Ce dimanche, aller à la manifestation de soutien au projet de loi sur le « mariage pour tous »

Ce dimanche, c’est la riposte des défenseurs du projet de loi sur l’extension du mariage aux couples de même sexe. On parle aussi du « mariage pour tous », expression vivement critiquée par une psychanalyste et historienne, Elisabeth Roudinesco (lire son interview passionnante par les Inroks, ici), qui par ailleurs défend avec force ce projet : elle estime que parler de « mariage pour tous » permet à ses opposants de s’engouffrer dans des fantasmes malsains, tels celui de l’inceste. Les mots sont importants, elle a raison de le rappeler.

La manifestation des opposants avait réuni de très nombreuses personnes. Personne ne le conteste, et espérons que cette vaine querelle des chiffres ne se reproduira pas ce soir. La mise au point de la préfecture de police qui a donné à la presse la possibilité de vérifier ses méthodes de comptage contribuera sans doute à davantage de sérénité sur ce plan.

Mais somme toute, est-ce si important ? Et peut-on vraiment se réjouir qu’une telle foule se soit mobilisée pour empêcher une minorité d’obtenir les mêmes droits que la majorité ? Car c’est bien cela dont il s’agit : les opposants au mariage étendu aux couples de même sexe ne supportent pas que les droits dont ils bénéficient puissent également bénéficier aux homosexuels. Tout en se défendant, bien entendu, d’être homophobes ! alors, on détourne le débat vers l’intérêt « supérieur » de l’enfant. Argument bien fragile, lorsqu’on connaît les familles actuelles, dites « recomposées », où déjà de nombreux enfants vivent avec des parents et beaux-parents homosexuels, hommes ou femmes, et le vivent très bien. Mais c’est un fait, l’argument de l’enfant peut avoir de l’effet sur certains : on touche la corde sensible, même et travestissant la réalité. Et de fait, le débat, s’il a existé (et ce ne sont certainement pas les opposants au projet qui l’ont aidé à exister), sort du rationnel, pour sombrer dans le fantasme, quand ça n’est pas dans le mysticisme : on a entendu de vieilles dames très distinguées rappeler, sans rire, que le diable existe bien, et qu’il est en train de revenir (il s’était donc absenté ?) !

Heureusement, même dans les milieux où prospèrent ces arguments, essentiellement milieux religieux intégristes, et milieu de droite « forte », certains commencent à réagir et à dire « ça suffit ». Tel cet ancien vice-président du Figaro, Philippe Villin, qui n’hésite pas à déclarer : « L’essentiel des leaders de droite est « à côté de la plaque » et « entre dans l’avenir à reculons ». ». Ou encore Aurore Bergé, militante et responsable UMP. Il paraît que de nombreux homosexuels partent aujourd’hui de l’UMP, ne supportant l’atmosphère qui y règne.

Alors, pourquoi aller à la manif aujourd’hui ? Le projet sera adopté, c’est une certitude. Manifestation inutile ? Certainement pas. Il faut encore et encore rappeler tous les arguments qui justifient cette loi : bien que toujours en tête des sondages, l’approbation de ce texte par « l’opinion » a besoin d’être consolidée. Et il faut penser à l’avenir : dans quel climat se dérouleront les premiers mariages ? Quel sera le comportement de certains maires qui n’attendent qu’une chose, en découdre ?

Une dernière chose, mais pas la moindre, ce tweet, découvert ce matin, signé @Nicolasbdf :  » La « tolérance ». Je n’en peux plus de ce mot misérabiliste. Non, je ne veux pas qu’on me tolère. Je veux qu’on me respecte à égalité. »

 

Mariage pour tous : contrer les mensonges et les arguments fallacieux !

Dimanche aura lieu la manifestation en faveur du projet de loi de mariage pour tous à Paris.

Les opposants à ce projet ne désarment pas, et leurs arguments sont, la plupart du temps, dans le meilleur des cas, de la mauvaise foi, dans le pire, des mensonges éhontés qui transpirent l’homophobie, quoiqu’en disent ceux qui les diffusent.

La section de la Ligue des droits de l’Homme Bondy – Noisy – Rosny vient de publier un tract qui dénoncent ces arguments fallacieux avec beaucoup d’efficacité. En voici le texte.

« Depuis des mois, la plus grande partie de la droite, de l’extrême droite et un certain nombre de représentants des cultes, alliés aux intégrismes religieux les plus anti républicains, multiplient mensonges, menaces et discours apocalyptiques à propos du mariage pour tous, avec la prétention d’ériger leurs croyances en loi.

Or, si les cultes ont parfaitement le droit d’avoir des vues particulières sur le mariage, la famille, la sexualité, ils ne peuvent ainsi corseter la liberté de conscience et multiplier les discours de discriminations.

Assez de discours homophobes

Les amalgames haineux entre homosexualité, polygamie, pédophilie, les mises en garde contre la fin de l’humanité participent d’un indéniable fond homophobe.

