Pierre Tartakowsky : « la démocratie et le pied du mur, selon Marine Le Pen »

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l'Homme

Tribune de Pierre Tartakowsky, Président de la Ligue des droits de l’Homme

La démocratie et le pied du mur selon Marine Le Pen

Toute à la joie de ses résultats électoraux, Marine le Pen tombe le masque. Un peu… Elle rêve de conquête, d’hégémonie, de pouvoir. Ce vendredi, dans les pages du Monde – miroir, mon beau miroir-, elle s’attarde sur sa stratégie, entre dans les détails, développe sa visions du monde, de la politique et du pouvoir. Ah, le pouvoir ! Elle à ses idées là-dessus, comment elle entend l’exercer, et surtout, contre qui. Les associations, par exemple. Ça la travaille, Marine Le Pen, les associations. Elle en parle. Longuement. Pour reconnaître leur apport, se féliciter de leur rôle, les inscrire dans une perspective de démocratie participative ? Pas du tout ; elle fronce le nez devant les « politisées » ; celles qui se mêlent de ce qui les regarde, en quelque sorte. Et pour les remettre a leur place, la présidente du Front national à un programme : leur refuser toute subvention. Histoire, précise-t-elle de leur apprendre une certaine réserve. Et pour ceux qui auraient du mal à suivre, elle mets les points sur les i: « Quand la Ligue des droits de l’Homme fait un tract pour appeler à voter pour ou contre quelqu’un, c’est une action politisée ». Forte de cette visions large et inclusive du débat démocratique elle en tire une règle que seuls les politisés les plus malintentionnés qualifieront d’autoritaire : « les associations doivent être mises au pied du mur, en leur disant qu’elles ne doivent pas intervenir dans le débat politique » Et, au cas ou le pied du mur ne suffirait pas, elle laisse entendre qu’on pourrait bien les y coller, au mur, par un sobre et viril : « il va falloir rappeler les règles du jeu ». On ne savait pas que c’était un jeu ; mais si c’est le cas, ses propos confirment que nous avions raison de refuser que les règles puissent en être un jour fixées par le Front national.
En tout état de cause, la Ligue continuera évidemment d’appeler citoyennes et citoyens à se mêler de leurs affaires et… à la rejoindre.
Les citations de Marine Le Pen sont du vendredi 28 mars, soit entre les deux tours.
On ne pourra pas dire qu’on n’était pas prévenus…

Le multirécidiviste fuyard Boris Le Lay de nouveau condamné

Le multirécidiviste fuyard Boris Le Lay a été condamné, lundi 24 mars, à 16 mois de prison avec sursis par la cour d’appel de Rennes. Le tribunal l’a également condamné à verser des dommages et intérêts à ses victimes. Évidemment absent à l’audience, le marchand de galettes n’était pas non plus représenté : son appel à la générosité publique pour se payer un avocat n’aurait-il pas été entendu ?

Cette condamnation arrive après de nombreuses autres, toujours pour les mêmes motifs : incitation à la haine raciale. Et comme les précédentes, cette condamnation ne va pas l’empêcher de continuer de déverser son venin sur son site, hébergé naturellement hors de France. Et comme son pote Dieudonné, il y a fort à parier qu’il organise son insolvabilité.

Second tour : faire barrage aux candidats d’extrême droite

La Ligue des droits de l’Homme, inquiète de la montée de la droite extrême au premier tour des élections municipales, appelle à faire barrages à ses candidats. Et à faire aussi barrage aux candidats qui, sans être adhérents au front national, en véhiculent les idées et en appliquent les méthodes. Et ils sont nombreux, camouflés derrière un costume « sans étiquette » ou « indépendant » : dans certaines communes, le FN n’a effectivement pas besoin de présenter de candidats : les élus en place font le travail à sa place.

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme

Second tour : faire barrage aux candidats d’extrême droite

Trois faits majeurs s’imposent au lendemain du premier tour des élections municipales ; d’abord la force de l’abstention ; les Françaises et Français sont de plus en plus nombreux à considérer l’exercice du vote comme vain, dans la mesure où les élus du suffrage universel semblent incapables de porter les projets mis en avant durant les campagnes électorales. De par sa portée nationale, l’abstention prend une dimension nette de désaveu du gouvernement en place, qui va au-delà du caractère local du scrutin.

