Journée mondiale du refus de la misère à Loudéac (22) : conférence passionnante de Michel Miné

Michel Miné, à gauche, et Daniel Bessonnat, modérateur, à droite.

Organisée par le conseil général des Cötes d’Armor, la version loudéacienne de la journée mondiale du refus de la misère s’est déroulée en deux temps.

Jeudi 17 octobre, Michel Miné, responsable avec Nadia Doghramadjian du groupe de travail sur les discriminations à la Ligue des droits de l’Homme a traité de la reconnaissance de la discrimination basée sur la misère, au cours d’une conférence passionnante qui, malgré un auditoire qui aurait mérité d’être plus nombeux, a soulevé de nombreuses questions. Michel Miné, après avoir montré la complexité du problème, a insisté sur un outil trop rarement utilisé pour défendre les droits : le droit européen, qui peut dans de nombreuses situations, pallier les insuffisances du droit national, y compris dans des situations de discriminations basées sur l’origine ou la condition sociales. La vidéo de la conférence sera mise en ligne sur ce site en début de semaine prochaine.

Vendredi midi 18 octobre, c’est une soupe partagée qui a rassemblée le public. Servie par des élèves du lycée Xavier-Grall et de la maison familiale au foyer municipal de Loudéac, elle a été l’occasion pour les associations partenaires de l’opération d’exposer leurs documents et travaux, et d’échanger. Le puzzle réalisé par la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme a une fois encore rencontré un vif succès.

 

Léonarda : l’expulsion de trop ?

L’expulsion de trop ? en tous cas, l’expulsion de la jeune lycéenne Léonarda Dibrani vers le Kosovo continue de soulever indignation et colère un peu partout : dans les associations de soutien aux demandeurs d’asile, évidemment, mais aussi jusqu’au parti socialiste, qui jusqu’ici, soutenait le ministre de l’intérieur dans tous ses errements. Et aujourd’hui, ce sont les lycéens qui se mobilisent pour faire revenir leur camarade. La Ligue des droits de l’Homme vient d’ailleurs de leur apporter son soutien avec un communiqué publié en début d’après-midi (lire en fin d’article).

Survenant après les deux drames successifs de Lampedusa (plusieurs centaines de demandeurs d’asiles morts pendant une traversée), l’histoire de Léonarda réunit effectivement tous les ingrédients pour soulever cette indignation. Et ce ne sont pas les déclarations du ministre qui affirme que tout s’est déroulé avec « humanité »… cela fait un peu penser, toutes proportions gardées,  au récit de l’exécution du dernier condamné à mort par une magistrate qui y a assisté :  elle raconte que, le condamné, à quelques secondes de la mort, demandant une troisième cigarette, le boureau répond « On a déjà été très bienveillants avec lui, très humains, maintenant il faut en finir », avant de l’exécuter, avec humanité évidement. Et cela fait aussi penser à la réponse de l’Europe aux drames de Lampédusa : sa seule préoccupation reste la sécurité des frontières.

On annonce une enquête administrative pour définir les responsabilités dans cette affaire. Il s’agira sans doute de trouver un fusible, en la personne d’un policier un peu zélé. Mais le véritable responsable de ce scandale, on le connaît : c’est le ministre, qui, même s’il n’a pas piloté personnellement la procédure qui a conduit à l’expulsion de la jeune fille, a créé par ses déclarations successives les conditions qui ont permis que cela se déroule ainsi. N’oublions pas que Leonarda n’est pas seulement étrangère : elle est aussi Rom…

Un blogueur, François Delapierre, rappelle très opportunément les déclarations de M. Valls dans un livre qu’il a écrit en 2008 : « Le jour où j’accepterai qu’on piège des sans-papiers pour les virer de chez nous (…) je serai foutu. Il faudra mieux que je fasse autre chose.  » « Et la droite c’est quoi ? C’est la saloperie qui consiste à convoquer un mec pour le piéger ? C’est cela incontestablement. Oui c’est une vision assez cynique de ce que peut être le rôle de l’Etat. Ça, c’est la droite. »

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme :

Arrêter la Valls des expulsion

La Ligue des droits de l’Homme salue la mobilisation des lycéens qui manifestent aujourd’hui en France, en soutien à Leonarda Dibrani et Khatchik Kachatryan, et se tient résolument à leurs côtés.

Devant l’interpellation de collégiens ou lycéens étrangers dans leur environnement scolaire, la LDH réaffirme le droit à la scolarité et à la vie en famille des jeunes étrangers.

