La Ligue des droits de l’Homme porte plainte contre le maire de Loudéac pour ses propos à l’encontre des Gens du voyage

Le bureau national de la Ligue des droits de l’Homme a saisi le procureur de la République de Saint-Brieuc d’une plainte contre M. Huet, maire de Loudéac, suite aux propos qu’il a tenus lors de la séance du conseil municipal du 14 novembre 2013 au sujet des Gens du voyage.

Ces propos ne sont pas dignes d’un élu de la République. Ils jettent le discrédit sur la communauté des Gens du voyage, sont discriminants et diffamatoires, et peuvent susciter des réactions d’hostilité à leur égard.

Les propos incriminés peuvent être écoutés sur la vidéo filmée par la mairie et mise en ligne sur son site à l’adresse http://www.ville-loudeac.fr/index.php/conseil-municipal-du-14-novembre-2013.html, séquence 5, à 6’50 du début, puis séquence 6.

La Ligue des droits de l’Homme rappelle qu’elle défend les droits de tous.

Lire aussi ici.

Condamnation confirmée en appel pour Boris Le Lay

Ça n’était pas une bonne idée de faire appel : Boris Le Lay, responsable du site raciste, antisémite et fasciste breizatao, va pouvoir faire à nouveau la manche (comme il l’avait cet été pour payer son avocat), puisque sa condamnation par le tribunal de Quimper a été confirmée cet après-midi 17 décembre par la cour d’appel de Rennes. 18 mois de prison avec sursis pour diffamation et incitation à la discrimination raciale, ainsi que 500€ de dommages et intérêts à chacune des parties civiles. Il n’en a pas fini avec la justice puisque deux autres affaires du même type doivent être jugées en appel.

Absent de l’audience, le courageux Le Lay a, au même moment, lancé un appel lui aussi particulièrement courageux : n’osant pas le faire lui-même, Le Lay, via breizatao, promet une prime de 500€ à qui recouvrira de peinture la fresque érigée à Brest en l’honneur de Nelson Mandela qu’il qualifie de terroriste, communiste, antiblanc etc… Ne riez pas, ça n’est pas une blague.

Le Lay va pouvoir ressortir son refrain du complot « judéo maçonique » !

Journée d’hommage à Victor et Ilona Basch le 10 janvier à Rennes (35)

La section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes présente une particularité : elle a été la première section créée en province. Et une deuxième : elle a été créée par Victor Basch, figure emblématique de la lutte pour la reconnaissance de l’innocence d’Alfred Dreyfus, et qui devint, en 1926 et jusqu’à son assassinat par la milice le 10 janvier 1944, président national de la Ligue de droits de l’Homme.

Pour André Hélard, membre de la section de Rennes et qui a beaucoup travaillé et écrit sur son histoire et celle de Victor Basch, une autre singularité réside dans le fait que  cette histoire est particulièrement bien documentée. Il raconte avec humour qu’une des raisons de la richesse des archives concernant cette section est qu’elle était suivie par un « indicateur » particulièrement zélé et méticuleux, qui notait jusque dans les moindres détails ce qui se disait, se discutait et se décidait dans les réunions.

Autre raison de cette richesse : que Victor Basch a eu la lourde charge d’organiser l’accueil des Dreyfusards à Rennes pendant le deuxième procès du capitaine, et a donc beaucoup écrit aux responsables parisiens de la Ligue des droits de l’Homme, aux hommes politiques, et à son épouse lorsqu’elle était absente. Et cette correspondance est évidemment une mine pour l’historien.

Pas étonnant donc que pendant la journée du 10 janvier 2014, que la section de Rennes va consacrer à un hommage à Victor Basch, les historiens vont se bousculer au lycée qui porte aujourd’hui son nom : il s’agit du jour anniversaire de l’assassinat du couple Victor et son épouse Ilona par la milice. Le programme de la journée est particulièrement riche. L’hommage ne sera pas confié aux seuls historiens : des personnalités politiques y participeront également, ainsi que le président de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky.

Retenez donc tout de suite la date, de cet événement exceptionnel !

