Tirailleurs sénégalais : Armelle Mabon poursuit ses recherches sur le drame de Thiaroye

La section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme a travaillé, en 2011, sur les tirailleurs sénégalais qui, ayant refusé, à la Libération, d’être rapatriés en Afrique tant qu’ils n’avaient pas touché leur solde, avaient été rassemblés dans un camp à Trévé (22) de novembre1944 à janvier 1945. Ce travail, mené en collaboration avec l’historienne Armelle Mabon, avait débouché sur une animation à Trévé, l’édition d’un livret intitulé « Nous n’avions jamais vu de Noirs » qui rassemble les témoignages de Trévéens sur cet épisode de l’histoire de la commune, et sur l’érection, par la municipalité de Trévé, d’une stèle à la mémoire de ces soldats (dossier à lire ici, et là. Voir également la déclaration d’Armel Mabon à Trévé, le 18 avril 2011.

Coïncidence ? Nous avons reçu, à quelques heures d’intervalle, deux messages : le premier, d’Anne Cousin, historienne, elle aussi, et qui avait participé à l’inauguration de la stèle de Trévé :

« Il y a un an maintenant nous étions devant cette magnifique stèle… Et c’est à Dakar, précisément à Thiaroye, que je vais parler de cette page d’histoire dans trois semaines, et bien sûr de Trévé. J’emporte les photos de cette belle journée. Il y aura un hommage aux tirailleurs Sénégalais et à Sembène Ousmane, cinéaste et écrivain. Je suis aussi invitée au lycée où il y aura une mise en scène théâtrale sur ce sujet et des échanges. C’est un vrai bonheur de retourner là-bas et j’emmène aussi un exemplaire de « Nous n’avions jamais vu de Noirs » que je remettrai. Je suis passée à Plestin prendre la réédition et j’ai vu Jérôme Lucas. Je n’ai pas l’adresse courriel de la mairie, alors si vous souhaitez transmettre ce sera avec plaisir. Bien cordialement à vous ».

Le second venait d’Armelle Mabon : aujourd’hui encore, elle poursuit ses recherches, et s’intéresse particulièrement au drame de Thiaroye au cours duquel l’armée française a provoqué la mort de nombreux de ces soldats qui réclamaient toujours leur dû. La récente visite du président de la République au Sénégal, où il a évoqué  « la part d’ombre de notre histoire » que constitue « la répression sanglante qui, en1944, au camp de Thiaroye, provoqua la mort de 35 soldats africains qui s’étaient pourtant battus pour la France », a été pour elle l’occasion de faire le point sur ses recherches dans une tribune qu’elle a publié sur le site Médiapart, et qu’elle a bien voulu nous confier.

Les archives et Thiaroye

Armelle Mabon,

historienne / maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud

Travaillant depuis plusieurs années sur les prisonniers de guerre « indigènes » de la Seconde Guerre mondiale internés en France et non en Allemagne, je m’intéresse forcément à Thiaroye,  sortie de guerre problématique comme l’a rappelé le Président de la République lors de son discours à Dakar du 12 octobre 2012 : « La part d’ombre de notre histoire, c’est aussi la répression sanglante qui en 1944 au camp de Thiaroye provoqua la mort de 35 soldats africains qui s’étaient pourtant battus pour la France. J’ai donc décidé de donner au Sénégal toutes les archives dont la France dispose sur ce drame afin qu’elles puissent être exposées au musée du mémorial ».

Les combattants coloniaux faits prisonniers par les Allemands en juin 1940, subirent quatre longues années de captivité. À la Libération, ils sont regroupés dans des centres de transition avant le retour dans leur terre natale. Le 3 novembre 1944, à Morlaix, 2000 tirailleurs sénégalais doivent embarquer pour le Sénégal mais 300 d’entre eux refusent de monter à bord du Circassia tant qu’ils n’ont pas perçu leur rappel de solde et sont envoyés à Trévé dans les Côtes d’Armor où ils seront gardés par des gendarmes et des FFI provocant un grand désarroi d’autant qu’ils ont été nombreux à rejoindre les rangs des FFI. À l’escale de Casablanca, 400 hommes refusent de poursuivre le voyage et c’est donc 1280 tirailleurs sénégalais qui débarquent à Dakar le 21 novembre 1944 pour être immédiatement transportés à la caserne de Thiaroye. Les autorités militaires veulent les ventiler rapidement vers leurs territoires mais les anciens prisonniers de guerre refusent de partir tant qu’ils ne percevront pas leur rappel de solde comme cela leur avait été promis avant l’embarquement à Morlaix. Considérant le détachement en état de rébellion, le général Dagnan, avec l’accord du général de Boisboissel, a alors décidé de faire une démonstration de force  le 1er décembre 1944. Jusqu’à aujourd’hui, la responsabilité de cet événement tragique incombe essentiellement aux anciens prisonniers de guerre qui ont enfreint la discipline militaire.

