Objection de conscience des maires au mariage entre personnes de même sexe : foutaise !

Quelques maires se font en ce moment remarquer par leur refus de célébrer des mariages entre personnes de même sexe dans leur commune. Au nom d’une prétendue « objection de conscience ». On peut tout d’abord noter que l’objection de conscience n’existe, en droit, que dans le domaine militaire, et qu’elle n’a de fait plus d’existence puisque le service national obligatoire n’existe plus. Et elle ne concernait que des personnes refusant d’effectuer leur service militaire, pas des élus chargés d’appliquer les lois. Cette notion n’existe dans aucun autre domaine du droit : ces maires se mettent donc hors la loi en refusant de célébrer ces unions.

Les plus intelligents d’entre eux résoudront facilement le problème en confiant à un adjoint, ou éventuellement, par délégation, à un conseiller municipal, le soin de célébrer ces unions. Les plus obtus feront vraisemblablement tout pour empêcher les unions d’avoir lieu. Certains refuseront sans doute d’enregistrer le dossier, ou de publier les bans… : ceux-là se placeront hors la loi, et pourront être traduits en justice. Pour le moment, les préfets semblent jouer la carte de la conciliation, redoutant sans doute une nouvelle crispation contagieuse.

Un mouvement est en train de se mettre en place. Il est lancé par Jean-Yves Clouet, maire de Mésanger, une commune de 4500 habitants de Loire-Atlantique. Il a adressé un courrier à ses collègues maires, les incitant à le rejoindre le dimanche 7 juillet, place de la Madeleine, à Paris, pour demander une audience au président de la République, à qui il demande d’introduire cette notion d’objection de conscience.

Ses arguments se résument à peu de choses. Il écrit notamment : « Le Ministre de l’intérieur prétend m’imposer, sous peine de prison, d’appliquer une loi qui heurte ma conscience de citoyen et d’élu. Selon la conception du gouvernement, ma conscience n’est pas cette faculté éminente qui distingue l’homme de l’animal, elle n’est qu’un « sentiment » comme un autre. C’est pourquoi il prétend dissocier en moi l’obéissance et la conscience. En me présentant aux élections municipales, je n’ai jamais eu l’intention de mettre ma fonction au service d’intérêts minoritaires et gravement contraires à la conception de la famille que je voulais servir. »

Arguments bien pauvres, qui cachent mal l’idéologie qui les sous-tend, et qui est confirmée par la nature des sites qui relayent cet appel (site d’extrême droite et/ou catholiques  intégristes). Un autre maire s’est illustré également par un refus ce célébrer un mariage : Jean-Michel Colo, maire d’Arcanges, dans les Pyrénées –Atlantiques. Mais sa décision ne fait pas l’unanimité dans son conseil municipal : une conseillère municipale, Arbella d’Arcanges, a démissionné pour protester contre ce refus, non seulement de célébrer, mais aussi de laisser célébrer ce mariage. Elle écrit : «Je me sens trop « libérale » pour vivre cette situation sereinement et en silence avec toi et le reste de l’équipe», (Source, Libération). Elle avait en effet manifesté le souhait de célébrer le mariage avec une autre conseillère.

La Ligue des droits de l’Homme va être vigilante dans ce domaine dans les semaines et les mois qui viennent.

 

Mariam, la fillette qui écrit de la poésie sans papiers…

Les  classes de cours élémentaire de l’école Jean-Giono de Lyon ont remporté le prix du concours « écrits pour la fraternité », organisé chaque année par la Ligue des droits de l’Homme, pour un travail collectif poétique intitulé « Des deux côtés de la fenêtre ».

Le thème du concours était cette année « un toit pour toi, un toit pour nous, un toit pour eux ».

C’est Mariam Mamoï, 10, élève d’une des trois classes, qui est allée à Paris avec sa maman recevoir le prix au nom de ses camarades.

Les problèmes de logement, Mariam les a connus : ses parents sont sans papiers. Ils ont fui l’Azerbaïdjan en 1992 pour l’Ukraine et la Russie d’où ils ont été expulsés, et la famille est arrivée en France le 1er septembre 2010. Sa demande d’asile puis sa demande de titre de séjour ont été tour à tour refusés… Mariam, son frère Atar et leurs parents ont été logés en CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), ont ensuite connu la rue, avant de trouver un bungalow, puis de retourner à la rue… Leur histoire dramatique est racontée par le Réseau éducation sans frontière sur son blog http://blogs.mediapart.fr/blog/resf/300613/mariam-10-ans-enfant-de-sans-papiers-prix-de-poesie-de-la-ldh. Allez la lire !

