Interpellation des candidats par la LDH : « Quelles police et justice au service des citoyen(ne)s ?

Nous poursuivons la publication des lettres ouvertes adressées par la Ligue des droits de l’Homme aux candidats à la présidentielle et aux législatives. Aujourd’hui :

« Quelles police et justice au service des citoyen(ne)s ? »

La Ligue des droits de l’Homme, signataire du Pacte pour les droits et la citoyenneté, s’inquiète des conditions d’utilisation de la police et du fonctionnement de la justice dans notre pays.

Le constat est largement partagé : jamais les rapports n’ont été aussi dégradés entre la police et les populations, entre la justice et les justiciables. Cette situation est en grande partie causée par des conceptions malsaines et inefficaces de l’ordre public, ainsi que par une absence de moyens destinés aux forces de sécurité.

Ainsi, les contrôles d’identité sont souvent l’occasion de comportements discriminatoires de la part des forces de police, et soumettent les personnes à l’arbitraire. La population, singulièrement dans les « quartiers » désignés par le pouvoir politique comme autant de « zones à risques » poussant à un déploiement de violence d’Etat en dehors de toute proportion, a aujourd’hui peur de la police.

Le risque est alors grand de « bavures » policières, qui font rarement l’objet d’une poursuite par citation directe du Parquet, à la différence des autres infractions, générant d’un côté un sentiment d’impunité et, de l’autre, un sentiment d’injustice.

Or, les récentes affaires politico-financières ont démontré jusqu’à la nausée, que le Parquet avait d’étroites relations de dépendance avec l’exécutif. Le résultat en est visible sur la justice des mineurs. Le répressif, sans nier qu’il en faille, l’emporte sur l’éducatif avec une préférence pour les centres fermés pour mineurs.

Dans une inflation législative sécuritaire, les lois préfèrent la sécurité à la garantie des libertés individuelles, telles celles sur la récidive, les étrangers ou sur la rétention de sûreté. Sans oublier que les régimes d’exception créés par les lois antiterroristes renforcent une dérive inégalitaire.

Enfin, conséquence logique, le bilan carcéral est accablant. En 2011, le coefficient d’occupation moyen des prisons est de 122 %, la construction de nouvelles prisons fonctionnant comme un appel à l’augmentation du nombre de détenus.

Pour rompre avec cette situation, la Ligue des droits de l’Homme soutient un certain nombre de propositions qu’elle entend mettre en débat publiquement ; elle souhaite que les candidates et candidats se déterminent sur ces propositions et rendent publics leurs remarques, critiques ou accords.

Huit propositions pour mettre fin à l’arbitraire et libérer la justice :

  • La systématisation d’une remise d’attestation de contrôle d’identité, pour rendre « visible » tout comportement de harcèlement policier.
  • Le rétablissement d’une police de proximité, dans un esprit de service public, de respect des populations et d’authentiques missions de sécurité.
  • L’établissement de procédures strictes et contrôlées d’engagement de la force publique, pour qu’elle soit légitime.
  • La suppression du lien entre le pouvoir et le parquet, et l’assurance de l’exercice plein et entier de l’indépendance de la magistrature.
  • La fin de la surproduction législative sécuritaire par l’abrogation des lois sur la récidive, la rétention de sûreté et le droit des étrangers.
  • La suppression de tous les régimes judiciaires d’exception, parce que nous sommes attachés au principe d’une justice égale pour tous.
  • La priorité aux peines alternatives préparant à une réelle réinsertion ; l’enfermement doit rester l’exception pour mettre fin à la surpopulation carcérale.
  • Le retour à la justice des enfants, issue de l’esprit de l’ordonnance de 1945, pour revenir à un droit pénal des mineurs privilégiant l’éducatif au répressif.