Arc-boutés sur une supposée loi naturelle, leurs auteurs se sont successivement opposés au divorce, à la contraception, puis à l’interruption de grossesse, enfin au Pacs, en agitant les mêmes arguments, les mêmes menaces. Il faut opposer un large front du refus à cette agitation de la haine et de la peur, sauf à renoncer à toute réforme, à tout engagement contre les discriminations, à tout projet de justice et de liberté.

La société française a évolué

Sa réalité actuelle est celle de la diversité de la composition des familles qui, depuis des décennies, ne repose plus sur un modèle unique. La reconnaissance juridique des couples de même sexe ne vient que confirmer un état de fait, et un principe d’égalité.

Le mariage pour tous permet à celles et ceux qui le désirent, d’offrir la possibilité d’un statut juridique à des dizaines de milliers de couples et autant d’enfants vivant déjà au sein de telles familles.

Des inquiétudes infondées

L’évolution législative proposée ne change pas les règles applicables en France pour l’adoption.

Les règles concernant l’adoption resteront régies par la convention de La Haye, ratifiée par la France en 1998, qui prévoit que toute adoption est prononcée par un juge qui vérifie toutes les garanties nécessaires à la protection des droits de l’enfant.

De plus, rappelons qu’elle est autorisée aux personnes célibataires, et que l’adoption ne peut être entravée en raison de l’orientation sexuelle du ou des demandeurs, qui reste indépendante du projet parental.

D’autres en Europe avant nous

Rappelons enfin que vingt-deux pays disposent déjà d’une législation posant le mariage et l’adoption sans discrimination, comme l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Canada, neuf Etats américains, mais aussi en Europe : les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, la Suède ou le Portugal et l’Espagne.

Dans chacun d’entre eux, la lutte contre l’homophobie, contre les discriminations, pour l’égalité entre les sexes, a progressé. Ni la « famille » ni la « protection des enfants » n’y sont mises en péril.

La France ne sera donc pas pionnière sur le sujet, mais elle confirmera ainsi son attachement à une République laïque, fondée sur les principes de liberté et d’égalité. »

Forte mobilisation samedi 19 pour soutenir le mariage pour tous malgré la météo

La manifestation en faveur du mariage pour tous à Rennes a rassemblé plus de 2000 personnes (photo Ouest-France)

Les manifestations organisées un peu partout en France ce samedi 19 janvier, en faveur du mariage pour tous, ont connu un beau succès, malgré des conditions météoroligiques détestables. 250 personnes à Lannion, où on a vu la députée de la circonscription, Corrine Ehrel. 500 personnes à Quimper (600 d’après Le Télégramme), où Stéphane Lenoël,  président de la section de la Ligue des droits de l’Homme a remis vertement les choses à leur place. Il a rappelé que « Ce sont les mêmes qui se sont insurgés à travers les époques sur l’abolition des privilèges, sur l’abolition de l’esclavage, sur l’instauration du droit de vote universel, son extension aux femmes, qui ont été contre le divorce, contre la capacité juridique de la femme… La liste est longue, mais toujours la haine contre l’autre est apparue, la violence dans les propos a été de mise, la mauvaise foi utilisée. Heureusement, des hommes et des femmes leur ont opposé leurs convictions, leur solidarité, pour toujours placer l’égalité et la dignité de la personne humaine au centre du projet de société. » Et aussi que « La famille est multiple, évolutive : hétérosexuelle, homosexuelle, à deux ou monoparentale, recomposée souvent. Si elle est bien au centre de la question de l’éducation des enfants, elle n’est pas uniforme. C’est la conforter que de permettre la réalisation du mariage pour tous : des modèles différents mais les mêmes droits pour toutes ! Pour les parents, pour les enfants ! ». Plus de 2000 personnes à Rennes, où de nombreux élus, et parmi eux, des députés, ont pris la parole.

La mobilisation a été forte, et a largement dépassé les associations qui rassemblent les homosexuelles. Et c’est heureux. Le combat n’est pas terminé. Les hystériques de Civitas ont par exemple prévu une « prière de rue » devant l’assemblée nationale, le 29 janvier. La mobilisation doit donc se poursuivre pour empêcher ces lobbys réactionnaires d’imposer une nouvelle fois leur loi à l’ensemble de la société : à commencer par la manifestation prévue dimanche 27 à Paris.

 

Mariage pour tous : donner la parole aux « anciens enfants » !

On a l’impression que les opposants au mariage pour tous paniquent. En tout cas, ils ont du mal à maîtriser leurs troupes. Un des derniers dérapages, après celui de Xavier Bongibault, un de leurs porte-paroles, qui a comparé le président de la République à Hitler pendant leur manifestation, en voici un nouveau dénoncé ici : http://lelab.europe1.fr/t/christiane-taubira-caricaturee-en-adolf-hitler-7040. Le site de droite « 24hactu » a publié un photomontage représentant Christiane Taubira affublée de moustaches à la Hitler dans un décors IIIème reich…

Et les arguments continuent de pleuvoir, avec toujours la même indigence.

