnes en situation de précarité, la Ville est plus belle lorsqu’elle est emplie d’humanité.

Demandeurs d’asile : toutes les familles logées

Les cinq familles de demandeurs d’asile de Saint-Brieuc ont pu être logées vendredi après-midi.

Depuis lundi, le collectif contre le racisme et pour la solidarité multipliait les actions, les contacts, pour trouver une solution. Une délégation composée de la Ligue des droits de l’Homme, du Secours catholique et de l’Association de solidarité avec les travailleurs immigrés (ASTI) a été reçue jeudi matin par la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), mais la rencontre n’a abouti sur aucune solution. Les quatre familles, auxquelles une cinquième s’était jointe (logée 2 nuits à l’accueil d’urgence de Loudéac, où on ne peut pas rester plus de deux nuits)ont dû « camper » dans les locaux de l’ASTI à Saint-Jouan, à Saint-Brieuc.

Une bonne nouvelle jeudi soir : l’évêque de Saint-Brieuc, Denis Moutel, propose d’héberger sept personnes dans une maison appartenant à l’évêché, et la quête faite à l’occasion de Pâques a rapporté plus de 400€, qui ont été versés au collectif au profit des demandeurs d’asile. Jeudi matin, Denis Moutel a participé à la réunion du collectif, pour mettre au point les modalités pratiques. Les contacts se sont multipliés toute la journée, notamment avec les élus de l’agglomération briochine. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que la situation s’est débloquée : un logement est mis à disposition à la maison de la Baie, deux appartements par l’organisme HLM Terre et baie, à Balzac. Et tout le monde à participé au déménagement des familles et à leur installation.

Cette victoire, fragile, puisqu’une autres solution devra être trouvée dès mardi pour certaines personnes, est intervenue au bout de 4 jours et 3 nuits de lutte pour la dignité. Par ailleurs, Eric Deschamps a mis un terme à sa grève de la faim.

A lire aussi : Ouest-France, et le Télégramme.

Demandeurs d’asile : une pétition en ligne

Mardi soir, trois autres tentes se sont plantées devant la préfecture, ce qui a attiré la police qui est venue se renseigner. Eric Deschamps poursuit sa grève de la faim commencée lundi 2 avril.

Le collectif a décidé de lancer une pétition. Elle est en ligne à cette adresse sur le site « Pétition publique ».

Droit d’asile, droit au logement

Depuis le 2 avril 2012 fin de la période hivernale, 5 familles demandeuses d’asile ont été mises à la rue soit 14 adultes et 6 enfants.

L’asile est un droit et l’Etat a le devoir de proposer une solution de logement aux personnes à la rue, quelque soit leur situation administrative.

Je signe cette pétition pour demander au préfet qu’une solution soit apportée à ces familles.

Mercredi 5 avril, il est prévu de profiter du marché pour faire du bruit, informer la population, faire signer la pétition.
Rendez-vous à 10 h 30 – 11 h devant la préfecture, pique-nique ensuite. Nous déciderons ensuite des actions futures.
Il est important qu’il y ait une forte mobilisation avant la rencontre prévue jeudi matin à la préfecture, il est aussi important que les « campeurs » et les familles se sentent soutenus, le temps est long pour les uns comme pour les autres.
Par ailleurs, un appel a été lancé aux maires de l’Agglomération de Saint-Brieuc, en voici le texte :

APPEL AUX MAIRES DE L’AGGLOMERATION BRIOCHINE

Bonjour Mesdames et Messieurs les Maires,

Par la presse vous connaissez la situation d’aujourd’hui au niveau de l’hébergement d’urgence et de l’accueil des Demandeurs d’asile. Le problème n’est pas nouveau, nous vous avions lancé un appel en juin 2011 pour faire évoluer ces problèmes récidivants. La préfecture reste sourde à nos demandes parce que nous avons un rendez-vous à la Direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) jeudi 5 avril à 9h30.
Cinq familles ont été sorties des hôtels où elles étaient hébergées le lundi 2 avril + une famille sortie de la même manière dès le 2 mars et qui vit dans le provisoire depuis. Soit 12 adultes et 10 enfants. Parmi eux des malades et des handicapés. Aucune explication autre que ce sont des « Dublin 2 », mais les lois en vigueur disent bien que les D2 doivent être hébergés comme les autres.
Hier soir nous n’avons pas voulu faire une pression excessive sur Adalea dont nous occupions l’accueil de jour: ils auraient pu passer pour « complices » dès lors qu’ils n’appelaient pas la police pour nous faire sortir. À 19h le groupe des Sans-abris a donc migré vers le Centre St Jouan, local associatif appartenant à la ville de St Brieuc.
Est-ce bien normal que la ville de St Brieuc soit la seule à supporter le poids du précaire et du provisoire?
Est-ce bien normal que les associations soient seules à supporter ce poids d’engagement citoyen et humain de base?

C’est pourquoi nous lançons un appel pressant dans votre direction pour:

  • se partager les familles afin qu’elles soient un peu mieux installées et qu’elles respirent dans un pays riche et démocratique;
  • nous aider à faire plier le préfet de région qui se lave les mains un peu facilement !

Nous allons de notre côté lancer des « référés-liberté » devant la justice administrative pour que le droit soit dit.
Merci de l’attention que vous porterez à notre appel. Il y a urgence humanitaire.


Une soirée passionnante avec Bertrand Rothé

Bertrand Rothé et Gaëlle Gouérou, pendant le débat.

Bertrand Rothé était vendredi soir l’invité de la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme. Après la

Michèle Paul, présidente de la section, et Jérôme Lucas, du Cithé, ont présenté la soirée.

projection du film d’Yves Robert, la Guerre des boutons, dans le cadre du festival « Films et terres d’ici et d’ailleurs » organisé par le cinéma Le Cithéa de Plouguenast, il a présenté son livre « Lebrac, 3 mois de prison », et débattu avec les spectateurs. Un débat riche pendant lequel on a mesure l’évolution qui a eu lieu entre 1912, date de publication du roman de Pergaud, 1962, date du tournage du film, et aujourd’hui : évolution du regard sur l’enfance et l’adolescence, évolution des comportements, évolution de la tolérance vis à vis de ces comportements, et évidemment évolution de la législation qui concerne les mineurs, avec notamment la destruction progressive mais déterminée de la circulaire de 1945, qui plaçait la prévention et l’éducation en tête des préoccupations en ce qui concerne le traitement de la « délinquance juvénile ». Bertrand Rothé a aussi insisté sur le fait que, contrairement à ce que les médias nous assènent à longueur de temps, la violence n’a pas augmenté. Et il note que « plus un journal connaît de difficultés financières, plus il va parler de violence » : c’est un fond de commerce très intéressant.

La prochaine animation de la section aura lieu cet automne, avec une projection débat du film « Amoureux au ban public », réalisé par Nicolas Ferran, et qui traite des harcèlements dont sont souvent victimes les couples « mixtes », souvent accusés de vouloir faire des mariages « blancs ». Ou gris, selon cette ridicule invention du regrettable Eric Besson.