Ensuite, ce désaveu passif mais dangereux accompagne et amplifie une montée généralisée et spectaculaire du Front national, qui confirme un enracinement dans le tissu local et dans les villes moyennes. Enfin, les candidats du parti au gouvernement enregistrent, au-delà de résultats diversifiés, un mouvement de reflux.

Les accords passés entre partis de gauche et candidats de la droite républicaine seront décisifs pour mettre en avant des configurations républicaines susceptibles de limiter le nombre d’élus FN. La Ligue des droits de l’Homme presse les abstentionnistes du premier tour à prendre cet enjeu en considération et à faire barrage aux candidats d’extrême droite lors du second tour.

Au-delà, elle invite le gouvernement à entendre le message porté par les résultats de ce premier tour et à rompre avec des politiques qui, socialement et économiquement, sont loin de faire vivre le changement, confortent inégalités, injustices sociales et craintes du lendemain. Face à la montée d’une droite extrême – montée qui ira au-delà des municipales -, il est urgent d’afficher avec clarté et courage des priorités de solidarité et de fraternité répondant clairement aux demandes et inquiétudes qui s’expriment dans le pays.

LDH, MRAP, LICRA, SOS Racisme veulent rediaboliser le front national

Quatre associations de lutte contre le racisme, la Ligue des droits de l’Homme, le MRAP, la LICRA et SOS Racisme, lancent une campagne pour « rediaboliser » le front national. C’est à dire pour rappeler ce qu’est fondamentalement le front national : un parti raciste, d’extrême droite, très proche des mouvements fascistes ; et malgré les efforts déployés par ses dirigeants pour faire oublier cette véritable nature, le front national n’a absolument pas changé.

Il s’agit de dix fiches, qui rappellent des incidents récents, qui se sont produits depuis l’opération « ravalement de façade » menée par la fille Le Pen.

Ne pas hésiter à les télécharger et les diffuser !

Ligue des droits de l’Homme : Hénin-Beaumont,dix bonnes d’aller voter dès le 1er tour !

La section de la Ligue des droits de l’Homme vient de publier un argumentaire qui démonte en dix points les positions inacceptables du front national.

La question du front national revient à l’ordre du jour à chaque élection, et on peut finir par être excédés devant les appels au vote anti fn, qui aboutissent in fine a nous demander de faire un choix qui ne nous convient pas. Car enfin, voter Bourdouleix ou voter Le Pen, quelle différence ? voter Vanneste ou voter FN ? On pourrait multiplier les exemples.

Mais il arrive que les situations soient particulières. C’est sans doute le cas à Hénin-Beaumont, que le front national a transformé en symbole. Et il ne faut pas oublier que le scrutin de dimanche est un scrutin local : gagner les élections municipales pour un parti tel que le FN, c’est se donner une chance de s’implanter durablement sur un territoire, et d’y progresser. Les municipales ont servi de tremplin à de nombreux membres de ce parti. Bompart, par exemple, qui a il est vrai changé de casaque, mais qui est bien resté le même, et qui s’est fait un nom grâce à ce scrutin.

L’analyse de la section d’Hénin-Carvin est donc particulièrement intéressante, et même s’il s’agit d’un problème local, son exemple peut être utile dans toutes les communes confrontées au même problème. Et aux autres aussi : ce mal est contagieux !

Appel de la section LDH d’Hénin-Carvin

Élections municipales 2014 à Hénin-Beaumont

La LDH s’invite dans la campagne

 Rien n’est joué. Tout reste possible. Cela dépend de vous !

Oui, les vrais démocrates peuvent encore gagner ! 

La Ligue des droits de l’Homme vous donne

10 bonnes raisons d’aller voter dès le premier tour.