Ils ont peut-être de quoi paniquer. Parce que ceux dont ils parlent le plus sans jamais leur donner la parole, les enfants, commencent à s’exprimer. Ce ne sont évidemment pas des enfants qui parlent, mais des adultes qui évoquent leur passé d’enfants d’homosexuels. Et ils réussissent à partager l’amour dans lequel ils ont été élevé, mettant à mal un des seuls arguments qui restait aux opposants.

Un de ces derniers témoignages vient de l’humoriste Virginie Lemoine, qui explique que, orpheline de mère, et avec un père violent, elle a été élevée par son frère aîné, homosexuelle. Et elle explique que c’est grâce à lui qu’elle est devenue ce qu’elle est. On peut voir son témoignage, bouleversant, ici.

Alors raison de plus pour aller aux manifestations, demain 19 janvier, par exemple devant la mairie à Lannion à 15h, place Saint-Anne à Rennes à 15h, ou place Corentin à Quimper à 15h.

 

Mariage pour tous : une tribune d’Henri Pena-Ruiz, un communiqué de la CGT enseignement privé

L’attitude de l’enseignement catholique, et plus précisément de son directeur, qui a écrit aux chefs d’établissements un courrier les incitant à introduire le débat dans leurs écoles, collèges et lycées, continue de provoquer des réactions.

Le philosophe Henri Pena-Ruiz, écrivain, ancien membre de la commission Stasi, et auteur de « Dieu et Marianne, Philosophie de la laïcité » (PUF) et de « Marx quand-même » (Plon) analyse cette situation, dans une tribune publiée dans la rubrique « rebonds » de Libération. Tribune qui commence par ces phrases : « Triste sort que celui de la laïcité dans notre pays. Evoquée sur un mode incantatoire, elle ne cesse d’être bafouée dans les faits. Et ce en particulier dans le domaine scolaire. Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Eric De Labarre, tente aujourd’hui d’enrôler les élèves de ces écoles contre le mariage pour tous, projet émancipateur programmé par les représentants du peuple. Habillage rhétorique : les fameux ‘débats’ ». Il conclut par cet appel : « Il est grand temps que la gauche laïque ose enfin être elle-même ».

 

Le syndicat CGT de l’enseignement privé de son côté « ne s’oppose pas au principe du débat mais bien à ces procédés fallacieux destinés à fédérer une opposition au projet de Loi en préparation. La FERC-CGT et le Syndicat Cgt de l’Enseignement Privé engagent personnels et parents d’élèves à refuser de prendre part à cette mascarade improvisée ; individuellement mais aussi collectivement et à faire respecter les principes établis par la Loi sur la Laïcité. A lire le communiqué complet sur le site de la CGT enseignement privé.

Pendant ce temps-là, le vicaire général des armées publie sur le site du diocèse des armées un texte, dans lequel il assimile le gouvernement à un gouvernement fasciste : rien que ça… exactement comme le porte-parole de la manifestation « pour  tous » (et contre certains…), acolyte de l’égérie des opposants au projet de loi !

A noter que des manifestations en faveur du mariage pour tous sont prévues le samedi 19 janvier, notamment à Quimper (29), Lannion (22) et Rennes (35).

Tribune d’Henri Pena Ruiz dans Libération.

Triste sort que celui de la laïcité dans notre pays. Évoquée sur un mode incantatoire, elle ne cesse d’être bafouée dans les faits. Et ce en particulier dans le domaine scolaire.
Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Éric De Labarre, tente aujourd’hui d’enrôler les élèves de ces écoles contre le mariage pour tous, projet émancipateur programmé par les représentants du peuple. Habillage rhétorique : les fameux «débats». De qui se moque-t-on en prétendant que ces débats ne sont pas un appel déguisé à manifester ? Un enseignant de l’école publique commettant le millième de ce genre de détournement serait vertement rappelé à la déontologie laïque. Pourquoi donc cette hargne déguisée en «discussion civique» ? Parce que le mariage pour tous relativise le mariage chrétien traditionnellement hétérosexuel et tourné vers la procréation, en en faisant désormais une option libre parmi d’autres, et non plus une structure obligée. La charge est lancée au nom de la «nature». Pourtant l’avènement d’une conception plus universelle de la relation entre deux êtres humains, fondée sur l’amour, le mariage pour tous, assorti de tous les droits afférents, n’est pas moins «naturel» que le mariage patriarcal traditionnel, ni moins équilibrant pour d’éventuels enfants adoptés ou nés grâce à la PMA. L’hypocrisie, en l’occurrence, est de faire dire à la «nature» ce que la religion veut lui faire dire. On cache ainsi le prosélytisme religieux mais cela ne doit tromper personne. Le Ministre de l’Education Nationale a donc raison de s’indigner. Mais il ne peut éviter de remonter à la cause première de cette faute juridique enveloppée par la rhétorique jésuitique des «débats». Et cette cause, c’est la Loi Debré elle-même. 