Vidéo surveillance illégale à Boquého : la réaction de la Ligue des droits de l’Homme

La fédération départementale de la Ligue des droit de l’Homme vient d’adresser le communiqué suivant aux journaux locaux, concernant l’installation illégale de caméras de vidéo surveillance à Boquého (lire ici) :

Ligue des droits de l’Homme, fédération départementale : vidéo surveillance à Boquého

Ceux qui pensaient que la vidéo-surveillance était réservée aux foules urbaines compactes et anonymes ont découvert qu’elle pouvait s’insinuer jusqu’aux dernières ramures de la vie privée dans un petit bourg paisible.

La fédération des Côtes d’Armor de la Ligue des droits de l’Homme rappelle l’opposition de la Ligue à la vidéo surveillance, coûteuse, inefficace et liberticide. Elle exige des garanties sérieuses dans son utilisation, notamment la consultation des citoyens qui doivent être pleinement informés et valablement consultés pour tout projet de mise en œuvre de technologies de surveillance.

Elle prend acte de la décision du maire de Boquého de retirer ce qui n’avait pas lieu d’être, compte tenu de la légèreté de l’enjeu dans une commune de petite dimension et à la « délinquance » extrêmement limitée. Si de tels actes justifiaient l’installation de caméras, que devrait-on envisager au-delà ? Dans le cas présent il s’agissait d’écraser une mouche avec un pilon illégal.

Il reste que la  démocratie, les libertés et la loi ont été malmenées : pas de consultation du conseil municipal, pas d’autorisation préfectorale, pas d’information du public. Tout citoyen ne peut que condamner cet abus de pouvoir.

Interpellation des candidats par la LDH : « Plus de sécuritaire, moins de social ? »

Nous poursuivons la publication des lettres ouvertes adressées par la Ligue des droits de l’Homme aux candidats à la présidentielle et aux législatives. Aujourd’hui :

« Plus de sécuritaire, moins de social ? »

La Ligue des droits de l’Homme, signataire du Pacte pour les droits et la citoyenneté, s’inquiète de la situation des libertés soumises à une utilisation sécuritaire des techniques d’information et de communication.

Jamais il n’y a eu en France autant de fichiers, publics ou privés, couvrant les champs les plus divers, d’écoutes, de caméras de contrôle, jamais la surveillance des uns par les autres n’a été à ce point encouragée par les pouvoirs publics.

Loin d’apporter un « plus » en matière de sécurité, cette explosion de techniques invasives est porteuse de dangers pour les libertés individuelles et collectives, dans l’espace public, dans l’entreprise, dans les relations privées, particulièrement en l’absence de contre-pouvoirs efficaces. Renommée officiellement « vidéoprotection » par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), alors qu’elle ne protège personne, la vidéosurveillance se combine maintenant avec des logiciels de reconnaissance faciale et bientôt de détection automatique des comportements anormaux. Cette surveillance permanente de la voie publique, déjà très abusive et injustifiée, connaît des développements où les machines sont chargées de fonctions de contrôle automatisé.

Depuis dix ans le nombre de fichiers de police a été multiplié environ par trois, les fichiers administratifs ont suivi la même évolution et sont devenus de plus en plus intrusifs de la vie privée des citoyens. Beaucoup de systèmes peuvent être maintenant interconnectés. De nombreux fichiers, créés antérieurement, ont été modifiés directement par l’exécutif. Le dernier avatar en date est la création, malgré l’opposition du Sénat, d’une base de données centralisée concernant les cartes d’identité électroniques et les passeports biométriques.

Enfin, les puces RFID, lisibles à distance et sans contact, sont utilisées dans des supports d’identification (passe Navigo, carte d’identité électronique, passeport biométrique). Bientôt, ces puces seront fixées sur chacun des produits de consommation courante que nous achetons journellement, permettant un traçage facile des façons de vivre des consommateurs et bientôt des actes de toute la vie quotidienne, collective ou individuelle.

Pour rompre avec cette situation, la Ligue des droits de l’Homme soutient un certain nombre de propositions qu’elle entend mettre en débat publiquement ; elle souhaite que les candidates et candidats se déterminent sur ces propositions et rendent publics leurs remarques, critiques ou accords.