  1. C’est un droit : ne pas l’exercer, c’est laisser les autres décider à votre place. Que pourrez-vous dire demain si vous n’êtes pas d’accord ? Vous aurez laissé faire.
  2. Et s’il n’y avait qu’un seul tour ? Le risque est réel au vu des précédents scores du FN : peut-on prendre ce risque ? L’enjeu est trop grave pour rester sur la touche.
  3. Vous êtes déçus par la politique du Gouvernement. OK, la LDH aussi. On peut comprendre mais, ici, il s’agit d’élire une équipe municipale pour gérer la ville pendant 6 ans et pas de changer de gouvernement et de politique nationale.
  4. Vous ne croyez plus en la politique, « droite-gauche, c’est pareil » et « le FN, on ne l’a pas encore essayé, pourquoi ne pas lui donner sa chance ? », disent certains. Détrompez-vous ! D’autres villes, dans le sud de la France, ont été « à l’avant-garde » et elles ont été, un temps, gérées par le FN et l’extrême droite. Elles en ont fait l’amère expérience !  Même Marine Le Pen n’ose plus les citer en exemple : leur gestion s’est vite révélée catastrophique, sans parler de l’orientation donnée à la vie culturelle ou encore le sort réservé à plusieurs associations (il ne faut pas oublier non plus que le FN est toujours hostile à l’aide apportée à celles qui défendent les droits de l’Homme !).
  5. Croyez-vous vraiment qu’Hénin-Beaumont mérite d’être estampillée « FN » ? Hénin-Beaumont n’est pas une cité extrémiste comme le prouvent ses traditions ouvrières, syndicales et associatives. Jusqu’alors, même si le FN a progressé, il est resté minoritaire en nombre de voix, ramené au nombre d’électeurs inscrits. Mais, cette fois, l’abstention pourrait bien le faire gagner.
  6. Vous en avez assez de la division entre les partis démocratiques (et parfois même en interne) : vous pouvez l’exprimer, lors de ce premier tour, en allant voter, conscients de la nécessité de tout faire pour qu’au second tour les conditions permettant de battre le FN puissent être réunies. Tout se joue dès le premier tour !
  7. « Le FN n’est pas si dangereux, après tout », pensent certains. Quelle imprudence ! Attention, il a lissé son image mais c’est pour mieux séduire les hésitants et les déçus : il met en avant des personnes « simples » mais sa doctrine inégalitaire reste inchangée sur le fond : le FN ne se prononce jamais sur les inégalités qui frappent les femmes, il dénigre les associations comme le planning familial accusé d’inciter les femmes à avorter. Le FN s’est positionné contre le mouvement social pour la défense des retraites, il dénonce les organisations syndicales et remet en cause le droit de grève…
  8. Laïque, le FN ? Il conserve des liens très étroits avec les milieux catholiques les plus intégristes. Dresser les citoyens les uns contre les autres, en instaurant la préférence nationale, c’est tourner le dos à la vraie laïcité qui garantit le « vivre ensemble », c’est en opposition totale avec la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ».
  9. Le FN aurait-il honte de l’origine du parti, de son histoire, des propos tenus par Jean-Marie Le Pen, par exemple à propos des camps d’extermination, de la collaboration de l’extrême droite avec l’occupant nazi ? Pour avancer, ce parti est contraint de ruser mais, derrière les sourires de façade, il conserve des liens avec certains groupes encore plus radicaux, voire néonazis. Un certain nombre de mesures qu’il préconise au niveau national ne sont d’ailleurs pas réalisables car contraires aux droits de l’Homme et aux conventions internationales.
  10. Ne vous laissez pas influencer par toutes les rumeurs infondées, les mensonges, les calomnies, les attaques personnelles et les ragots qui circulent, notamment sur le Net. Vous avez une boussole infaillible : les droits de l’Homme ! Ne perdons pas de vue que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen figure dans le Préambule de la Constitution de la République Française. Son respect est donc une obligation !

Les Héninois et les Beaumontois ont besoin pour les six années à venir qu’on puisse leur garantir le calme, la stabilité dans leur quotidien et, enfin, une bonne image à l’extérieur, une image qui ne peut que jouer favorablement pour la prospérité économique de la ville et donc pour garantir de meilleures conditions de vie.

La qualité d’une équipe municipale ne se mesure pas au nombre de sourires distribués tous azimuts, au nombre de pots partagés, aux promesses électoralistes, elle se mesure aux compétences des candidats et à la rigueur qui les caractérise.

La Ligue des droits de l’Homme, quant à elle, n’a jamais varié : elle combat l’extrême-droite sous toutes ses formes, aujourd’hui comme hier, à Hénin-Beaumont, dans le département, dans la région, comme partout en France. Elle s’est toujours engagée pour le rassemblement des forces démocratiques qui sont prêtes à œuvrer pour la défense des droits de l’Homme et du Citoyen. Elle dit « Non à la haine de l’Autre » !

