L’interview donnée au journal Le Monde par Manuel Valls, le 28 juin, a déçu les défenseurs des droits, et les associations qui sont quotidiennement aux côtés des demandeurs d’asile et des sans-papiers. Il convient cependant de relire avec application cette interview. C’est ce qu’ont fait deux associations : le réseau éducation sans frontière (RESF), et France Terre d’asile.
Certains avaient conclu un peu rapidement que Valls avait enfilé les pantoufles de Guéant. C’était aller un peu vite en besogne. On se souvient du discours sans concession qu’il avait prononcé lors de la passation de pouvoir : les choses semblaient claires. Et on retrouve dans cette interview des points essentiels, qui peuvent rassurer les défenseurs des droits : la prise en compte de trois critères pour la régularisation (le temps de séjour en France, les relations familiales, l’intégration par le travail), la création d’un nouveau titre de séjour de 3 ans qui permettra d’amoindrir sensiblement la situation de précarité des personnes concernées, la facilitation des procédures de naturalisation.
Mais tout ceci est gâché par une ânerie, que dénoncent ensemble RESF et France Terre d’asile : le maintien d’un quota d’expulsions. Comme Sarkozy et Guéant, Manuel Valls prévoit 30000 expulsions par an. Mais alors, pourquoi dire que les régularisations se feront au cas par cas, à partir de critères clairs ? S’il ne trouve pas 30000 étrangers ne répondant pas aux critères qu’il annonce, et donc expulsables, que fera Manuel Valls ? Il changera les critères ?
Comme le dit Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile dans la tribune qu’il a publié dans le Nouvel Observateur, « cet imbroglio tient au fait que l’immigration est généralement encore un impensé à gauche. On s’en tient plutôt à distance, et, à gauche comme à droite, on a souvent tendance à calquer son opinion sur celle… du bistrot ! Des idées simples pour une problématique complexe, insuffisamment partagée à gauche ». Tout se passe comme si la gauche se croyait obligée de donner des assurances à la droite, comme si les Français étaient tous d’accord avec cette politique d’expulsions, de fermeture des frontières. Les sondages réalisés sur le droit de vote des étrangers extra-européens aux élections locales ont pourtant montré, les uns après les autres, qu’une large majorité de la population l’approuvait.
Les deux articles, de RESF et de France Terre d’asile ont le mérite de reposer calmement les choses, et de faire le tri entre positif et négatif.
Henri IV estimait que « Paris vaut bien une messe ». Il ne faudrait pas que la gauche se dise que « le pouvoir vaut bien un charter ».