La Loi Debré du 31 décembre 1959 organise le financement public d’écoles privées sous contrat tout en leur demandant d’observer la neutralité dans l’enseignement des programmes nationaux. Mais la même loi leur reconnaît un caractère propre, nom pudique et jésuitique donnée à leur orientation religieuse. En guise de neutralité de l’enseignement, c’est en fait un pouvoir de prosélytisme financé sur fonds publics qui est offert. Hypocrisie, duplicité, contradiction. Autant dire que cette loi anti laïque veut marier la carpe et le lapin : la liberté de conscience des élèves, et le caractère propre des écoles. Et ce alors que l’école publique, laïque, ouverte à tous, souffre d’un manque de moyens qui tend à compromettre sa mission éducative. Où est la laïcité dans tout cela ? Et l’égalité des citoyens ? Imaginons que des libres penseurs athées demandent de l’argent public pour financer des écoles privées dont le caractère propre serait l’humanisme athée et la faculté de le promouvoir avec l’argent des contribuables croyants. Ces derniers se sentiraient trompés. «Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse…» Pour les religieux responsables des établissements privés ainsi financés, c’est tout bénéfice. Ils ont le beurre (la faculté de prosélytisme auprès de la jeunesse) et l’argent du beurre (les fonds publics pourtant payés par des contribuables athées ou agnostiques). Ces derniers se trouvent ainsi contraints de financer contre leur gré la diffusion d’une foi qu’ils ne partagent pas. 
L’Eglise catholique vient de montrer le peu de cas qu’elle faisait de la laïcité. Elle a voulu freiner l’élévation du particulier à l’universel. Le mariage hétérosexuel traditionnel et sa codification juridique machiste ont été sacralisés par les trois religions du Livre quand elles ont confondu les préjugés inspirés par un patriarcat d’un autre âge et la volonté supposée éternelle de leurs dieux respectifs. L’irremplaçable mérite de la laïcité est de délivrer la loi commune de la tutelle religieuse et d’en faire un principe d’émancipation individuelle et collective, tout en laissant chacun libre de choisir son mode d’accomplissement. On peut mesurer l’enjeu de la laïcisation du droit pour des émancipations sociétales décisives. Entre autres, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (1975), la suppression de la notion de «chef de famille» des livrets de mariage français (1983), la construction de formes relationnelles nouvelles comme le PACS (1999), la pénalisation des stigmatisations homophobes (2001), et enfin aujourd’hui l’avènement du mariage pour tous. A rebours de ces progrès, l’Eglise se sert des écoles qu’elle contrôle pour empêcher l’émancipation laïque. Il y a peu, les responsables des écoles privées se sont opposés aussi à l’enseignement laïque de la morale, qu’ils récusent au nom d’un enseignement religieux de la morale. Que vont-ils faire dans les écoles qu’ils contrôlent ? Seront-ils loyaux et fidèles à la République qui les finance ? Ou ne retiendront-ils que le caractère propre pour maintenir leur prosélytisme religieux tout en empochant l’argent public ? Monsieur De Labarre a choisi. Mettant à profit la contradiction interne de la loi Debré, il exacerbe leur caractère propre…Et ce tout en se prétendant partie prenante du service public d’éducation ! De façon très jésuitique sont choisis des éléments de langage propres à camoufler le prosélytisme. Ainsi du détournement de l’éducation sexuelle, définie sans équivoque dans les programmes nationaux de la République. Pour preuve la révision prosélyte de ces programmes, appliquée à l’ensemble du parcours scolaire : 

«Le projet spécifique de l’enseignement catholique attaché à la formation intégrale de la personne humaine, réfère l’éducation affective, relationnelle et sexuelle à une vision chrétienne de l’anthropologie et l’inscrit dans une éducation plus large à la relation qui concerne tout le parcours scolaire » 

Quant à la droite cléricale, dite aussi «sociale» sans doute par goût du paradoxe, elle contrefait la définition de la laïcité. «La laïcité, c’est le respect de toutes les religions» dit Laurent Wauquiez (Le Figaro du 6 Janvier). Trois erreurs en une formule. D’abord le respect porte non sur les religions mais sur la liberté de croire, qui n’implique nullement que les croyances et les opinions soient en elles-mêmes respectables. Je ne respecte ni la croyance raciste ni une religion qui brûle les hérétiques ou proclame l’infériorité de la femme. Ensuite, si respect il doit y avoir il ne saurait se réduire à la liberté de croyance religieuse. La liberté de se choisir athée ou agnostique, ou de n’avoir aucune croyance, est tout aussi respectable, sauf à faire des discriminations. Enfin la laïcité n’est pas qu’une attitude : elle se définit comme cadre juridique du vivre ensemble fondé sur des principes de droit universels et non sur un particularisme religieux. Liberté de conscience et autonomie de jugement, égalité de droit, sens du bien commun à tous : tel est le triptyque fondateur d’un idéal plus actuel que jamais. 

Il est grand temps que la gauche laïque ose enfin être elle-même.

Mariage pour tous : le président de la Ligue des droits de l’Homme écrit au député Le Fur

Une photo désormais célèbre, prise pendant une manifestation de catholiques intégristes, contre le mariage pour tous, à Marseille.