Six propositions pour mettre fin au contrôle social généralisé, invasif et nocif pour les libertés :

  1. La suppression des articles de la loi Loppsi 2, afin de donner à la Cnil un pouvoir total de contrôle sur les systèmes de vidéosurveillance.
  2. Le refus de l’utilisation de logiciels à reconnaissance faciale et comportementaux.
  3. L’interdiction effective de la création de fichiers en l’absence d’un contrôle par le législateur. Toutes les créations de fichiers policiers et administratifs doivent être du domaine de la loi.
  4. Mise en place d’un audit parlementaire de contrôle, de purge et de vérification des fichiers créés sans véritable base légale, comme le « Système de traitement des infractions constatées » (Stic) ou le « Fichier national automatisé des empreintes génétiques » (Fnaeg).
  5. L’encadrement, par le Parlement, du développement des systèmes de traçage des personnes, dont les conséquences sont importantes pour les libertés publiques et les droits.
  6. L’organisation d’un débat public pour demander une législation nouvelle, une actualisation et une adaptation de la loi Informatique et Libertés de 1978 aux techniques nouvelles de contrôle.

Interpellation des candidats : la Ligue des droits de l’Homme sur les étrangers

Nous poursuivons la publication des lettres ouvertes adressées par la Ligue des droits de l’Homme aux candidats à la présidentielle et aux législatives. Aujourd’hui : « les étrangers comme bouc émissaire ? »

Parce que la France demeure l’une des premières destinations des demandeurs d’asile au sein des pays industrialisés, depuis 2003 les successives réformes législatives ont privilégié des procédures accélérées pour l’examen de leur dossier et l’octroi de la protection subsidiaire au détriment d’une pleine application de la convention de Genève.

Les réformes du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d’asile (Ceseda) de 2003, 2006, 2007 et 2011 ont chaque fois réduit un peu plus les perspectives d’obtention d’un titre de séjour pour des étrangers résidant et travaillant dans notre pays, depuis de longues années parfois. Ce faisant, ces étrangers sont livrés sans défense, lorsqu’ils ont un emploi, à la surexploitation de leurs employeurs et aux trafics des marchands de sommeil, puisqu’ils ne peuvent bénéficier de l’attribution d’un logement social.

Les conditions très restrictives d’octroi des visas entraînent des drames familiaux et personnels en empêchant la réunion des familles, et poussent souvent les migrants à prendre de grands risques pour pouvoir quand même venir dans notre pays.

L’enfermement des étrangers, en zone d’attente à l’entrée du territoire (touristes, demandeurs d’asile, mineurs isolés…) et en centres de rétention (familles avec enfants, malades…) est devenu la règle.

Dans la majorité des pays européens, les résidents étrangers votent aux élections locales. Ainsi le vote est-il en accord avec les réalités vivantes du pays. Aujourd’hui, l’exercice de la démocratie doit s’élargir et le droit de vote ne peut plus être strictement conditionné à la nationalité.

Pour rompre avec cette situation, la Ligue des droits de l’Homme soutient un certain nombre de propositions qu’elle entend mettre en débat publiquement ; elle souhaite que les candidates et candidats se déterminent sur ces propositions et rendent publics leurs remarques, critiques ou accords.

Neuf propositions pour l’accueil des étrangers dans la dignité et le respect des droits :

  1. Des conditions d’accueil et des procédures équitables pour que chaque demandeur d’asile puisse défendre sa situation et l’autorisation de travailler pour subvenir à ses propres besoins ;
  2. La suppression de la liste Ofpra des pays d’origine sûrs, puisqu’elle sert de filtre aux demandes d’asile, et l’abolition du règlement Dublin II ;
  3. Le caractère suspensif du recours sur toute décision de l’Ofpra ;
  4. La régularisation de tous les sans-papiers, par la réforme du Ceseda, avec l’attribution de plein droit de la carte de résident de dix ans ;
  5. La suppression des visas de court séjour et la justification explicite et écrite par les services consulaires de tout refus de visa ;
  6. La fin de la politique d’enfermement, la fermeture des centres de rétention et la garantie de procédures suspensives, respectueuses des droits des demandeurs et de leur défense, notamment par l’existence de permanences d’avocats dans les zones d’attente ;
  7. Le rétablissement de procédures contentieuses en faveur des droits de la défense par l’abrogation des dispositions contraires votées depuis 2003 ;
  8. La ratification, par la France, de la Convention des Nations unies sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille ;
  9. L’instauration immédiate du droit de vote de tous les résidents étrangers aux élections locales.