La LDH le répète : il est temps de rompre avec les politiques migratoires du passé, politiques qui piétinent des droits fondamentaux, tel le droit à l’éducation, politiques qui nourrissent les discriminations et les discours de haines racistes.

Il est grand temps que le gouvernement rompe avec ces politiques du passé, pour faire respecter les droits des mineurs isolés étrangers, des enfants scolarisés, des familles, des travailleurs étrangers, afin de faire vivre la solidarité et la fraternité.

L’avis de la CNCDH sur les discriminations fondées sur les précarités sociales

Le thème de la journée mondiale contre la misère est cette année « vers un monde sans discrimination ». Et le titre de la conférence que les organisateurs de la manifestation loudéacienne est : « la reconnaissance de la discrimination de la pauvreté : une utopie ? »

Cette conférence va être assurée par Michel Miné, responsable du groupe de travail « discriminations » de la Ligue des droits de l’Homme. C’est à ce titre qu’il a été auditionné par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH).

Il se trouve que cette commission, qui émet des avis et des recommandations à l’intention du gouvernement, a publié récemment un texte essentiel intitulé « Avis sur les discriminations fondées sur la précarité sociale » : nous sommes « en plein » dans le sujet.

Et la CNCDH situe clairement, dès le deuxième paragraphe, le problème. Elle y écrit : « La Commission nationale consultative des droits de l’homme, attachée au respect des droits économiques, sociaux et culturels, considère qu‘il est primordial de lutter contre toutes les formes de discriminations. Dans un ouvrage publié conjointement avec le mouvement ATD Quart Monde en 1993, la CNCDH soulignait déjà que « certaines personnes sont victimes d’une discrimination caractérisée quand tout à la fois la responsabilité de leur situation leur est imputée, leur passé de misère et d’exclusion leur est reproché, leur parole est discréditée, leurs entreprises ou leurs comportements sont dénigres du seul fait qu‘ils apparaissent comme des individus sans statut reconnu ni représentation agréée. (…) Cette discrimination sociale et politique génère chez ceux qui la subissent des sentiments de honte, de culpabilité et de souffrance de ne pas être considères à Egalite avec les autres êtres humains de leur propre société. Elle cultive chez ceux qui la reproduisent, même de façon passive, une banalisation du mépris ou de l’indifférence à l’encontre des plus pauvres ».

Ce texte, dense et riche, est une parfaite introduction à la conférence que Michel Miné donnera demain jeudi 17 octobre, à 18h30, salle Malivel, à Loudéac. Le problème ne date pas d’aujourd’hui : déjà, il y a 20 ans, la CNCDH publiait un ouvrage sur ce sujet, en collaboration avec l’association ATD quart monde, qui est à l’origine de la journée mondiale du refus de la misère !

Le texte intégral est téléchargeable ici.

 

 

Journée du refus de la misère : conférence de Michel Miné, de la Ligue des droits de l’Homme, à Loudéac, jeudi 17

Le conseil général des Côtes d’Armor a décidé de marquer la journée mondiale du refus de la misère, initiée par ATD Quart Monde, par une série de manifestations. À Loudéac, il a sollicité la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme, pour organiser une conférence sur thème « La reconnaissance de la discrimination de la pauvreté, une utopie ? » Un sujet en relation directe avec le thème de l’année, qui est « vers un monde sans discrimination ». Nous avons sollicité un spécialiste de cette thématique : Michel Miné, qui est membre du comité central de la LDH, et surtout co-responsable du groupe de travail sur les discriminations à la Ligue. Il donnera donc une conférence jeudi 17 octobre, à 18h30, salle Malivel, à Loudéac.

Le lendemain, vendredi 18 octobre, ce sera la soupe partagée, qui sera servie au foyer municipal de Loudéac. Elle sera suivie d’une « scène ouverte », au cours de laquelle les associations partenaires de l’opération pourront tenir leurs stands et présenter leurs actions au public. Le stand de la section Loudéac centre Bretagne sera un lieu d’échange où le public pourra rencontrer les militants de la section et s’informer sur nos actions.

Vous trouverez ci-dessous un texte de Michel Miné intitulé « Egalité et non-discrimination, quelques repères pour penser et agir », dans lequel il marque clairement la singularité du concept de « discrimination », qui n’est pas toujours utilisé à bon escient.