A la veille de la manifestation contre le mariage pour tous, il est bon de relire ce que Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, écrivait au député de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor après son intervention indigne à l’Assemblée nationale. La voici.

Le député de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor, Marc Le Fur, est intervenu, le 28 novembre, à l’assemblée nationale, pendant les questions au gouvernement, au sujet du projet de loi sur le mariage pour tous.

Alerté par la section Loudéac centre Bretagne, le président de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky, a écrit, ce mardi 4 décembre, au député. Voici la lettre qu’il lui a adressée (Vous pouvez la télécharger ici. Vous pouvez télécharger ici l’intervention du député à l’Assemblée nationale et la réponse que lui a faite la ministre, Dominique Bertinotti).

 LE PRESIDENT
Réf 577/12/PT/VP/CP

 Monsieur Marc Le Fur
Député des Côtes-d’Armor
Assemblée nationale
126 rue de l’Université
75355 Paris 07 SP
Paris, le 4 décembre 2012,

Monsieur le Député,

Lors de la séance des questions au gouvernement du 28 novembre dernier, vous êtes intervenu pour exprimer votre opposition au projet de loi sur le « mariage pour tous », en des termes qui sont non seulement inacceptables, mais de plus en contradiction flagrante avec l’appel à l‘apaisement que vous prétendez rechercher.

Si votre opinion de citoyen est libre, votre responsabilité en tant que législateur ne devrait pas vous permettre de pratiquer l’amalgame, la désinformation, et de jeter le discrédit sur une partie de nos concitoyens. En effet, votre argumentation, marquée par un ordre moral éculé et réactionnaire, tend à attiser des passions malsaines en reprenant les menaces et discours apocalyptiques sur le devenir de la famille et la protection de l‘enfant.

Comme Madame Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille, vous l’a rappelé en séance, ces prévisions de fin du monde étaient déjà les mêmes lors des débats sur le Pacs, ou à l‘époque, pour s‘opposer au divorce, à la contraception, ou à l’interruption volontaire de grossesse. Elles ne se sont évidemment pas réalisées, et tous s‘accordent aujourd’hui sur les avancées indéniables qu’ont représenté ces mesures de progrès et de liberté.

Les évolutions constatées dans notre société posent déjà la réalité d’une diversité des compositions des familles, qui ne se posent plus en un modèle unique depuis des décennies. La reconnaissance juridique des couples de même sexe ne vient que confirmer un état de fait et un principe d’égalité. Le mariage pour tous permet à celles et ceux qui le désirent d’offrir la possibilité d’un statut juridique a des dizaines de milliers de couples, et autant d‘enfants vivant déjà au sein de telles familles.

Vos inquiétudes sur l‘adoption sont non seulement malveillantes mais surtout infondées, car l’évolution législative proposée ne change pas les règles applicables en France en la matière. Elles resteront régies par la convention de La Haye, ratifiée par la France en 1998, qui prévoit que toute adoption est prononcée par un juge, qui vérifie toutes les garanties nécessaires à la protection des droits de l’enfant. De plus, il convient de vous rappeler qu’elle est autorisée aux personnes célibataires, et que l‘adoption ne peut être entravée en raison de l‘orientation sexuelle du ou des demandeurs, qui reste indépendant du projet parental.

Enfin, les exemples étrangers viennent aussi démentir vos fantasmes. Vingt-deux pays disposent déjà d‘une législation posant le mariage et l’adoption sans discrimination, comme l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Canada, neuf États américains, mais aussi en Europe : les Pays-Bas, la Belgique, la Norvège, la Suède ou le Portugal et l‘Espagne. Dans chacun d‘entre eux, la lutte contre l’homophobie, contre les discriminations, pour l’égalité entre les sexes, a progressé. Ni la « famille » ni la « protection des enfants » n’y sont mises en péril. La France ne sera donc pas pionnière sur le sujet, mais elle confirmera ainsi son attachement à une république laïque, fondée sur les principes de liberté et d‘égalité.

C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme appelle tous les parlementaires et les citoyens à se mobiliser pour défendre l‘État de droit, à faire échec aux campagnes de haines, de peurs et d’exclusions, et à soutenir le projet de mariage pour tous.

Je vous prie d‘agréer, Monsieur le Député, l‘expression de mes salutations républicaines.

 Pierre Tartakowsky

Président de la Ligue des droits de l’Homme

Un institut catholique envoie aux parents d’élèves une lettre contre le mariage pour tous avec le bulletin scolaire

L'institut Saint-Lô à Agneaux

A l’Institut Saint-Lô, à Agneaux, dans la Manche, on a une conception très particulière du débat démocratique. Les parents d’élèves des classes terminales (l’établissement scolarise des enfants de la maternelle à la terminale et aux BTS) ont reçu, avec le bulletin scolaire de leur enfant, une lettre de l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL), dénonçant le projet de loi sur le mariage pour tous. Le communiqué est clair : « l’APEL exprime son opposition ferme au projet de loi gouvernemental visant à permettre le mariage de personnes de même sexe ». Et il conclut de façon toute aussi claire : « On ne joue pas avec ce qui constitue l’un des fondements de notre société. Dénaturer le sens du mariage est un changement majeur, une rupture de civilisation. A quel moment les français ont-ils été informés, ont-ils débattu de ce changement de société ? L’Apel demande qu’une véritable réflexion s’engage sur ce sujet et que les français soient largement consultés. Quel que soit le devenir de ce projet de loi, l’Apel continuera, bien entendu, à remplir sa mission auprès de tous les parents qui font le choix de l’Enseignement catholique ».