    Vidéo surveillance illégale à Boquého (22)

    La maire de Boquéo, Béatrice Tanguy, pensait sans doute faire un beau cadeau de Noël à ses administrés : elle a fait installer, en même temps que les illuminations de Noël, deux caméras de vidéo surveillance  dans le bourg. Le problème, c’est qu’elle l’a fait sans avoir demandé l’autorisation à la préfecture aucun dossier n’a été déposé), sans en parler à son conseil municipal, qui aurait dû être consulté, et sans prévenir le public, qui doit être clairement informé par des affichettes de la présence de caméra. Et ce n’est que trois mois plus tard que des habitants ont découvert les caméras, comme en témoigne la boulangère : « cela fait trois mois que ces caméras sont installées au-dessus de ma boutique, et cela ne fait que quinze jours que je suis au courant ». Elle poursuit : « et ce sont des clients qui me l’ont fait remarquer ! »

    Mme Tanguy : « Je ne suis pas pour les caméras, c’était le temps de résoudre nos problèmes qui durent depuis un an et demi », assure-t-elle. Elle reconnaît qu’elle n’aurait pas dû procéder de la sorte, mais promet que les caméras seront rapidement enlevées, les problèmes d’incivilités ayant été résolus : « j’aurais dû les déclarer en préfecture, c’est une maladresse. La semaine dernière, à partir des images, j’ai convoqué un groupe qui se réunissait sous le porche,; ils se sont engagés à respecter les lieux ».

    Roger Pioger, conseiller municipal, ne l’entend pas ainsi : il a démissionné du conseil. « On a découvert ces caméras trois mois après qu’elles ont été installées, sans qu’il y ait eu le moindre débat alors que ça concerne la vie publique. On filme les gens à leur insu. Dans une commune rurale comme la nôtre, le dialogue doit être privilégié ».

    Autre argument des mécontents : « la commune n’est pas bien riche ». « Il aurait mieux valu acheter un toboggan pour les enfants ».

    Outre le problème général de la vidéo surveillance (devenue « vidéo protection », et depuis quelque temps, « vidéo tranquillité »…), cette affaire pose le problème des abus de pouvoir des élus locaux, qui n’hésitent pas à bafouer les lois.

    Sources : Ouest-France (site Internet et version papier, page Côtes d’Armor), et Le Télégramme. Vidéo ici.

    Les migrations, une question de droits

    La section de Royan et du pays royannais de la Ligue des droits de l’Homme organisait, le week-end du 25 février, la première « Rencontre du livre et du citoyen », en partenariat avec la région Poitou-Charente et le département de la Charente-maritime. Le thème de cette première édition était « Peuples et migrations ». Il a été l’occasion, pour le secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme, Dominique Guibert, d’introduire une réflexion sur les migrations. Voici son texte.

    Les migrations, une question de droits

    Dans ces deux jours de débats, nous allons faire des rencontres, partager des histoires, rencontrer l’histoire, revendiquer l’universel, confronter le particulier. On pourrait dire fréquenter l’autre, accueillir les autres. Mais un tel programme ne peut se contenter d’évoquer leur essence sans se préoccuper de leur existence.

    Vous le savez, la situation faite aux migrants et plus largement le sort des étrangers est l’un des fils rouges du travail de la Ligue des droits de l’Homme à tous ses niveaux. Au jour le jour, nos équipes locales auprès des sans-papiers, des familles d’enfants scolarisés, auprès des Roms font valoir que les droits sont universels.

    Derrière ces dossiers, ces lettres, ces démarches, ces données administratives et judiciaires, il y a une politique. Il y a des lois. Celles qui, depuis tant d’années, font de la vie de tant d’êtres humains une succession d’épreuves et d’angoisses.

