Breizatao.com : 22500€ et 18 mois de prison avec sursis pour Boris Le Lay

Photo Ouest-France

Le fondateur du sinistre site raciste et antisémite breizatao.com comparaissant devant la justice, lundi 24 juin, à Quimper.

Comparaissait, c’est beaucoup dire : le prévenu, Boris Le Lay, un Rospordinois de 31 ans, était naturellement absent à l’audience. Tout comme son avocat. Courage, fuyons ! à l’image de Le Lay.

L’origine de cette audience : un signalement effectué par la section de Concarneau de la Ligue des droits de l’Homme au procureur de la République de Quimper, après de nombreux articles racistes, discriminatoires, injurieux, calomnieux, diffamatoires, publiés sur le site breizatao. Notamment au sujet de Yannick Martin, ce jeune sonneur finistérien champion de Bretagne de bombarde, qui n’avait pour seul tort que d’être noir.

La Ligue des droits de l’Homme n’était pas seule : 7 parties civiles s’étaient finalement constituées. À la suite de ces signalements, le procureur de la République a retenu plusieurs faits :

  • l’accusation de pédophilie à l’encontre de Bernard Poignant, maire de Quimper, en 2001 ;
  • « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une race ou une religion », au préjudice de Yannick Martin, les 27, 28 et 29 janvier 2011 ;
  • Menaces de violences volontaires avec préméditation à l’encontre de Mona Bras, conseillère régionale et militante à l’Union démocratique bretonne , le 8 février 2011;
  • « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une race ou une religion », à l’encontre des personnes de religion juive, le 30 janvier 2010.

De nombreuses autres provocations auraient pu être retenues, notamment les insanités écrites contre la nouvelle conseillère générale de Brest, noire elle aussi.

Dans cette affaire, le souhait de la Ligue des droits de l’Homme était qu’on ne se contente pas cette fois de fermer le site breizatao.com. Il l’a déjà été à de nombreuses reprises, et chaque fois il est revenu, hébergé par une nouvelle plateforme.

Et la LDH n’est pas déçue !

« L’audience a été longue (de 13H30 à 16H30) avec 7 belles plaidoiries des parties civiles et un procureur qui n’a pas mâché ses mots ! » indique une des parties civiles.
Bilan : 18 mois de prison avec sursis pour Boris Le Lay (sursis parce qu’il n’a pas de casier judiciaire ; le procureur voulait de la prison ferme) .
Boris Le Lay devra verser  5000€ de dommages et intérêts à Yannick Martin, et 1500€ à chacune des autres, Bernard Poignant, Mona Bras, la LICRA , le BNVCA (bureau national  de vigilance contre l’antisémitisme), et la Ligue des droits de l’Homme. Et chacune des parties civiles reçoit 1000€ au titre du code de procédure pénale.
Le Lay était également jugé pour une autre affaire: propos antisémitiques à la suite du décès accidentel d’un président d’association de Saintes, membre du MRAP et de la LDH.
Nouvelle condamnation : 12 mois de prison avec sursis et 1500 € de dommages et intérêts pour les 3 associations et 1000€ au titre du code de procédure pénale. La note est lourde : au total, 22500€, et 18 mois de prison avec sursis.
Le Lay n’en a pas terminé avec la justice : il sera entendu par le tribunal de grande instance de Paris le 12 juillet !

A lire : articles d’Ouest-France, et du Télégramme.

 

 

Agressions d’Argenteuil : de la culture du rejet au passage à l’acte

Depuis plusieurs mois, les agressions à caractère raciste, homophobes, sexistes… se multiplient. Elles se déroulent de plus en plus souvent en plein jour, en pleine rue : les agresseurs n’essayent même plus de se cacher, et opèrent à visage découvert. Décomplexés, on vous dit.