Autrement dit, on veut un débat, mais qui, bien entendu, débouchera sur la conclusion que nous avons choisie : non au mariage pour tous. C’est bien cela que demande l’APEL.

Bien entendu, l’enseignement privé s’abrite, pour faire cela, derrière son fameux caractère « propre », qu’il met pourtant volontiers en veilleuse quand il s’agit de recruter des élèves, clamant haut et fort sa grande tolérance et sa volonté d’accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs croyances ou celles de leurs parents.

Le journal Ouest-France, qui a révélé l’affaire, cette histoire ne fait pas l’unanimité, et des élèves auraient monté un groupe sur le réseau social Facebook pour dénoncer cette lettre. Ils y voient une incitation à participer à la manifestation du 13 janvier contre le mariage pour tous.

Télécharger le communiqué ici.

Un article réclamant un débat sur le mariage pour tous dans l’église censuré par les dominicains

Copie d'écran de la page à laquelle conduit le lien vers l'article de Lionel Gentric.

Ajouté mercredi 2 janvier : Cécile Duflot a twitté l’adresse du cache Google où on peut retrouver l’intégralité du texte de Lionel Gentric : un seul coeur, une seule âme.  A lire à la suite de cet article.

Les opposants au mariage pour tous réclament, à corps et à cris, un grand débat national. C’est ce qu’avait cru comprendre un Dominicain, Lionel Gentric. Et du coup, il a écrit et publié un article passionnant sur le site « Dominicains, province de France ». Dans cet article, Lionel Gentric faisait une critique sévère de l’attitude de l’Eglise dans le débat qui entoure le projet de loi sur le mariage pour tous. Intitulé « un seul cœur et une seul âme », il s’interrogeait sur l’étrange « unanimité », au moins de façade, de l’Eglise sur ce sujet. En voici un extrait :

« Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. » Il ajoute plus loin : « Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay »

Vous ne pourrez malheureusement pas lire le reste de ce long article : depuis le 31 décembre, il a curieusement disparu du site « Dominicains province de France ». Le  lien conduit à une page d’erreur (voir copie d’écran en tête d’article).

Pourtant, Lionel Gentric ne se dit pas partisan du mariage pour tous ; il résume sa position par une formule claire : « très hésitant dans l’ensemble ».

Alors, censure ? ça y ressemble bien. Coïncidence : cette censure intervient au moment où quelques voix commencent à s’élever dans le clergé et chez les catholiques pour dire, comme le titre de la pétition lancée par le « réseau des parvis » : « Trop, c’est trop ! » (qui a pour le moment recueilli 2600 signatures).

Le texte intégral

Un seul cœur et une seule âme ?

De l’unanimité de l’Église sur la question du mariage pour tous

Il est bien des organisations humaines (gouvernements, partis politiques, entreprises commerciales), trop humaines peut-être, où la capacité à afficher une unanimité de façade dans les situations d’adversité est un atout de poids, voire une nécessité. Il est bien des circonstances dans lesquelles il faut accorder au rassemblement des forces une priorité qui justifie qu’on diffère l’ouverture d’un débat de fond où viendraient se confronter des perspectives diverses et des opinions contradictoires. Plus encore, certaines organisations sont jugées sur leur capacité à juguler efficacement l’expression de la diversité des opinions : ainsi les ministres de notre République sont-ils sévèrement jugés lorsqu’ils manifestent de manière désordonnée leur désaccord avec la ligne officielle. Jean-Pierre Chevènement l’a brillamment résumé, alors qu’il s’apprêtait à donner sa démission du gouvernement Mauroy en 1983 : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ».

L’Église n’est pas au nombre de ces institutions humaines, trop humaines. Leconsensus auquel elle aspire partout où, en son sein, on délibère, on décide et on agit, va bien au-delà d’une simple convergence des opinions et des intérêts. Ceconsensus doit se fonder sur une unité que réalise en elle Celui qui en est la tête, notamment lorsque les chrétiens se rassemblent en son Nom, sous le signe de la croix, pour communier à son corps et à son sang. L’Église n’est pas un parti. Elle n’est d’aucune tribu, d’aucun clan, d’aucune faction : elle entend être et elle est vraiment le sacrement visible de l’unité du genre humain. En elle se réalise l’« unité catholique du Peuple de Dieu qui préfigure et promeut la paix universelle » (Lumen Gentium, n. 9). A cette unité, tous les hommes sont appelés, de même qu’à tous est destinée la promesse de vie.