C’est en 2000 que j’ai commencé à fouiller les archives sur Thiaroye, au Centre des Archives d’Outre-mer (CAOM), au Service Historique de l’Armée de Terre (SHAT) devenu Service Historique de la Défense (SHD) et au Sénégal. Très vite j’ai repéré et signalé dans des publications un problème dans les archives en France : les rapports officiels mentionnent un télégramme émis par la Direction des Troupes coloniales avant la mutinerie mais introuvable dans les fonds d’archives. Un document aussi important ne pouvait pas disparaître sans raison. Cette interrogation m’a amenée à regarder autrement ces archives pour déceler ce qui pouvait éventuellement manquer. L’historien, pour pouvoir interpréter et donner une dimension éthique à la mémoire réparatrice d’oublis a besoin de documents fiables. Outre ce télégramme daté du 18 novembre 1944, il m’a été impossible de retrouver les textes officiels qui précisent les mesures administratives concernant les anciens prisonniers coloniaux internés dans des frontstalags : circulaires n° 2080 du 21 octobre 1944, n° 3612 du 4 novembre 1944, n° 6350 du 4 décembre 1944, n° 7820 du 16 décembre 1944. La lecture de différents rapports m’a permis cependant de reconstituer le contenu de ces textes officiels. L’absence de ces documents dans les archives ne relève pas du hasard, d’une perte malencontreuse ou d’un mauvais classement. Nous sommes confrontés à une volonté de les soustraire à tout regard et cela depuis près de 70 ans.  La circulaire de la direction des Troupes coloniales n° 2080 du 21 octobre  1944 – soit un mois avant l’arrivée des soldats africains à Dakar – est particulièrement importante car elle précise que la solde de captivité des anciens prisonniers de guerre « indigènes » doit être entièrement liquidée, un quart du paiement devant intervenir en métropole et les trois-quarts au débarquement, afin d’éviter les vols durant la traversée.

Connaissant leurs droits, ces soldats ont exigé le paiement de ce rappel de solde à Thiaroye, mais cette réclamation majeure qui a cristallisé leur colère ne figure pas dans les rapports officiels où sont mentionnés, outre l’échange des francs en francs CFA et la possibilité de récupérer les sommes déposées sur les livrets d’épargne dans les frontstalags, le paiement de l’indemnité de combat de 500 francs, une prime de démobilisation, une prime de maintien sous les drapeaux. Les rapports s’attachent à prouver que la propagande nationaliste allemande, le contact avec les femmes blanches et avec la résistance dont les tirailleurs « n’étaient pas moralement, intellectuellement et socialement capables de comprendre la grandeur, la beauté et la nécessité de ce mouvement […] » sont les causes de la rébellion.

Les officiers stationnés à Dakar qui devaient aussi répondre de leur positionnement durant le conflit mondial n’ont pas appliqué la réglementation ce qui est contraire au principe de neutralité attendue dans l’Armée et qui peut constituer un abus de pouvoir et un refus d’obéissance aux ordres de la direction des Troupes coloniales. Si la difficulté d’application des textes était consécutive à l’absence ou l’insuffisance de liquidités, cet argument aurait été mentionné dans tous les rapports.

Le discours de François Hollande a ranimé chez moi le désir de consulter à nouveau les archives et notamment le rapport du général Dagnan, que j’avais partiellement recopié il y a plusieurs années. Le carton étant en mouvement interne au SHD et donc indisponible à la consultation, c’est le 13 novembre 2012 que j’ai pu récupérer l’intégralité du rapport grâce aux photos prises par un chercheur. Cette relecture de documents d’archive était revêtue d’une acuité particulière, une sorte d’urgence à trouver ce qui ne me permettait pas encore de définir ce fait historique qui a tant de mal à être nommé : massacre, tragédie, incident, carnage, drame, tuerie, mutinerie, rébellion… Je pressentais que ces hommes injustement oubliés et condamnés allaient enfin avoir droit à l’Histoire.

Le bilan officiel rappelé par François Hollande est de 35 tués. Dans son rapport du 5 décembre 1944, page 9, le général Dagnan indique : « 24 tués et 46 blessés transportés à l’hôpital et décédés par la suite» ce qui fait 70 morts. Le chiffre de 35 morts et 35 blessés repris jusqu’à ce jour comme le bilan officiel a été donné par le général de Périer dans son rapport du 6 février 1945. Ainsi, en deux mois, le bilan est passé de 70 morts à 35 morts, soit une dissimulation toujours présente de la moitié des décès, au moins.

Je souscris à la volonté du Président de la République de donner les archives au Sénégal mais pour que ce geste fort ait du sens et permette une réconciliation après tant de malentendus et  de mensonges, il faut impérativement :

  • restituer tous les documents officiels dans les archives ;
  • donner le bilan sincère du nombre de morts ;
  • révéler le lieu de leur sépulture ;
  • reconnaître la spoliation du rappel de solde et la responsabilité de l’Armée ;
  • nommer ces hommes qui ont été tués ;
  • amnistier ceux qui ont été condamnés, la grâce ne suffisant pas ;
  • réhabiliter ces tirailleurs en leur rendant un hommage solennel.

Alors peut-être que cessera aussi la rumeur qui réécrit cette histoire si peu connue comme quoi à Thiaroye ces hommes possédaient des marks et revenaient d’Allemagne. Ces prisonniers de guerre revenaient de métropole, s’étaient battus pour la France, avaient participé à la résistance, avaient eu des contacts avec la population locale le plus souvent solidaire et avaient été gardés par des cadres français notamment des officiers des troupes coloniales selon l’accord passé entre le gouvernement de Vichy et l’Allemagne.

Les archives finissent par nous prouver que l’oubli, les silences complices, les dissimulations ne se décrètent pas et ne sont pas définitifs.

Voir Armelle Mabon, Les prisonniers de guerre « indigènes », Visages oubliés de la France occupée, La Découverte, 2010.

Le squat de Pacé a été évacué dans la « dignité ». C’est quoi, au juste, la dignité ?

Photo Philippe Chérel, Ouest-France.

Le squat de Pacé. Le « plus grand squat » de France. Il a été évacué hier. Ce qui a permis aux  » humanistes  » de Novopress de titrer : « Évacués du squat de Pacé, les 250 clandestins seront relogés aux frais des contribuables ».