Égalité et non-discrimination, quelques repères pour penser et agir

Des travaux menés ces dernières années par des Ligueurs/Ligueuses avaient déjà apporté des éléments importants de repères pour préciser la position de la LDH à l’égard de la problématique des discriminations (« Lutte contre les discriminations, le piège des mots », 2005). Il convient aujourd’hui, dans un contexte mouvant, de rappeler des principes pour surmonter des confusions.

En France, le paradigme de la discrimination est arrivé tardivement et récemment, à la fin des années 1990. Depuis, dans un mouvement de balancier, il tend à occuper tout l’espace public et à absorber tous les sujets. Dès qu’une injustice se produit elle est qualifiée de discrimination.

Cette situation est porteuse de graves dérives : elle tend à faire oublier la règle commune, c’est-à-dire le principe républicain d’égalité et l’action pour la justice, en particulier la justice sociale. Elle est de nature à favoriser un éclatement du droit commun et une balkanisation des droits, chaque porte-parole de groupe s’estimant discriminé revendiquant alors des droits spécifiques, « identitaires », ignorant les situations des autres et le bien commun ; le libéralisme concurrentiel intégrant très bien ces démarches.

Sont en jeu ici la conception de la Cité et du contrat social. Le combat pour l’égalité dans une République « sociale » est essentiel pour toutes et tous, pour chacun-e et pour le bien commun. Les règles de non-discrimination sont à penser comme un complément au principe d’égalité, pas comme un substitut. Ce sont des ressources supplémentaires pour nommer et pour voir des inégalités que le principe d’égalité saisissait mal.

Par conséquent, il convient, tâche complexe, de penser l’articulation entre le principe d’égalité et les règles de non-discrimination. Toute rupture d’égalité, toute inégalité injustifiée, toute injustice, est à combattre. Cependant, toute rupture d’égalité, toute inégalité injustifiée, toute injustice, n’est pas une discrimination. Une discrimination est une atteinte particulière à l’égalité, qu’il est nécessaire d’identifier et de combattre de façon spécifique. Une discrimination est une violation des droits de l’Homme. Il s’agit d’un traitement défavorable, injustifié, en lien avec une ou plusieurs caractéristiques concernant l’être ou l’agir de personnes (leur sexe/genre, origine sociale, « appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race », religion, handicap, état de santé, apparence physique, orientation sexuelle, identité sexuelle, âge, activités syndicales, opinions politiques,…). La liste évolutive des critères retenus révèle les valeurs de la société.

Il est nécessaire de réfléchir à l’articulation entre droit commun et droits spécifiques. Le principe d’égalité n’exige pas l’uniformité. D’une part, des règles et des pratiques présentées comme communes et neutres sont à interroger au regard de leurs effets discriminatoires. D’autre part, le principe d’égalité implique la possibilité pour chacun-e d’exercer sa liberté d’être autrement ; des droits particuliers au regard de spécificités, des « aménagements raisonnables », sont à reconnaître. Il s’agit d’articuler « droit à l’indifférence » et « droit à la différence » : la demande de ne pas être discriminé et d’être traité comme les autres, avec la demande, en tension, qui coexiste, parfois formulé par les mêmes personnes/groupes, de la prise en compte de situations/demandes particulières. Entre l’uniformité et le multiculturalisme, le modèle universaliste d’égalité demeure à développer avec l’apport de la non-discrimination.

Les processus discriminatoires sont souvent cachés. La discrimination va bien au-delà de l’oppression d’une personne par une autre. Elle relève de mécanismes (institutionnels, juridiques, économiques, sociologiques, etc.), qui peuvent ne pas être intentionnels. Ainsi, l’action contre la discrimination raciale, la discrimination sexuelle, les discriminations liées à l’orientation sexuelle, au handicap, etc. vont au-delà de la lutte contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, l’handiphobie, etc. Ces différents terrains d’investissement, contre l’exploitation et la domination, sont tous nécessaires, dans cette période où la crise économique, sociale et culturelle renforce le rejet de l’Autre, mais ils ne doivent pas être confondus.

L’action pour l’égalité et contre les discriminations ne peut se confondre, comme la LDH l’a déjà dit, avec « la promotion de la diversité ». Cette politique de « gestion des ressources humaines » mise en œuvre par de grandes entreprises, notamment pour capter les talents de jeunes discriminés et pour améliorer leur image, tend à influencer de façon grandissante et fort critiquable les politiques publiques. Des actions au bénéfice de quelques-uns ne peuvent autoriser à abandonner le grand nombre.