 Les sept exigences de la LDH  dans sa campagne nationale :

Ma ville, ma vie, je la veux…

fraternelle, solidaire,  juste,  libre,  accueillante, ouverte, démocratique

 Votez le 23 mars

pour barrer la route au FN !

 

 

La LDH, la Licra, le MRAP, SOS Racisme reçus par le président de la République

Reçus à leur demande par le président de la République, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), SOS racisme et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) ont publié un communiqué commun. Tout en soulignant le caractère exceptionnel de cette rencontre (la première) et l’attention qu’a portée le président aux problèmes soulevés, ils confirment la nécessité d’une vigilance de tous les instants contre les dangers que représente la haine raciste, et pour la réalisation des promesses, telles que le récépissé de contrôle d’identité ou le droit de vote des étrangers extra-communautaires aux élections locales.

Ci-dessous, le communiqué.

Après la rencontre avec le président de la République, LDH, Licra, Mrap et SOS Racisme entendent poursuivre leurs efforts communs

La Ligue des droits de l’Homme, la Licra, le Mrap et SOS Racisme ont été reçues ensemble, vendredi 14 mars, par le président de la République ; les associations, qui partagent les valeurs universelles de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, se félicitent de cette rencontre de travail, une première dans l’histoire de la République. Elles ont d’emblée souligné la dégradation du contexte politique qui a vu se déchaîner une parole de haine dans le débat et l’espace public, et pointé le risque de voir cette parole légitimée par des forces politiques engagées contre les valeurs d’égalité, de liberté et de fraternité.

Exprimant leur volonté de mettre en place des éléments de contre-offensive, elles ont déploré l’absence d’une parole d’Etat ferme, condamnant, au juste niveau, le caractère toxique de cette libération, l’absence d’un grand débat sur la place des étrangers et le déficit, au sein de l’appareil d’Etat, d’une représentation disposant à la fois d’une forte légitimité et de moyens suffisants.

Elles ont abordé la question du statut des étrangers, du sentiment de deux poids deux mesures qui s’enracine dans le pays, des discriminations dont les Roms sont la cible, et déploré l’état du dossier du droit de vote des résidents non européens et le fait que le récépissé de contrôle d’identité n’ait pas fait l’objet d’expérimentations. Elles ont également souligné l’importance de revivifier la Semaine d’éducation contre le racisme.

A l’écoute sur l’ensemble de ces sujets, le président de la République en a reconnu l’importance et n’a fermé aucune porte.

Les quatre associations entendent poursuivre leurs efforts communs face à la montée de la haine raciste, antisémite et xénophobe, face aux préjugés sexistes et homophobes. Elles entendent faire preuve de vigilance et de mobilisation durant les campagnes électorales des municipales et des européennes, et construire une dynamique de débat public qui fasse obstacle aux semeurs de haine et réhabilite la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité.

 

Pacte de responsabilité : l’analyse de Pierre Tartakowsky, président de la LDH

Les droits économiques et sociaux font partie des droits fondamentaux, et il est donc normal que la Ligue des droits de l’Homme s’en soucie au même titre que tous les autres droits. La récente annonce par le président de la République de la mise en place d’un « pacte de responsabilité », qui consisterait à apporter une aide substantielle aux entreprises, en échange de… rien, ne pouvait pas laisser de marbre la Ligue des droits de l’Homme. Dans son éditorial du numéro de février de LDH Info, l’organe interne de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky revient sur ce pacte, et en fait une analyse critique. Très critique.

Sincérité, absence cruelle. . .

L’éditorial de Pierre TARTAKOWSKY, président de la LDH

Il revient évidemment d’abord aux partenaires sociaux de s’exprimer sur ce que le président de la République a qualifié de Pacte de responsabilité. Évidemment, dis-je, puisqu’il s’agit d’un projet dont l’entreprise est le prétexte, le cœur et le bénéficiaire. Chacun comprend bien pour autant que le projet impacte la vie de toutes celles et ceux qui travaillent et vivent sur le territoire français ainsi que ce que j’appellerai, pour faire vite et simple, leur qualité de droits. J’entends par là le contenu intrinsèque de ces droits, ainsi que la capacité pour tous d’y avoir accès. Il n’est donc pas totalement illégitime de poser deux questions, au vu de l’information disponible et du jeu des acteurs.