    Ces lois, elles disent successivement vouloir « maîtriser » l’immigration, Puis elles disent lutter contre une « immigration subie », enfin organiser une « immigration choisie ». Elles ont en commun une certaine conception  de l’« identité nationale », qui rend toujours plus difficile l’entrée des étrangers sur le territoire français, qu’ils viennent travailler, étudier ou tout simplement vivre en famille. Il s’agit de mener avec rigueur une « politique du chiffre » qui produit son lot quotidien de drames, d’injustices et d’inhumanité.

    Drames, inhumanité : ce n’est pas une exagération de « droitsdel’hommistes » cherchant à jouer sur l’émotion. La vie des migrants, c’est la précarité mais c’est aussi ces regards, ces façons de mettre en cause leur altérité.

    Ce sont ces enfants laissés seuls, ici dans un camp de Roms après que les adultes ont été embarqués, là dans un appartement où personne ne se demande comment ils subviendront à leurs besoins. Et ces autres, parfois des bébés, enfermés dans des centres de rétention, des enfants que l’on embarque ensuite de force avec leurs parents dans des avions qui les renvoient vers la misère et l’inconnu.

    C’est l’humiliation des contrôles au faciès, des expertises osseuses, et même parfois ces examens pileux et génitaux, visant à démontrer qu’un enfant est plus âgé qu’il n’y paraît, afin de pouvoir le bouter de France. C’est l’expulsion des étrangers malades vers des pays où chacun sait qu’ils ne pourront être soignés.

    C’est pour les cas les plus graves, ces femmes et ces hommes renvoyés vers le danger voire la mort, parce que leur pays figure sur la liste des pays sûrs, qui permet à l’OFPRA une gestion a minima des demandes d’asile.

    Si l’on ne veut pas se complaire dans la si habituelle euphémisation des temps d’aujourd’hui, il fallait bien parler de ces choses qui fâchent. Dire ce qui se cache derrière la politique d’immigration, celle qui tend vers une certaine xénophobie d’État. Le tableau est noir. Prenons conscience de ce double symbole. D’un côté des « gated communities » qui interdisent qu’on y rentre si l’on est étranger, et de l’autre des lieux d’enfermement, qui interdisent aux étrangers d’en sortir. La migration est une réalité parce que le droit de circulation est un droit de l’Homme, garanti par les textes internationaux. Il vaut le coup que l’on se batte pour lui.

    Mais les femmes et les hommes « contre » agissent. L’engagement des « délinquants de la solidarité », dans le Réseau Éducation sans frontières, à la Ligue des droits de l’Homme ou dans d’autres organisations associatives ou syndicales, non seulement apporte aide et solidarité, mais pose dans les faits que ce n’est pas la nécessité qui fait loi, mais que ce sont les droits qui sont la loi. Le mouvement de grève des travailleurs sans papiers, avec un fort soutien syndical et associatif pour la régularisation de leur situation, pose dans les faits la nécessité de lutter contre une surexploitation contre laquelle il se révolte. Ensemble, ces actions citoyennes montrent que les habitants de France profiteraient d’un changement profond de politique, qui prendrait au sérieux l’universalité des droits.

    Car le statut des étrangers, dans une société démocratique est emblématique de l’état des droits. Aucune considération politique ou économique ne saurait  justifier la méconnaissance de droits universels indissociables du respect de la dignité humaine. Des droits aussi fondamentaux que le droit d’asile, le droit à la santé, au logement, à l’éducation, au respect du droit du travail ou encore de la vie privée et familiale ne peuvent être refusés à aucun être humain présent sur le territoire d’un État : l’égalité en dignité et en droits exclut toute discrimination fondée soit sur la nationalité soit sur la régularité du séjour.

    À une époque marquée par l’accélération de la globalisation, c’est-à-dire par la circulation, de moins en moins limitée par des frontières, des capitaux, des marchandises et des services, il est injustifié que des êtres humains – ou plus exactement une partie d’entre eux, ceux dont les pays sont catalogués « à risque migratoire » ‑ se voient assignés à résidence au risque de la misère et parfois de la terreur.