Le programme de la journée, qui aura lieu au lycée Victor-et-Hélène-Basch, 15 rue Charles-Tillon à Rennes (35)

Vendredi 10 janvier 2014

Journée d’hommage à Victor et Ilona Basch

 Présidée par leur petite-fille

Madame Françoise Basch,

9h00 – 10h00   Accueil du public et discours d’ouverture

10h00- 13h00 :

  • À  Rennes au temps de l’affaire Dreyfus, par André Hélard, auteur de L’Honneur d’une ville, la naissance de la section rennaise de la Ligue des droits de l’homme.
  • Ilona Fürth, MADAME Victor Basch, par Colette Cosnier, maître de conférences en littérature comparée, Université du Maine.
  • « Ligueur, rien que Ligueur, depuis toujours et pour toujours » : Victor Basch, président de la Ligue des droits de l’homme, 1926-1944, par Emmanuel Naquet, Centre d’histoire de Sciences Po-Paris, co-responsable du groupe de travail « Mémoires, histoire, archives » de la Ligue des droits de l’homme
  • L’Assassinat, par Pascal Ory, Professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne-Paris 1.

14h00 Dévoilement de la plaque en hommage à Victor et Ilona Basch

 

14h30 – 18h00 :

  • Victor Basch, dreyfusard de combat (2006), film de Vincent Lowy, Université de Lorraine, directeur de l’Institut européen du Cinéma et de l’Audiovisuel
  • Victor Basch – un engagement citoyen, par Edmond Hervé, ancien ministre, sénateur, maire de Rennes de 1977 à 2008
  • Table ronde, animée par Gilles Manceron, historien, co-responsable du groupe de travail « Mémoires, histoire, archives » de la Ligue des droits de l’homme :
  • Victor Basch, modèle pour un engagement d’aujourd’hui ? Avec Edmond Hervé, Pierre Tartakowsky, Pascal Ory, Emmanuel Naquet et Vincent Lowy 
  • Conclusion de la journée : Militer hier, aujourd’hui ? Par Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’homme

 

 Des textes de Victor Basch lus par les élèves du lycée et des auditions d’archives sonores ponctueront la journée

 

Il faut rendre hommage à Ilona et Victor Basch, assassinés par la milice le 10 janvier 1944

Crédit photographique : © Photo RAP/ Roger Viollet.

Fondateur de la section de Rennes de la Ligue des droits de l’Homme pendant l’affaire Dreyfus (André Hélard, spécialiste de l’affaire Dreyfus, évoque son rôle éminent dans une vidéo mise en ligne ici), président de la Ligue des droits de l’Homme de 1926 jusqu’à son assassinat par la milice en 1944, Victor Basch est une des grandes figures non seulement de la Ligue des droits de l’Homme, mais simplement de l’Histoire de France. En dehors de son attachement indéflectible à la Ligue, Victor Basch a joué un rôle majeur pendant le Front populaire et dans la Résistance, notamment en tant que membre du comité directeur du Front national pour la zone sud (à ne pas confondre avec le groupe d’extrême droite qui en a volé le nom).

Consultée par la mission de réflexion sur le Panthéon, chargée de proposer des noms de personnes méritant de reposer dans la nécropole nationale, la Ligue des droits de l’Homme a proposé les noms de Victor Basch et de son épouse Ilona, assassinés par la milice le 10 janvier 1944. Le 10 janvier 2014 sera l’occasion pour la section de Rennes de la LDH d’honnorer son fondateur, en collaboration avec le lycée Victor Basch et  du conseil régional de Bretagne. Plusieurs historiens et personnalités politiques interviendront pendant cette journée dont nous vous détaillerons le programme prochainement. Les sections LDH de Montrouge (92) et Villeurbanne (69) s’associeront à cet hommage, et cosignent avec la section de Rennes un appel en faveur de la proposition de la Ligue des droits de l’Homme de faire entrer au Panthéon le couple Victor et Ilona Basch. Voici, ci-dessous, l’appel commun qu’elles lancent.

Victor Basch, 70 ans après son assassinat

Ancien président de la Ligue des droits de l’Homme, Victor Basch est assassiné avec son épouse Ilona, le 10 janvier 1944 près de Lyon par la milice française et la Gestapo. Des commémorations sont d’ores et déjà programmées à Rennes (35), à Villeurbanne (69) et à Montrouge (92) en l’honneur de cet homme d’action, fervent dreyfusard, militant acharné de la défense du droit et de la justice.

La Ligue des droits de l’Homme et du citoyen, tout en appuyant récemment l’entrée simultanée de plusieurs femmes au Panthéon, estimait également « que le rôle de Victor Basch mérite lui aussi d’être honoré par la République et que celui-ci pourrait, avec sa femme Ilona, être inhumé dans le haut lieu de la République que constitue le Panthéon ».