Pour qu’Arsen et Daphné vivent ensemble sans la crainte d’une expulsion, signez la pétition !

L’association Les amoureux au ban public attire aujourd’hui l’attention sur la situation absurde, et surtout dramatique, d’un couple qui risque d’être brisé par des règlements scandaleux. Elle vient de publier un communiqué (ci-dessous) et a mis une pétition en ligne pour tenter de sauver le couple d’Arsen et Daphné (http://www.amoureuxauban.net/fr/2013/06/25/petition-arsen/).

À Montluçon, Arsen a été interpellé à son domicile en vue d’être expulsé alors qu’il peut, de plein droit, prétendre à la délivrance d’un titre de séjour. L’administration s’obstine à mettre à exécution une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) prononcée 11 mois plus tôt par le Préfet de l’Allier, alors qu’Arsen est désormais inexpulsable.

Le 20 juin 2013, 06h00 du matin. Arsen, arménien, et Daphné, française, sont réveillés par deux agents de police qui se présentent à leur domicile. Arsen est interpellé et immédiatement conduit à l’aéroport de Paris Orly en vue de la mise à exécution d’une OQTF prononcée 11 mois plus tôt. Un vol pour Erevan est prévu à 13h15, dans lequel Arsen refuse d’embarquer. Les policiers reprennent la route, sourds aux questions d’Arsen qui n’a aucune idée d l’endroit où ils l’emmènent. Arsen est finalement reconduit chez lui dans la soirée après avoir passé toute une journée menotté, sans avoir pu ni se désaltérer, ni se nourrir.

Assigné à résidence, il s’enfuit et se cache pour échapper à l’expulsion

Ne renonçant pas à son expulsion, le Préfet de l’Allier a décidé le jour même de prolonger l’assignation à résidence d’Arsen au domicile conjugal pour une durée de 45 jours. Cette mesure d’assignation qui avait été prononcée le 2 mai 2013, impose à Arsen de se présenter tous les jours au commissariat, règle à laquelle il s’est plié pendant près d’un mois et demi.

Pour échapper à une expulsion programmée, Daphné et Arsen décident le 21 juin qu’il doit s’enfuir du domicile conjugal et se cacher.

Arsen dispose d’un droit au séjour au France et son éloignement du territoire français est désormais illégal

En tant que conjoint de français, Arsen doit notamment présenter les justificatifs de six mois de vie commune pour pouvoir déposer une demande de titre de séjour, en application de l’article L.211-2-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et des Demandeurs d’Asile (CESEDA). (Cf. encadré)

Dès le surlendemain de leur mariage, célébré le 12 juin 2012, et sur les conseils de la sous-préfecture, Arsen envoie sa demande par courrier : trop tôt pour obtenir un titre de séjour.

Le 02 juillet 2012, le Préfet de l’Allier rejette donc la demande de titre de séjour et prononce à son encontre une OQTF.

Depuis le mois de décembre 2012, Arsen remplit toutes les conditions pour obtenir un titre de séjour en France. Ce droit au séjour le rend inexpulsable du territoire français. La mise à exécution de l’OQTF prononcée le 2 juillet 2012 serait donc désormais totalement illégale.

Daphné et Arsen, choqués par l’interpellation du 20 juin dernier, par la tentative d’embarquement et découragés par le prolongement de l’assignation à résidence, ont décidé de vivre séparés, sans savoir combien de temps cette situation pourrait durer.

Comme l’illustre la situation d’Arsen et de Daphné, les conditions restrictives posées pour l’accès au séjour des étrangers conjoints de français, et la complexité des règles applicables sont incompatibles avec les exigences du droit au respect de la vie privée et familiale, droit garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Imposer notamment aux étrangers mariés à des citoyen-nes français-es un délai de six mois de vie commune sur le territoire français avant de pouvoir formuler une demande de titre de séjour, revient à l’inviter à rester en situation irrégulière pendant plusieurs mois et peut conduire à l’expulsion de conjoints de français ayant la malchance d’être interpellés avant d’avoir atteint ce délai…

Les amoureux au ban public interpellent le préfet de l’Allier afin que l’abrogation de l’OQTF visant Arsen soit prononcée dans les meilleurs délais et qu’il soit remis à l’intéressé le titre de séjour auquel il a droit.