    Il est à la fois injuste et, au regard des raisons multiples des migrations, absurdement inutile, de continuer à refuser le droit d’entrée sur le territoire et, plus largement, sur celui de l’Union européenne. Ces restrictions instituent l’arbitraire : séparation des familles, trafic de visas en tous genres, traitement indigne des étrangers lorsqu’ils présentent une demande de visa, imprévisibilité des décisions prises… Elles nourrissent en outre les réseaux, parfois mafieux, qui profitent des limitations apportées à l’entrée des étrangers pour s’enrichir, au risque de la mort de ceux qui y ont recours. Il y a une hypocrisie insupportable dans l’attitude des États qui affirment leur volonté de réprimer de plus en plus sévèrement les organisateurs de ces réseaux, alors que ceux-ci ne peuvent prospérer que grâce aux entraves mises par ces mêmes États à la liberté de circulation.

    Liberté de circulation, liberté d’établissement, voyager, visiter, partir, revenir, s’établir dans le pays de son choix : ce sont des libertés essentielles auxquelles il est possible, comme à toutes les libertés, d’apporter des restrictions, mais qui ne doivent pas être sacrifiées aux politiques protectionnistes des États. En tout état de cause, le recours à une politique unilatérale de quotas, y compris professionnels, ne peut être une réponse acceptable, dès lors qu’elle peut conduire à priver les pays les plus pauvres de personnes formées dont ils ont besoin.

    Si un État entend réglementer ce droit au séjour durable, c’est-à-dire conférer ou non la qualité de « résident » (au-delà du court séjour lié à l’exercice de la liberté de circulation), ce ne devrait être qu’en fonction de sa capacité de garantir concrètement l’exercice de leurs droits aux migrants, en apportant la preuve des difficultés qu’il invoquerait pour expliquer cette restriction et en instituant des mécanismes assurant la protection des droits universels (santé, éducation, vie familiale normale) contre l’arbitraire, l’égalité réelle d’accès au droit au recours et le caractère suspensif des recours étant ici d’une importance décisive.

    En un mot, nous ne retrouverons le chemin de l’humanité commune qu’en refondant les politiques migratoires sur le respect de tous les droits partout et pour tous.

    C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme se bat pour l’abrogation des visas de court séjour, pour la dépénalisation du séjour irrégulier, pour la suppression effective de la « double peine », pour la suppression des zones d’attente et des centres de rétention, pour l’interdiction d’expulser des étrangers installés durablement en France ou en Europe, pour la généralisation du caractère suspensif des recours judiciaires et administratifs concernant le séjour des étrangers, pour le rétablissement du droit au travail pour les demandeurs d’asile, et pour la ratification de la Convention des Nations unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

    En rappelant ces principes et en formulant ces revendications, la LDH poursuit l’œuvre qu’elle a entreprise depuis sa fondation : porter assistance à ceux qui sont victimes de l’injustice et de l’arbitraire, mais aussi restituer à l’humanité tout entière l’universalité et l’indivisibilité de ses droits.

    Dominique Guibert, secrétaire général de la LDH

    Un vice procureur menacé de sanction par le ministre de la justice

    Philippe Mao est vice-procureur au parquet de Toulouse. Le 4 janvier dernier, il siégeait au tribunal pour juger un ancien militaire qui avait profané des tombes musulmanes, en y déposant de la couenne de porc. Dans son réquisitoire, Philippe Mao a dénoncé l’atmosphère fétide qui règne depuis quelque temps dans le pays, et qui alimente ce genre de comportements : « Ce que nous avons à juger est le résultat d’un vent mauvais qui souffle sur notre pays depuis plusieurs années et dont je crois pouvoir dire que les plus hautes autorités de l’État n’y sont pas étrangères et contribuent à l’alimenter, même si elles ne sont pas les seules ».