Les premiers articles de presse ont fait état du calme dans lequel s’est déroulée l’évacuation. Le préfet a indiqué, après l’opération : «Tout s’est passé sans incident, dans le respect des personnes et dans le calme » (Libération). Dans un reportage diffusé par FR3, une femme venant d’être évacuée déclarait : « On s’attendait au pire, ça s’est bien passé ». Le maire de Pacé confirme : « Cette évacuation s’est faite avec humanité et respect des personnes et des biens ».
Heureusement, M., une militante de Droit au logement, qui a soutenu avec beaucoup d’autres les migrants depuis leur arrivée au mois de mai dans l’ancienne maison de retraite de Pacé, vient nous remettre les idées en place. Parce qu’il n’y a pas eu de violences physiques, pas de blessés, pas de coups, on en arriverait à considérer que ça s’est bien passé, que ça a été digne… Nous serions-nous laissés contaminer par l’idéologie ambiante de chasse à l’étranger ?
Merci, M., d’autoriser la publication de votre beau texte.
« Alors, il faut toujours essayer d’être objectif, hein? Donc oui il y a sûrement des choses bien quand même dans ce qui s’est passé ce matin. Vous savez, l’expulsion de 250 personnes qui allait se régler avec dignité…
Alors il y a déjà  le côté froid et silencieux de l’expulsion du matin : les familles sont invitées à aller à la préfecture avec un petit papier attestant qu’elles viennent du squat de Pacé. Elles sont dehors dès 6h15 pour les premières, une cinquantaine de voitures de policiers, mais pas l’idée d’avoir fait venir une navette qui emmènerait tout le monde à la préfecture… C’est sûrement tellement plus digne de laisser les familles, les bébés dans les bras des mamans et les gamins dans les poussettes dans le froid et la nuit noire à 6h30 dehors. À attendre le bus 52 qui arrive déjà quasi plein de gens du coin qui partent au boulot… Et puis tous les gens qui portent des sacs, des matelas tout ça tout ça. Le petit crachin du matin a rajouté un peu à la dignité ambiante, c’était super. Mais attention, ça s’est fait dans le calme, donc hein, vous voyez bien qu’on traite bien les gens !
Arrivée des familles à la préfecture : ils rentrent au compte-goutte, les autres attendent dehors. C’est vrai, c’est tellement digne de voir 12 policiers regarder les femmes enceintes et les bébés, les personnes inquiètes et fatiguées, là, dehors debout devant la porte. Par contre à l’intérieur apparemment c’est le monde des bisounours : chocolat chaud, croissants offerts à tout le monde, les gens attendent sereinement, le personnel se met en 4 pour s’occuper de tout le monde, même le préfet nous dit-on met la main à la pâte. Et puis après on leur dit où ils vont et on les met dans un taxi qui les accompagne jusqu’au lieu. Jusque-là, ça va, c’est chouette, le préfet a fait ce qu’il a dit, vous voyez bien!
Sauf que sauf que, les gens dans les taxis passent par l’arrière de la préfecture, pas de possibilité de voir les soutiens qui étaient là à les accompagner, devant la pref’ car eux n’avaient pas le droit de les suivre dans la pref’. Et puis quand les soutiens commencent à arrêter les taxis pour demander aux gens où ils allaient, pour combien de temps, voire s’ils souhaitaient récupérer leurs affaires qui étaient dans les coffres de voiture sur le parking, les chauffeurs au début s’arrêtaient. Mais l’autre douzaine de policiers, en faction eux devant la grille de sortie des taxis, ont  commencé à grogner par contre. Et puis finalement ils ont interdit qu’on arrête les taxis. C’est vrai, c’est tellement plus digne de partir dans un taxi qui ne s’arrête pas, sûrement pour qu’ils puissent s’imaginer stars de cinéma en voyage incognito? Oui sûrement, car ça ne peut pas être pour couper complètement les migrants de leurs soutiens divers, non, ça se serait vraiment être mauvaise langue.
Et puis après on commence à voir que certains n’ont pas de notion de durée de leur séjour à Petaouchnok, euh pardon, dans le gîte rural machin de la baie du Mont-Saint-Michel, mais bon c’est tellement digne d’être emmenés vers la campagne du bord de mer. Donc on ne sait pas si c’est pour 1, 2 3 nuits ou plus. Pour d’autres c’est plus clair : 5 jours à Vern-sur-Seiche, 3 jours au foyer bidule. Et pour d’autres vraiment plus clair: rendez-vous à l’Hôtel-Dieu à 18h. Et jusqu’à 18h? Ben euh, j’sais pas moi, c’est pas digne de rester dans la rue avec tous vos sacs?
Ah et puis on commence à recevoir des coups de fil intéressants, comme celle qui accompagnait une famille au Rheu, un couple avec 2 bébés. Le lieu d’hébergement qui refuse d’ouvrir avant 17h… C’est bien, c’est très digne d’attendre 5 heures de suite debout devant une porte fermée avec ses 2 bébés sous le bras. Alors certains invitent les personnes chez elles jusqu’à 17h…
Ah et puis ces migrants sans papiers qui n’ont pas osé rester la nuit dernière à Pacé, peur de la PAF (Police de l’air et des frontières) du petit matin, difficile de leur en vouloir. Alors on les accompagne jusqu’à la porte de la préfecture et on dit aux policiers qui bloquent l’accès « la dame enceinte là et sa petite fille étaient au squat de Pacé, mais n’ont pas le papier distribué ce matin, par contre ils ont bien été recensés par la préfecture la semaine passée, pourraient-ils rentrer s’il vous plaît, car on va quand même pas laisser une femme enceinte à ce point dehors, hein ? » On reprendrait presque espoir quand un des messieurs devant la porte (Renseignements généraux ?) finit par accepter d’aller se renseigner.
Puis on commence à être remis très vite dans la réalité quand on entend les policiers ricaner en disant « sympas les Pacéens, ils en récoltent dans la rue et ils nous les amènent maintenant ». On explique au policier que c’est mal de se moquer ainsi des gens qui sont en plus devant lui et qui l’entendent. Et puis de toute façon on laisse tomber, car la personne ne revient et confirme que les migrants qui n’ont pas le papier distribué le matin à Pacé ne seront pas reçus. Même pas les femmes enceintes, et ça c’est vraiment décidément de plus en plus digne.
Bon allez, stop, excusez-moi de ce long message, c’est fou comme la dignité m’en met gros sur la patate aujourd’hui… »
M.