La première porte sur le financement de ce Pacte ; quelque cinquante milliards d’économies vont devoir être réalisées par l’État. Ces économies seront de fait prélevées sur des budgets existants. Ce que l’on prépare à donner à certains, on prévoit donc de l’enlever à d’autres. Au vu des sommes en jeu, ces choix de gestion constituent des enjeux politiques majeurs et il n’est pas certain, c’est une litote, qu’ils relèvent d’un débat public documente et éclaire.

La seconde nous amène à douter du sens des mots. « Pacte » renvoie e un accord entre parties, « responsabilité » indique que ces parties entendent assumer la parole donnée. À entendre Pierre Gattaz, on en est loin, le président du Medef expliquant avec une belle franchise que l’idée même de contreparties a de l’argent public lui était éthiquement insupportable. L’éthique a de ces refuges… Comprenons-nous bien : le Medef, les conseils d’administration des grandes entreprises sont parfaitement libres, si cela leur est insupportable, de refuser l’argent public. De fait, ils le font rarement. En revanche, il semble assez naturel que la collectivité se donne les moyens de faire en sorte que cet argent ne soit pas retourne contre elle. Garant de l’intérêt général, c’est ce que le gouvernement, président de la République en tête puisque c’est le jeu pervers des institutions, devrait défendre bec et ongles.

Mais le pouvoir a-t-il encore un bec, a—t-il encore des ongles ? La sincérité — et c’est la vraie question — est-elle bien au rendez-vous du politique ? Les cyniques souriront du caractère naïf de la question. Ils auront tort, comme toujours. Car sans sincérité, le projet devient un prétexte et l’engagement un calcul, juste avant d’être un recul. La défaite est alors annoncée, toujours présentée comme un moindre mal. Cela vaut face au « monde de la finance », pour citer le discours du Bourget, comme face aux adversaires idéologiques, singulièrement ceux qui s’acharnent contre l’idée même d’égalité, qu’il s’agisse de l’apprendre, voire de la penser.

La situation malsaine que nous affrontons dans les débats publics, et qui va se traduire dans les élections à venir — tant municipales qu’européenne —, participe de cette insupportable anomie de la pensée progressiste, face aux agressions dont elle est la cible. Elle s’alimente du désespoir social, de l’absence d’horizon d’attente politique et du doute sur le bien-fondé des valeurs qui fondent la République. En retour, elle nourrit les stratégies d’opposition des uns contre les autres, qui, hélas, ne viennent pas toutes de droite. Elle provoque les tentations de replis communautaires, vécus comme seuls efficaces. Enfin, elle crée l’illusion que la gravite de la période autoriserait à subordonner les luttes pour les droits, et le progrès social a un engagement plus consensuel contre les manifestations de haine, d’où qu’elles viennent.

Dans ce contexte, le courage et l’intelligence ne consistent pas à adopter les tropismes de l’adversaire, mais à porter son propre projet et ses propres valeurs, celles qui répondent à l’intérêt général. Face à l’adversité, une pensée molle ne conduit qu’a une action molle, autrement dit au statu quo, celui-là même qui se tisse d’injustices et qui nourrit l’abstention, signal de désaveu civique.

Pour sa part, la Ligue des droits de l’Homme entend poursuivre à la fois le débat sur les alternatives immédiates, l’engagement contre les résurgences immondes, le rassemblement pour la justice et l’effectivité des droits. C’est sa sincérité, et elle s’y tient.

 

L’exposition « Question de genre » réalisée par des lycéens dérange des paroissiens

Des élèves du club Unesco du lycée Roz-Glas de Quimperlé (29) ont réalisé une exposition intitulée « question de genre » : il s’agissait de se mettre dans la peau d’une personne de sexe opposé. C’est ainsi que les garçons ont été photographiés habillés en filles, et les filles en garçons. Photographies réalisées par le portraitiste Christian Scaviner, et accompagnées de textes écrits par les lycéens dans le cadre de ce travail suffisamment remarquable pour être exposé au parlement européen à Bruxelles.