On pourrait disserter des heures, des jours entiers sur les origines de cette violence raciste, homophobe et sexiste. On peut aussi essayer d’imaginer ce qui pourrait sinon l’enrayer, du moins la faire reculer. Le droit de vote aux résidents étrangers extra communautaires fait partie de la panoplie, et il est urgent qu’on le mette en œuvre. Le traitement des jeunes des banlieues en fait partie aussi, et il est temps d’arrêter les effets d’annonce de plans Marchall des banlieues qui ne voient jamais le jour, ou si peu…

La Ligue des droits de l’Homme s’inquiète de ce climat malsain et de cette violence de plus en plus forte. Elle l’exprime dans le communiqué qu’elle vient de publier, et que nous reproduisons ci-dessous.

« Les 20 mai et 13 juin derniers, deux très jeunes femmes se sont plaintes d’avoir été violemment agressées tandis qu’elles portaient un voile à Argenteuil, dans la banlieue parisienne. La seconde, qui était enceinte, a perdu son bébé. Une enquête est en cours pour établir les faits et pour retrouver les agresseurs.

De telles agressions – quels qu’en soient les détails – révèlent la libération d’une violence, à la fois sexiste et raciste, désireuse de passer à l’acte, au grand jour. La culture du rejet de l’autre, supposé étranger, surtout s’il est musulman, la glorification de la force virile et de son usage brutal, le recours aux réflexes nationalistes sur un fond délétère de confusion politique trouvent leurs prolongements dans les actes haineux d’une extrême droite en mal d’affirmation.

Le 11 juin dernier, également à Argenteuil, le contrôle d’identité d’une femme en niqab par la police a dégénéré en scène d’émeute, les témoins présents s’en prenant aux forces de l’ordre, lesquelles ont à leur tour réagi par un usage disproportionné de la force. Quoiqu’on pense de la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public, l’événement et les développements de l’actualité attestent la difficulté pratique et les risques politiques de son application au pied de la lettre.

La Ligue des droits de l’Homme s’inquiète d’une accélération possible de la dynamique de rejet et de haine autour de l’Islam. Elle les inscrit dans la droite ligne d’une montée sensible du racisme, de l’antisémitisme et de l’homophobie qui ont été encouragés à relever la tête ces dernières années, singulièrement autour des enjeux migratoires.

De fait, les politiques d’immigration menées en France depuis des années, et leur impact civique et social, se sont traduites par l’abandon des jeunes des cités, le refus ou le report du droit de vote, l’instrumentalisation d’une pseudo-laïcité et d’un pseudo-féminisme pour stigmatiser encore plus des femmes déjà discriminées.

Cette double posture – stigmatisation de l’extérieur, discriminations à l’intérieur – aboutit à désigner des cibles. La Ligue des droits de l’Homme, qui dénonce de longue date ce processus dangereux, appelle les pouvoirs publics à faire toute la lumière sur ces agressions et à prendre les mesures qui s’imposent pour faire respecter cette pierre angulaire de la laïcité républicaine qu’est la liberté de conscience. »

L’extrême droite n’aime pas qu’on parle de la Résistance

 

Jean Moulin.

Incidents pendant l’hommage à Jean Moulin, vendredi 21 juin à Lyon, provoqués par des anti-mariage pour tous, qui ont notamment sifflé le « chant des partisans »… Le même chant des partisans interdit à Bollène par la maire elle-même… Marie-Claude Bompard est coutumière du fait : elle avait déjà empêché la diffusion de la version chantée de ce chant symbole de la Résistance en 2012, n’autorisant que sa version instrumentale. Il y a dans ce texte des mots qui choquent la maire extrême droite de Bollène qui « consacre » chaque année « sa » ville au sacré cœur de Jésus ! ça ne s’invente pas : elle s’en justifie ici.

Ces incidents lamentables ont au moins un mérite : ils confirment à quel camp appartiennent les opposants au mariage pour tous, et jusqu’où l’extrême droite est capable d’aller.