Propos non politiquement corrects à verser à la réflexion : tous les acteurs ne sont pas favorables à l’action contre les discriminations ; il en est ainsi de bénéficiaires des discriminations aujourd’hui et, par ailleurs, d’acteurs publics inquiets face aux bouleversements qu’entraîne l’exigence de non-discrimination. Des individus discriminés produisent de la discrimination à l’encontre d’autres individus discriminés…

Ce travail de réflexion pour mettre l’action contre les discriminations à sa juste place est à poursuivre, notamment dans le cadre du groupe « Discriminations » en lien avec les autres groupes concernés. Ce travail devra déboucher sur des actions de formation en vue d’aider à l’action sur le terrain et à la réponse à de nombreuses et complexes questions, la pensée déterminant la pratique. Les règles de non-discrimination n’en sont qu’ « au début du commencement » de leur mise en œuvre…

Le 19 février 2013, Michel Miné (co-responsable avec Nadia Doghramadjian du groupe « Discriminations »).

Député honoraire et fils de Manouche, les propos du ministre lui donnent la nausée, il demande sa démission

 

Jean-Claude Lefort est également président de l'association France Palestine Amitié Solidarit

Additif, 4 octobre : Jean-Claude Le Fort lance une pétition pour demander la démission de Manuel Valls. Lire et signer ici.

Jean-Claude Le Fort a été député du Val de Marne de 1988 à 2007. Rien que de très banal, sauf que Jean-Claude Le Fort a une histoire personnelle originale : il est fils de Manouche. Alors, quand il entend les propos odieux de Manuel Vals, lui-même fils de réfugié espagnol, il a « nausée », reconnaît-il. Et il prend la plume pour s’adresser au ministre, via une tribune publiée dans l’Humanité. Il me pardonnera – et le journal l’Humanité aussi – de la publier sur ce site sans avoir eu la possibilité de lui en demander l’autorisation : ce beau texte doit être diffusé le plus largement possible.

Manuel, souviens-t-en…

Manuel, tu as déclaré́ hier soir, sur BFMTV, que la situation était très différente pour toi, relativement à celle des Roms, car ta famille espagnole était venue en France pour fuir le franquisme.

Tu as été naturalisé français en 1982. Franco est mort en 1975. Sept ans avant ta naturalisation. Quand tu es devenu français, il n’y avait donc plus de dictature en Espagne. Tu avais donc « vocation », selon tes mots, à retourner dans ton pays de naissance, en Espagne. Tu ne l’as pas fait et je comprends parfaitement, de même que je comprends totalement ton souhait de devenir français. Cela sans l’ombre d’un doute.

Tu avais « vocation » à retourner à Barcelone, en Espagne où tu es né, pour reprendre tes propos qui concernaient uniquement les Roms. Celui qui t’écrit, en ce moment, est un Français d’origine manouche par son père. Mon père, manouche et français, est allé en 1936 en Espagne pour combattre le franquisme, les armes à la main, dans les Brigades internationales. Pour la liberté de ton pays de naissance, et donc celle de ta famille. Il en est mort, Manuel. Des suites des blessures infligées par les franquistes sur le front de la Jarama, en 1937. Je ne te demande aucun remerciement, ni certainement pas la moindre compassion. Je la récuse par avance. Je suis honoré en vérité qu’il ait fait ce choix, quand bien même il a privé ma famille de sa présence alors que je n’avais que neuf ans et ma sœur, dix-huit.

La guerre mondiale est venue. Et les camps nazis se sont aussi ouverts aux Tziganes. Tu le sais. Mais un nombre énorme de Manouches, de Gitans et d’Espagnols se sont engagés dans la Résistance sur le sol français. Ton père aurait pu en être. Il en avait l’âge puisque il est né en 1923. Georges Séguy et d’autres sont entrés en résistance à seize ans. Je ne lui reproche aucunement de ne pas l’avoir fait, bien évidemment. Mais je te demande le respect absolu pour celles et ceux qui se sont engagés dans la Résistance contre le franquisme, puis ensuite contre le nazisme et le fascisme. Contre ceux qui avaient fait Guernica. Et pourtant, à te suivre, ils avaient « vocation » à retourner ou à rester dans leur pays d’origine, ces « étrangers, et nos frères pourtant »…

Manuel, « on » a accueilli la Roumanie et la Bulgarie dans l’Union européenne alors que ces pays ne respectaient pas, et ne respectent toujours pas, un des fondamentaux pour devenir ou être membre de l’Union européenne : le respect des minorités nationales. Sensible à cette question pour des raisons évidentes, je m’en étais fortement inquiété à l’époque. En tant que député, je suis allé à Bruxelles, auprès de la Commission, pour prouver et dire que ces pays ne respectaient pas cette clause fondamentale. On m’a souri au nez, figure-toi.