Cinq associations présentes dans les centres de rétention dressent un constat alarmant

L’ASSFAM (association service social familial migrants), France terre d’asile, le Forum réfugiés-Cosi, la Cimade et l’Ordre de Malte sont cinq associations habilitées à être présentes dans les centres de rétention administratives, où elles apportent aux personnes « retenues » (c’est mieux de dire « retenu » que « enfermé »…) un soutien psychologique, et juridique, en leur disant leurs droits. Elles viennent de publier un rapport très complet et très précis sur la situation dans les centres, qu’ils ont analysés un par un. Elles résument dans le communiqué ci-dessous leurs observations, et font part de leurs inquiétudes. Intitulé « Centres et locaux de rétention administrative, rapport 2011 », il analyse aussi bien les conditions matérielles que les conditions psychologique de la rétention.

Le rapport complet est téléchargeable ici.

Rapport 2011 sur les centres et locaux de rétention administrative

UN BILAN CRITIQUE QUI APPELLE UNE REFORME URGENTE

En métropole, un quart des personnes étrangères placées en rétention à compter de juillet 2011 ont été éloignées avant le cinquième jour d’enfermement, c’est-à-dire avant d’avoir pu voir le juge judiciaire. En Outre-mer, le contrôle des juges relève de l’exception. C’est l’un des constats alarmants que dressent les cinq associations présentes en rétention dans leur rapport 2011
Ce deuxième rapport commun apporte, chiffres et témoignages à l’appui, une analyse inédite de l’application de la loi Besson, entrée en vigueur en juillet 2011. Il met en évidence le contournement voire la mise à l’écart des juges au profit du pouvoir de l’administration, des situations de droits bafoués, d’éloignements expéditifs, d’interpellations abusives, d’enfermement inutile qui en devient parfois punitif. Ce constat, sans appel, est plus grave encore en Outre-mer. Durant cette même année 2011, ces pratiques ont été à plusieurs reprises sanctionnées par les plus hautes juridictions françaises et européennes. Pour les personnes enfermées qui ont malgré tout pu exercer des recours, les juridictions nationales ont fréquemment sanctionné des procédures illégales.

Les Roumains et les Tunisiens ont particulièrement été ciblés en 2011, quand bien même les premiers sont des ressortissants de l’Union européenne et les seconds disposaient souvent des documents légalisant leur accès au territoire français. Le rapport révèle que l’éloignement de ces ressortissants permet à l’administration de faire du chiffre beaucoup plus facilement en s’affranchissant largement, une fois encore, du contrôle des juges.

La dernière loi sur l’immigration a donc sophistiqué un peu plus la machine à expulser, réglée pour répondre essentiellement aux objectifs de la politique du chiffre. Or, ce rapport sur les centres et les locaux de rétention administrative démontre les violations des droits toujours plus graves que produit ce dispositif.

Le document s’attache enfin à décrire l’impact sur les personnes enfermées de cette poursuite à tout prix d’objectifs quantitatifs.

Le rapport ne se contente pas de décortiquer un système : il permet de souligner l’urgence d’une réforme profonde des procédures d’éloignement. Selon les promesses de François Hollande et en conformité avec les engagements européens de la France, la rétention administrative doit devenir une exception.

 

ASSFAM
France terre d’asile
Forum réfugiés-Cosi
La Cimade
Ordre de Malte 

Mariage pour tous : la déclaration de François Hollande inquiète

Photo AFP - Sud-Ouest.

La déclaration du président de la République devant le congrès de l’Association des maires de France au sujet de la « clause de conscience » qui pourrait amener un maire à refuser de célébrer lui-même un mariage entre personnes du même sexe a suscité beaucoup d’émois, dans les associations comme dans les partis politiques (lire ici l’interview de Noël Mamère dans Libération), y compris au parti socialiste.