 

Manifestations des 22 et 23 juin à la mémoire de Clément Méric : appel de la Ligue des droits de l’Homme

A la veille des manifestations d’hommage à Clément Méric, les samedi 22 et dimanche 23 juin, la Ligue des droits de l’Homme publie un communiqué et appelle à participer massivement à ces manifestations.

Le 5 juin, Clément Méric, syndicaliste étudiant et militant antifasciste, a été victime d’un meurtre à Paris, commis à raison de ses convictions politiques. Cet acte, qui s’inscrit dans la suite de trop nombreuses agressions commises par des groupes d’extrême droite, ces derniers mois, est insupportable.

Il confirme tragiquement l’urgence à s’opposer à ces exactions et aux idéologies qui en favorisent, de près ou de loin, la banalisation et le développement. L’explosion de discours haineux à l’encontre des étrangers, des Roms, des musulmans, l’avalanche de propos mensongers et agressifs lors des débats sur le projet de loi du mariage pour tous, témoignent d’une montée de l’intolérance, du racisme et de la peur, dont on sait qu’ils sont facilement instrumentalisés par la violence.

Dans le même temps, confrontée aux difficultés sociales et aux déceptions politiques, une large partie de l’électorat de gauche se réfugie dans l’abstention, renvoyant de fait les partis dos à dos, ce qui favorise les candidats du Front national et incite une partie de la droite dite républicaine à converger avec leurs thématiques.

Il y a urgence à porter un coup d’arrêt à ces calculs dangereux. Il y a urgence à s’opposer à toute politique publique pouvant légitimer, de près ou de loin, des visions xénophobes et racistes. C’est bien en réaffirmant concrètement les droits des citoyens français, des étrangers, des migrants, des Roms et de tous ceux qui sont tenus en lisière des droits fondamentaux, qu’il est possible de rassembler largement contre les périls montants. Car ces droits sont, de façon indivisible, ceux qui fondent la République fraternelle, égale et libre.

C’est sur ces bases que la Ligue des droits de l’Homme appelle les habitants, les résidents, les citoyennes et citoyens à participer aux manifestations qui se tiendront les 22 et 23 juin, à Paris et en France.

 

Pour un manifeste antifasciste européen

Un manifeste pour la création d’un mouvement antifasciste européen vient de mettre en ligne une pétition intitulée « Manifeste antifasciste européen ».

La montée du fascisme. en Europe est aujourd’hui un fait, aucun pays n’y échappe, seules diffèrent l’intensité de cette progression, généralement proportionnelle à l’intensité des dégâts causés par la « crise » et les prétendus « remèdes » (qui se résument à une austérité dévastatrice) que proposent les gouvernements et l’Europe.

Ce  manifeste est relayé par le site « Visa » (pour Vigilance Initiatives Syndicales Antifascistes). On peut apporter son soutien en signant le manifeste ici : http://www.manifesteantifascisteeuropeen.fr/, et là : http://antifascismeuropa.org/manifiesto/fr.

Voici le texte de ce manifeste qui, après avoir analysé les causes de cette progression du fascisme, propose des moyens d’action pour l’enrayer.

Soixante-huit ans après la fin de la deuxième guerre mondiale et la défaite du fascisme et du nazisme on assiste presque partout en Europe à la montée de l’extrême droite. Mais, phénomène encore plus inquiétant, on voit se développer à la droite de cette extrême droite  des forces carrément néo-nazies qui, dans certains cas (Grèce, Hongrie,…) s’enracinent dans la société formant des vrais mouvements populaires de masse, radicaux, racistes, ultra-violents et pogromistes dont l’objectif déclaré est la destruction de toute organisation syndicale, politique et culturelle des travailleurs, l’écrasement de toute résistance citoyenne, la négation du droit à la différence et l’extermination – même physique –  des « différents » et des plus faibles.