Et aujourd’hui, dans ces pays, la situation des Roms s’est encore aggravée. Pas améliorée, je dis bien « aggravée ». Et ils ont « vocation » à rester dans leurs pays ou à y revenir ? C’est donc, pour toi, une espèce humaine particulière qui pourrait, elle, supporter les brimades, les discriminations et les humiliations de toutes sortes ? Ces pays d’origine ne sont pas des dictatures, c’est certain. Mais ce ne sont pas des démocraties pleines et entières pour autant.

Alors toi, l’Espagnol devenu français, tu ne comprends pas ? Fuir son pays, tu ne comprends pas ? Toi, tu ne comprends pas que personne n’a « vocation » à rester ou revenir dans son pays ? Sauf si tu es adepte de conceptions très spéciales, à savoir que ce qui vaudrait pour un Roumain ne vaudrait pas pour un Espagnol. Tu sais pourtant que le mot « race » va disparaître de nos lois. À juste titre car il n’y a pas de races, juste une espèce humaine. Et les Roms en sont.

La fermeté doit s’exercer là où se trouvent les responsabilités. Pas sur de pauvres individus qui n’en peuvent plus. Savoir accueillir et savoir faire respecter nos lois ne sont pas deux concepts antagoniques. Mais quand on est de gauche, on n’a pas la matraque en guise de cœur.

C’est un Français d’origine manouche qui t’écrit et qui écrit au Français de fraîche date que tu es. C’est un fils de « brigadiste » qui se rappelle à toi. Souviens-t’en : « Celui qui n’a pas de mémoire n’a pas d’avenir. »

Pour l’heure, Manuel, j’ai la nausée. Tes propos me font gerber, même pire. Nos pères auraient donc fait tout ça pour rien ou pour « ça » ?

Ils sont morts pour la France, Manuel. Pour que vive la France. Inclus « ces étrangers, et nos frères pourtant ».

Par Jean-Claude Lefort, Député honoraire, Fils de Manouche.

L’Humanité, Tribune Idées, mardi, 1 octobre 2013.

 

Soutenez Lansana, futur papa menacé d’expulsion !

Communiqué de l’association « Amoureux au ban public » : signez la pétition !

Lansana, de nationalité guinéenne est maintenu au centre de rétention depuis 13 jours alors que sa compagne Matenin, de nationalité française, entre dans son septième mois de grossesse.

Son expulsion du territoire français est imminente, une tentative ayant déjà eu lieu le 2 Octobre 2013, deux mois avant la naissance de leur premier enfant.

Après trois ans de relation amoureuse, Lansana et Matenin découvrent qu’ils vont devenir parents et décident de tout faire pour pouvoir emménager ensemble.

Matenin obtient sa mutation pour Paris et rejoint Lansana dès le mois de mai. En attendant d’obtenir une réponse à sa demande de logement de fonction, ils se trouvent contraints de vivre séparément, hébergés respectivement chez des proches. Les futurs parents se retrouvent tous les jours et préparent ensemble l’arrivée du bébé.

Le 18 septembre, alors qu’il venait de se rendre à la mairie avec Matenin afin d’y reconnaître avec elle leur futur enfant, Lansana, en situation irrégulière, fait l’objet d’un contrôle. Arrêté, il se voit notifier une obligation de Quitter le Territoire Français prise par le Préfet de Paris et se retrouve très vite au centre de rétention de Vincennes.

Lansana est présenté devant le Juge administratif, puis devant le Juge des libertés et de la détention. Rien n’y fait, aucun n’envisage de le libérer ni de l’assigner à résidence.

Avant la naissance de leur enfant, et en l’absence d’un pacs ou d’un mariage, la vie familiale de Lansana et Matenin n’est donc pas reconnue sous prétexte qu’ils ne vivent pas sous le même toit.

Le cas de Lansana n’est pas isolé. La législation française oblige les parents d’enfants français à attendre la naissance de leur enfant pour faire valoir leur droit à un titre de séjour et devenir à ce titre inexpulsable.

L’expulsion de Lansana, à deux mois du terme, priverait une future mère et son enfant de la présence du père lors des dernières semaines de grossesse, au moment de l’accouchement et dans les mois suivants : une demande de visa en tant que parent d’enfant français nécessite la production d’un acte de naissance de l’enfant, et sera soumise à des délais de traitement par les autorités consulaires qui peuvent s’avérer très longs.