Voici tout d’abord le texte exact de cette déclaration : « Les maires sont des représentants de l’Etat. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Mais, je le dis aussi, vous entendant, des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies, et il y a, toujours, la liberté de conscience. Ma conception de la République vaut pour tous les domaines. Et d’une certaine façon, c’est la laïcité, c’est l’égalité, c’est-à-dire, la loi s’applique pour tous, dans le respect, néanmoins, de la liberté de conscience ».
Cette déclaration est en effet étrange : un maire a déjà la possibilité de refuser de célébrer lui-même un mariage. Et certains ne s’en privent pas. Il a même la possibilité de déléguer, non seulement à un adjoint, mais également à un conseiller municipal. Alors, pourquoi cette déclaration ? Espérons que ce ne sont pas les gesticulations de quelques agités du goupillon qui font frémir le président…
La Ligue des droits de l’Homme est elle aussi inquiète, et vient de publier ce communiqué :
« La Ligue des droits de l’Homme exprime sa consternation après les propos du président de la République sur le mariage pour tous, devant le congrès de l’Association des maires de France (AMF). En avançant l’idée que « le respect des consciences des maires » pourrait justifier un refus de procéder en personne à un mariage, François Hollande apparaît comme faisant une concession aux manifestants de l’ordre moral opposés au projet de loi. A-t-il pris la mesure que, ce faisant, il armait une machine redoutable contre l’égalité des droits ? Dans un État de droit, un maire est au service de la loi et dans notre république laïque, le mariage est un acte civil depuis 1792. L’oublier, ce serait oublier qu’un maire ne marie pas en son nom propre, mais en vertu du mandat qui lui a été confié dans le cadre républicain. Ce serait aussi ouvrir largement la porte à toutes les discriminations. Qui peut prétendre aujourd’hui que des maires ne refuseront pas, au nom de la liberté de conscience, un mariage entre divorcés, un mariage jugé trop « mixte », ou trop « bizarre » ? Ce serait, enfin, instituer une inégalité territoriale devant un acte civil. Pour la Ligue des droits de l’Homme, attachée au principe d’égalité et au projet de loi de mariage pour tous, le changement a besoin de conviction, d’échange public. Il paraît que le courage politique c’est dire ce qu’on va faire et faire ce qu’on dit. Mais le courage n’est pas de le dire, il consiste à le faire ».

Ligue des droits de l’Homme : une campagne sur les droits des enfants dans le sport

Le groupe de travail, « Sport, droits et libertés » a été créé par le Comité central du 12 avril 2012, à la suite d’une orientation du congrès de la Ligue des droits de l’Homme à Reims, en juin 2011.
Après avoir publié une lettre électronique au moment des Jeux olympiques de Londres en juillet (http://www.ldh-france.org/Lettre-electronique-Droits-de-l,4298.html), l’équipe qui s’est constituée autour de Pascal Nicolle, l’animateur de ce groupe, et l’équipe du secrétariat général, Dominique Guibert et Nadia Doghramadjian, a souhaité mettre à son programme de travail une campagne de sensibilisation aux droits des enfants dans le monde sportif.
Cette campagne prend la forme de deux documents qui doivent permettre à la Ligue d’ouvrir un nouveau champ d’action en direction d’un public trop souvent bercé par le soi-disant « apolitisme » du sport :
• une plaquette 3 volets qui sera disponible à la fin du mois de novembre : il s’agit d’une plaquette, financée avec l’aide du ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative, à destination des adolescents. Cette plaquette porte sur les trois formes majeures de discriminations identifiées dans le mode sportif : le sexisme, le racisme et l’homophobie. Cette plaquette rappelle les termes de la Convention internationale des droits de l’enfant, les orientations de la LDH en la matière, et donne des conseils pratiques aux victimes de discriminations ;
• un tract de format A5 recto verso, disponible dès maintenant reproduit ci-dessous, et téléchargeable. Ce tract traite d’un dossier que la Ligue des droits de l’Homme porte depuis trois ans : celui des conditions discriminatoires qu’impose la Fédération française de football (FFF) aux mineurs étrangers pour l’obtention de leurs licences. Après trois ans de batailles juridiques (Défenseur des droits, Cnil…) et de discussions avec la ministre nouvellement nommée et les responsables de cette fédération, seule la mobilisation des amateurs de football peut faire bouger la FFF, véritable État dans l’État, qui se refuse à appliquer les lois françaises et les directives européennes.

Ce tract est doublement d’actualité :
• nous sommes en pleine période de prise en compte des licences dans les clubs et plusieurs centaines de licences de mineurs étrangers sont d’ores et déjà bloquées ;
• la FFF renouvelle ses instances le 15 décembre prochain, et il est important d’indiquer que cette fédération est la dernière à maintenir des dispositions discriminatoires.

Le sport occupe une place essentielle dans la vie associative et constitue pour beaucoup de jeunes un moyen d’entrer dans la citoyenneté et pour tous ses pratiquants un lien social essentiel, un moyen d’intégration et d’épanouissement.

Notre place est donc pleinement sur les terrains de sport !

Un récent sondage TNS SOFRES* vient de rappeler que 82% des sondés s’intéressent au sport et que 7 Français sur 10 sont des sportifs réguliers ou occasionnels.
Les valeurs positives du sport sont avant tout portées par le sport amateur, auquel les Français donnent une place fédératrice dans la société via notamment l’éducation des plus jeunes (51% des Français l’associent particulièrement au sport amateur contre 5% au sport professionnel).
Ainsi, 83% des Français sont d’accord pour dire que le sport participe à la diffusion des valeurs de respect et de partage à l’échelle d’un pays.

*Les détails de ce sondage :
http://www.tns-sofres.com/points-de-vue/66F27168EF7645AB99DB4A47A44B0C80.aspx

Le tract, téléchargeable ici.

La discrim’ hors jeu

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) se mobilise contre toutes les discriminations et pour le respect des droits de tous les humains.
Le sport n’est pas à l’abri : sexisme, racisme, homophobie… sont hors la loi, ils doivent être hors-jeu !

Des centaines de licences de footballeurs mineurs et étrangers sont bloquées…

Depuis 2009, la Fédération française de football (FFF) s’obstine à appliquer, de manière erronée, les dispositions de l’article 19 du Règlement de la Fédération internationale de football association (Fifa), qui porte sur le statut et le transfert des joueurs, afin de lutter contre le trafic des jeunes joueurs dans le monde.

La FFF adapte cet article à la réglementation française de manière discriminatoire. Elle exige de tout enfant non français qu’il justifie de l’identité et de la nationalité de ses parents, de ses liens de filiation avec ceux-ci et de leur résidence en France, ainsi qu’une attestation de sa présence continuelle en France lors des cinq années précédentes.