Comme dans les années 20 et 30, la cause génératrice de cette menace néo-fasciste et d’extrême droite est la profonde crise économique, sociale, politique et aussi éthique et écologique  du capitalisme lequel, prenant prétexte de la crise de la dette, est en train de mener une offensive sans précédent contre le niveau de vie, les libertés et les droits des travailleurs, contre tous ceux d’en bas !   Profitant de la peur des nantis face aux risques d’explosion sociale, ainsi que de la radicalisation des classes moyennes laminées par la crise et les politiques d’austérité draconienne, et du désespoir des chômeurs marginalisés et paupérisés,  l’extrême droite et les forces néo-nazies et néo-fascistes se développent dans toute l’Europe ; ils  acquièrent une influence de masse dans les couches déshéritées  qu’elles tournent systématiquement contre des boucs émissaires traditionnels et nouveaux (les immigrés, les musulmans, les Juifs, les homosexuels, les handicapés,…) ainsi que contre les mouvements sociaux, les organisations de gauche et les syndicats ouvriers.

L’influence et la radicalité de cette extrême droite ne sont pas les mêmes partout en Europe.  Cependant, la généralisation des politiques d’austérité draconienne a comme conséquence que la montée de l’extrême droite soit déjà un phénomène presque général. La conclusion est évidente : Le fait que la montée impétueuse de l’extrême droite et l’émergence d’un néofascisme ultra-violent de masse ne soit plus l’exception à la règle européenne, oblige les antifascistes de ce continent à affronter ce problème à sa juste dimension, c’est-à-dire en tant que problème européen !

Mais, dire ça ne suffit pas, il faut ajouter que la lutte contre l’extrême droite et le néonazisme est d’une  urgence absolue. En effet, dans plusieurs pays européens la menace néofasciste est déjà si directe et immédiate qu’elle transforme la lutte antifasciste en combat de toute première priorité,  dont l’enjeu est la vie ou la mort de la gauche, des organisations ouvrières, des libertés et des droits démocratiques, des valeurs de solidarité et de tolérance, du droit à la différence. Dire qu’on est engagé dans une course de vitesse contre la barbarie raciste et néofasciste correspond désormais à une réalité vérifiée chaque jour dans les rues de nos villes européennes…

Vue la profondeur de la crise, les dimensions des dégâts sociaux qu’elle provoque, l’intensité de la polarisation politique, la détermination et l’agressivité des classes dirigeantes, l’importance des enjeux historiques de l’affrontement en cours et l’ampleur de la montée des forces d’extrême droite il est évident que le combat antifasciste constitue un choix stratégique exigeant un sérieux organisationnel et un investissement politique et militant à long terme. En conséquence, la lutte antifasciste doit être étroitement liée au combat quotidien contre les politiques d’austérité et le système qui les génère.

Pour être efficace et répondre aux attentes de la population, la lutte antifasciste doit être organisée de manière unitaire et démocratique et être le fait des masses populaires elles-mêmes. Pour ce faire, les citoyens et les citoyennes doivent organiser leur lutte antifasciste et leur auto-défense eux-mêmes. En même temps, pour être efficace cette lutte doit être globale, s’opposant à l’extrême droite et au néofascisme sur tous les terrains où se manifeste le poison du racisme et de la de l’homophobie, du chauvinisme et du militarisme, du culte de la violence aveugle et de l’apologie des chambres à gaz et d’Auschwitz. En somme, pour être efficace à long terme, le combat antifasciste doit proposer une autre vision de la société, diamétralement opposée à celle proposée par l’extrême droite : C’est-à-dire, une société fondée sur la solidarité, la tolérance et la fraternité, le refus du machisme, le rejet de l’oppression des femmes et le respect du droit à la différence, l’internationalisme et la protection scrupuleuse de  la nature, la défense des valeurs humanistes et démocratiques.