Lansana désire rester en France auprès de sa compagne enceinte et souhaite régulariser sa situation sur place. Il a échappé une première fois à une tentative d’expulsion en refusant d’embarquer, d’autres peuvent intervenir à tout moment.

 

 

Boris Le Lay à nouveau condamné !

Marie Gueye

4 mois de prison avec sursis, 15.000€ d’amende. Boris Le Lay, administrateur du site breizatao vient d’apprendre à ses dépens que le mot racisme a le même sens à Quimper et à Brest : il vient d’être une nouvelle fois condamné, cette fois pour les propos inqualifiables qu’il avait tenus à l’occasion de l’élection de Marie Gueye en tant que conseillère générale à Brest. « On a une victime qui est désignée à la vindicte populaire, on explique  que, parce qu’elle est noire, elle est une souillure. Ça, c’est parfaitement inadmissible, c’est de l’injure; inciter les prétendues races à se lever les unes contre les autres, c’est parfaitement inqualifiable », a souligné Me Pierre-Hector Rustique, avocat de Marie Gueye (source, AFP).

Le courageux Le Lay n’était évidemment ni présent ni représenté à l’audience (ce qui ne l’empêche pas de faire la manche pour ses frais d’avocat). Il longtemps bénéficié d’une scandaleuse impunité, réussissant à déjouer les actions judiciaires (il a résidé au Japon, son site est hébergé aux États-Unis, ce qui lui garantit une protection absolue de la Constitution de ce pays).

Le Lay a évidemment fait appel de ce jugement. Il n’en a pas fini avec la justice : le 19 novembre, ce sera le jugement en appe (l’audience vient d’être reportée)l, à Rennes, de sa condamnation de juin 2013 à Quimper, dans deux autres affaires de racisme.

Ce qui va lui permettre de se poser une nouvelle fois en victime du complot juif, maçonnique, communiste, socialiste, j’en passe et des meilleures…

Valeurs actuelles… comme en quarante ?

L’hebdomadaire « valeurs actuelles », qui n’a jamais été un modèle journalistique, ni une référence en matière d’information, s’est fendu, pour son dernier numéro, d’une une abjecte, avec en titre principal, « Roms, l’overdose », et en sous-titres, « le ras-le-bol des Français », puis « assistanat, délinquance : ce qu’on n’a pas le droit de dire ».

Cet hebdomadaire nous a habitués à des une souvent limites, et le site Rue 89 s’est livré à leur analyse depuis le lancement de sa nouvelle formule, en janvier 2013, soit 31 numéros. L’auteur de l’article, le journaliste François Kruq, dresse le prototype de la « bonne une » à la sauce « valeurs actuelles » :

  • « un titre-choc pour hérisser le poil des bien-pensants (« La France barbare » pour lancer la nouvelle formule, « Roms, l’overdose » cette semaine) ;
  • un sous-titre révélant la vérité que ces mêmes bien-pensants veulent ignorer (« Toutes les 24 heures : 13 000 vols, 2 000 agressions, 200 viols » en janvier, un sondage forcément exclusif sur « le ras-le-bol des Français » cette semaine) ;
  • un « appel de une », un de ces petits titres dans un coin de la couverture, évoquant le combat si fédérateur contre le mariage homosexuel (« Vague de fond et mensonge d’Etat » en janvier, « Sur la route avec les Veilleurs » cette semaine). »

(source : l’article de François Kruq, intitulé « ‘Roms, l’overdose’ : imaginez la prochaine couv’ de Valeurs actuelles »)

Puis l’auteur s’efforce de décrypter les 31 unes, d’en analyser le sens profond et d’essayer d’en deviner les motivations : un article passionnant, qui permet de pénétrer à l’intérieur d’un projet politique parfaitement assumé.

Cette une a fort heureusement déclenché une marée de protestations, sur les réseaux sociaux dès mercredi après-midi, puis de la part des appareils politiques et des associations. La Ligue des droits l’Homme a joint sa voix à ce concert de protestation, en publiant en fin d’après-midi, ce jeudi 22 août, le communiqué suivant :

Valeurs actuelles… comme en quarante ?

