Un vice procureur menacé de sanction par le ministre de la justice

Philippe Mao est vice-procureur au parquet de Toulouse. Le 4 janvier dernier, il siégeait au tribunal pour juger un ancien militaire qui avait profané des tombes musulmanes, en y déposant de la couenne de porc. Dans son réquisitoire, Philippe Mao a dénoncé l’atmosphère fétide qui règne depuis quelque temps dans le pays, et qui alimente ce genre de comportements : « Ce que nous avons à juger est le résultat d’un vent mauvais qui souffle sur notre pays depuis plusieurs années et dont je crois pouvoir dire que les plus hautes autorités de l’État n’y sont pas étrangères et contribuent à l’alimenter, même si elles ne sont pas les seules ».

C’en était trop : le député du coin, un certain Bernard Carayon, s’est ému de ces propos, et a saisi le ministre de la justice, en se fendant d’un communiqué : « Ces propos, qui établissent un lien entre cet acte inqualifiable et la politique engagée par le chef de l’État, sont indignes d’un magistrat, profondément anti-républicains et appellent une réponse judiciaire ou administrative appropriée« . Car comme chacun sait, le débat sur « l’identité nationale » était républicain (on ne va pas fâche M. Guaino !), tout comme le sont les propos sans cesse réitérés du ministre de l’intérieur (pas plus tard qu’hier, vendredi 2 mars, il a affirmé à Nancy : accorder le droit de vote aux étrangers pourrait conduire à ce que « des étrangers rendent obligatoire la nourriture halal » dans les cantines (Le Monde). A noter que le gentil député a fait ses armes dans une groupuscule d’extrême-droite.

La réaction du ministre ne s’est pas faite attendre : il vient de diligenter une enquête sur ces propos, et Philippe Mao risque d’être traduit devant le Conseil supérieur de la magistrature.

Ceci pose une nouvelle fois le problème de l’indépendance de la justice, problème longuement abordé par Henri Leclerc dans sa conférence du 17 février dernier à Quimper.

La section de Toulouse de la Ligue des droits de l’Homme a immédiatement réagi, en publiant ce communiqué :

La LDH soutient le Vice Procureur de la République Philippe MAO

Toulouse, le 2 mars 2012

La Section de Toulouse de la Ligue des droits de l’homme a été informée de l’inspection diligentée par Monsieur le Ministre de la Justice à l’encontre de Monsieur le Vice Procureur de la République Philippe MAO, à la suite de la demande qui lui en a été faite par le député UMP du Tarn Bernard CARAYON, en raison de propos qui auraient été tenus dans le cadre de ses fonctions à l’audience par ce magistrat.

La Ligue des droits de l’homme s’associe pleinement à toutes celles et tous ceux qui ont dénoncé l’atteinte ainsi portée à la liberté de parole des magistrats du parquet à l’audience, dans le seul but de complaire aux vœux d’un député lui-même connu pour son ancienne appartenance à un mouvement étudiant d’extrême droite.

Le Vice Procureur de la République Philippe MAO n’a fait que son travail de magistrat du parquet et n’a commis aucune faute de quelque nature que ce soit au regard de ses obligations professionnelles.

La Ligue des droits de l’homme émet le vœu que le Garde des Sceaux cesse de mettre en cause des magistrats dans un objectif purement politique et renonce sans tarder à saisir le Conseil supérieur de la magistrature à l’encontre de Monsieur le Vice Procureur Philippe MAO.

Elle demeurera vigilante à l’égard de la décision que Monsieur le Garde des Sceaux prendra dans cette affaire.

Les députés votent la création de 24000 prisonniers supplémentaires

Le Monde titrait hier, le 29 février : « Le Parlement vote la création de 24000 places de prison en cinq ans ».

En réalité, le Parlement a voté la création de 24000 prisonniers en cinq ans.

C’est Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, éminent avocat, qui, non seulement le dit, mais le prouve, avec l’autorité que ses 56 années d’exercice du métier d’avocat lui donne. Vous pouvez l’écouter en regardant ici la vidéo de sa conférence à Quimper du 17 février dernier. Il se base sur les statistiques de l’administration pénitentiaire :

il y a 3 ans, on a décidé l’ouverture de 3077 places supplémentaires en prison. Avec évidemment toujours le même argument humanitaire : la lutte contre la surpopulation carcérale. Non seulement trois ans plus tard, la surpopulation carcérale n’a pas diminué : au 15 janvier 2012 il y avait 65262 prisonniers, pour 57255 places, mais la population carcérale a augmenté de 3094 prisonniers : 3077 places nouvelles, 3094 prisonniers. C’est ce qui s’appelle de l’optimisation des moyens…

Henri Leclerc avait observé le même phénomène en 1986, quand le ministre de la justice Albin Chalandon avait ouvert 13000 places de prison. L’avocat avait alors écrit un article prédisant qu’on aurait 13000 prisonniers de plus : trois ans plus tard, c’était fait.

Comme le dit Henri Leclerc, nous n’avons pas besoin de places supplémentaires en prison, nous avons besoin d’une véritable politique pénale, qui remette à leur place les peines alternatives auxquelles on renonce aujourd’hui pour des questions de moyens, et qui pourtant, et tout le monde le sait, y compris leurs pourfendeurs, sont les moyens les plus efficaces contre la récidive, si chère à certains politiciens.

Décès de Hakim Ajimi : des policiers réclament l’impunité

Le père de Hakim Ajimi, Boubakar Ajimi et son avocat, Maître Henri Leclerc, le17 janvier 2012, au palais de justice de Grasse

Alors que Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) réclame la révision des procédures d’interpellation, afin d’éviter des drames tels que celui d’Hakim Ajimi, des policiers se sont rassemblés mardi devant l’hôtel de police de Grasse et un commissariat de Nice en solidarité avec deux agents de la brigade anticriminalité (BAC), condamnés à des peines de prison avec sursis après la mort d’un jeune homme, Hakim Ajimi, lors d’une interpellation.

« Nous venons faire part de notre solidarité et de notre colère, après cette condamnation, car ça peut arriver à chacun d’entre nous. Aujourd’hui, les policiers sont paumés: qu’on nous dise ce qu’on doit faire face à un individu violent ! », a lancé Laurent Martin de Frémont, secrétaire départemental adjoint du syndicat Unité SGP Police (majoritaire), présent à Grasse. (source : 20 minutes).