C’est à Rennes, à l’occasion de l’affaire Dreyfus, que débute l’engagement politique de Victor Basch. Ce combat l’amène à faire partie dès juin 1898 des premiers adhérents de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen dont il assurera la présidence de 1926 jusqu’à sa mort, et à jouer un rôle essentiel dans la fondation de la section de Rennes, une des premières à voir le jour. En sa mémoire, la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes organisera le vendredi 10 janvier 2014 une journée d’hommage sur le thème « Militer hier et aujourd’hui » avec la participation d’historiens et de responsables associatifs et politiques.

L’engagement militant de Victor Basch l’amène à être également un acteur important du Front populaire. C’est ainsi qu’il préside à Montrouge, le 14 juillet 1935, au vélodrome Buffalo, les « Assises de la paix et de la liberté », évènement fondateur du Front populaire et de ses avancées sociales. La section de la Ligue des droits de l’Homme de Montrouge dévoilera une plaque rappelant cet événement, le mercredi 16 avril 2014, rue Victor Basch à Montrouge.

Réfugié pendant la guerre, avec son épouse Ilona, à Caluire-et-Cuire (69), Victor Basch devient membre du comité directeur du mouvement de résistance Front national pour la zone sud. Arrêtés tous les deux le 10 janvier 1944 par la milice française et la Gestapo, ils sont assassinés à Neyron (01) et sont inhumés à la Nécropole nationale de la Doua, à Villeurbanne (69). La Fédération de la Ligue des droits de l’Homme du Rhône invitera à se recueillir sur leur tombe le vendredi 10 janvier 2014 et proposera une projection-débat autour du film documentaire « Victor Basch, dreyfusard de combat ».

Le 10 janvier 2014, cela fera 70 ans que Victor Basch fut tué, avec son épouse Ilona, pour ses engagements et du fait de ses origines. Les assassins déposèrent sur leurs corps l’inscription « Terreur contre terreur : le juif paye toujours ». Alors qu’en France les propos racistes se multiplient, les diverses commémorations qui se dérouleront autour de l’action militante et de l’assassinat de Victor Basch appuieront la volonté de la Ligue des droits de l’Homme de dénoncer sans relâche et sans complaisance les incitations actuelles à la haine et de refuser que la brutalité verbale toujours annonciatrice de passages à l’acte dramatiques envahisse l’espace démocratique.

 

Des dizaines de marches contre le racisme

Le journal Le Monde annonce 25.000 personnes à la marche parisienne contre le racisme. Dans toute la France, des dizaines de marches ont été organisée pour refuser cette aberrante régression qui nous ferait revenir des dizaines d’années en arrière.

A Dinan (22), c’est Patrick Briend, de la section dinanaise de la Ligue des droits de l’Homme, qui a lu la déclaration commune des associations ayant participé au collectif d’organisation de ces marches. Pour voir la vidéo (3’02), cliquer ci-dessous.

httpv://youtu.be/4KRNiAx72Ks

Gilles Manceron : « réagir aux résurgences du racisme colonial »

Gilles Manceron

Le dernier exemplaire de la Lettre d’information électronique de la Ligue des droits de l’Homme consacre un dossier au racisme, dont on pensait qu’il avait été éradiqué, et qui s’est exprimé à nouveau violemment ces dernières semaines.

Nous reproduisons ici un article de Gilles Manceron, intitulé « réagir aux résurgences du racisme colonial ». Gilles Manceron, membre du Comité central de la LDH, est historien, auteur notamment de Marianne et les colonies (2003), Droits de l’Homme. Combat du siècle (avec Madeleine Rebérioux, 2004), La Colonisation, la loi et l’histoire (avec Claude Liauzu, 2006) et 1885, le tournant colonial de la République (2007).

On peut parler en France d’un refoulement puis d’un rejaillissement de la mémoire coloniale. La violence des insultes à Christiane Taubira comme la multiplication dans la période récente d’actes islamophobes contre des femmes portant foulard ou des lieux de culte musulman sont autant de manifestations d’un retour du racisme colonial. Mais à l’ère post-coloniale, ce racisme a souvent tendance à revêtir un habillage nouveau, d’apparence humaniste et progressiste, à substituer, par exemple, au discours nationaliste d’hier un discours souverainiste, voire à se livrer à un détournement à son profit de notions comme le féminisme ou la laïcité.

En France, au lendemain des indépendances, les mentalités forgées durant l’époque coloniale, les représentations qu’elle a encouragées et sur lesquelles elle s’est appuyée n’ont pas disparu du jour au lendemain. Il y a eu dans l’opinion comme une période de doute à leur égard quand on a constaté que les représentations d’hier avaient été démenties par les faits. Mais un certain nombre de dictatures dans des pays anciennement colonisés devenus indépendants, de crises dans certains d’entre eux et de phénomènes violents aux conséquences internationales tragiques, ont encouragé une sorte de retour de la bonne conscience coloniale et aux préjugés qui l’ont marquée et qui, en réalité, n’avaient jamais disparu.

La vision d’un « Autre » différent d’un « Nous », produite par cette histoire, n’est jamais entièrement sortie des esprits. L’impensé colonial, faute d’être analysé, n’a cessé de hanter une partie de la société française, et, depuis le début des années 2000, il a eu tendance à s’exprimer de nouveau à visage découvert. La loi du 23 février 2005 qui stipulait que les programmes scolaires reconnaissaient « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord », c’est-à-dire de la colonisation, a suscité un mouvement de protestation, chez les historiens, les enseignants et dans les départements d’outre-mer, qui a conduit au retrait de la phrase en question. Mais, en 2007, Nicolas Sarkozy a fait du « refus de la repentance » un des thèmes majeurs de sa campagne électorale, et, devenu président, ce fut son discours de Dakar sur l’homme africain qui ne serait jamais « entré dans l’Histoire », la création d’un « ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale », puis la funeste opération d’apprenti sorcier du « débat sur l’identité nationale ». Avec une telle politique, la pensée coloniale, toujours présente dans l’inconscient collectif, n’a cessé d’être ravivée, y compris dans ses aspects les plus caricaturaux. On a même vu le retour d’un racisme biologique, avec des références animalières qui étaient banales à l’époque coloniale et semblaient avoir disparu des discours publics après la Deuxième Guerre mondiale et la décolonisation.

Si Christiane Taubira cristallise aujourd’hui les haines, si une candidate du Front national a pu écrire sur son site qu’elle préférait la voir « dans les branches de son arbre plutôt qu’au gouvernement », si des catholiques intégristes de Civitas ont manifesté contre le mariage pour tous aux cris de « Y a bon Banania, y a pas bon Taubira », et si une enfant de 11 ans lui a lancé « Elle est pour qui la banane ? La banane est pour la guenon », c’est la conséquence de ce phénomène. Comme l’est aussi le fait que l’hostilité à l’encontre des musulmans s’est traduite dans la dernière période par des discours stigmatisants, des pratiques discriminatoires et des agressions physiques.

La riposte à ces phénomènes ne peut résider simplement dans un « sursaut républicain » appelant à combattre le racisme en général. On ne peut y réagir avec quelque efficacité que si l’on prend conscience qu’il ne s’agit pas seulement de défendre la République, mais de questionner la page coloniale de son histoire. Si l’on prend conscience de ce que la République n’a pas toujours été exemplaire, elle a aussi trahi ses valeurs dans sa politique coloniale. Qu’elle s’est aussi illustrée, par exemple, il y a un siècle, en exhibant des personnes venues des colonies devant des spectateurs de Paris ou d’autres villes qui leur lançaient des aliments. Par cette violence symbolique, écho édulcoré mais emblématique de celle de la conquête et de la domination coloniale, elle s’est aussi employée à légitimer l’entreprise « civilisatrice » qu’elle conduisait aux colonies, y compris en allant jusqu’à animaliser ainsi les populations des colonies. Lors des matchs de football d’aujourd’hui, les « cris de singes » lancés dans les tribunes et certaines insultes sur les pelouses ont une histoire.

Il ne suffit pas de parler aujourd’hui d’une résurgence du racisme en général sans pointer les origines de ce racisme particulier, dont les agressions verbales contre Christiane Taubira et physiques contre des femmes portant un voile sont la conséquence. Les différentes formes de racisme n’obéissent pas aux mêmes mécanismes ni aux mêmes ressorts. Tout en restant en éveil face aux nouveaux avatars de la xénophobie et de l’antisémitisme, il s’agit de prendre conscience de cette forme spécifique de racisme. Et de se livrer à un patient travail de déconstruction pour défaire l’imaginaire colonial, ses stéréotypes comme son lot de plaisanteries redoutables, afin de faire place à un autre état d’esprit. Comme le fait, par exemple, en ce moment, l’exposition « Kanak, l’art est une parole » montrée à Paris, au musée du Quai Branly.

L’histoire de la colonisation a longtemps été un point aveugle de la conscience française. Cela a été vrai non seulement pour la colonisation des XIXe et XXe siècles, qui va de la prise d’Alger en 1830 aux indépendances de 1960-1962, mais aussi pour la première phase de celle-ci, celle des XVIIe et du XVIIIe siècles, marquée par la colonisation des îles des Antilles et de l’Océan indien fondée sur l’esclavage et l’économie de plantations. L’une et l’autre ont été longtemps absentes en France de la mémoire collective comme de l’enseignement de l’histoire à l’école. Combien de Français savent que la traite et l’esclavage ont été organisés par la monarchie absolue, avec la création de compagnies d’État (Compagnies des Indes occidentales et des Indes orientales, Compagnie du Sénégal, etc.), et l’encouragement de la traite privée par le versement aux négriers d’une prime par « tête de nègre » importée dans les colonies ? Combien savent qu’on comptait au XVIIIe siècle plus de 3 300 navires spécialisés, à partir de Bordeaux, Nantes, Le Havre et pratiquement tous les autres ports de mer français ?

Des voix se sont fait entendre dans la société française et les départements d’outre-mer pour ne plus occulter cette histoire. Cela a abouti, en 2001, à la loi, précisément défendue par Christiane Taubira, reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité. Cela explique probablement en partie les attaques dont elle est l’objet. Mais un travail important reste à faire pour que cette page d’histoire retrouve sa place dans notre histoire nationale.

D’autant que le plus dur travail qui reste à faire concerne sur la seconde phase de la colonisation, celle des XIXe et XXe siècles. Car c’est à ce moment qu’à l’aide de références républicaines, un discours raciste s’est développé en France quand on a cherché à justifier le droit des nations européennes à conquérir des territoires lointains en affirmant leur « mission civilisatrice » et qu’a été introduite une distinction entre un « monde civilisé », blanc et européen, et un « monde barbare », extérieur à l’Europe. Cela a conduit à diviser l’humanité entre la race blanche « la plus parfaite des races humaines » et les races « de couleur » considérées comme inférieures et placées sur une sorte d’échelle hiérarchique en fonction de leur niveau supposé de civilisation. Et cela s’est produit sous la IIIe République, en invoquant le progrès et les idées républicaines.

Avant même qu’en 1885 la République approuve explicitement la politique coloniale prônée par Jules Ferry au nom de l’idée que les indigènes des colonies n’ont pas les mêmes droits que les autres hommes, le théoricien de la démocratie qu’est Alexis de Tocqueville, par exemple, avait, au milieu du siècle, esquissé cette théorie de l’« exception coloniale ». Bien que reconnaissant les effets désastreux de la colonisation de l’Algérie où « nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare quelle n’était avant de nous connaître », il admettait que les règles qui devaient s’appliquer en Europe puissent être violées là-bas. Et en déduisait notamment que les violences contre les populations étaient, dans ce cas, légitimes. Puisque implicitement les « indigènes » n’étaient pas considérés comme étant vraiment des hommes, on pouvait recourir sans scrupules à des moyens que les droits de l’Homme condamnaient.

Avec Jules Ferry, l’aveu a été plus net encore : « Si nous avons le droit d’aller chez ces barbares, c’est parce que nous avons le devoir de les civiliser. […] Il faut non pas les traiter en égaux, mais se placer au point de vue d’une race supérieure qui conquiert », déclarait-il, par exemple, à la Chambre en 1884. Et, l’année suivante : « Il faut le dire nettement : oui, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Comment justifier, sinon, notre présence aux colonies : elles ne nous demandent pas ! » C’est pour nous un défi que de penser cette distinction porteuse de racisme tout en sachant qu’elle émane des penseurs importants de la démocratie comme Tocqueville ou Ferry. Face à leurs opposants républicains qui invoquaient l’universalité des droits de l’Homme, ils ont compris qu’il valait mieux éviter le débat sur les principes et chercher plutôt à mettre l’opinion de leur côté en recourant à des images et des plaisanteries qui instituaient comme une évidence la supériorité des Blancs sur les « sauvages ». Des représentations, des récits et toutes sortes de mises en scène ont contribué à faire entrer dans les esprits cette division « de bon sens » de l’humanité entre « Nous » et ces « Autres ».

Si on ne déconstruit pas cela, comment faire reculer aujourd’hui les préjugés à la source des divers rejets et discriminations qui minent la société française ? Notamment au détriment des personnes « d’origine maghrébine », des « musulmans d’apparence ou de patronyme », de celles venant des départements d’outre-mer ou d’Afrique, qui sont, du fait des mouvements migratoires, de plus en plus nombreuses dans la société française. De la même manière qu’on dit que ces personnes, dans leur vie sociale et professionnelle, se heurtent à un « plafond de verre », obstacle invisible mais bien réel, que n’institue souvent aucune loi écrite, on peut dire que ce processus s’enracine profondément dans un « socle de verre » constitué par les mentalités et représentations forgées à l’époque des colonies. Il est clair, dans ces conditions, que l’interrogation de la société française sur cette page de son histoire est une nécessité pour aujourd’hui. La société française vit un moment où le détour par ce passé est pour elle un passage obligé pour répondre à un certain nombre de questions sur son présent, et réagir aux divisions qui la menacent.

Les gens du voyage dénoncent le manque de places en aires d’accueil

Les aires d'accueil des Côtes d'Armor (Itinérance 22, http://itinerance22.canalblog.com/archives/p20-20.html)

Le fait est suffisamment rare pour être remarqué : les gens du voyage ont convoqué la presse pendant le week-end dernier à Nantes, pour dénoncer leurs conditions de vie qui se dégradent.

Les deux problèmes majeurs qu’ils rencontrent sont d’une part le manque de places dans les aires d’accueil, et les problèmes avec les sédentaires. Deux problèmes intimement liés, le premier étant souvent à l’origine du second. Christophe Sauvé, président de l’association nationale des gens du voyage chrétiens explique : « Les gens du voyage ne souhaitent pas être en stationnement illicite: nous comprenons le désarroi des chefs d’entreprise, des riverains, on le comprend, mais nous n’avons pas fait ce choix d’être dans ces situations et on ne nous fait aucune proposition de stationnement licite ».

La loi fait obligation aux communes de plus de 5000 habitants de mettre à la disposition des voyageurs une aire d’accueil aménagée, dont le nombre de places est proportionnelle à l’importance de la commune. Un plan départemental complète et coordonne le dispositif, et doit prévoir des aires de « grand passage », destinés à accueillir les grands regroupements, la plupart du temps religieux.

Tous les départements, loin s’en faut, ne respectent pas cette obligation, et c’est la même chose pour les communes. Les stationnements illicites deviennent alors inévitables, et peuvent être à l’origine de conflits avec les populations sédentaires. Conflits qui sont systématiquement utilisés pour ternir l’image des voyageurs, y compris lorsqu’ils sont dans leurs droits, ce qui est le cas la plupart du temps : on le voit régulièrement avec certains maires, comme Estrosi, par exemple, à Nice.

En Loire-Atlantique par exemple, le déficit est de 168 places, et il est augmenté en ce moment de 42 autres places en raison de travaux de réfection en cours sur une aire.

Autre conséquence, encore plus grave : la situation des voyageurs en dehors des stationnements illicites est encore plus précaire, et la scolarisation des enfants devient encore plus difficile, avec des changements de lieux plus fréquents. Yannick Péron, président de l’association départementale des gens du voyage citoyens de Loire-Atlantique souligne une autre conséquence : « Les situations sont intolérables, on ne peut pas continuer, nos enfants grandissent avec l’idée que la société ne veut pas d’eux ».

Le département des Côtes d’Armor fait figure de bon élève, avec 15 aires d’accueil qui totalisent 204 emplacements familles.

 

 

Cimade 25 : la préfecture d’Ile-et-Vilaine menace l’Etat de droit

Communiqué de la Cimade d’Île-et-Vilaine

La Préfecture d’Ille et Vilaine menace l’État de Droit

Des pratiques inacceptables, inhumaines et dégradantes sur l’accueil, le séjour et les expulsions des étrangers offensent la République. Elles sont quotidiennes à la préfecture de Rennes.

Le 8 novembre 2013, les services préfectoraux d’Ille et Vilaine ont demandé la condamnation de La Cimade pour recours abusif, dans le cadre de sa mission d’aide à l’exercice effectif des droits auprès des personnes retenues au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Rennes Saint-Jacques-de-la Lande. La Cimade n’a pourtant fait que respecter l’objet de cette mission définie par le Ministre de l’Intérieur : accueil, information et soutien des étrangers enfermés dans les CRA pour leur permettre une mise en œuvre effective de leurs droits. La Cimade voit  dans la remise en cause de sa mission par les services préfectoraux d’Ille et Vilaine une tentative d’intimidation inacceptable et une atteinte aux droits des personnes retenues.

Les services préfectoraux nient tout autant les droits des étrangers incarcérés en Ille et Vilaine: l’usage est de ne répondre à aucune demande émanant de personnes détenues, et ce au mépris d’une circulaire conjointe du Ministre de l’Intérieur et de la Garde des Sceaux en date du 25 mars 2013 (téléchargeable ici)

Les conditions d’accueil en préfecture à Rennes se dégradent inexorablement pour atteindre un niveau qui déshonore la République Française. Ces conditions d’accueil sont méprisantes pour le public étranger qui a besoind’accéder aux services préfectoraux pour le renouvellement d’un récépissé, d’une carte de séjour ou pour demander l’asile. Les horaires permettant l’accès au guichet se réduisent de mois en mois et se transforment en un parcours du combattant. Ces personnes ont souvent attendu des heures sous la pluie et dans le froid, quelquefois vainement jusqu’à l’heure de la fermeture, alors qu’elles font la queue depuis la nuit précédente.

Nous constatons que les étrangers accompagnés d’un avocat ou d’un membre d’uneassociation de défense des droits des étrangers ont un peu plus de chance d’être entendus. Ce qui ne les met pas à l’abri d’un traitement méprisant des services préfectoraux. Les refus opposés au guichet, pourtant sévèrement condamnés par le Conseil d’État, sont monnaie courante.

La Cimadedemande que cessent ces pratiques indignes du premier représentant local de l’État. Nous demandons le respect du droit des personnes étrangères et de leurs soutiens quand ils s’adressent aux services préfectoraux d’Illeet Vilaine, conformément à ce que prévoient la Loi et les règlements en la matière.

France, resaisis-toi : signez la pétition !

La Ligue des droits de l’Homme soutient la pétition lancée par un adjoint au maire de Brétigny-sur-Orge, Steevy Gustave, et appelle à la signer et la diffuser.

Steevy Gustave, qui était candidat Eutope écologie les Verts aux élections législatives en 2012, est chargé de la citoyenneté, la démocratie et l’égalité des chances à Brétigny-sur-Orge. Il s’est beaucoup investit dans le domaine de la culture et auprès des jeunes, notamment grâce au hip-hop.

Il est l’auteur de cette pétition de soutien à Christiane Taubira, victime d’insultes et d’injures racistes et de menace.

La pétition peut être signée ici. N’hésitez pas à la signer et la diffuser !

Le texte de la pétition

« C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ». C’est par ces mots qu’une fillette de 12 ans a brandi il y a quelques jours à Angers une peau de banane à l’endroit de Christiane Taubira. Après la comparaison simiesque dont notre Ministre de la Justice fut la cible quelques jours plus tôt par une candidate du Front national, ce sont des mots qui ne peuvent être tenus pour des « dérapages » comme la presse les qualifie avec une pudeur de violette. Ils sont tout au contraire le signe qu’une gangrène purulente est en train, sous nos yeux, d’infecter le pacte républicain.

Le mal semble tellement avancé que ce sont donc des parents qui, le temps d’une manifestation, montrent avec fierté à quel point leur fille a été élevée dans la haine. Le mal semble tellement avancé que c’est avec stupéfaction que nous constatâmes la quasi-absence de réactions face à des propos aussi violents qu’intolérables. Le mal semble tellement avancé que toutes les excuses sont trouvées aux expressions de racisme tandis que la lutte contre ce fléau est disséquée, vilipendée, critiquée, moquée. En dépit – ou en raison – de ce contexte, nous tenons à réaffirmer les valeurs de notre République, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Nous tenons également à réaffirmer notre attachement à ce que notre pays, ses habitants et son histoire ne soient pas insultés ainsi quotidiennement par des dealers de haine. Car ces propos sont autant d’insultes aux anciens combattants de toutes origines qui se sont battus pour que nous puissions vivre ensemble face à l’obscurantisme.

Autant d’insultes aux grands Hommes qui ont contribué à la richesse et au rayonnement de la France. Il n’est qu’à penser, pour n’en citer que quelques-uns, à Alexandre Dumas, Raymond Kopa, Marie Curie, Yves Montand, Aimé Césaire, Samuel Beckett, Joséphine Beker, Léon Blum, Félix Eboué, Gaston Monnerville et plus récemment à Georges Charpak, Haroun Tazieff, Yannick Noah, Charles Aznavour, Omar Sy, Jacques Martial ou Zinedine Zidane. Noirs, Arabes, Juifs, étrangers ou fils d’immigrés : ils sont tous une partie constituante de la Nation. Une Nation dans laquelle il devrait pouvoir être affirmé comme la dernière des banalités que « nous sommes tous la France ». Cet appel est un appel républicain, car loin des querelles partisanes, chaque personne, soucieuse de la beauté et de l’avenir de notre pays, doit dire que le racisme, la xénophobie, le harcèlement et plus généralement la haine de l’Autre sont des fléaux qui mettent à mal notre socle commun. C’est donc le devoir de chaque citoyen de participer à un sursaut afin d’arrêter de trouver chez l’Autre la justification de nos fantasmes mauvais et de nos maux du moment.

Signataires de cet appel, c’est par amour de notre pays que nous affirmons les positions suivantes : Nous refusons cette société qui se replie sur elle-même ! Nous refusons la normalisation de la parole raciste ! Nous refusons l’instrumentalisation de nos valeurs à des fins politiques ! Nous demandons que toutes formes de racisme soient fortement condamnées ! Nous demandons que la haine ne mutile plus le corps de la liberté, l’âme de l’égalité et le cœur de la fraternité. Au nom de nos valeurs, c’est au contraire dans l’union des citoyens que nous devons construire notre pays, préparer son avenir et retrouver la fierté d’une Nation qui ne saurait se nicher dans les ratiocinations, pas davantage que dans la glorification des mauvaises passions.

 

Boris Le Lay : 8 mois de prison ferme requis en appel

Boris Le Lay va peut-être bénéficier de 8 mois de séjour gratuit dans les geôles de la République Française, dans lesquelles il projette d’enfermer ceux qui ne partagent pas ses idées. Ce qui représente beaucoup de monde puisqu’il est à peu près seul.

L’appel qu’il a déposé après sa condamnation au mois de juillet par le tribunal de Quimper n’était peut-être pas une bonne idée : il n’y avait écopé que de prison avec sursis, mais à Rennes, mardi 19 novembre, l’avocat général a été plus sévère, en demandant un an d’emprisonnement dont quatre mois avec sursis.

Le tribunal de Quimper avait motivé la clémence de son jugement par le fait qu’il ne s’agissait que d’une première condamnation. Il y en a eu d’autres depuis, notamment à Paris et à Brest, et tous les appels n’ont pas été jugés.

Certes, réquisition ne signifie pas condamnation, mais les arguments développés par l’avocat général ont un autre poids que la pauvre défense de Le Lay qui s’est contenté de désavouer son client en reconnaissant qu’il avait tenu des propos « blessants » et, ce qui prouve qu’il connaît parfaitement son client, « peu intelligents »

Monsieur Le Lay était évidemment absent, fidèle à son mépris de la justice, ce que l’avocat général n’a pas manqué de souligner.

Il est particulièrement savoureux de constater, que le jour même où l’idéologue de Cornouaille se dérobe et ne se rend pas au tribunal, il fait, entre deux galettes (il travaille dans une crêperie au Japon), l’éloge sur son site de l’héroïsme du roi Leonidas de Sparte devant les Perses, lors de la bataille des Termophyles au cours de laquelle il trouve la mort !

Le jugement a été mis en délibéré pour le mardi 17 décembre.

Sources : Le Télégramme, Ouest-France.

Lire également :

http://www.ldh-france.org/section/loudeac?s=boris+le+lay&x=-1254&y=-54

http://www.ldh-france.org/section/loudeac/2013/09/27/boris-le-lay-a-nouveau-condamne/

http://www.ldh-france.org/section/loudeac/2013/07/13/boris-le-lay-nouveau-proces-jugement-en-delibere/

http://www.ldh-france.org/section/loudeac/2013/09/20/breizatao-fait-la-manche/

http://www.ldh-france.org/section/loudeac/2013/06/25/breizatao-com-22500e-et-18-mois-de-prison-avec-sursis-pour-boris-le-lay/