L’Église n’a pas le droit de délaisser ne serait-ce qu’un seul instant cette perspective de l’unité qu’elle est vouée à réaliser en son sein. Il est vrai que le consensus et la concorde ne seront parfaitement établis que lorsque le Royaume lui-même trouvera son parfait achèvement – c’est-à-dire à la fin des temps. Dans le temps présent, il nous faut composer avec bien des dissensions et une diversité souvent compliquée à gérer. Il n’en reste pas moins que la perspective du dépassement de toutes les divisions et de toutes les dissensions, la perspective du grand rassemblement des enfants de Dieu ne peut pas disparaître de notre horizon. C’est pourquoi il est bon de réentendre l’exhortation que l’apôtre Paul prodiguait aux Philippiens : « Mettez le comble à ma joie par l’accord de vos sentiments : ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ; n’accordez rien à l’esprit de parti. » (Ph 2,2-3)

Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. Lorsque nous agissons ainsi, l’Église est défigurée et affaiblie. De l’extérieur, elle n’est plus reconnaissable qu’à ses « positions » : elle agit comme si devait prendre au sérieux la provocation de Staline (« Le pape, combien de divisions ? »). Vue de l’intérieur, les choses ne sont guère plus favorables, car en se comportant comme une puissance séculière, l’Église laisse circuler en ses veines certains de ces poisons qui font que toutes les organisations humaines (trop humaines) sont périssables.

Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay. De manière peut-être encore plus troublante, aucun évêque n’a osé s’aventurer à l’exercice de la correction fraternelle lorsque l’un ou l’autre de ses confrères s’est laissé aller à des débordements de langage. Un tel exercice, aussi périlleux soit-il, aurait pourtant été bien salutaire en plusieurs occasions, ne serait-ce que pour fournir l’attestation de ce qu’il y a des ecclésiastiques qui, non contents de n’être pas homophobes (puisqu’il est entendu que les catholiques ne sont pas homophobes), n’entretiennent vraiment aucune complicité avec l’homophobie : il est vraiment désolant que nul évêque ne s’y soit risqué publiquement.

Depuis des mois, la hiérarchie catholique ne parle que d’une seule voix. Comme si tout le monde était d’accord. Comme s’il n’y avait plus qu’à choisir les moyens d’action et à entrer en campagne. On peut craindre que cette fausse unanimité desserve profondément la cause de l’unité de l’Église : beaucoup de catholiques aujourd’hui, sans être nécessairement de grands partisans du mariage pour tous, ne sont pas convaincus par l’argumentaire anthropologique qui a été retenu pour la cause ; ils entretiennent des doutes qui méritent d’être pris au sérieux et qui ne le sont pas.

Rien n’est évident dans cette histoire. Rien n’est évident et rien n’est simple. Comme l’indiquent les sondages (ceux des instituts comme celui que n’importe qui peut faire dans la plupart des paroisses), les fidèles sont partagés. Beaucoup ne demanderaient qu’à voir ouvrir vraiment le débat, non seulement dans la société, mais aussi et d’abord dans l’Église. Les prêtres sont également partagés. Oserai-je dire enfin que les évêques eux-mêmes sont certainement partagés ? Je ne suis pas journaliste d’investigation, je n’ai recueilli aucune confidence, je n’ai aucun enregistrement téléphonique… mais considérant d’une part que les prêtres français sont très partagés et d’autre part que les évêques ne sont pas des hommes extrêmement différents des simples prêtres, il est assez clair que les évêques ne partagent pas tous l’ardeur des leaders. Il n’y a pas de vraie unanimité, même au sein du collège épiscopal, au sujet du fameux projet de loi. Nous jouons depuis des mois une grande partie de cache-cache, dans laquelle certains pourraient finalement se lasser de s’être si bien cachés.

L’Église a sans doute beaucoup à perdre à dissimuler qu’il y a aujourd’hui en son sein une très grande diversité de points de vue au sujet du projet de loi sur le mariage pour tous. Les opinions de l’auteur de ces lignes sur la question de fond (l’ouverture du mariage aux couples homosexuels) n’ont pas ici grande importance [1]. Quelles qu’elles soient, elles susciteront nécessairement de la sympathie chez quelques uns, des hésitations chez d’autres, une franche opposition chez d’autres encore. Peu importe : c’est en assumant tout cela, toutes ces différences et toutes ces dissensions, que l’Église se construit, en se donnant délibérément pour horizon de conduire les enfants de Dieu au grand rassemblement promis à tous.

Puisse donc l’Église se donner comme perspective de rassembler ses enfants. Non dans une militance toute séculière, dans une logique toute humaine qui justifierait la mise à l’écart des fortes têtes et le mépris des hésitants, mais au contraire dans le souci tout évangélique de n’en perdre aucun (Jn 18,9). Pour cela, il faudrait qu’elle renonce à tout ce qui risque de faire d’elle une institution très humaine, trop humaine peut-être.

PS : La présente contribution n’engage évidemment que son auteur.