Ce mouvement antifasciste européen doit être l’héritier des grandes traditions antifascistes de ce continent !  Pour ce faire, il devrait poser les bases d’un mouvement social doté des structures, ayant une activité quotidienne, pénétrant toute la société, organisant les citoyens antifascistes en réseaux selon leurs professions, leurs habitations et leurs sensibilités, menant combat sur tous les fronts des activités humaines et assumant pleinement la tâche de la protection même physique des plus vulnérables de nos concitoyens, des immigrés, des Roma, des minorités nationales, des musulmans, des Juifs ou des homosexuels, de tous ceux et celles qui sont systématiquement victimes du racisme d’État et de la pègre fasciste.

C’est donc parce que le besoin de la mobilisation antifasciste à l’échelle européenne se fait chaque jour plus pressant que nous qui signons ce manifeste, nous appelons à la constitution d’un Mouvement Antifasciste Européen unitaire, démocratique et de masse, capable d’affronter et de vaincre la peste brune qui relève la tête sur notre continent. Nous ferons tout pour que le congrès constitutif de ce Mouvement Antifasciste Européen dont on a tant besoin, se tienne à Athènes au printemps 2013 et soit couplé  d’une grande manifestation antifasciste européenne dans les rues de la capitale grecque.

 Cette fois, l’histoire ne doit pas se répéter !

NO PASARAN !

 

P. Tartakowsky : du mariage pour tous aux cartes rebattues à droite

Pierre Tartakowsky a été réélu président de la Ligue des droits de l'Homme par le congrès de Niort.son rapport moral.

Dans l’éditorial qui ouvre le dernier numéro du bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme, son président, Pierre Tartakowsky, revient sur les débats autour du mariage pour tous qui ont occupé tout (ou presque) l’espace médiatique pendant ces derniers mois. Il en tire les leçons, politiques et sociétales.

La célébration du premier mariage entre deux personnes de même sexe à Montpellier aura heureusement marqué la fin d’une mobilisation politique intense autour de l’élargissement d’un droit. Il est, de fait, peu probable qu’une majorité de droite de retour aux affaires ose jamais revenir sur cette avancée et sur des actes d’état civil. Au plan politique pourtant, le sujet va rester présent, comme va prolonger l’onde de choc des mobilisations des droites durant toute la période écoulée.

Revenons sur cette séquence, ses évolutions et ce qu’elles révèlent. Dès le départ, ce sont davantage des acteurs idéologiques que partidaires qui sont à la manœuvre ; la droite classique, mais également le FN apparaissent mal à l’aise sur le mariage pour tous, car divisés et hésitants sur les bénéfices à en tirer. L’UMP est en pleine guerre des chefs et ne compte sans doute pas moins de gays dans ses rangs que le FN, ce qui se résout par une sorte de neutralité agressive, focalisée sur l’adoption et la GPA, laquelle, rappelons-le, ne fait pas partie du projet gouvernemental. Les courants cathos tradis et autres identitaires sont quant à eux franchement homophobes, même avec des approches diverses et nuancées. Tous ces gens se rassemblent sous le drapeau consensuel de la famille et des enfants, lesquels méritent « un papa, une maman ».

Cette mobilisation se nourrit de ce qu’il faut bien appeler un pas de clerc du président de la République, lequel a évoqué une possible objection de conscience des maires appelés à célébrer les mariages gays. Le gouvernement saura rectifier le cap et tenir bon jusqu’au vote de la loi, ce dont il faut se féliciter. Mais cette défaillance énorme – l’état civil n’a rien à voir avec la conscience de qui que ce soit –, qui appelle immédiatement une réaction de l’Inter-LGBT et des associations de défense des droits, est évidemment interprétée comme une hésitation. Et lorsque l’adversaire hésite, il faut augmenter la pression. Les organisations à la manœuvre le font d’autant plus qu’elles bénéficient de l’engagement de l’UMP, Jean-François Copé voyant là l’occasion de marquer sa différence d’avec son rival François Fillon, et d’exprimer sa vraie nature. Cet apport se double de celui d’une véritable galaxie de réseaux, fondations et autres clubs historiquement ancrés à l’extrême droite, et qui voient dans ce mouvement « apolitique » et « populaire » l’occasion rêvée d’échapper à l’ostracisme qui les frappe depuis la Libération et la guerre d’Algérie.