Malheureusement pour lui, ce travail a été aussi remarqué par un éclésiastique, Olivier Manaud, curé de Quimperlé, qui, sans avoir vu l’exposition (il le reconnaît lui-même), a, dans un éditorial publié dans le bulletin paroissial de la ville, invité les paroissiens à manifester leur indignation en écrivant à la Cocopaq, la communauté de communes du pays de Quimperlé, qui a installé l’exposition dans les bibliothèques et médiathèques de son réseau. Indignation basée, on s’en doute, sur les âneries que la frange la plus réactionnaire et conservatrice de l’église catholique débite depuis quelques semaines sur une fumeuse théorie du genre qui n’existe que dans ses fantasmes.  Pour aider ses paroissiens qui pourraient avoir des difficultés de rédaction, le curé leur donne l’exemple d’une lettre type présentée par le site VigiGender, naturellement très proche de la « manif pour tous »… Et une vingtaine de courriers sont ainsi arrivés à la Cocopaq, pour dénoncer la « théorie du genre ».

Faisant preuve d’un courage politique suffisamment rare pour être relevé, les responsables de la Cocopaq n’ont pas souhaité étouffer l’affaire : ils l’ont rendu publique, par un communiqué qui a été publié dans la presse locale. Nicolas Morvan, président de la communauté de commune, déclare ainsi : « Oui la Cocopaq est fière de mener une politique publique pour l’égalité femme-homme. Et non, en aucun cas, elle ne fait la promotion d’une idéologie, ni la promotion de quelconques pratiques sexuelles ! »

Dans l’article consacré à l’affaire par le quotidien Le Télégramme, Annie Sow, conseillère principale d’éducation qui a piloté le projet répond de son côté à ces détracteurs : « Nous avons proposé ce projet dans une démarche citoyenne pour faire réfléchir les jeunes sur les relations filles-garçons. C’était un exercice, pas une question d’idéologie. Et les jeunes sont fiers de leur travail. Aujourd’hui, ils mènent des réflexions très pertinentes sur le sujet ». Christian Scaviner, le photographe,  estime lui « que cette exposition « c’est le fondement de la vie en société, le respect de l’autre et de soi, il n’y a que des belles choses dans cette exposition ». « Questions de genre » continuera donc à être présentée. « S’il faut interdire tous les jeux de rôle dans ces cas-là, on ne peut plus rien faire », déplore Jacques Juloux, le vice-président de la Cocopaq en charge de la culture qui martèle que « les communes et les médiathèques sont libres ».

Les amicales laïques de Quimperlé et Concarneau, et la section Françoise-Bosser de la Ligue des droits de l’Homme ont, elles aussi, réagi, en publiant le communiqué suivant :

« Les Amicales laïques de Quimperlé et Concarneau, la section Françoise Bosser de la Ligue des Droits de l’Homme, se félicitent de la position prise par la Cocopaq face aux courriers demandant la suppression de la remarquable exposition «  Questions de genre » ; exposition réalisée par les élèves du club UNESCO du lycée de Roz Glas dans le cadre d’un projet pédagogique visant à les faire réfléchir sur les relations filles-garçons.

Les continuelles tentatives d’immixtion rétrogrades que subit actuellement le système scolaire de la part, notamment, d’activistes religieux, constituent d’inacceptables atteintes aux libertés de conscience, d’expression et de création. Elles sont évidemment à prendre au sérieux et doivent être à chaque fois combattues énergiquement

Dans la droite ligne des objectifs qui lui sont assignés par le Code de l’Éducation, l’école doit, en effet, pouvoir poursuivre son travail, dans la sérénité, pour la compréhension et l’éducation des rapports entre les hommes et les femmes, entre masculin et féminin (voir les travaux  d’E. Roudinesco sur la « théorie du genre »). Et le chemin est encore long vers l’égalité de droit.

En refusant de céder à la pression, la Cocopaq réaffirme avec force ces objectifs et rappelle simplement que l’égalité se construit, s’apprend… tout comme la démocratie. Qu’elle en soit chaleureusement remerciée. »

Quant au curé de Quimperlé, on ne peut que lui conseiller de retourner s’occuper de musique liturgique, domaine dans lequel il a, semble-t-il, une certaine expertise.

 

 

Prison ferme et lourdes amendes requises contre Le Lay, de breizh atao

Le marchand de galettes est encore victime du complot judéo-maçonnique, auquel se sont sans nul doute joints les socialo-communistes, les gauchistes, les anarchistes, les artistes, on doit certainement en oublier, il nous pardonnera.

Le fuyard de l’Île du Soleil levant comparaissait donc en appel, ce mardi 4 février à Rennes. « Comparaissait » n’est pas le verbe qui convient puisque, comme d’habitude, il était absent. On se perd un peu dans ce marathon judiciaire : il s’agissait évidement une nouvelle fois de racisme, le fonds de commerce de l’individu, en l’occurrence contre la conseillère générale de Brest, dont l’origine africaine insupporte M. Le Lay. Le réquisitoire a une nouvelle fois été sévère, puisque le procureur a demandé une peine de prison ferme. Cela donnerait à Le Lay de se consacrer à la lecture, ce qui lui ferait sans nul doute le plus grand bien. On pourrait lui conseiller des livres d’histoire contemporaine, par exemple. Mais est-ce bien utile…

A la suite d’une précédente comparution au cours de laquelle le procureur avait également requis de la prison ferme, Le Lay appelait une telle condamnation de ses vœux, étant persuadé qu’elle l’élèverait au rang de martyre. Curieusement, cette fois-ci il fait plutôt profil bas, sa préoccupation principale étant de lever des fonds pour aller en cassation : c’est que ça lui coûte des sous, ces plaisanteries ! Et il en appelle à un lelaython, au nom de la liberté d’expression que sa condamnation mettrait en péril ! Il pourrait peut-être en parler à Dieudonné ?

 

Qui fait et défait les lois dans la République ?

La Ligue des droits de l’Homme donne son point de vue sur la dernière reculade du gouvernement : le renoncement à l’introduction de l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes. Le ministre de l’intérieur, qui était déjà ministre de la justice, ministre des affaires sociales, s’est attribué une nouvelle compétence : il est aussi ministre de la famille. Bon. Disons qu’il est premier ministre. Ça rappelle quelque chose cette histoire-là…

Voici le communiqué que vient de publier la Ligue des droits de l’Homme.

Ainsi donc, la « Manif pour tous les intégristes » a gagné. La promesse faite en 2012, les amendements présentés par les députés socialistes lors de la loi sur le mariage instituant l’égalité d’accès à la PMA, l’engagement qui leur avait été fait que ce que l’on bloquait alors serait repris en 2014 dans la loi sur la famille… Tout cela est passé à la trappe.

Comme il y a dix ans, le ministre de l’Intérieur est Premier ministre, ministre de la Famille, ministre de la Justice, auto-investi du pouvoir de définir le « destin » des Roms, des étrangers, des homosexuels, de déclencher des censures a priori, etc.

Ainsi donc, le reste du gouvernement ne sert à rien. Le Parlement ne sert à rien. Les associations porteuses d’égalité des droits, la « société civile », dont on nous rebat les oreilles quand cela peut servir la communication électoraliste, tous ceux qui connaissent l’état réel de la société quant aux rapports familiaux, aux droits et à l’intérêt réel des enfants, eux non plus ne servent à rien.

Quel gâchis démocratique ! Aujourd’hui comme hier, le mélange d’astuce et d’inaction est un double message que ses auteurs ne sont pas en état de maîtriser. Aux manifestants d’extrême droite et de droite extrême, que l’on croit naïvement « apaiser », on montre « ce qui paie » : à quand les mobilisations des « familles » sur la « fin de vie », contre l’avortement, pour une Europe à la Mariano Rajoy ? Et message non moins redoutable, pour toutes celles et tous ceux qui avaient entendu « le changement, c’est maintenant » : citoyens électeurs qui vous imaginiez souverains, députés qui vous imaginiez législateurs, voyez comme le vrai pouvoir, qui est ailleurs, est capable de faire très vite ce qu’il n’avait pas dit, et d’oublier très vite de faire ce qu’il avait promis.

Avec cette combinaison d’impuissance et de reculade face aux forces les plus régressives, avec une forme d’autoritarisme face au Parlement et un mépris des engagements pris, c’est l’effectivité de la démocratie qui est gravement compromise. Et l’on peut craindre que ceux qui ont fait ce pas de clerc ne soient pas les seuls à en payer le prix.

La Ligue des droits de l’Homme, solidaire de tous ceux et toutes celles qui continuent à faire avancer l’égalité des droits, appelle les citoyennes et les citoyens à continuer à construire ensemble un avenir qui n’est ni dans le rétroviseur ni dans l’immobilisme.