Ils demandent en outre au ministère de l’Intérieur :

– la régularisation des conjoints de français, sans attendre un délai de six mois de vie commune.

– l’arrêt de l’éloignement des étrangers mariés, pacsés ou en concubinage notoire avec un(e) ressortissant(e) français(e).

 

Marche des fiertés 2013 : s’opposer à l’homophobie, garantir l’égalité des droits

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme

La Ligue des droits de l’Homme apporte son soutien à la Marche des fiertés lesbiennes, gaies, bi et trans, qui se tiendra, le 29 juin 2013, à Paris.

Elle invite chacune et chacun à y participer pour affirmer, ensemble, le refus de l’homophobie, de la haine, de la violence, des discriminations dont sont victimes les femmes et les hommes en raison de leur orientation sexuelle. La loi « Mariage pour tous » a été l’occasion pour nombre de ses opposants de faire l’étalage, d’une part de leur intolérance patriarcale, et d’autre part de leur volonté d’en découdre avec le gouvernement au prétendu nom de la famille française. Et parce que des fantasmes à la violence physique, il n’y a qu’un pas que les groupes des droites extrêmes franchissent toujours, les coups, au sens propre du terme, se sont abattus sur les personnes qui exprimaient leur identité ou leurs droits. Bars gays saccagés, « chasse à l’homo », organisation systématique d’affrontements avec les forces de l’ordre, prise à partie personnelle des parlementaires, débats publics sabotés…

La Ligue des droits de l’Homme a toujours soutenu le droit au mariage pour tous et l’adoption sans considération de l’orientation sexuelle comme des avancées fortes de l’égalité des droits. Il est normal que les enjeux de société fassent débat, que les craintes et les refus s’expriment, et que la protestation s’inscrive dans l’espace public. En revanche, la Ligue des droits de l’Homme appelle à la plus grande vigilance face à cette explosion de violences.

La lutte contre les discriminations doit à la fois s’appuyer sur des sanctions fermes des actes et propos homophobes, sur le soutien aux victimes par l’accès plus large à des lieux d’écoute et de soutien, particulièrement pour les adolescent(e)s et, enfin, sur l’éducation aux différentes sexualités.

Dans de trop nombreux pays du monde, l’homosexualité est encore un délit ou un crime puni de sanction pouvant aller jusqu’à la peine de mort : il est urgent d’obtenir l’abrogation universelle des lois homophobes, conformément à la déclaration présentée aux Nations unies en 2009. La France se doit d’être exemplaire en la matière, en permettant l’accueil des personnes menacées en raison de leur homosexualité ou transsexualité, accompagné d’une véritable politique de l’asile fondée sur les droits de l’Homme.

Comme l’origine, le sexe, l’appartenance religieuse ou encore le handicap, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ne peuvent justifier ni violence, ni rejet. C’est une évidence à défendre chaque jour et partout.

Cette année, en juin 2013, la LDH appelle à participer à la Marche des fiertés qui prend tout son sens de défense de tous les droits.

L’extrême droite n’aime pas qu’on parle de la Résistance

 

Jean Moulin.

Incidents pendant l’hommage à Jean Moulin, vendredi 21 juin à Lyon, provoqués par des anti-mariage pour tous, qui ont notamment sifflé le « chant des partisans »… Le même chant des partisans interdit à Bollène par la maire elle-même… Marie-Claude Bompard est coutumière du fait : elle avait déjà empêché la diffusion de la version chantée de ce chant symbole de la Résistance en 2012, n’autorisant que sa version instrumentale. Il y a dans ce texte des mots qui choquent la maire extrême droite de Bollène qui « consacre » chaque année « sa » ville au sacré cœur de Jésus ! ça ne s’invente pas : elle s’en justifie ici.

Ces incidents lamentables ont au moins un mérite : ils confirment à quel camp appartiennent les opposants au mariage pour tous, et jusqu’où l’extrême droite est capable d’aller.

 

Manifestations des 22 et 23 juin à la mémoire de Clément Méric : appel de la Ligue des droits de l’Homme

A la veille des manifestations d’hommage à Clément Méric, les samedi 22 et dimanche 23 juin, la Ligue des droits de l’Homme publie un communiqué et appelle à participer massivement à ces manifestations.

Le 5 juin, Clément Méric, syndicaliste étudiant et militant antifasciste, a été victime d’un meurtre à Paris, commis à raison de ses convictions politiques. Cet acte, qui s’inscrit dans la suite de trop nombreuses agressions commises par des groupes d’extrême droite, ces derniers mois, est insupportable.

Il confirme tragiquement l’urgence à s’opposer à ces exactions et aux idéologies qui en favorisent, de près ou de loin, la banalisation et le développement. L’explosion de discours haineux à l’encontre des étrangers, des Roms, des musulmans, l’avalanche de propos mensongers et agressifs lors des débats sur le projet de loi du mariage pour tous, témoignent d’une montée de l’intolérance, du racisme et de la peur, dont on sait qu’ils sont facilement instrumentalisés par la violence.

Dans le même temps, confrontée aux difficultés sociales et aux déceptions politiques, une large partie de l’électorat de gauche se réfugie dans l’abstention, renvoyant de fait les partis dos à dos, ce qui favorise les candidats du Front national et incite une partie de la droite dite républicaine à converger avec leurs thématiques.

Il y a urgence à porter un coup d’arrêt à ces calculs dangereux. Il y a urgence à s’opposer à toute politique publique pouvant légitimer, de près ou de loin, des visions xénophobes et racistes. C’est bien en réaffirmant concrètement les droits des citoyens français, des étrangers, des migrants, des Roms et de tous ceux qui sont tenus en lisière des droits fondamentaux, qu’il est possible de rassembler largement contre les périls montants. Car ces droits sont, de façon indivisible, ceux qui fondent la République fraternelle, égale et libre.

C’est sur ces bases que la Ligue des droits de l’Homme appelle les habitants, les résidents, les citoyennes et citoyens à participer aux manifestations qui se tiendront les 22 et 23 juin, à Paris et en France.

 

Association européenne de défense des droits de l’Homme : « Une Europe pour tous les citoyens ! »

L’Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme (AEDH) et ses membres, réunis à Tallinn (Estonie) à l’occasion de l’Assemblée Générale Annuelle de l’AEDH, adoptent la résolution suivante :

Une Europe pour tous les citoyens !

A l’occasion de son assemblée générale réunie à Tallinn le 2 juin 2013, l’AEDH a tenu à examiner des questions sur l’effectivité de la citoyenneté dans l’Union européenne.

En cette année européenne des citoyens, l’AEDH tient à rappeler qu’on ne peut concevoir une Union européenne à 27 et bientôt à 28 réservant la jouissance de  l’ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels aux seuls titulaires de la nationalité d’un État-membre.

L’Union européenne se construisant avec l’apport de ressortissants de pays tiers, ceuxci doivent évidemment pouvoir en bénéficier sur un pied d’égalité. L’AEDH revendique pour eux la citoyenneté de résidence.

À Tallinn, l’AEDH constate avec consternation que l’Union européenne n’a toujours pas marqué de volonté de résoudre la situation indigne de près de 450 000 apatrides, particulièrement nombreux en Estonie et en Lettonie.

Sans nationalité, sans droits civils et politiques, ces citoyens européens sont privés en conséquence de certains droits sociaux. L’AEDH demande à l’UE d’organiser la ratification par ses États membres de tous les textes et conventions internationales relatives à la réduction des cas d’apatridie, notamment: la convention des Nations Unies de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe de 1997 sur la nationalité.

L’AEDH, dans le contexte de la crise économique, s’inquiète des atteintes aux droits économiques et sociaux dans certains pays, singulièrement dans le sud et dans l’est de l’Union. Notre association tient à rappeler que le respect et la promotion des droits sociaux n’est pas une cause de cette crise, mais reste une solution.

L’Assemblée Générale a décidé de porter un ensemble de revendications pour l’égalité des droits auprès des candidats à l’élection européenne de 2014, le Parlement européen étant la seule institution démocratiquement élue et représentative des citoyens européens.

 

« Cause commune » : l’histoire d’une intégration réussie de familles Rroms en Loire Atlantique grâce à la solidarité

« Fin 2009, une quarantaine de familles roms, indésirables à Nantes, tractant des caravanes hors d’âge, arrivent à Indre, une petite commune des bords de Loire.
Dès le lendemain, le maire Jean-Luc Le Drenn décide de mettre un terme à ce qu’il appelle « la politique de la patate chaude », en refusant de les expulser à son tour.
Grâce à l’engagement sans faille d’une poignée de citoyens et d’élus mobilisés par ce combat collectif et politique, les familles resteront 18 mois, avant qu’une solution digne et pérenne soit trouvée » (source : http://www.film-documentaire.fr/Cause_commune.html,film,38148.

On pourrait donc accueillir des familles Rroms dans une commune sans qu’il n’y ait une explosion des vols, des viols, du vandalisme… ? C’est un peu ce qu’a prouvé Jean-Luc Le Drenn, maire d’Indre, commune de 4000 habitants en Loire-Atlantique, et son équipe municipale. Le pari était « gonflé », et l’équipe ne s’y était pas trompé : « on va jouer notre mandat là-dessus », avait lancé comme un défi un conseiller municipal de la majorité.

Le film de Sophie Averty est magnifique. Elle ne disposait que de peu d’images de cette aventure : elle a dû avoir recours à des reconstitutions, à l’animation, à l’utilisation d’archives sonores… Son propos est passionnant : comment des gens qui ne sont pas particulièrement militants, se mobilisent presque spontanément pour s’organiser en collectif de soutien à ces familles (une cinquantaine), et ce pendant des mois et des mois ? La personnalité de Jean-Luc Le Drenn y est naturellement pour beaucoup : ce jeune maire a réussi à fédérer autour de lui à la fois élus et simples citoyens. Sans la moindre démagogie, et avec toute la rigueur que supposait une telle action, il a réussi la première étape de ce combat pour la dignité : les familles Rroms sont aujourd’hui logées dans des mobilhomes, répartis sur plusieurs communes (et ce n’est pas le moindre mérite de Jean-Luc Le Drenn d’avoir réussi à les convaincre !). Mais le travail n’est pas terminé : il le sera lorsque les Rroms auront trouvé des emplois stables et qu’ils auront pu être logés normalement. La municipalité d’Indre poursuit donc le travail.

Le film de Sophie Averty a été retenu dans la sélection du Mois du Documentaire dans les Côtes d’Armor.

On peut voir des extraits du film sur le site de TV Nantes :

http://www.telenantes.com/Documentaire/Documentaires/2013/03/Cause-commune

http://www.telenantes.com/Toute-l-actu/Infos-debats-territoires/CAUSE-COMMUNE-Indre-aux-cotes-des-Roms-0893

et une interview de Sophie Averty ici :

http://www.telenantes.com/A-la-votre-2012-2013-le-forum/2013/03/A-la-votre-2012-2013-le-forum3/Cause-commune-l-histoire-d-un-engagement-aupres-des-roms

P. Tartakowsky : du mariage pour tous aux cartes rebattues à droite

Pierre Tartakowsky a été réélu président de la Ligue des droits de l'Homme par le congrès de Niort.son rapport moral.

Dans l’éditorial qui ouvre le dernier numéro du bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme, son président, Pierre Tartakowsky, revient sur les débats autour du mariage pour tous qui ont occupé tout (ou presque) l’espace médiatique pendant ces derniers mois. Il en tire les leçons, politiques et sociétales.

La célébration du premier mariage entre deux personnes de même sexe à Montpellier aura heureusement marqué la fin d’une mobilisation politique intense autour de l’élargissement d’un droit. Il est, de fait, peu probable qu’une majorité de droite de retour aux affaires ose jamais revenir sur cette avancée et sur des actes d’état civil. Au plan politique pourtant, le sujet va rester présent, comme va prolonger l’onde de choc des mobilisations des droites durant toute la période écoulée.

Revenons sur cette séquence, ses évolutions et ce qu’elles révèlent. Dès le départ, ce sont davantage des acteurs idéologiques que partidaires qui sont à la manœuvre ; la droite classique, mais également le FN apparaissent mal à l’aise sur le mariage pour tous, car divisés et hésitants sur les bénéfices à en tirer. L’UMP est en pleine guerre des chefs et ne compte sans doute pas moins de gays dans ses rangs que le FN, ce qui se résout par une sorte de neutralité agressive, focalisée sur l’adoption et la GPA, laquelle, rappelons-le, ne fait pas partie du projet gouvernemental. Les courants cathos tradis et autres identitaires sont quant à eux franchement homophobes, même avec des approches diverses et nuancées. Tous ces gens se rassemblent sous le drapeau consensuel de la famille et des enfants, lesquels méritent « un papa, une maman ».

Cette mobilisation se nourrit de ce qu’il faut bien appeler un pas de clerc du président de la République, lequel a évoqué une possible objection de conscience des maires appelés à célébrer les mariages gays. Le gouvernement saura rectifier le cap et tenir bon jusqu’au vote de la loi, ce dont il faut se féliciter. Mais cette défaillance énorme – l’état civil n’a rien à voir avec la conscience de qui que ce soit –, qui appelle immédiatement une réaction de l’Inter-LGBT et des associations de défense des droits, est évidemment interprétée comme une hésitation. Et lorsque l’adversaire hésite, il faut augmenter la pression. Les organisations à la manœuvre le font d’autant plus qu’elles bénéficient de l’engagement de l’UMP, Jean-François Copé voyant là l’occasion de marquer sa différence d’avec son rival François Fillon, et d’exprimer sa vraie nature. Cet apport se double de celui d’une véritable galaxie de réseaux, fondations et autres clubs historiquement ancrés à l’extrême droite, et qui voient dans ce mouvement « apolitique » et « populaire » l’occasion rêvée d’échapper à l’ostracisme qui les frappe depuis la Libération et la guerre d’Algérie.

C’est en effet la première fois que ces groupuscules – toutes tendances confondues – peuvent occuper un espace politique partagé avec les droites dites républicaines, en phase avec une partie de l’opinion publique allant bien au-delà des cercles militants habituels, mordant même sur des électeurs de gauche émus et troublés par un sujet qui touche à l’intime. Nicolas Sarkozy a fourni le cadre idéologique à cette parade nuptiale des droites et de leurs extrêmes. Sa défaite, d’autant plus frustrante que courte, a accéléré cette chorégraphie de séduction tout en accentuant son côté dispersé, concurrences internes obligent.

Cette dynamique de concurrence pour le leadership s’est traduite, dans les derniers jours de la mobilisation, par des exclusives, des appels à la violence, et la résurgence d’un vocable utilisant pêle-mêle le vocabulaire des généraux putschistes de l’Algérie française, la dénonciation de la franc-maçonnerie, des appels à la « résistance », le tout en assimilant la police – coupable de s’en prendre à « la France bien élevée » –, à la Gestapo… Cette confusion des termes ne doit rien au hasard mais traduit une stratégie d’effacement, par banalisation, des réalités historiques qui ont battu et stigmatisé ces courants d’idées englués dans la collaboration avec l’occupant nazi.

Au-delà, cette agitation verbale indique une circulation de la pensée réactionnaire, en recherche d’elle-même, et de repositionnements possibles. De fait, elle est passée en peu de temps – toutes organisations confondues – de la stigmatisation des « islamistes » à l’exaltation du peuple de France, puis à la chasse aux homosexuels. Ainsi de la dénonciation d’un ennemi extérieur « infiltré », les droites extrêmes se repositionnent sur la dénonciation et la chasse d’un ennemi « intérieur ». Homo aujourd’hui. Demain…

Cette inquiétante évolution participe d’un élargissement conséquent du champ d’action et de prétention des extrémismes droitiers : d’un vieil ordre racial à un nouvel ordre moral, patriarcal et porteur, hélas, d’illusions de changement. Illusions, car une mobilisation basée sur la ségrégation et la discrimination porte inéluctablement en elle des dynamiques d’exclusion et de violence. Illusions, car loin de répondre aux besoins d’épanouissement et de bien-être des individus, cette mobilisation n’envisage leur avenir qu’au prisme d’allégeances rancies dans un passé mythique.

Reste posée une question essentielle : une recomposition profonde des forces de droite est en cours, dont il n’est pas aisé de dire ce qu’il en résultera, même s’il est certain que ce ne sera bon ni pour les droits, ni pour les libertés, ni pour la démocratie. La société civile, les organisations syndicales, les associations ne peuvent donc évidemment pas se désintéresser de l’enjeu, singulièrement dans la perspective des élections municipales. Nous y reviendrons.

Congrès de Niort : République, diversité territoriale et universalité des droits

Jean-Pierre Dubois au congrès de la LDH à Reims en 2011

Les congrès sont, pour la ligue des droits de l’Homme, l’occasion d’élaborer et de voter des résolitons : il s’agit de textes qui constituent sa ligne politique pour les deux années (l’intervalle entre deux congrès) qui suivent.

C’est ainsi que le congrès de Niort a adopté une résolution intitulée « République, diversité territoriale et universalité des droits ». Un texte qui a une résonnance particulière en Bretagne, où les problèmes linguistiques et culturels font écho à des revendications d’autonomie, voire d’indépendance, que jusqu’ici on la Ligue n’avait pas abordées. Jean-Pierre Dubois (qui a présidé la LDH jusqu’au congrès de Reims en 2011, et qui en est aujourd’hui le président d’honneur), a présenté cette résolution au congrès, en montrant, avec le talent qu’on lui connaît, l’importance de la reconnaissance de cette diversité, pour aboutir à une « identité de résidence », qui pourrait bien être un rempart contre les tentations extrémistes portées par les groupes identitaires et nationalistes qui se manifestent de plus en plus violemment.

Le texte a été adopté par le congrès par une très large majorité : 441 voix pour, 37 contre, et 24 abstentions. Il est reproduit sous la vidéo de l’intervention de Jean-Pierre Dubois. Cliquer sur la miniature pour voir la vidéo (36′). Pour des raisons techniques (son de mauvaise qualité), seules deux des questions posées pendant le débat ont pu être conservées. Cela ne compromet pas la compréhension des réponses de Jean-Pierre Dubois.

 httpv://youtu.be/Iye2T6hFUF4

 Résolution

« République, diversité territoriale et universalité des droits »

La République n’existe pleinement que dans le respect des libertés, de l’égalité et de l’universalité des droits. Toute discrimination, toute assignation des êtres humains en fonction de leurs origines, de leur couleur de peau, de leurs choix de vie ou de leurs opinions la défigure. Aucune singularité, aucun particularisme n’autorise à déroger à ces exigences.

Pour autant, confondre égalité et uniformité, en appeler à l’universalité pour refuser la diversité, c’est combattre ce que l’on prétend défendre, c’est refuser l’égale liberté d’être soi-même qui fonde toute citoyenneté vivante. Parce que l’universel se construit aussi à partir du singulier, parce que les voies vers l’universalité sont multiples, seule la reconnaissance de la diversité permet d’éviter les tentations relativistes et les enfermements identitaires.

Or l’Europe tout entière vit à l’heure d’une crise qui n’est pas que financière et sociale mais aussi politique, démocratique et « identitaire ». Les Etats-Nations semblent à la fois trop petits pour être économiquement efficaces et trop grands pour considérer les demandes de reconnaissance des singularités territorialisées. De surcroît, dans le marché unique, la richesse se concentre là où les productions sont les plus rentables, mais les politiques de solidarité et de redistribution sociale restent menées à l’échelle des Etats et varient donc selon leur richesse. Se développent alors des tentations de replis nationaux ou infra-nationaux, de refus de continuer à partager avec les Etats, territoires ou populations les plus pauvres, ce qui renforce xénophobie, racisme et discriminations.

Le contrat social, la démocratie et le vivre ensemble s’en trouvent écartelés entre d’une part des logiques de « gouvernance » globale à visée « post-démocratique », qui font régresser les droits et privent le citoyen de maîtrise réelle de son avenir, d’autre part des logiques de fragmentation politique croissante qui encouragent de fait les replis identitaires et xénophobes.

Face à ce couple infernal de l’uniformité et de l’ethnicisation, nous défendons à la fois l’universalité des droits, comme condition de l’égalité en dignité et en droits, et la reconnaissance des identités multiples qui font l’humanité ainsi que les singularités territoriales qui font les sociétés. Sans cette double reconnaissance, il n’y a ni liberté authentique, ni égalité réelle, ni respect des peuples, des langues et des cultures.

Tenir les deux bouts de cette chaîne suppose que soit repensée l’articulation des appartenances et des champs de citoyenneté. La citoyenneté, comme la liberté, doit être pensée à la fois comme un tout indivisible et comme un ensemble de droits qui se vivent et se déploient au pluriel : citoyenneté politique mais aussi citoyenneté sociale ; citoyenneté nationale mais aussi citoyenneté européenne, et citoyenneté « territoriale » à chaque niveau d’expression du suffrage universel. Dans la réalité du monde contemporain, la citoyenneté doit se décliner à tous les niveaux d’appartenance à des communautés politiques démocratiquement légitimes. Il lui faut se fonder non plus sur une conception absolue, « exclusive », de la souveraineté des Etats mais sur le droit fondamental, universel et « inclusif », de tout être humain à exercer la citoyenneté là où il réside durablement.

C’est ce qui inspire notre combat pour la « citoyenneté de résidence », au nom de laquelle nous réclamons depuis plus de trente ans, prenant notamment en compte la réalité des migrations et des transformations du monde, le droit de vote et d’éligibilité pour tous les étrangers aux élections locales : on peut être citoyen sans être « national » de l’Etat sur le territoire duquel on réside.

C’est aussi au nom de cette « citoyenneté de résidence » que nous affirmons, plus que jamais, la nécessité de penser l’articulation territoriale de citoyennetés non « exclusives ». Une certaine « tradition républicaine » française de « citoyenneté par arrachement » a trop longtemps refusé de regarder en face la dialectique du singulier et de l’universel. La démocratie ne peut se passer d’expressions collectives des citoyens, de niveaux « intermédiaires » d’exercice de la citoyenneté et de reconnaissance de la diversité des appartenances citoyennes et des communautés citoyennes. Mieux encore, elle en a besoin pour son renouveau.

Au-delà d’une actualité parfois tragique, la Corse témoigne aujourd’hui de cette nécessité, non comme un cas d’espèce mais comme l’un des laboratoires où se joue notre avenir.

En 1991, le Conseil constitutionnel a refusé d’admettre que l’on puisse penser un « peuple corse, composante du peuple français », selon la formule qui avait été choisie par le Parlement de l’époque. Et pourtant, la Corse a constamment été placée en-dehors du droit commun de la République dans des domaines essentiels soumis, sur son territoire, à des régimes d’exception, comme en témoigne notamment le traitement judiciaire qui lui est encore souvent réservé.

En 2003, une révision constitutionnelle a commencé à reconnaître la diversité constitutionnelle des territoires, notamment en créant la catégorie constitutionnelle des « collectivités à statut particulier », dont relèvent depuis lors la Corse et d’autres territoires longtemps situés aux marges de la République. L’échec du référendum du 7 avril 2013, proposant de fusionner région et départements en Alsace, a sanctionné non pas le principe de cette adaptation aux réalités territoriales mais son instrumentalisation idéologique bien loin des aspirations réelles des citoyens. A l’inverse, en affirmant que « La République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité », l’article 72-3 de la Constitution, comme l’évolution des législations applicables outre-mer, témoigne d’une prise de conscience des réalités politiques et culturelles indispensable pour rendre plus effective la démocratie territoriale.

De nouvelles avancées, constitutionnelles et législatives, sont aujourd’hui envisagées dans le cadre de l’« acte III » annoncé de la décentralisation, qui permettraient notamment à la société politique corse de vivre mieux sa singularité au sein de la République. Elles doivent impliquer une définition de l’exercice de la citoyenneté et de certains droits sur la base de la « citoyenneté de résidence », c’est-à-dire de la construction d’une « communauté de destin » par les êtres humains qui y résident durablement, quel que soit leur lieu de naissance ou leur lignage.

Le développement des « communautés de destin » à tous les niveaux de démocratie vivante, du local au planétaire, suppose à la fois la mémoire du passé et la capacité de le dépasser, l’expression des singularités et l’ouverture au monde, la reconnaissance de la liberté d’être soi-même et celle de l’altérité qui nous inscrit ensemble, solidaires, dans l’humanité. A défaut, chaque collectivité, chaque peuple est renvoyé à l’inégalité des ressources, aux logiques d’externalité, de domination et de dépendance mais aussi aux discriminations territoriales (en particulier en matière de droits sociaux et d’accès effectif aux services publics) qui accentuent la fragmentation sociale.

La réussite de ce processus ne va pas de soi ; il se heurte à des pesanteurs historiques, qu’il s’agit d’identifier puis de surmonter et à des injustices qu’il faut combattre. L’égalité, comme le reconnaissent déjà les plus hautes juridictions françaises et européennes, consiste à traiter identiquement les situations identiques mais tout autant à traiter spécifiquement les situations spécifiques. La démocratie – y compris dans ses dimensions conflictuelles – vit de citoyenneté partagée, et la citoyenneté se partage d’abord là où l’on vit.

Certains droits sont d’ores et déjà conditionnés dans leur exercice par la prise en compte du lien entre résidence et citoyenneté, notamment dans le déploiement de la décentralisation (droit de vote lié au domicile, régimes fiscaux différents entre résidences principales et résidences secondaires, etc.). Mais cette prise en compte est insuffisamment assumée et organisée.

Asseoir sur la résidence les conditions d’exercice de certains droits fondamentaux, c’est agir pour une démocratie plus vivante, plus effective, pleinement respectueuse de l’égalité en droits et de la protection des individus et groupes minoritaires, et qui travaille à s’enrichir de la diversité des sociétés, des langues, des cultures et des territoires dans laquelle se déploie la dimension politique de l’humanité. La LDH, attentive à la conciliation de l’universalité des droits et de l’expression légitime des identités démocratiques, considère comme indispensable la reconnaissance du lien entre citoyenneté et résidence et affirme la nécessité de penser l’égalité autrement que dans l’uniformité.