    C’en était trop : le député du coin, un certain Bernard Carayon, s’est ému de ces propos, et a saisi le ministre de la justice, en se fendant d’un communiqué : « Ces propos, qui établissent un lien entre cet acte inqualifiable et la politique engagée par le chef de l’État, sont indignes d’un magistrat, profondément anti-républicains et appellent une réponse judiciaire ou administrative appropriée« . Car comme chacun sait, le débat sur « l’identité nationale » était républicain (on ne va pas fâche M. Guaino !), tout comme le sont les propos sans cesse réitérés du ministre de l’intérieur (pas plus tard qu’hier, vendredi 2 mars, il a affirmé à Nancy : accorder le droit de vote aux étrangers pourrait conduire à ce que « des étrangers rendent obligatoire la nourriture halal » dans les cantines (Le Monde). A noter que le gentil député a fait ses armes dans une groupuscule d’extrême-droite.

    La réaction du ministre ne s’est pas faite attendre : il vient de diligenter une enquête sur ces propos, et Philippe Mao risque d’être traduit devant le Conseil supérieur de la magistrature.

    Ceci pose une nouvelle fois le problème de l’indépendance de la justice, problème longuement abordé par Henri Leclerc dans sa conférence du 17 février dernier à Quimper.

    La section de Toulouse de la Ligue des droits de l’Homme a immédiatement réagi, en publiant ce communiqué :

    La LDH soutient le Vice Procureur de la République Philippe MAO

    Toulouse, le 2 mars 2012

    La Section de Toulouse de la Ligue des droits de l’homme a été informée de l’inspection diligentée par Monsieur le Ministre de la Justice à l’encontre de Monsieur le Vice Procureur de la République Philippe MAO, à la suite de la demande qui lui en a été faite par le député UMP du Tarn Bernard CARAYON, en raison de propos qui auraient été tenus dans le cadre de ses fonctions à l’audience par ce magistrat.

    La Ligue des droits de l’homme s’associe pleinement à toutes celles et tous ceux qui ont dénoncé l’atteinte ainsi portée à la liberté de parole des magistrats du parquet à l’audience, dans le seul but de complaire aux vœux d’un député lui-même connu pour son ancienne appartenance à un mouvement étudiant d’extrême droite.

    Le Vice Procureur de la République Philippe MAO n’a fait que son travail de magistrat du parquet et n’a commis aucune faute de quelque nature que ce soit au regard de ses obligations professionnelles.

    La Ligue des droits de l’homme émet le vœu que le Garde des Sceaux cesse de mettre en cause des magistrats dans un objectif purement politique et renonce sans tarder à saisir le Conseil supérieur de la magistrature à l’encontre de Monsieur le Vice Procureur Philippe MAO.

    Elle demeurera vigilante à l’égard de la décision que Monsieur le Garde des Sceaux prendra dans cette affaire.

    Les députés votent la création de 24000 prisonniers supplémentaires

    Le Monde titrait hier, le 29 février : « Le Parlement vote la création de 24000 places de prison en cinq ans ».

    En réalité, le Parlement a voté la création de 24000 prisonniers en cinq ans.

    C’est Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, éminent avocat, qui, non seulement le dit, mais le prouve, avec l’autorité que ses 56 années d’exercice du métier d’avocat lui donne. Vous pouvez l’écouter en regardant ici la vidéo de sa conférence à Quimper du 17 février dernier. Il se base sur les statistiques de l’administration pénitentiaire :

    il y a 3 ans, on a décidé l’ouverture de 3077 places supplémentaires en prison. Avec évidemment toujours le même argument humanitaire : la lutte contre la surpopulation carcérale. Non seulement trois ans plus tard, la surpopulation carcérale n’a pas diminué : au 15 janvier 2012 il y avait 65262 prisonniers, pour 57255 places, mais la population carcérale a augmenté de 3094 prisonniers : 3077 places nouvelles, 3094 prisonniers. C’est ce qui s’appelle de l’optimisation des moyens…

    Henri Leclerc avait observé le même phénomène en 1986, quand le ministre de la justice Albin Chalandon avait ouvert 13000 places de prison. L’avocat avait alors écrit un article prédisant qu’on aurait 13000 prisonniers de plus : trois ans plus tard, c’était fait.