Cette règle absurde bloque des centaines de licences. Elle est discriminatoire !

Un enfant sans papiers n’existe pas. Il y a simplement des enfants : la Convention internationale des droits de l’enfant rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant prime sur toute autre considération.La Ligue des droits de l’Homme et ses partenaire.

La Ligue de droits de l’Homme et ses partenaires mobilisés contre les discriminations…

Depuis 2009, la Ligue des droits de l’Homme a saisi la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) et le Défenseur des droits. Elle a saisi le procureur de la République du tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan, suite à un dossier de refus de délivrance de licence amateur. Elle a créé un groupe de travail spécialisé. Elle a rencontré le président de la FFF et même la ministre des Sports… sans aucune suite.

D’autres fédérations sportives ont retiré les mentions discriminatoires de leurs règlements. C’est le cas notamment de la Fédération française d’athlétisme, qui a rapidement agi en ce sens.

La Fédération française de football est la dernière fédération sportive qui met en œuvre des mesures discriminatoires. Il est temps que le gouvernement fasse pression pour qu’elle respecte la loi française et les directives européennes.
Parce que nous aimons le sport, parce que nous aimons le football, les droits des enfants doivent être respectés !

Avec la Ligue des droits de l’Homme, défendons l’accès de tous, mineurs, majeurs, Français ou étrangers, à une licence sportive.

Pour défendre le sport pour tous, mobilisons-nous avec la Ligue des droits de l’Homme !

L’association européenne pour la défense des droits de l’Homme (AEDH) publie un rapport sur la situation des Roms en Europe

L’Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l’Homme des pays de l’Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l’Homme (FIDH). Voir son site ici : www.aedh.eu.
Depuis un an, l’AEDH mène une étude de la situation des Roms en Europe. Au mois d’octobre 2012, elle a publié son rapport Les Roms en Europe au 21e siècle : violences, exclusions, précarité, qui dénonce les violences physiques commises par les États européens et les citoyens européens contre les populations Roms.
L’idée de ce rapport a émergé en parallèle à la communication de la Commission européenne du 5 avril 2011, qui lançait un cadre européen de stratégies nationales d’intégration des Roms. Cette initiative de la Commission avait pour but d’inciter les États membres à mettre en place des politiques d’insertion des Roms et de lutte contre les discriminations sociales qu’ils subissent dans quatre domaines particuliers : l’accès à l’éducation, à l’emploi, au logement et à la santé. Mais rien n’avait été prévu dans ce plan d’action pour lutter contre les autres formes de discrimination et de violence que subissent les Roms en Europe.
C’est pourquoi l’AEDH s’est saisie de cette question lors de son assemblée générale à Luxembourg en mai 2011, faisant de la lutte contre le racisme anti-Roms une priorité de son travail, et c’est dans ce cadre qu’ont débuté les recherches sur les formes de violences faites aux Roms en Europe au 21e siècle. L’AEDH a également diffusé des communiqués de presse sur ce sujet à trois reprises : en novembre 2011, en juin 2012, et en septembre 2012. L’AEDH a de plus organisé à Brno (République Tchèque), en avril 2012, un séminaire intitulé Les Roms en Europe
Le rapport « Les Roms en Europe au 21ème siècle : violences, exclusions, précarité » liste les violences faites aux Roms dans les pays de l’Union européenne et dans d’autres États européens (Croatie, Suisse, Norvège, Serbie, etc.). Il se divise en trois parties : les violences d’État contre les Roms, les violences contre les Roms commises par les citoyens, les violences sociales subies par les Roms.
Le but de ce travail est de montrer que les Roms ne sont pas seulement victimes de discriminations sociales mais bien de violences physiques dans tous les pays de l’Union européenne sans exception, et que le racisme anti-Roms est enraciné dans les sociétés européennes.
L’AEDH appelle les institutions européennes et les autorités nationales et locales des États membres de l’Union européenne à d’abord combattre ces violences et ce sentiment xénophobe, tout en luttant pour le respect des droits sociaux des Roms en vue de garantir le succès des « stratégies d’intégration des Roms ».
Le rapport n’est pour l’instant disponible qu’en anglais et en français, il sera traduit dans d’autres langues par la suite.

Affaire Natacha Aussibal : le rapporteur public accable le président de la Cidéral

Jeudi 15 novembre, le tribunal administratif jugeait la suppression du poste de Natacha Aussibal à la pépinière d’entreprise de la Cidéral (communauté de communes de la région de Loudéac). Le jugement, mis en délibéré, sera rendu le 13 décembre. Mais les conclusions du rapporteur public ont été accablantes pour le président de la Cidéral. À tel point que l’avocat de Natacha Aussibal n’a eu que peu de choses à ajouter lorsqu’il est intervenu.

« Obstination », « persistance d’une irrégularité fautive et obstinée », « motif économique (pour justifier la suppression du poste, ndlr) dérisoire », « triste affaire » : le rapporteur public n’a pas mâché ses mots pour donner son avis sur cette affaire.

Au départ, en juillet 2010, le président de la Cidéral révoque Natacha Aussibal, déléguée syndicale CGT, pour manquement à son devoir de réserve par la diffusion d’un tract. Saisi en référé, le tribunal administratif annule la révocation. Le président de la Cidéral réintègre alors Natacha, et la convoque pour un entretien préalable à sa suspension, et saisit le conseil de discipline. Le conseil de discipline conteste la suspension, mais son avis n’est que consultatif. Le président confirme la suspension pour un an. Quelques jours avant l’échéance, il propose au conseil communautaire la suppression du poste de Natacha, pour des raisons « économiques », et place Natacha « hors poste » : elle continuera à percevoir son salaire, mais ne travaillera pas. Une situation qu’elle vit naturellement très mal.

