La section L’Hay-les-Roses de la Ligue des droits de l’Homme organise un débat sur les dangers du « Grand marché transatlantique » qui est en ce moment en cours de négociation avec les Etats-Unis, dans une totale opacité (les textes du traité ne sont pas publics). Elle publie, en introduction de ce débat, un texte de présentation critique du traité, avec ses partenaires, ATTA, le Mouvement de la paix et l’ARAC.
Depuis juillet 2013, l’Union européenne et les États-Unis ont ouvert des négociations en vue de conclure un accord commercial bilatéral, le PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), en anglais TTIP (Transatlantic trade and investment partnership) ou TAFTA (Transatlantic free trade area – Zone de libre échange transatlantique). C’est l’aboutissement d’un intense lobbying – qui se poursuit auprès des négociateurs – des groupes industriels et financiers européens et américains.
S’il voit le jour, cet accord de libre échange et de libéralisation de l’investissement serait le plus important jamais conclu, représentant la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges commerciaux.
Mais cet accord, qui se négocie dans l’opacité la plus totale, pourrait avoir de graves conséquences pour les consommateurs, les salariés, les citoyens… mais aussi sur la démocratie (cf. ci-dessous).
Des mobilisations citoyennes se construisent en Europe et aux États-Unis pour s’y opposer. En France, un Collectif Stop TAFTA a été créé, réunissant les associations, des organisations syndicales et des partis politiques. Et d’ores et déjà, les deux plus grandes régions françaises (Île-de-France et PACA) ont demandé l’arrêt de ces négociations.
Le Partenariat transatlantique pour le Commerce et l’Investissement, PTCI, c’est :
Une vaste entreprise de déréglementation
Au-delà de l’abaissement des droits de douanes qui subsistent encore, qui affectera surtout l’agriculture et poussera à la généralisation du modèle agroexportateur, l’objectif principal de cet accord est d’éliminer les obstacles non-tarifaires au commerce. Cela concerne les normes et réglementations visant à protéger les consommateurs, les salariés ou l’environnement mais que les entreprises étrangères considèrent comme des mesures de protection du marché intérieur. Cette élimination passera par un alignement sur la norme la plus basse. Or en matière alimentaire, sanitaire et environnementale, tout comme en matière sociale, les normes les moins protectrices sont les normes américaines.
Quelques exemples :
- introduction dans nos assiettes du bœuf aux hormones, des poulets chlorés, des OGM (sans indication sur l’étiquette) qui sont la règle aux États-Unis….
- remise en cause du droit du travail : les États-Unis n’ont pas ratifié les conventions de l’OIT sur les libertés syndicales et la négociation collective ;
- affaiblissement de la protection des données personnelles aujourd’hui mieux assurée en Europe qu’aux États-Unis ;
- ouverture à la concurrence de secteurs relevant encore du service public (eau, électricité, éducation, santé, recherche, transports, l’aide aux personnes, cantines scolaires…) avec obligation pour les collectivités locales de lancer des appels d’offre ouverts aux multinationales et l’impossibilité de favoriser la production locale ou le mieux-disant social ou environnemental.
Une attaque sans précédent contre la démocratie
Un volet essentiel de cet accord est la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends, qui permettrait aux multinationales de porter plainte contre un État ou une collectivité territoriale en saisissant une instance d’arbitrage ad-hoc et non les tribunaux nationaux, dès lors qu’elles considéreraient qu’une loi ou une réglementation ferait entrave au commerce et à l’investissement.
Pour les multinationales, l’enjeu est immense. Il s’agit d’obtenir la possibilité de pouvoir éliminer tout obstacle à leurs profits présents mais aussi futurs ; des obstacles tels que des normes sanitaires, écologiques, sociales, votées démocratiquement, et remises en cause au nom du principe sacré du droit des investisseurs !
On trouve de nombreux exemples de plaintes de multinationales dans le cadre d’accords bilatéraux d’investissement déjà conclus.
Certains États ont ainsi été condamnés à des amendes très dissuasives, se chiffrant souvent en millions, voire en milliards, de dollars (Nouvelle-Zélande, Uruguay, Argentine…).
Quelques exemples :
- les entreprises américaines d’exploitation du gaz de schiste pourront attaquer l’État français qui leur refuse des permis ;
- les universités américaines privées qui souhaitent s’installer en France pourront attaquer l’Éducation nationale pour concurrence déloyale ; la même démarche pourra viser d’autres services publics.
On comprend mieux dés lors pourquoi ces négociations se déroulent dans le plus grand secret !