La Ligue des droits de l’Homme condamne avec la plus grande fermeté l’utilisation par la rédaction de l’hebdomadaire Valeurs actuelles dans la une et le contenu du numéro du 22 août 2013 de termes stigmatisants et injurieux vis-à-vis des Roms. Sous prétexte d’un sondage commandé par le journal à propos des occupations de terrains, Valeurs actuelles s’autorise en première page à stigmatiser l’ensemble des Roms en y accolant les termes « assistanat » et « délinquance ». Elle appelle par ailleurs à une réaction à leur égard puisqu’elle considère leur présence comme provoquant une « overdose ». La rédaction demande au gouvernement une réponse sur cette base. Il s’agit ainsi d’une prise de position raciste, puisque des personnes sont désignées non pas pour ce qu’elles font, mais pour ce qu’elles sont.

Le contenu du journal développe cette idéologie répugnante en qualifiant les Roms de « plaie » et de « fléau », menaçant notre pays d’invasion et justifiant une réaction citoyenne. Par un communiqué de presse, le journal se prétend républicain et soutient défendre avec force les principes fondateurs de notre démocratie. Mais ce cache ne trompera personne. Valeurs actuelles a glissé dans les limbes de l’extrême droite haineuse, appelant à la violence à l’encontre d’individus à raison de leur origine.

 

Une taxe pour les gens du voyage, pas de taxe pour les touristes

Une aired'accueil

Le 8 novembre 2011, la commission des finances de l’Assemblée nationale avait voté à l’unanimité un amendement à la loi de finance 2012, déposé par le député PS Henri Emmanuelli, visant à instaurer une taxe sur les « résidences mobiles terrestres », en clair les mobil homes, utilisés en tant qu’hébergement de loisir.

Henri Emmanuelli justifiait ainsi cette taxe : « Les mobil-homes qui s’entassent dans les zones touristiques, notamment dans les campings, échappent à toutes les règles d’urbanisme et ne sont pas taxés, ce qui pose un vrai problème », déclarait Henri Emmanuelli.

Aussitôt, le lobby de l’hôtellerie de plein air a sorti la grosse artillerie, et ce qui devait arriver arriva : Henri Emmanuelli a retiré son amendement.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une telle taxe existe déjà. Mais d’une part, elle ne concerne que les caravanes et les camping-cars, et, d’autre part, elle ne s’applique que s’il s’agit de la résidence principale. Par conséquent, les mobil homes et bungalows ne sont pas concernés, ni les touristes qui utilisent caravanes ou camping-cars. Les seules personnes concernées sont donc les « gens du voyage ». Son montant : 150€ pour les RMT de moins de 10 ans, 100€ pour les RMT entre 10 et 15 ans, et gratuit au-delà de 15 ans. La taxe est due pour chacune des résidences mobiles du foyer fiscal : une famille qui aurait deux caravanes devrait payer deux fois la taxe.

Cette taxe discriminatoire s’ajoute évidemment aux « droits de place » que les familles doivent régler pour les aires d’accueil. Le tarif pour l’aire d’accueil de Loudéac :

  • Caution : 100€
  • Droit de place : 2€ / jour (douche + chasse d’eau wc inclus)
  • Eau : 2,70€ / m3
  • Electricité : 0,15€ / kwh

Ces tarifs ne paraissent sans doute pas exagérés. Mais il faut tout de même savoir que la gestion de ces aires est la plupart du temps confiée à des sociétés privées, et dans la majorité des cas il s’agit de la société l’Hacienda, qui est une filiale de la Saur, une grosse compagnie de distribution d’eau (c’est le cas à Loudéac). La gestion de ces aires génère un chiffre d’affaire considérable : il s’agit d’un véritable business. La cour des comptes s’est penchée sur ce problème, et le rapport qu’elle a publié est très critique : au sujet des délégations de gestions, il considère qu’ « il en résulte non seulement un recours inapproprié à la délégation de service public mais aussi un risque que les bénéfices dégagés par certains opérateurs ne soient que partiellement justifiés. Un encadrement de la délégation de la gestion et une implication plus forte de l’État et des collectivités apparaissent en conséquence nécessaires ». Le rapport (téléchargeable ici) préconise enfin « d’encadrer les modalités de gestion :

  • fixer par voie réglementaire des règles communes applicables à l’ensemble des conventions de gestion à travers des clauses-type, pour éviter l’existence de dispositions ou de pratiques de gestion abusives ;
  • harmoniser au niveau départemental les règles applicables en matière de durées de séjour et de tarification ».

Il ne semble pas que les conclusions de ce rapport aient été suivies d’effet.