Le tribunal administratif était donc saisi sur cette suppression de poste, dont tout le monde a bien compris qu’il s’agissait d’une manœuvre pour écarter une déléguée syndicale.

Le rapporteur public a souligné le caractère « dérisoire » du motif invoqué pour supprimer le poste, et rappelé que deux conseillers communautaires s’étaient étonnés d’entendre ce motif « tomber du ciel » alors qu’aucune alerte n’avait été lancée auparavant.

Le défenseur des droits a jugé qu’il y avait eu « discrimination syndicale » et « harcèlement »

Il a également rappelé l’avis donné par le Défenseur des droits. Le remplaçant de la Halde (haute autorité de lutte contre les dicriminations et pour l’égalité) avait en effet été saisi, et avait considéré que, suspendue, Natacha Aussibal avait été victime d’une « discrimination suyndicale», et de « harcèlement ». Et il préconisait la réintégration de la fonctionnaire. Comme il l’avait fait après le jugement du Tribunal administratif, et l’avis du conseil de discipline, le président n’a tenu aucun compte de l’avis du défenseur des droits.

Le rapporteur public a également longuement insisté sur le harcèlement dont a été victime Natacha Aussibal, allant jusqu’à qualifier les agissements du président de la Cidéral de « persistance fautive et obstinée ».

Sa conclusion est sévère : il demande que le tribunal réintègre Natacha Aussibal à compter de décembre 2010 (avec astreinte financière), et lui accorde 10000€ d’indemnité pour le préjudice moral qu’elle a subi. Il ne s’agit bien entendu que des conclusions du rapporteur public, dont le tribunal tiendra compte ou pas.

L’avocat de Natacha Aussibal n’a eu qu’à confirmer tout ce qu’a dit le rapporteur public, et a lui aussi demandé sa réintégration et son indemnisation au titre du préjudice moral.

Le président a donc mis le jugement en délibéré : il sera rendu le 13 décembre.

Mariage pour tous, c’est parti : rejet par l’assemblée nationale d’une motion de l’UMP

Le mariage pour tous est sur les rails : l’assemblée nationale a rejeté, ce mardi 13 novembre, une motion présentée par l’UMP réclamant la constitution d’une commission spéciale chargée d’étudier le projet. En fait une manoeuvre pour retarder le vote de la loi. La motion de l’UMP a été rejetée par 307 voix (l’ensemble de la gauche) contre 207 (l’UMP et l’UDI). Le texte adopté en conseil des ministres est donc désormais entre les mains de la commission des lois.

La motion a été présentée par Christian Jacob, président du groupe UMP à l’assemblée, qui a précisé que son parti n’appelle pas officiellement ses adhérents à participer à la manifestation  prévue samedi contre le mariage pour tous, en raison de la campagne électorale interne à l’UMP pour l’élection de son président qui aura lieu dimanche 18. Mais il ajoute : « tous ceux qui souhaitent y aller seront les bienvenus ».

Un pétition raciste demande la suppression de la prime de Noël pour les musulmans…

Ajout du 18 décembre 2012 : la pétition annulée.

C’est signé « Manoury ». Manoury, c’est le patronyme d’un élu front national du conseil régional de Lorraine (lire ici). Rien ne prouve que Jean-Luc Manoury soit l’auteur de cette pétition mise en ligne le 4 novembre : il n’y en a aucune trace sur son blog.

S’il en est l’auteur, il n’a en effet pas de raison particulière d’en être fier. Cette pétition demande que la caisse d’allocations familiales cesse de verser la « prime de Noël » aux musulmans. Rien que ça.

Mais ça n’est évidemment pas du racisme ! L’auteur s’en défend : « Ce n’est pas une initiative raciste mais tout simplement un acte de bon sens et de solidarité envers mes compatriotes qui souffrent de plus en plus du chômage et de la misère grandissante ». Si le titre de la pétition en limite la portée aux musulmans, le texte l’élargit : « La CAF verse une prime de Noël à des allocataires opposés au Christianisme. Les musulmans, les juifs, Bouddhistes… ne la fêtent en aucune manière donc pourquoi leur verser cette somme alors qu’ils ne feront aucune dépense pour cette fête ». L’auteur ne maîtrise pas parfaitement la typographie : pourquoi une majuscule à « christianisme » et à « boudhiste », et pas à « musulmans » ni à « juifs » ?

Ne mégotons pas. Cette pétition part d’un bon sentiment mais elle laisse un goût d’inachevé : et les athées, comme le rappelle à juste titre Jégoun, dans son blog ? et les agnostiques ? Quant aux « vrais » chrétiens, comment les reconnaître ? Une solution consisterait bien à ne verser cette prime que sur présentation d’un certificat de baptême. Mais ceci ne garantit évidemment pas l’assiduité de son titulaire à la sainte messe ! Il faudrait donc instaurer un système de certificat de présence, avec obligation de présenter un motif sérieux en cas d’absence à la messe.

Par ailleurs, pourquoi ces païens profitent-ils des jours de congés liés aux fêtes catholiques ? Au boulot les gars ! Réquisitionnés !

Décidément M. Manoury, vous êtes un petit joueur.

Une dernière chose. L’auteur de la pétition la signe à peine : on ne peut pas l’identifier à coup sûr. Curieusement, c’est également le cas de nombreux signataires : sur 503 signatures, lundi 5 à 13h30, 163 sont anonymes ! 32,4% de lâches ! Ou alors, auraient-ils honte d’avoir signé ?