C’est en effet la première fois que ces groupuscules – toutes tendances confondues – peuvent occuper un espace politique partagé avec les droites dites républicaines, en phase avec une partie de l’opinion publique allant bien au-delà des cercles militants habituels, mordant même sur des électeurs de gauche émus et troublés par un sujet qui touche à l’intime. Nicolas Sarkozy a fourni le cadre idéologique à cette parade nuptiale des droites et de leurs extrêmes. Sa défaite, d’autant plus frustrante que courte, a accéléré cette chorégraphie de séduction tout en accentuant son côté dispersé, concurrences internes obligent.

Cette dynamique de concurrence pour le leadership s’est traduite, dans les derniers jours de la mobilisation, par des exclusives, des appels à la violence, et la résurgence d’un vocable utilisant pêle-mêle le vocabulaire des généraux putschistes de l’Algérie française, la dénonciation de la franc-maçonnerie, des appels à la « résistance », le tout en assimilant la police – coupable de s’en prendre à « la France bien élevée » –, à la Gestapo… Cette confusion des termes ne doit rien au hasard mais traduit une stratégie d’effacement, par banalisation, des réalités historiques qui ont battu et stigmatisé ces courants d’idées englués dans la collaboration avec l’occupant nazi.

Au-delà, cette agitation verbale indique une circulation de la pensée réactionnaire, en recherche d’elle-même, et de repositionnements possibles. De fait, elle est passée en peu de temps – toutes organisations confondues – de la stigmatisation des « islamistes » à l’exaltation du peuple de France, puis à la chasse aux homosexuels. Ainsi de la dénonciation d’un ennemi extérieur « infiltré », les droites extrêmes se repositionnent sur la dénonciation et la chasse d’un ennemi « intérieur ». Homo aujourd’hui. Demain…

Cette inquiétante évolution participe d’un élargissement conséquent du champ d’action et de prétention des extrémismes droitiers : d’un vieil ordre racial à un nouvel ordre moral, patriarcal et porteur, hélas, d’illusions de changement. Illusions, car une mobilisation basée sur la ségrégation et la discrimination porte inéluctablement en elle des dynamiques d’exclusion et de violence. Illusions, car loin de répondre aux besoins d’épanouissement et de bien-être des individus, cette mobilisation n’envisage leur avenir qu’au prisme d’allégeances rancies dans un passé mythique.

Reste posée une question essentielle : une recomposition profonde des forces de droite est en cours, dont il n’est pas aisé de dire ce qu’il en résultera, même s’il est certain que ce ne sera bon ni pour les droits, ni pour les libertés, ni pour la démocratie. La société civile, les organisations syndicales, les associations ne peuvent donc évidemment pas se désintéresser de l’enjeu, singulièrement dans la perspective des élections municipales. Nous y reviendrons.

Adresse du 87ème congrès de la LDH au président de la République et à la majorité parlementaire

Adresse au président de la République et a la majorité parlementaire, adoptée par le congrès de la LDH, à Niort, le 20 mai 2013, pour leur rappeler leurs responsabilités de répondre aux besoins de l’élargissement de la démocratie, et pour la satisfaction des besoins sociaux.

Monsieur le président de la République,

Mesdames, Messieurs de la majorité parlementaire

Monsieur le président de la République,

Vous avez incarné l‘espoir d’un « changement maintenant » et, à ce jour, il a été déçu.
Vous avez désigné la finance comme votre adversaire, et elle règne toujours.
Vous avez prôné l’emploi et la justice sociale, mais le chômage augmente et le niveau de vie des moins favorisés diminue.

Le gouvernement de votre Premier ministre a su tenir bon face aux manifestations de l’extrême droite alliée à la droite parlementaire, et il a réussi à faire adopter la loi sur le mariage pour tous. Nous aurions souhaité la même détermination pour les autres réformes.