    Comme le dit Henri Leclerc, nous n’avons pas besoin de places supplémentaires en prison, nous avons besoin d’une véritable politique pénale, qui remette à leur place les peines alternatives auxquelles on renonce aujourd’hui pour des questions de moyens, et qui pourtant, et tout le monde le sait, y compris leurs pourfendeurs, sont les moyens les plus efficaces contre la récidive, si chère à certains politiciens.

    Défendre le droit à l’information et à l’éducation à la sexualité pour toutes et tous : c’est maintenant !

    Les attaques contre le droit à la contraception, contre le droit à l’avortement se sont multipliées ces derniers temps, avec des campagnes orchestrées par l’extrême droite et les intégristes catholiques. La diminution drastique des subventions accordées aux associations qui militent pour la défense de ces droits les met dans une situation particulièrement délicate. Il est donc grand temps de réagir.

    C’est la raison pour laquelle la Ligue des droits de l’Homme s’associe à la campagne du Planning familiale, et invite à signer la pétition pour la défense du droit à l’information et à l’éducation à la sexualité. Voici le texte de cet appel.

    Défendre le droit à l’information et à l’éducation à la sexualité pour toutes et tous : c’est maintenant !

    Signez la pétition du Planning Familial

    En 2012, l’État « a perdu » 500 000 € affectés au financement des Établissements d‘information, de conseil conjugal et familial (EICCF).

    20% de la ligne budgétaire promise, prévue et votée dans la loi de finances pour 2012 ont disparu. Cela compromet de fait l’accès à l’information et à l’éducation à la sexualité pour toutes et tous.

    Pour autant, rapports après rapports, il est rappelé l’importance de cette mission d’information que l’État considère depuis 45 ans comme relevant de sa responsabilité (art1, loi créant le Conseil supérieur de l’Information sexuelle).

    Déjà sous financés, l’accueil, l’informati0n et l’orientation sur les questions concernant la sexualité, la contraception, la vie relationnelle seront demain réduits à la portion congrue !

    Pas plus aujourd’hui qu’en 2009, le Planning Familial, mouvement féministe et d’éducation populaire, n’acceptera la mise en danger de l’information sur les droits sexuels et reproductifs par un tour de passe-passe dans le budget de l’État.

    L’évolution de la société et les changements de mentalités passent par la possibilité de chacune et de chacun à se construire à travers une approche globale et positive de la sexualité, pour peu qu’on lui en donne les moyens : l`information et l’éducation en font partie.

    Le Planning Familial appelle à signer et faire cette pétition pour:

      • Contribuer à construire une société égalitaire entre les femmes et les hommes
      • Prévenir les grossesses non souhaitées et les IST dont le VIH
      • Lutter contre les violences faites aux femmes
    • Contribuer à faire des jeunes d’auj0urd’hui les adultes responsables de demain


    Justice et pouvoirs : la vidéo de la conférence d’Henri Leclerc à Quimper

    « Justice et pouvoirs : où en est-on en cette fin de quinquennat ? » : c’était le thème de la conférence d’Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, à Quimper, le 17 février 2012. Henri Leclerc était l’invité de la Délégation régionale Bretagne, et des sections de Quimper, présidée par Stéphane Lenoël, et de Concarneau – Quimperlé -Riec, présidée par Michèle Daloz. Une conférence passionnante, suivie par plus de 200 personnes.

    Sa conclusion : « C’est le sens précis du pacte pour la citoyenneté : il y a des questions précises à poser à un certain nombre de candidats. Or, sur l’indépendance de la justice, nous avons des questions à poser. Nous avons des questions à poser parce que nous pensons que les principes fondamentaux doivent être respectés, et l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme, « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Eh bien j’estime que dans notre pays actuellement, la séparation des pouvoirs n’est pas suffisamment assurée, qu’il convient de le faire, et que c’est un sujet sur lequel les candidats devront répondre. »

    httpv://www.youtube.com/watch?v=WLuj6sRLdPU