 

Contrôles au faciès : « ne pas renoncer à agir ! »

Alors que le ministre de l’intérieur annonce l’abandon du projet de récépissé délivré par les policiers après un contrôle d’identité, de nombreuses voix s’élèvent pour en réclamer au moins l’expérimentation. La Lettre d’information n°87 datée du 2 novembre, publiée par la Ligue des droits de l’Homme y consacre un dossier. Parmi les articles qu’il rassemble, en voici un signé par Xavier Gadrat, secrétaire général du syndicat de la magistrature, et qui appelle à « ne pas renoncer à agir » contre les contrôles au faciès. Par ailleurs, la pétition initiée par la LDH et le collectif « Stop le contrôle au faciès » http://stoplecontroleaufacies.fr/slcaf/ afin de mettre un terme aux contrôles au faciès grâce à la mise en place de la politique du reçu de contrôle d’identitén est toujours d’actualité.
Pour signer la pétition, lettre ouverte au Premier ministre.

Ne pas renoncer à agir !

Déjà en 2001, le Syndicat de la magistrature – dans son ouvrage « Vos papiers ! » – dénonçait la multiplication insupportable des « contrôles d’identité au faciès », ce qui lui valut les foudres des syndicats de police et du ministre de l’intérieur, Daniel Vaillant. Quelque dix années et de nombreuses études plus tard, nul ne peut désormais contester ces abus.

Même le candidat François Hollande en paraissait convaincu en s’engageant, dans son programme, « à lutter contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité » par la mise en place « d’une procédure mieux encadrée, respectueuse des citoyens ». Dès le 1er juin, le Premier ministre annonçait d’ailleurs que bientôt les policiers remettraient un reçu lors des contrôles d’identité, et ce afin de lutter contre toute pratique discriminatoire.

Mais le ministre de l’intérieur, particulièrement soucieux de ménager la susceptibilité des syndicats de police dont certains criaient déjà au « discrédit sur l’honnêteté morale des policiers », manifestait rapidement des velléités d’enterrer cette promesse ce que confirmait son discours du 19 septembre aux cadres de la police et de la gendarmerie. La remise d’un reçu serait ainsi « trop complexe à mettre en place », manifesterait « une défiance » envers les forces de l’ordre et pourrait même être « contraire aux règles sur les fichiers »… Et la fin (officielle) du tutoiement, le rétablissement du numéro de matricule sur les uniformes des agents, voire l’installation de caméras-boutons sur ces mêmes uniformes (!) représenteraient autant d’alternatives « miraculeuses » répondant à l’engagement du Président de la République.

Quant au rapport du défenseur des droits, confirmant la nécessité d’une réforme, il ne semble pas avoir convaincu le gouvernement d’agir …

La question est pourtant trop importante pour la traiter par le mépris et trop sérieuse pour que l’on se satisfasse de simples rappels à la déontologie ou de gadgets vestimentaires !

Il s’agit en effet de mettre fin au dévoiement de cette procédure qui conduit certaines personnes à voir leur identité contrôlée plusieurs fois par semaine (voire par jour !) par les mêmes fonctionnaires de police – probablement amnésiques… Il s’agit de faire cesser des pratiques discriminatoires objectivées notamment par une étude menée en 2009 par des chercheurs du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), étude qui révèle que les personnes perçues comme « arabes » ou « noires » ont 7 ou 10 fois plus de risque d’être contrôlées que celles perçues comme « blanches ».

La disparition de ces pratiques malheureusement banalisées par l’élargissement, sans aucun contrôle, des conditions d’exercice des contrôles d’identité passera nécessairement par leur limitation aux stricts impératifs de lutte contre la délinquance et par un contrôle rigoureux de cet usage.

Cet objectif se satisfait pleinement du champ déjà très large du contrôle d’identité dit « judiciaire » qui suppose l’existence de simples « raisons plausibles de soupçonner » que la personne « a commis ou tenté de commettre une infraction, se prépare à commettre un crime ou un délit, est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ou fait l’objet de recherches ordonnées par l’autorité judiciaire ».

On peut donc sereinement envisager, sans mettre en danger la sécurité de nos concitoyens, la suppression des contrôles dits « administratifs » – permettant le contrôle de toute personne, quel que soit son comportement, pour « prévenir une atteinte à l’ordre public » –, des contrôles sur réquisitions du procureur de la République ainsi que des contrôles dits « Schengen » qui sont, sans conteste, le principal vecteur des pratiques discriminatoires constatées. De fait, ces contrôles ont pour l’essentiel servi la politique de « chasse aux étrangers ».

Leur suppression apparaît seule de nature à en réduire substantiellement le nombre ; elle n’est pour autant pas suffisante : une trace matérielle doit subsister à la suite de chaque contrôle pour s’assurer de leurs motifs objectifs, circonstanciés et se référant aux critères définis par la loi. La délivrance d’un récépissé trouve ici sa place et n’est pas incompatible avec la législation sur les fichiers si l’exemplaire conservé par les forces de l’ordre ne porte pas de données nominatives mais un simple numéro d’identification, comme cela a été suggéré par certaines associations.

N’en déplaise enfin à M. Valls, la mise en œuvre d’un contrôle sur l’activité d’une institution, dans une société démocratique, loin d’être une mesure de défiance insupportable, est de nature à renforcer la confiance des citoyens dans cette institution. Plus certainement, mettre fin à ces pratiques – qui apparaissent comme une des principales causes de la dégradation des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre – pourrait participer au rétablissement d’un indispensable dialogue.

Il est donc plus que temps de sortir de cette situation, contraire aux principes démocratiques, et source d’une profonde révolte : mobilisons-nous !

Xavier Gadrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature