Lundi 11 novembre, à Angers, une manifestation a été organisée pour protester contre l’agresssion raciste dont a été victime Christiane Taubira, ministre de la justice, de la part d’enfants soutenus par leurs parents, le 25 octobre dernier. La manifestation a réuni près de 3000 personnes,
Conduits par la section d’Angers de la Ligue des droits de l’Homme, les manifestants se sont réunis devant le palais de justice où a eu lieu l’agression.
Nadia Doghramadjian, secrétaire générale adjointe de la Ligue des droits de l’Homme, et co-responsable du groupe de travail sur les discriminations, représentait Pierre Tartakowsky, président de la LDH, dont elle a lu l’allocution qu’il avait écrite. A lire ci-dessous.
Allocution de M. Pierre Tartakowsky, Président de la Ligue et des droits de l’Homme, lue par Madame Nadia Doghramadjian, secrétaire générale adjointe, lors du rassemblement qui s’est tenu à Angers le 11 novembre 2013 en présence de plus de 1.500 participants et de nombreux élus.
Mettons la haine hors jeu !
Les agressions répétées, ouvertement et pleinement racistes dont la ministre de la Justice Christiane Taubira a été la cible indiquent clairement que nous avons affaire à une offensive assumée, concertée, froidement haineuse. Elles s’inscrivent en effet dans une trop longue liste de « dérapages » détestables.
Il y a eu cette déclaration hallucinante du député-maire de Cholet, à ce jour toujours membre de l’UDI, à propos des Roms : « Hitler n’en a peut-être pas tué assez ». Il y a eu le maire de Croix, dans le Nord, affirmant qu’il serait aux côtés de l’un de ses administrés s’il « commettait l’irréparable » à l’encontre d’un Rom… Il y a eu ce sénateur confiant à la cantonade qu’il avait « vraiment envie » de tirer sur François Hollande et la répartie du maire de Marseille, lui proposant obligeamment une Kalachnikov…
Ces saillies pseudo humoristiques ou soi-disant « maladroites » alimentent une foule de propos et d’actes de violence et toutes, contribuent à la fragmentation de notre société, tout en nous inscrivant collectivement dans une logique de désignation de boucs émissaires.
Cette remontée sidérante de pratiques et de discours qu’on pensait exorcisés n’est pas sans lien avec les consultations à venir. Mais les ramener à une simple poussée de fièvre préélectorale serait s’aveugler à bon compte et sous-estimer le danger.
Au-delà des femmes, des hommes et des populations prises pour cibles, c’est le débat démocratique qu’on vise, et en plaçant ses valeurs hors-jeu c’est la République qu’on veut atteindre.
Cette tentative d’OPA sur le débat public n’est donc pas que malsaine, elle est criminelle ; le racisme est certes odieux, mais c’est surtout un délit. La panacée de l’exclusion est évidemment un mensonge, mais c’est aussi et surtout, une invitation à la violence.
C’est pourquoi nous affirmons notre solidarité militante et civique avec toutes celles et ceux qui en sont la cible. C’est pourquoi nous en appelons à une réaction ferme de la puissance publique mais aussi de la société civile. Il s’agit de mettre hors jeu tous ceux, toutes celles qui propagent la haine tout en se réclamant de la démocratie. Il revient aux citoyens, aux médias et aux élus de la République d’y contribuer, chacun à sa place, en veillant à la qualité des débats publics, en dénonçant sans complaisance ce qui relève de l’infraction à la loi, de l’incitation à la haine, en rejetant ceux qui investissent et spéculent sur le marché de la peur et de la haine.
Face aux démagogues et à ceux qui font preuve de compréhension à leur égard, la Ligue des droits de l’Homme le réaffirme solennellement : la République n’a d’avenir qu’égale, solidaire et fraternelle.