Le MRAP quant à lui, a publié ce communiqué de presse :

« Justice à deux vitesses » au tribunal correctionnel de Grasse : Le MRAP demande avec force la révision des procédures policières et une Justice égale pour tous

Vendredi 24 janvier 2012 a été rendu le jugement du tribunal correctionnel de Grasse dans le procès de sept policiers, à la suite de la mort de Hakim AJ IMI le 9 Mai 2008, lors d’uneinte1pellation. Seules ont été prononcées des peines de prison avec sursis – respectivement de 6, 18 et 24 mois – pour trois seulement des sept policiers impliqués dans une arrestation mouvementée et violente, au cours de laquelle furent appliquées compression thoracique et clé d’étranglement.

Le MRAP tient à exprimer sa solidarité à la famille AJ IMI lors de cette nouvelle étape d’un procès qui refuse que Vérité soit dite et que Justice, à la hauteur de la gravité des faits, soit rendue.

C’est grâce à la saisine de la CNDS par les sénatrices Alima Boumedienne-Thiery et Nicole BORVO-COHEN-SEAT, ainsi qu’au rapport de cette instance en date du 12 avril 2010, que des poursuites furent enfin engagées dans une affaire qui donne à voir de graves défaillances dans le fonctionnement de la Police et de la Justice.

Dès 2008, l’usage de la « clé d’étranglement » était clairement connu pour avoir provoqué le 20 novembre 1998 la mort de Mohamed SAOUD, pour laquelle la France avait été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), dans un arrêt du 9 octobre 2007. Quant à la compression thoracique, elle avait abouti à la mort par asphyxie (dans ces cas par « pliage ») de deux étrangers embarqués de force dans des avions pour être reconduits hors de France : l’Argentin Ricardo Barrientos le 30 décembre 2002 et le Somalien Getu Hagos Mariane, le 18 janvier 2003.

Les condamnations avec sursis des trois policiers laissent un gout très amer à la famille et aux amis de HAKIM, ainsi qu’à leurs soutiens. Elles donnent a voir une justice pour laquelle toutes les vies ne se valent pas, une police trop sure de son immunité, une France en rupture d’égalité entre tous les citoyens, selon leur lieu d’habitation, leur origine ou leur couleur de peau.

De Grasse à Argenteuil (Ali ZIRI, 11 juin 2009), Clermont-Ferrand (Wissam EL—YAMNI, 1er janvier 2012), Aulnay-sous-Bois (Abdel, janvier 2012), Colombes (Mamadou Marega, 29 novembre 2010), Paris (Lamine DIENG, 17 juin 2007), Colombes (Abou Bakari Tandia, 24 janvier 2005)…, la chaîne des morts brutales lors de contrôles de police s’allonge.

Le MRAP demande avec force une révision urgente des procédures policières et une Justice égale pour tous

Mara Kanté : acquitté après 29 mois de détention

Ça s’est passé il y a tout juste quatre ans : les émeutes de Villiers-Le-Bel. Quarante jeunes sont interpellés. Mara Kanté est accusé d’avoir tiré sur les policiers. A l’issue de sa garde à vue, il est aussitôt incarcéré, en attendant son procès en cour d’assise. Condamné à 3 ans de prison en première instance, il retourne en prison. Le parquet fait appel (il demandait 15 ans) : il est acquitté après ce second procès. Il n’a jamais cessé de clamer son innocence.

Aujourd’hui, Mara Kanté est amer. Son rêve, devenir footballeur professionnel (il avait de réels dons) est anéanti. Il vient d’adresser une lettre au président de la République. Merci à « Timoxana » de m’avoir signalé cette lettre !).

Lire ici l’interview de Mara Kanté dans Le Parisien, qui publie cette lettre.

Monsieur le président,

J’ai l’honneur de vous adresser la présente, les questions que je me pose justifient qu’elles soient posées au Président de tous les Français.

Je m’appelle Mara KANTE, je suis le fils de Boubou KANTE qui a travaillé pour vous lorsque vous étiez Maire de Neuilly-sur-Seine, et qui a été décoré deux fois par la ville, j’ai 25 ans et j’ai été victime d’une terrible erreur judiciaire, qui a complétement détruit ma vie et celle de ma famille.

Le 23 février 2008, j’étais mis en examen pour tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique et placé sous mandat de dépôt criminel, alors même que je clamais mon innocence.
Je n’avais jusqu’alors jamais eu affaire ni à la police ni à la justice, j’avais 20 ans et je pensais avoir un bel avenir devant moi.

Parce qu’il s’agissait des émeutes de Villiers-le-Bel, ma famille a été piétinée, ma maison saccagée.
Parce qu’il s’agissait des émeutes de Villiers-le-Bel, j’ai été écroué à la maison d’arrêt de Fresnes et placé en isolement médiatique pendant 11 mois.
Comme cela ne suffisait pas, j’ai ensuite été transféré à la maison d’arrêt de Villepinte en tant que détenu particulièrement surveillé, et ce pendant 19 mois et un 1 à la maison d’arrêt d’Osny. Dans les trois cas toute activité m’était interdite formation, école, travail, sport en groupe,
J’ai eu beau continuer à clamer mon innocence, à dire que le dossier contre moi était vide, je perdais pourtant des années précieuses en détention.

J’étais finalement renvoyé devant la Cour d’Assises, une première fois en 2010, où alors que le dossier apparaissait encore plus vide, le Procureur demandait 15 ans contre moi et que j’étais finalement acquitté des tentatives de meurtre mais condamné à la peine de trois années d’emprisonnement pour détention, port et transport d’armes de 1ere et 4eme catégorie correspondant quasiment jour pour jour au temps que je venais de passer en prison. Faits pour les quels je clamais mon innocence<;

Le Parquet, pourtant, relevait appel de cette condamnation et j’étais jugé une seconde fois en 2011, où cette fois-ci, la souveraineté populaire décidait de m’acquitter sur l’ensemble des faits qui m’étaient reprochés.
C’est peut être en homme libre que je sortais de la Cour d’Assises des Hauts de Seine le 21 octobre 2011, mais en homme amère que je vis aujourd’hui.

Depuis cette terrible affaire, je n’avance plus dans la vie.

J’avais 20 ans quand j’ai été enfermé comme un animal, n’ayant que ma voix, alors inaudible, pour crier haut et fort, du fond de mon trou, en vain, mon innocence.
Je n’ai pas été entendu.

J’avais 20 ans et j’aspirais à vivre de ce que je savais faire de mieux, le football, et on me disait talentueux.
Trois années passées derrière les barreaux ont mis un terme à ce rêve, ont mis à mal tous mes espoirs, je ne serai jamais footballeur.

Je dois aujourd’hui réapprendre à vivre alors que mon nom fait peur, mon origine fait peur, l’histoire que je traine comme un boulet fait peur.
Je dois réapprendre à vivre, alors que ma jeunesse a été volée, que ma liberté m’a été volée, que ni mon égalité ni ma fraternité n’ont été respectées.
Chaque jour est un dur combat pour subvenir à mes besoins.

Je suis fier d’être français, fier d’être de Villiers-le-Bel, fier d’être noir.
La seule chose qu’il me reste aujourd’hui est ma détermination;

Parce que vous êtes le Président de tous les Français, je m’adresse à vous pour savoir ce que mon pays fait face à cette situation, ce que le Président de tous les Français peut dire à un jeune homme comme moi, brisé par une machine judiciaire aveugle, sourde, et toujours irresponsable, ce que le Président de tous les Français peut faire pour un jeune homme comme moi, ce que le Président de tous les Français peut faire pour éviter que des hommes comme moi, vivent ce que j’ai vécu, et perdent tout comme j’ai tout perdu.

Justice et pouvoirs : la vidéo de la conférence d’Henri Leclerc à Quimper

« Justice et pouvoirs : où en est-on en cette fin de quinquennat ? » : c’était le thème de la conférence d’Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, à Quimper, le 17 février 2012. Henri Leclerc était l’invité de la Délégation régionale Bretagne, et des sections de Quimper, présidée par Stéphane Lenoël, et de Concarneau – Quimperlé -Riec, présidée par Michèle Daloz. Une conférence passionnante, suivie par plus de 200 personnes.

Sa conclusion : « C’est le sens précis du pacte pour la citoyenneté : il y a des questions précises à poser à un certain nombre de candidats. Or, sur l’indépendance de la justice, nous avons des questions à poser. Nous avons des questions à poser parce que nous pensons que les principes fondamentaux doivent être respectés, et l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme, « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Eh bien j’estime que dans notre pays actuellement, la séparation des pouvoirs n’est pas suffisamment assurée, qu’il convient de le faire, et que c’est un sujet sur lequel les candidats devront répondre. »

httpv://www.youtube.com/watch?v=WLuj6sRLdPU

Réforme de la justice pénale des mineurs : la CNCDH dit « non ! »

C’est un refus cinglant que la commission nationale consultative des droits de l’Homme vient d’adresser au gouvernement, concernant son projet de réforme de la justice pénale des mineurs :

« Ce projet de loi, qui met en péril les principes de l’ordonnance de 1945 et méconnaît les exigences du droit international, est une réponse inappropriée et inefficace aux problèmes de délinquance des mineurs, qui mériteraient une réflexion approfondie. La CNCDH demande donc le retrait de ce projet de loi ».

C’est la conclusion de l’avis que la commission a émis le 23 juin dernier, en assemblée plénière, et qui a été adopté par 28 voix pour, 4 contre, et 3 abstentions.

Pour bien mesurer l’importance de cet avis, il convient de savoir ce qu’est la CNCDH :

« La Commission nationale consultative des droits de l’homme est une institution nationale de promotion et de protection des droits de l’Homme. Elle assure, auprès du Gouvernement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’homme, du droit et de l’action humanitaire et du respect des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques », lit-on sur la page d’accueil de son site. Par ailleurs, « elle est membre du réseau international des Institutions nationales, dont le secrétariat est assuré par le Bureau du haut commissaire aux droits de l’homme des Nations unies ».

La composition de cette commission répond à un double objectif :

  • Assurer l’information réciproque de l’État et de la société civile dans le domaine des Droits de l’homme.
  • Garantir le pluralisme des convictions et opinions dans le même domaine.

Elle est composée de deux collèges : 30 représentants de la « société civile » (associations), et 30 personnalités qualifiées (représentants de religieux et courants de pensée, experts, magistrats, juristes…). Enfin, Le Défenseur des droits, un représentant du Conseil économique, social et environnemental ainsi qu’un député et un sénateur sont également membres de droit. Parmi les associations représentées, on note la Ligue des droits de l’Homme, le secours catholique, ATD Quart-monde, Médecins sans frontières, l’Acat (Chrétiens contre la torture)… La CNCDH n’est donc pas un repaire de gauchistes ou d’irresponsables…

Voici les principaux reproches que fait lla CNCDH au projet gouvernement :

  • Il met en cause des principes fondamentaux du droit pénal des mineurs.
  • Il marginalise le juge des enfants, mettant à mal le principe de spécialité de la justice pénale.
  • Il provoque une accélération du temps du jugement face au temps de l’enfance.
  • Il fait du parquet l’acteur principal de la procédure pénale des mineurs.
  • Il fragilise l’autorité familiale par la comparution forcée des parents.

Le texte complet de l’avis peut être téléchargé ici.

Le vice président de la FIDH condamné à 4 ans et 6 mois de prison au Bélarus

Alès Bialatski

Minsk-Paris, 24 novembre 2011 – Ales Bialiatski, vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et président du Centre de défense des droits de l’homme Viasna (Bélarus), a été condamné jeudi 24 novembre à 4 ans et six mois d’emprisonnement en régime sévère, au paiement d’amendes ainsi qu’à la confiscation de ses biens, y compris le bureau de Viasna et les biens enregistrés avec les membres de sa famille. La FIDH appelle à sa libération immédiate et inconditionnelle, et à l’abandon de toutes les charges qui pèsent contre lui.

« Nous condamnons cette décision arbitraire et politiquement motivée prise par le système judiciaire bélarusse. Les audiences ont démontré une fois de plus que ce procès a été directement ordonné par le régime ; la lettre prétendument reçue par le KGB qui a permis de lancer cette opération de harcèlement judiciaire et qui a été présentée au procès en constitue une preuve indiscutable », a déclaré la présidente de la FIDH, Mme Souhayr Belhassen. « Cette lettre datée du 28 octobre 2010 montre également que le déchaînement des autorités contre la société civile bélarusse, qui vise à réduire au silence les défenseurs des droits de l’homme et dont le procès d’Ales Bialiatski constitue l’illustration la plus flagrante et la plus symbolique, a été planifié et préparé bien avant les élections présidentielles du 19 décembre 2010, qui ont tourné à la catastrophe », a-t-elle poursuivi. « Nous craignons que, dans ce contexte de répression violente, d’autres membres de Viasna soient pris pour cible. La FIDH réitère fermement sa solidarité avec Ales, sa famille et tous les membres de Viasna », a-t-elle conclu.

Ales Bialiatski est un défenseur des droits humains arbitrairement détenu. La FIDH appelle tous les états et organisations internationales à prendre des mesures urgentes pour obtenir sa libération et l’abandon de toutes les charges qui pèsent contre lui.  La FIDH leur demande également d’agir afin que Viasna et toutes les autres ONGs au Bélarus puissent mener à bien leurs activités de défense des droits de l’Homme.

Note préliminaire sur le procès

Le procès de Bialiatski, présidé par le juge Bondarenko, s’est tenu du 2 au 24 Novembre au Tribunal du district de Pervomaïski, à Minsk. Une mission d’observation dépêchée par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme a assisté à l’intégralité du procès.

La FIDH condamne le refus des autorités Belarusses de délivrer des visas à sa présidente Souhayr Belhassen, à son Président d’Honneur Patrick Baudouin, ainsi qu’à d’autres observateurs internationaux. La FIDH dénonce également l’utilisation pendant le procès de courriers électroniques à caractère personnel et professionnel obtenus de manière illégale, qui avaient été échangés entre des représentants de la FIDH et des membres de Viasna.

« Il faut souligner le fait qu’en dépit d’une longue préparation, l’accusation [visant Bialiatski] a été si mal préparée et documentée qu’elle s’est littéralement effondrée pendant le procès : les documents présentés n’avaient aucun rapport avec le chef d’inculpation, ou bien n’étaient ni signés ni tamponnés ; le ministère lituanien a déclaré dans une lettre officielle d’août 2011 que les documents qu’il avait transmis en mars 2011 aux autorités bélarusses et que celles-ci ont ensuite utilisés contre M. Bialiatski ne correspondent pas à la réalité. Et pourtant, ces documents ont quand même été utilisés lors du procès. Certains des témoins présentés par l’accusation ont déclarés n’être absolument pas au courant de l’affaire Bialiatski », a déclaré Artak Kirakosyan, secrétaire général de la FIDH, qui a assisté au procès à Minsk. « Tout ce procès a maladroitement étalé au grand jour la politique systématique de criminalisation des activités des défenseurs des droits de l’homme qui poursuivent leurs efforts légitimes et courageux dans un contexte d’autoritarisme croissant au Bélarus. »

Tout au long du procès, l’accusation a posé à Bialiatski et à plusieurs témoins des questions à caractère ouvertement politique. Ces questions étaient centrées sur la façon de travailler de Viasna, sur la manière dont l’organisation reçoit des fonds et les emploie. Les témoins étaient systématiquement interrogés sur leur appartenance à Viasna — un élément n’ayant aucun rapport avec le chef d’inculpation d’évasion fiscale retenu contre le prévenu. Le 10 novembre, le procès a pris un tour clairement politique quand le prévenu a été interrogé sur sa connaissance du Décret présidentiel N° 24, qui interdit de facto tout soutien financier à des associations sans l’accord du président. Le procès fut ensuite interrompu suite à l’annonce par le procureur que de nouvelles charges seraient retenues contre Bialiatski. D’après le procureur, celles-ci allaient significativement différer du chef d’inculpation initial. Cependant, quand le procès a repris, le 16 novembre, on a découvert que les nouvelles charges signifiées au prévenu ne différaient que de façon négligeable de l’accusation initiale en ajoutant à l’accusation de non-déclaration des revenus la mention de «prolongement des accords précédents».

Le 23 novembre, la défense a relevé que certaines pages des documents bancaires présentés lors du procès étaient des photocopies dénuées du moindre certificat attestant qu’elles correspondaient bien aux documents transmis. D’autres éléments du dossiers, présentés comme un contrat passé entre le Centre de défense des droits de l’homme Viasna et un donateur, avaient été fournis par « une source anonyme », ce qui contrevient au Code de procédure pénale. De plus, de nombreux documents n’avaient aucun rapport avec le chef d’inculpation. L’avocat a également souligné que la requête adressée par les autorités bélarusses aux banques lituanienne et polonaise avait été envoyée avant l’ouverture de l’affaire pénale, ce qui contrevient aux dispositions de l’Acte de protection légale. Par conséquent, le versement de ces preuves au dossier était illégal.

Dans son discours, Ales Bialiatski a décrit la montée de l’autoritarisme du gouvernement et expliqué que la société civile, y compris les défenseurs des droits de l’homme, les avocats et les journalistes travaille désormais dans un contexte de danger permanent. En tant que vice-président de la FIDH, il a également parlé de la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les défenseurs des droits de l’homme travaillant dans d’autres pays de l’espace post-soviétique. Il a souligné le fait que la criminalisation des défenseurs des droits de l’homme y était devenue chose commune : huit membres d’une organisation ouzbèke membre de la FIDH sont actuellement emprisonnés suite à des accusations montées de toutes pièces. En Russie, les défenseurs des droits de l’homme font l’objet d’un harcèlement juridique constant et, sont parfois assassinés. Il a ensuite raconté l’histoire du Centre de défense des droits de l’homme Viasna et souligné que l’organisation avait toujours travaillé dans la transparence et apporté son aide à des milliers de personnes.

Il a conclu en affirmant que les éléments de son dossier indiquaient que toute l’affaire avait été commandée et directement gérée par le KGB. En novembre 2010, le KGB a organisé des réunions avec des représentants de l’inspection fiscale et du Parquet (y compris le procureur présent lors de ce procès) afin d’examiner les divers articles du Code pénal permettant d’inculper Ales. Il a finalement été décidé d’avoir recours à l’article 243. Cela montre le caractère politique de l’affaire Ales Bialiatski, qui a été planifiée d’un bout à l’autre afin de mettre fin à ses activités de défense des droits de l’homme.

Pour plus d’informations sur le contexte de cette affaire, consulter le site : freeales.fidh.net

Télécharger le communiqué de la FIDH.

Sihem Souid et Gérard Gatineau : l’honneur de la police

De gauche à droite, Gérard Gatineau, Philippe Coulaud, et Sihem Souid, entourés des responsables du comité de soutien à Sihem.

Deux époques différentes, deux démarches différentes, un même combat. Sihem Souid est entrée dans la police par vocation, elle vient d’en être exclue (provisoirement ?) parce qu’elle a dénoncé les pratiques inadmissibles qu’elle y a constatées : racisme, homophobie, corruption… Gérard Gatineau y est entré un peu par hasard, dans les années 80, et lui aussi a constaté les mêmes errements, et ne les a pas supportés : sa carrière s’est résumée à « 30 ans de bitume », titre du livre qu’il a signé.

Lundi soir à Paimpol, les deux policiers étaient invités par la section de la Ligue des droits de l’Homme de Paimpol, à un débat animé par le président de la section, Philippe Coulaud. Sihem et Gérard ont raconté leurs deux parcours dans la police, et on se rend compte qu’à 20 ou 30 ans d’intervalle, il n’y a pas eu grand changement. Sihem espère toujours être réintégrée (elle n’a été « que » suspendue pour 6 mois…), et de toute façon, elle ne baisse pas les bras. La solution ? elle la voit dans la création d’un « comité national d’éthique et de la sécurité ». « La Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui, de toute façon, a disparu, absorbée avec la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations) dans le nouveau « défenseur des droits », n’était pas une commission indépendante, puisqu’elle était composée de policiers, et de représentants nommés par le gouvernement ». Le « comité national d’éthique » proposé par Sihem serait lui totalement indépendant, de la police et du pouvoir, et, contrairement à la CNDS, doté d’un pouvoir de saisie et d’injonction (la CNDS, par exemple, ne pouvait être saisie que par l’intermédiaire d’un parlementaire). Elle a rédigé un projet de loi, qui a été déposé par un groupe de députés au bureau de l’assemblée nationale, sans grand espoir pour le moment… A lire ou à télécharger ci-dessous.

A noter qu’une équipe de télévision a filmé le débat. Le reportage sera diffusé courant janvier sur France 2 dans l’émission « Envoyé spécial ».

Voir l’article du Télégramme et la vidéo d’Armelle Menguy.

Gérard Gatineau est l’auteur de « 30 ans de bitume », aux éditions L’Harmattan.

Sihem Souid est l’auteure de « Omerta dans la police » aux éditions du Cherche Midi.

Télécharger la proposition de loi.

La proposition de loi.

N° 3166

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un comité national d’éthique de la sécurité,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-George BUFFET, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans un récent ouvrage-témoignage intitulé Omerta dans la Police, Mademoiselle Sihem Souid, fonctionnaire de police, soulève d’importantes questions relatives à la déontologie et à l’éthique au sein des forces de sécurité intérieure. Ces questions sont d’une brûlante actualité, au moment où le projet de loi instaurant un Défenseur des droits est discuté au Parlement.

Des faits de racisme, de sexisme, d’homophobie, des atteintes à la dignité humaine, des abus de pouvoir, des situations de déni de droit, des procédures bâclées ou faussées sont décrits avec une grande précision.

Ces atteintes, quoique minoritaires, créent un sentiment de méfiance à l’égard des forces de sécurité publique. Alors que celles-ci ont été établies pour faire appliquer les lois décidées par le peuple et veiller à la protection des droits et libertés de tous et de toutes, elles apparaissent à de nombreux citoyens comme les garantes de l’impunité de ceux qui les enfreignent.

Les droits et libertés ne peuvent être considérés comme garantis de manière satisfaisante si l’atteinte à un seul d’entre eux est tolérée pour une seule personne. Aussi, il est indispensable que la puissance publique se dote d’institutions veillant à ce que les forces chargées de protéger les droits et libertés le fassent d’une manière compatible avec celles-ci, dans le plus grand respect de l’état de droit.

Un Code de déontologie de la police nationale a été instauré par le décret n° 86-592 du 18 mars 1986. Rappelant les devoirs d’exemplarité, de respect absolu de la personne et de la loi, ce code est un outil appréciable de régulation interne. Afin de vérifier sa bonne application ainsi que celle de la loi, des instances de contrôle interne ont été mises en place, à l’instar de l’Inspection générale des services (IGS) et de l’inspection générale de la police nationale (IGPN).

En complément de ce dispositif, la loi du 6 juin 2000 a créé une autorité indépendante, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), compétente en matière de contrôle des droits et libertés pour l’ensemble des forces de sécurité publiques et privées. Son apport est considérable, tant en matière d’aide à la résolution de situations particulières qu’en matière de recommandations plus générales. Usage du Taser, recours au menottage, conditions des fouilles et de la garde à vue : la CNDS est en pointe des débats concernant le respect des droits fondamentaux de la personne.

Plusieurs autres autorités indépendantes oeuvrent pour conforter l’action de la CNDS dans des domaines particuliers et connexes : la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ou encore la commission nationale des libertés informatiques ou la commission administrative d’accès aux documents administratifs.

Malgré cela, certaines atteintes aux droits et libertés ne sont jamais révélées et n’aboutissent pas à une saisine car il existe de nombreuses barrières psychologiques ou systémiques à la révélation de crimes et délits. Sont en cause notamment l’autorité du pouvoir hiérarchique et ses conséquences sur la carrière des individus concernés, ainsi qu’une interprétation parfois trop étroite du devoir de réserve au détriment de l’obligation pour tout fonctionnaire de révéler à l’autorité judiciaire les crimes et délits dont il a connaissance.

De plus, le dispositif décrit ci-dessus connaît de nombreuses limites. La CNDS ne dispose pas des moyens humains et financiers dont elle a besoin pour mener à bien ses missions. Son rôle purement consultatif et le caractère limité de ses pouvoirs aboutissent à ce que ses avis et recommandations soient peu suivis par l’État. Les complémentarités avec les autres autorités ne sont pas assez approfondies et les conditions permettant à celles-ci d’être plus efficaces et plus indépendantes ne sont elles-mêmes pas toujours réunies.

Enfin, la fusion de la Halde, de la CNDS, du contrôleur général des lieux de privation de liberté, du Défenseur des enfants et du Médiateur au sein d’un Défenseur des droits risque d’aggraver considérablement ce constat au regard du projet de loi organique issu de la première lecture à l’Assemblée nationale (n° 2991). Non seulement ce projet s’inscrit dans les logiques d’économies de la révision générale des politiques publiques, mais en outre, la confusion des missions de médiation et de contrôle des différentes autorités indépendantes pourrait se faire au détriment des missions de contrôle des droits et libertés. Cela est d’autant plus problématique que la qualité de l’exercice de ces missions sera tributaire de la personnalité et de la volonté d’indépendance du Défenseur, autorité nommée par le Président de la République et dont les adjoints seront nommés par le Premier ministre.

La protection des libertés est un combat permanent. Aussi, il est indispensable, à côté du futur Défenseur des droits, de mettre en place une autorité publique non gouvernementale de contrôle de l’éthique de la sécurité totalement dédiée à cette mission, réellement indépendante, accessible à tous et à toutes et dotée de pouvoirs importants.

Tel est l’objet de cette proposition de loi visant à instituer un comité national d’éthique de la sécurité doté de pouvoirs accrus par rapport à l’actuelle CNDS, dont la disparition est envisagée, et de garanties d’indépendance plus solides que le futur Défenseur des droits.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le comité national d’éthique de la sécurité, autorité non gouvernementale neutre et indépendante, est chargée, sans préjudice des prérogatives que la loi attribue, notamment en matière de direction et de contrôle de la police judiciaire, à l’autorité judiciaire, de veiller au respect de la déontologie et de l’éthique des personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République française.

Article 2

Les membres du comité national d’éthique de la sécurité sont nommés comme suit pour une durée de trois ans non renouvelable :

– le président, élu parmi ses membres ;

– un député membre de chaque groupe politique et désigné en son sein et un député représentant les élus non inscrits et désigné par ceux-ci ;

– un sénateur membre de chaque groupe politique et désigné en son sein et un sénateur représentant les élus non inscrits et désigné par ceux-ci ;

– un conseiller d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État ;

– un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général de ladite cour ;

– un conseiller maître, désigné par le premier président de la Cour des comptes ;

– six personnalités qualifiées de la société civile, désignées par les autres membres du comité national d’éthique de la sécurité notamment au regard de leurs expériences et compétences en matière de lutte contre les discriminations envers les personnes physiques et de toute autre atteinte aux droits et libertés.

Les membres du comité national d’éthique de la sécurité sont renouvelés par tiers tous les ans.

La qualité de membre du comité national d’éthique de la sécurité est incompatible avec l’exercice d’activités, à titre principal, dans le domaine de la sécurité.

Les parlementaires membres du comité national d’éthique de la sécurité cessent d’y exercer leurs fonctions lorsqu’ils cessent d’appartenir à l’assemblée au titre de laquelle ils ont été désignés. Le mandat des députés prend fin automatiquement avec la législature au titre de laquelle ils ont été élus.

Si, en cours de mandat, un membre du comité national d’éthique de la sécurité cesse d’exercer ses fonctions, le mandat de son successeur est limité à la période restant à courir.

Lors de la première constitution du comité national d’éthique de la sécurité suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, sont désignés par tirage au sort le tiers des membres, à l’exclusion du président, dont les mandats prendront fin à l’issue d’un délai d’un an.

Article 3

Le comité national d’éthique de la sécurité établit son règlement intérieur. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.

Article 4

Le comité national d’éthique de la sécurité peut se saisir de toute situation relative à un manquement aux règles de l’éthique ou de la déontologie, et de toute situation dans laquelle il estime que les droits et libertés garantis par la constitution et par la loi sont mis en danger par l’une au moins des personnes mentionnées à l’article 1er.

Toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de l’éthique ou de la déontologie, commis par une ou plusieurs des personnes mentionnées à l’article 1er, peut, par réclamation individuelle, porter directement ces faits à la connaissance du comité national d’éthique de la sécurité ou demander à ce qu’ils le soient. Ce droit appartient également aux ayants droit des victimes.

Le Premier ministre, un député, un sénateur ou toute personne morale ou autorité administrative indépendante compétente en matière de protection des droits et libertés peut en outre saisir de son propre chef le comité national d’éthique de la sécurité de faits mentionnés au premier alinéa.

Le comité national d’éthique de la sécurité ne peut être saisi par les parlementaires qui en sont membres. Aucune autorité administrative, judiciaire, ou d’État ne peut s’opposer à la saisine du comité national d’éthique de la sécurité.

Pour être recevable, la réclamation doit être transmise au comité national d’éthique de la sécurité dans les deux années qui suivent les faits. Elle est gratuite et aucune règle formelle ne peut lui être opposée. Le comité national d’éthique de la sécurité adresse un accusé de réception à l’auteur de la saisine et, lorsque la saisine est indirecte, à la personne qui fait l’objet de la saisine ou l’a demandée. Toute décision de rejet doit être dûment motivée et accompagnée, le cas échéant, d’une indication des démarches à suivre pour que l’auteur de la saisine soit en mesure de faire valoir ses droits.

Une réclamation portée devant le comité national d’éthique de la sécurité n’interrompt pas les délais relatifs à la prescription des actions en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux.

Un commissaire du Gouvernement peut être appelé, sur demande du comité national d’éthique de la sécurité, à assister, avec une voix consultative, aux travaux et enquêtes du comité national d’éthique de la sécurité afin de lui apporter tous éléments utiles à l’exercice de ses missions.

Article 5

Le comité national d’éthique de la sécurité recueille sur les faits portés à sa connaissance toute information utile.

Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du comité national d’éthique de la sécurité. Elles ne peuvent s’y opposer. Elles communiquent à celle-ci, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission telle qu’elle est définie à l’article 1er.

Le comité national d’éthique de la sécurité peut demander dans les mêmes conditions aux ministres compétents de saisir les corps de contrôle en vue de faire des études, des vérifications ou des enquêtes relevant de leurs attributions. Les ministres informent le comité des suites données à ces demandes dans un délai raisonnable et motivent tout refus d’y accéder.

Les personnes privées exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République et leurs préposés communiquent au comité national d’éthique de la sécurité, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission.

Les agents publics ainsi que les dirigeants des personnes mentionnées au précédent alinéa et leurs préposés sont tenus de déférer aux convocations du comité national d’éthique de la sécurité et de répondre à ses questions. Les convocations mentionnent l’objet de l’audition.

Les personnes convoquées par application de l’alinéa précédent peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé à la suite de celle-ci et remis à l’intéressé.

Lorsque ses demandes ne sont pas suivies d’effet, le comité national d’éthique de la sécurité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu’il fixe. Lorsque la mise en demeure n’est pas suivie d’effet, il peut saisir le juge des référés d’une demande motivée aux fins d’ordonner toute mesure que ce dernier juge utile. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.

Le comité national d’éthique de la sécurité peut consulter toute personne physique ou morale dont le concours lui paraît utile. Il peut demander au vice-président du Conseil d’État et au premier président de la Cour de cassation de faire procéder à toutes études. Lorsque le comité est saisi d’une réclamation, non soumise à une autorité juridictionnelle, qui soulève une question touchant à l’interprétation ou à la portée d’une disposition législative ou réglementaire, il peut consulter le Conseil d’État. L’avis du Conseil d’État est rendu public.

Le caractère secret des informations et pièces dont il demande communication ne peut lui être opposé sauf en matière de secret concernant la défense nationale, la sûreté de l’État ou la politique extérieure. Les informations couvertes par le secret médical et le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client ne peuvent lui être communiquées qu’à la demande expresse de la personne concernée, sauf lorsqu’elles sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

Toute personne physique ou morale ayant saisi le comité national d’éthique de la sécurité ne peut faire l’objet ni de poursuites judiciaires ni de poursuites administratives sur les faits qu’elle porte à connaissance. En l’espèce, toute personne physique ou morale en acquiert ainsi la protection pour les mêmes raisons pendant toute la durée nécessaire à l’accomplissement de la mission engagée par le comité national d’éthique de la sécurité.

Article 6

Le comité national d’éthique de la sécurité peut charger un ou plusieurs de ses membres de procéder à des vérifications sur place. Ces vérifications ne peuvent s’exercer que dans les lieux publics et les locaux professionnels, après un préavis adressé aux agents intéressés et aux personnes ayant autorité sur eux, ou pour le compte desquelles l’activité de sécurité en cause était exercée, afin de leur permettre d’être présents.

L’accès aux lieux mentionnés au précédent alinéa ne peut être refusé.

Le comité national d’éthique de la sécurité peut décider de procéder à une vérification sans préavis si elle estime que la présence des agents intéressés ou des personnes ayant autorité sur eux n’est pas nécessaire ou constituerait une entrave à ses missions ou ses décisions à venir.

Lors de ses vérifications sur place et de ses visites, le comité national d’éthique de la sécurité peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations. Il doit pouvoir s’entretenir avec toute personne dont le concours lui paraît utile dans des conditions assurant la confidentialité de leurs échanges.

Article 7

Le comité national d’éthique de la sécurité adresse aux autorités publiques et aux dirigeants des personnes privées mentionnées à l’article premier intéressés tout avis ou recommandation visant à remédier aux manquements constatés ou à en prévenir le renouvellement.

Les mêmes autorités ou personnes concernées sont tenues, dans un délai fixé par le comité national d’éthique de la sécurité, de rendre compte à celui-ci de la suite donnée à ces avis ou recommandations.

En l’absence d’un tel compte rendu ou s’il estime, au vu du compte rendu qui lui est communiqué, que son avis ou sa recommandation n’a pas été suivi d’effet, le comité national d’éthique de la sécurité peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel de la République française.

Le comité national d’éthique de la sécurité dispose d’un pouvoir d’injonction. Il peut donner force contraignante à un avis ou à une recommandation, ou à une ou plusieurs dispositions d’un avis ou d’une recommandation. Lorsqu’il n’est pas donné suite à un telle injonction dans un délai déterminé par le comité national d’éthique de la sécurité, ce dernier peut saisir le juge compétent d’une demande motivée aux fins d’ordonner toute mesure que ce dernier juge utile.

Article 8

Le comité national d’éthique de la sécurité peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction.

Lorsque le comité national d’éthique de la sécurité est saisi de faits donnant lieu à une enquête judiciaire ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, il doit recueillir l’accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, selon le cas, pour la mise en oeuvre des dispositions de l’article 5 relatives à la communication des pièces et des dispositions de l’article 6. La décision des juridictions saisies ou du procureur de la République doit intervenir dans un délai compatible avec les objectifs du comité national d’éthique de la sécurité.

Si le comité national d’éthique de la sécurité estime que les faits mentionnés dans la saisine laissent présumer l’existence d’une infraction pénale, elle les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément aux dispositions de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale.

Le procureur de la République informe le comité national d’éthique de la sécurité de la suite donnée aux transmissions faites en application de l’alinéa précédent. Toute décision de rejet doit être dûment motivée au regard des objectifs particuliers et de la mission générale du comité national d’éthique de la sécurité.

Article 9

Sans préjudice des dispositions des articles 7 et 8, le comité national d’éthique de la sécurité porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. Ces autorités ou personnes informent le comité national d’éthique de la sécurité de la suite donnée aux transmissions effectuées en application du présent article et, en cas de refus, des raisons de sa décision.

À défaut d’information dans le délai qu’il a fixé ou s’il estime, au vu des informations reçues, que sa saisine n’a pas été suivie des mesures nécessaires, le Comité national d’éthique de la sécurité peut établir un rapport spécial qui est communiqué à l’autorité mentionnée au premier alinéa. Il rend public au Journal officiel ce rapport et la réponse de cette autorité.

Article 10

Le comité national d’éthique de la sécurité tient informé chaque personne physique ou morale l’ayant saisi de l’ensemble des actions qu’il engage pour sa défense.

Article 11

Le comité national d’éthique de la sécurité peut proposer au Gouvernement et au Parlement toute modification de la législation ou de la réglementation dans les domaines de sa compétence.

Article 12

Le comité national d’éthique de la sécurité remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport portant sur les conditions d’exercice et sur les résultats de son activité. Ce rapport comprend une appréciation qualitative du respect des droits et libertés par les forces de sécurité publiques et privées au regard de la Constitution, du droit européen et du droit international. Ce rapport est rendu public.

Article 13

Les membres du comité national d’éthique de la sécurité, ainsi que les personnes que le comité consulte par application du sixième alinéa de l’article 5, sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement des rapports prévus aux articles 7 et 12.

Article 14

Au deuxième alinéa de l’article 6 de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, après les mots : « Médiateur de la République », sont insérés les mots : « et, lorsque cela comporte un risque pour les personnes auteures de la saisine ou ayant témoigné dans le cadre de l’instruction, à ceux adressés au comité national d’éthique de la sécurité, »

Article 15

Les crédits nécessaires au comité national d’éthique de la sécurité pour l’accomplissement de sa mission sont inscrits dans un programme spécifique de la mission « pouvoirs publics » de l’État. Le président du comité national d’éthique de la sécurité élabore le budget selon les principes applicables à l’Assemblée nationale et au Sénat en vue de garantir leur indépendance. Il est ordonnateur des dépenses du comité national d’éthique de la sécurité. Il nomme ses agents et a autorité sur ses services.

Article 16

Est puni d’une amende de 25 000 € le fait de ne pas communiquer au comité national d’éthique de la sécurité, dans les conditions prévues à l’article 5, les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission ou de ne pas déférer, dans les conditions prévues au même article, à ses convocations ou d’empêcher les membres de la commission d’accéder, dans les conditions prévues à l’article 6, aux locaux professionnels.

Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :

1° L’interdiction des droits civils, civiques et de famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal ;

2° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.

Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, du délit défini au premier alinéa. Les peines encourues par les personnes morales sont :

1° l’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;

2° l’exclusion des marchés publics, suivant les modalités prévues par le 5° de l’article 131-39 du code pénal ;

3° l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, suivant les modalités prévues par le 9° de l’article 131-39 du code pénal.

Article 17

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises et à Mayotte. Elle ne s’applique pas aux agents de la Polynésie française, du territoire des îles Wallis-et-Futuna, de la Nouvelle-Calédonie et des provinces de la Nouvelle-Calédonie.

Article 18

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par le relèvement du taux mentionné au premier alinéa de l’article 1er du code général des impôts ainsi que par le relèvement du taux de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu prévu à l’article 197 du même code.

Projets 2012 : Lebrac, 3 mois de prison

« Si on écrivait la Guerre des boutons aujourd’hui, (…) ils finiraient tous en prison ».
(Extrait de la postface de Laurent Bonnelli au livre de Bertrand Rothé).

Parmi les projets de la section pour l’année 2012, une soirée exceptionnelle. Nous allons, en partenariat avec le cinéma le Cythéa de Plouguenast, projeter le film d’Yves Robert, la Guerre des boutons, tiré du roman de Louis Pergaud. Et nous avons invité Bertrand Rothé, auteur du livre « Lebrac, 3 mois de prisons », à venir expliquer son travail.

Le livre de Bretrand Rothé reprend le roman de Pergaud, mais en le transposant dans les années 2000 : on se rend compte que ce qui nous avait tous fait rire dans le roman et dans le film prendrait aujourd’hui une toute autre tournure, et que l’histoire se terminerait devant le juge, avec la condamnation de Lebrac, un des héros du roman, à une peine de trois mois de prison.

Bertrand Rothé a repris la trame du roman de Pergaud, en la transposant à notre époque, et dans un quartier urbain sensible. Pour écrire son livre, qui est lui aussi un vrai roman, il s’est entourée de professionnels : éducateurs, juges, policiers, enseignants… Et il a appliqué l’arsenal législatif mis en place depuis quelques années pour détricoter une des fiertés du conseil national de la résistance : l’ordonnance de 1945, qui est le socle de la justice pour enfants en France.

Le thème du débat sera donc celui-là : quelle est la situation de la justice pour enfant aujourd’hui après les assauts répétés de la droite pour en supprimer le côté éducatif en lui substituant le volet répressif.

La postface de Bertrand Rothé à son livre

En 1968, M. Balot, mon instituteur, n’avait pas conscience de nous lire une histoire de voyous, de sauvageons[1], de racailles[2], de délinquants. Il avait l’impression de lire un hymne à l’enfance, à la liberté, à la vie. Il avait l’impression de nous faire découvrir l’amitié à travers le regard de Lebrac, de La Crique et des autres. Il avait l’impression de jouer son rôle d’éducateur, d’enseignant, d’instituteur, d’homme de bonne volonté. Il n’avait pas conscience que, quarante ans plus tard, aucun de ses collègues ne lirait plus à haute voix La Guerre des boutons.

En trente ans, nos héros sont devenus des délinquants.

D’aucuns pensent que la société est devenue plus libérale depuis cette époque, voire trop laxiste. La lecture de ce livre leur fera réviser leur jugement.

Rien n’a été inventé.

Merci à Pergaud. Merci aux juges, à l’avocate, au médecin, aux éducateurs et aussi au policier qui m’ont permis d’écrire ce livre. Merci surtout à M. Balot qui m’a appris à lire et à écrire.

Bertand Rothé, in « Lebrac, trois mois de prison », Conclusion, p.269, éd. Seuil, mai 2009.


[1] Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur de Lionel Jospin, utilisa ce terme.

[2] Nicolas Sarkozy préféra celui-là.