Les préconisations du rapport du préfet Hubert Derache le seront-elles davantage ? L’anthropologue Marc Bordigoni, spécialiste  des Tziganes, en doute, et il soulève une difficulté qui risque d’interdire toute évolution : les élections municipales auront lieu en 2014, soit avant l’application de la loi interdisant le cumul d’un mandat d’éxécutif local avec un mandat de parlementaire. Or 247 députés et 126 sénateurs sont également maires, et 100 députés et 64 sénateurs également présidents d’EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). Le risque est bien entendu que les  « intérêts » de l’élu local dictent leur conduite au parlementaire… (Sources : le site de la section LDH de Toulon, et l’article de Marc Bordigoni dans Libération du 23 juillet dernier).

L’espoir qu’avait fait naître la suppression du carnet de circulation, en octobre 2012, risque de s’évanouir rapidement…

 

France 3, lundi 19 août à 22h55, Liberté, de Tony Gatlif

Le camp de concentration de Tziganes de Montreuil-Bellay (49)

Jacques Sigot s’est battu pendant de longues années pour que le camp d’internement de tziganes de Montreuil-Bellay (49) soit reconnu. C’est aujourd’hui chose faite, et un stèle commémorative y a été érigée. Jacques nous informe que   ce soir, lundi 19 août, France 3 va diffuser le film « Liberté », de Tony Gatlif. Voici ce qu’il en dit :

Ce soir, passe sur France 3, à 22 h 55, un film sur les Tsiganes pendant la Seconde Guerre mondiale. Tony Gatlif, le réalisateur, est parti de 5 lignes d’un témoignage de mon ouvrage sur le camp de Montreuil-Bellay (49) :

Un nomade, chef d’une famille, s’appelait Taloche. C’était un Hongrois, mais il se disait Belge, parce que né en Belgique. Il se procura, lui aussi, un domicile à Cerçay, dans les Deux-Sèvres. Mais il ne s’y installa pas, préférant retourner dans son pays natal. Là, les Allemands l’attrapèrent et l’enfermèrent dans un camp de concentration  où il fut éliminé.

Ça, c’est un témoignage que j’ai recueilli en 1980, publié en 1983 et qu’a utilisé Tony Gatlif. J’ai, par la suite, continué mes recherches et il s’est avéré que le témoignage était assez « fantaisiste », comme souvent les témoignages… J’ai même retrouvé ujne photo de l’homme qui s’appelait en réalité Toloche.

Voici ce que je sais maintenant sur lui après une vingtaine d’années de nouvelles recherches :

http://jacques-sigot.blogspot.fr/2013/06/joseph-toloche-un-interne-du-camp-de.html

Publicité avec extraits du film sur le Net :

http://www.allocine.fr/film/fichefilm-137350/secrets-tournage/

Le film est très très beau !La naissance du projet

Secret de tournage sur Liberté

Tony Gatlif a depuis toujours souhaité évoquer le sort des Roms durant la seconde guerre mondiale : « J’avais envie de faire un film sur l’holocauste des roms depuis que j’ai commencé à faire du cinéma. Mais le sujet me faisait peur. Les Roms que je rencontrais me disaient souvent : « Fais-nous un film sur la déportation des Roms ». Début 2007, participant à un colloque international des Roms à Strasbourg, des jeunes élus roms de la communauté européenne m’ont fait la même demande. Ils me disaient à quel point ils souffraient de ce manque de reconnaissance, de l’ignorance des autres vis-à-vis de leur propre histoire. Je ne voyais pas comment faire ce film, moi qui suis un cinéaste qui aime la liberté de la caméra, comment respecter les règles d’une stricte reconstitution. Et je reculais de peur de mal faire en réalité. Et puis un jour, j’apprends que Jacques Chirac va rendre hommage aux Justes en les réunissant au Panthéon. Je me suis dit : on va enfin savoir si certains Justes ont sauvé des Tsiganes. Malheureusement ils n’étaient pas présents. Je me suis mis à les chercher. J’ai fini par trouver dans un livre de Jacques Sigot, une anecdote de quelques lignes : « Le destin d’un dénommé Tolloche fut particulièrement tragique. Interné à Montreuil-Bellay, il réussit à se faire libérer après avoir acheté, par l’intermédiaire d’un notaire, une petite maison à quelques kilomètres de la ville. Incapable de vivre entre quatre murs, il reprit la route pour retourner dans son pays d’origine, la Belgique. Il fut arrêté dans le Nord et disparut en Pologne avec ses compagnons d’infortune »