Il a certes beaucoup écouté la société civile mais sans l’avoir, semble-t-il, entendue. Les grands débats nécessaires à la réussite du changement — sur la politique migratoire et les demandeurs d’asile, la politique de sécurité, les réformes démocratiques, l’avenir de la jeunesse — ont été, jusqu’à ce jour, évacués.

Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous vous êtes présentes pour tourner la page des politiques inégalitaires, injustes et sécuritaires ; les stigmates de l’ancienne législature perdurent.
Vous avez voulu incarner l’alternative ; elle peine à se mettre en place.
Vous avez souhaité une pratique parlementaire indépendante et exigeante ; votre voix, trop souvent, est étouffée.

Vous avez l’honneur d‘élaborer et de voter les lois. Cette charge vous engage. Nous en appelons à votre responsabilité de représentants du Peuple souverain. L’opposition, la frilosité et l’esprit de renoncement seront toujours mobilisés pour faire échec aux reformes de justice et de progrès. Il vous incombe de faire en sorte que l’espoir et les changements se concrétisent.

Nous en appelons à cette relation démocratique forte, et a votre courage. Il est vain de vouloir apprivoiser ou contourner les maux qui découlent des politiques néolibérales ou des réflexes sécuritaires. Assumez les propositions de progrès pour les droits et les libertés du programme sur lequel vous avez été élus ; vous ne lui serez fidèles qu’en défendant des mesures de justice, de lutte contre les inégalités, et de restauration des droits des citoyens bafoués par la législation rétrograde des derniers quinquennats.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez l’honneur et la charge de disputer notre pays aux crises financière, économique et morale qui alimentent chômage, xénophobies et défiance du politique. Nous avons besoin pour cela de justice et de pragmatisme, d’éthique et de démocratie, de décisions et de détermination.  Le changement et la justice ne sont pas des concessions accordées par les forces politiques et économiques qui s’y opposent. La justice, la démocratie et le progrès social ont toujours dû être conquis de haute lutte. Cette vérité est plus que jamais d’actualité.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme réunis en congres, vous demandons instamment de manifester l’éthique politique, le courage civique et la responsabilité nécessaires pour combattre la crise et promouvoir les valeurs proclamées de la République que sont l’égalité, la liberté et la fraternité.

Nous, militants de la Ligue des droits de l‘Homme, répondons toujours présents à l’appel de ces valeurs, et nous nous engageons pour les réformes qu’elles appellent. Nous continuerons à le faire :

  • jusqu’à ce que le droit de vote et d‘éligibilité de tous les résidents étrangers s’impose car il répond à un impérieux besoin d’élargissement de la démocratie ;
  • jusqu’à ce que les rapports entre la police et la population, et particulièrement la jeunesse, soient profondément réformés, car cela répond a un profond besoin de sécurité et de sérénité ;
  • jusqu’à ce que la politique pénale soit rééquilibrée, afin que le tout—carcéral laisse la place a une justice digne et réellement efficace,
  • jusqu’à ce que les étrangers soient traites dans le respect des droits de l’Homme et des conventions internationales, qu’il s’agisse de nos concitoyens europeens que sont les Roms ou de ceux qui vivent parmi nous ou y recherchent un droit effectif a la protection ;
  • jusqu’à ce que les politiques économiques poursuivent le progrès social plutôt que l’enrichissement inégal.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez, là où vous êtes, là où le peuple vous a places, d’immenses responsabilités. Il vous revient de ne pas les décevoir, et il nous revient de vous le rappeler.

Croyez en notre détermination, à la hauteur de ce que mérite l’avenir de la République.

 

Ligue des droits de l’Homme : ensemble, s’opposer à l’extrême droite !

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme.

Paris, le 12 juin 2013

Ensemble, s’opposer aux extrêmes droites

Le 5 juin, Clément Méric, syndicaliste étudiant et militant antifasciste, a été assassiné à Paris. La Ligue des droits de l’Homme a dénoncé ce meurtre commis à raison des convictions politiques du jeune homme. Cet acte s’inscrit dans la suite de trop nombreuses agressions commises par des groupes d’extrême droite, ces derniers mois, et qui sont allés cette fois-ci jusqu’à la mort.

La Ligue des droits de l’Homme réitère toutes ses condoléances à la famille et aux amis de Clément Méric, et demande aux autorités de faire toute la lumière sur ces actes afin que leurs auteurs soient condamnés.

Au-delà, il est urgent de porter un coup d’arrêt à ces exactions et aux idées qui en favorisent de près ou de loin le développement. La radicalisation publique et « désinhibée » des droites extrêmes s’inscrit dans un contexte, marqué depuis plusieurs mois par des discours haineux et une véritable avalanche de propos mensongers et agressifs, ne reculant pas devant la désignation de « cibles » à l’occasion de l’adoption de la loi sur le mariage pour tous. Cette agressivité revendiquée est elle-même le fruit d’une dynamique de rapprochement entre l’extrême droite et la droite dite classique.

L’assassinat de Clément Méric n’est pas un fait isolé. Agressions racistes, homophobes, sexistes, violences progressent en France comme dans toute l’Europe. Le mensonge, la haine, la violence, la mort sont les marques de l’extrême droite, de tous temps et en tous lieux. L’extrême droite s’appuie, pour se légitimer, sur les peurs nées du chômage, de la pauvreté, de l’explosion des inégalités et de la précarité.

Elle se réclame d’une pseudo-opposition à ces phénomènes pour renouer avec ses vieux démons et désigner les boucs émissaires qu’elle a toujours stigmatisés pour semer la haine : étrangers ou soi-disant tels, immigrés, avec ou sans papiers, homosexuels, juifs et francs-maçons…

Il est d’autant plus important, dans ce contexte, de réaffirmer notre refus ferme de toute politique publique pouvant légitimer, de près ou de loin, ces visions xénophobes et racistes. C’est bien en réaffirmant concrètement les droits des étrangers, des migrants, des Roms et de tous ceux qui sont tenus en lisière des droits fondamentaux, qu’il est possible de rassembler largement contre les périls montants. Car ces droits sont, de façon indivisibles, ceux qui fondent la République telle que nous l’aimons : fraternelle, égale et libre.

C’est dans la perspective d’un tel rassemblement que la Ligue des droits de l’Homme, avec les habitants, les résidents, les citoyens, continuera à défendre les libertés et tous les droits partout et pour tous, et à agir pour une société de solidarité. C’est dans cet esprit qu’elle appelle les citoyennes et citoyens à manifester leur solidarité, leur vigilance et leurs mobilisations.

Meurtre de Clément Méric : communiqué de la Ligue des droits de l’Homme

Stupeur et colère

Communiqué LDH

C’est avec stupeur et colère que la Ligue des droits de l’Homme apprend la mise à mort de Clément Méric par un groupe de skinheads, hier, à Paris.

Elle condamne fermement ce meurtre commis à raison des convictions politiques du jeune homme. Supprimer une vie, jeune d’autant plus, afin de faire taire celles et ceux qui ne partagent pas ses opinions, est insupportable et nous interpelle quant à la radicalisation récente des droites extrêmes, cet acte faisant dramatiquement écho à un discours de haine tenu depuis plusieurs mois.

La Ligue des droits de l’Homme adresse toutes ses pensées à la famille et aux amis de Clément Méric, et demande aux autorités de faire toute la lumière sur ces actes afin que leurs auteurs soient condamnés.

La Ligue des droits de l’Homme appelle les citoyens et les citoyennes à la vigilance et à l’expression du refus de la violence et invite au rassemblement qui a lieu jeudi 6 juin, à 18h30, devant la fontaine Saint-Michel, à Paris.