___________________________________________________________________

[1] Disons en quelques mots, pour couper court à d’inutiles spéculations, que je suis 1) convaincu de la légitimité et du bien-fondé des principales revendications des familles homoparentales, ainsi que de la nécessité de leur accorder une juste reconnaissance, 2) assez convaincu que le projet de loi transforme en profondeur l’institution civile du mariage, 3) très dubitatif sur l’opportunité de procéder à cette transformation, 4) plutôt favorable à l’ouverture du droit à l’adoption pour les couples homosexuels, 5) très réticent à l’ouverture du droit à l’A.M.P. pour les couples de lesbiennes, 6) farouchement opposé à la légalisation de la G.P.A., et donc 7) très hésitant dans l’ensemble.

 

L’Eglise et le mariage pour tous : comme un vent de révolte ?

Ajout lundi 31/12/2012, 19h15. Le billet du Dominicain cité ci-dessous semble avoir été supprimé du site. Ils demandent un débat, pourtant…

Un vent de révolte, qui n’est pour le moment qu’une brise, semble se lever contre les prises de position de l’Eglise catholique contre le mariage pour tous, de son sein même.

Il est tout de même étrange qu’on réussisse le tour de force d’exiger simultanément un débat, et l’abandon du projet de loi ! C’est pourtant l’attitude de l’église dans cette affaire. Certaines voix commencent à se faire entendre. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas des voix contestataires habituelles, comme celle de l’évêque Jacques Gaillot.

Premier exemple :  le frère Lionel Gentric est tuteur des frères étudiants au couvent Saint-Thomas-d’Aquin à Lille et directeur régional du pèlerinage du Rosaire pour la région Flandres-Artois-Picardie. Sur le site « Dominicains province de France », ce religieux signe un billet intitulé « un seul cœur et une seule âme », il s’interroge sur « l’unanimité de l’Eglise sur la question du mariage pour tous », alors qu’il n’y a pas eu débat : « Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. » Il ajoute plus loin : « Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay ». Non qu’il soit lui-même partisan de ce projet : son opinion se résume dans cette formule, « très hésitant dans l’ensemble ».

Une pétition destinée à la conférence des évêques de France

Second exemple, et là il s’agit de laïcs, rassemblés dans l’association « le réseau des parvis », qui se présentent comme « Catholiques d’ouverture, protestants libéraux, unitariens, nous sommes de 7 à 10 000 chrétiens – au sein de cinquante associations françaises – regroupés par les Réseaux du Parvis ». Ils viennent de lancer une pétition intitulée « Trop c’est trop », qu’on peut signer sur le site « pétition publique ». Destinée à la conférence des évêques de de France, elle dénonce l’absence de débat qui a précédé la prise de position de l’Eglise et sa participation à la manifestation contre le mariage pour tous prévue le 13 janvier : « Tout d’abord, rappelons que les évêques n’ont aucun droit à parler au nom des catholiques, qu’ils n’ont jamais consultés. L’épiscopat dit vouloir un débat sur ce sujet pour faire entendre l’opinion publique française, alors qu’il ne tient aucun compte de l’opinion publique dans l’Eglise catholique, ni sur ce sujet, ni sur aucun autre ».

Dans les Côtes d’Armor enfin, Patrick Léger, de la Pastorale des migrants, prend clairement position pour le mariage pour tous dans l’édition du dimanche du journal Ouest-France.

Le site « le mariage pour tous » est un outil militant très utile, qui signale notamment les prises de position en faveur du projet de loi. C’est là que ça se passe.

Mariage pour tous : l’enseignement catholique entre en scène

Ne dites surtout pas que c’est un appel à manifester ! C’est uniquement un appel à « permettre à chacun l’exercice d’une liberté éclairée à l’égard des choix aujourd’hui envisagés par les pouvoirs publics ». Au nom, bien entendu, de « l’intérêt supérieur des enfants qui (nous) sont confiés ».

Le secrétariat général de l’enseignement catholique a en effet publié un communiqué de presse, et adressé un courrier aux 8500 directeurs d’écoles, collèges et lycées qu’il regroupe. Ils sont donc invités à ouvrir une réflexion sur le sujet. Jusque-là, rien que de très normal. Mais bien entendu, l’issue de cette réflexion est fixée : il s’agit de souligner « avec force que la reconnaissance de la différence des sexes et l’accès à ses origines étaient des droits essentiels pour permettre à chaque jeune de construire son identité à sa personnalité ». Et par conséquent de faire comprendre aux parents d’élèves et aux élèves que ce projet de loi doit être combattu avec vigueur. Si le courrier aux directeur utilise un ton très feutré, le communiqué de presse est beaucoup plus explicite : « Négliger les droits de l’enfant pour faire prévaloir un droit à l’enfant constituerait un très grave contresens dont les enfants seraient les premiers à pâtir. C’est pourquoi l’Enseignement Catholique est en désaccord avec une évolution législative ouvrant le mariage et la parentalité aux couples homosexuels ».

Ça ne sera un peu compliqué de conduire cette « réflexion » « en veillant à l’unité de la communauté éducative (…) et en assurant le respect des personnes et des consciences » ?