Centres de rétention : pas de droits pour les personnes, pas de liberté pour les associations ?

La Ligue des droits de l’Homme prend à son tour position contre l’appel d’offre que vient de lancer le ministère de l’intérieur aux associations qui interviennent dans les centres de rétention administrative. Dans un communiqué, elle dénonce les mesures qu’elle estime inacceptables, et demande le retrait pur et simple de cet appel d’offre et l’arrêt de l’enfermement des étrangers sans papiers.

La Ligue des droits de l’Homme a eu connaissance des nouvelles dispositions que le gouvernement a prises en ce qui concerne les centres de rétention administrative. Les conditions dans lesquelles les associations concernées vont devoir répondre au nouvel appel  d’offre sont inacceptables : liberté d’action limitée, droit à investigation dénié, limitation du droit des personnes à bénéficier d’une aide. Au lieu d’une amélioration des conditions de fonctionnement et du respect des personnes, le gouvernement accentue les mesures restrictives.

Alors qu’aucune diminution du nombre de personnes retenues dans les centres de rétention n’est attendue, compte tenu du chiffrage du nombre d’expulsés d’ores et déjà annoncé par le ministère de l’Intérieur,  l’intervention des associations contractantes est rendue plus difficile, en recourant à un contrôle étroit de leurs activités.

Ainsi, elles devront par exemple prévenir les chefs des centres de rétention, dès qu’une des personnes enfermées qu’elles accompagnent osera déposer un recours, et les personnes étrangères enfermées ne pourront plus s’entretenir avec les associations accompagnées d’un co-retenu de leur choix, ce qu’elles souhaitent pourtant très fréquemment.

Enfin, en matière de liberté d’information, les associations seront soumises à un « devoir de réserve » et une « obligation de discrétion », et devront exprimer « de manière mesurée, des opinions dans le domaine des politiques publiques relatives à l’immigration ».

L’empilement de ces mesures de restriction signifie que le regard critique et de dénonciation que portaient les associations est largement mis en cause. Ainsi, tout affichage dans leurs bureaux est soumis à l’autorisation préalable du chef du centre de rétention. De même, le prêt de moyens de communication vers l’extérieur est interdit, mettant ainsi en cause le droit de correspondre pour se  défendre. 

Enfin le texte de l’appel prévoit des sanctions, des pénalités financières, l’interdiction définitive pour les salariés d’accéder au centre de rétention, voire la résiliation des contrats des associations. Ces sanctions seront prononcées par la police ou le ministère de l’Intérieur, sans moyen de recours compte tenu de la liberté d’appréciation qui leur est laissée.

En matière de rétention des étrangers, l’orientation va donc dans le sens de la répression : expulsions collectives, absence d’amélioration du traitement des étrangers malades, création, après l’arrêt du conseil d’État sur la garde à vue, d’une nouvelle disposition de retenue, au mépris du droit commun, poursuite de l’enfermement d’enfants dans le centre de rétention de Pamandzi à Mayotte, mise à l’écart des Cra de Mayotte et de Martinique du marché public. Ce faisant, les mesures d’assouplissement de la politique antérieure sont noyées dans un ensemble défavorable.

La Ligue des droits de l’Homme se prononce pour la fin de la politique d’enfermement des étrangers sans papiers, et pour le retrait de l’appel d’offre du marché  public de la rétention, tel qu’il est proposé  aux associations intervenant dans les centres de rétention.

 

« Garde à vue bis » pour les étrangers, centres de rétention : pour Valls, le changement, ça n’est pas maintenant !

Sale temps pour les demandeurs d’asile et les sans-papiers.

Alors que le ministère de l’intérieur vient d’adresser aux associations habilitées à pénétrer dans les centres de rétention son appel d’offre pour l’année prochaine, l’assemblée vient de voter la « retenue » des étrangers pour vérifier leur identité (le conseil d’Etat avait reconnu illégale la garde à vue).

Les centres de rétention tout d’abord. L’appel d’offre n’est pas public, seules les associations concernées le recevront. Le site Médiapart a cependant réussi à en avoir connaissance, et ça n’est pas triste…

Parmi les nouveautés : un devoir de réserve, ou de discrétion, est imposé aux intervenants, mandatés pour informer et apporter un soutien aux personnes retenues. La violation de ce devoir sera punie d’une amende de 500€…

Lorsqu’une personne retenue voudra déposer un recours, l’intervenant devra prévenir le chef de centre. Les personnes retenues ne pourront être entendues qu’une par une par les avocats ou les intervenants : sauf qu’il arrive qu’un retenu maîtrisant le français pouvait servir d’interprète…

La conclusion de la Cimade est sévère : « Ce régime d’exception risque fort de devenir le nouvel outil des préfectures et de la police. Il s’ajoutera à l’arsenal déjà mis à leur disposition sous l’ère Sarkozy et toujours en vigueur en devenant le premier maillon d’une chaîne visant à enfermer en rétention et expulser au détriment des droits » (lire ici). « La Cimade demande au gouvernement de retirer cet appel d’offre et d’adopter de nouvelles dispositions qui garantissent l’accès effectif aux droits des personnes étrangères enfermées en rétention ainsi que l’indépendance d’associations exerçant un rôle essentiel de vigilance citoyenne, de regard de la société civile  sur ces lieux d’enfermement ». En conclusion, l’association considère qu’il s’agit ni plus ni moins d’une « garde à vue bis spéciale étrangers ».

Passons au texte de loi sur la retenue des étrangers. Il avait déjà été adopté par le sénat, et l’Assemblée nationale vient de le finaliser. Première chose, la retenue ne pourra pas excéder 16h : c’est un progrès. C’est bien le seul !

La discussion a été vive à l’Assemblée. La droite a évidemment entamé son refrain xénophobe. Mais c’est de la gauche qu’est venue l’opposition la plus intéressante. Elle a permis notamment d’autoriser la présence d’un avocat, pour un entretien de 30 minutes : « Il est ainsi prévu explicitement que l’étranger peut demander à être assisté par un avocat, que l’avocat peut, dès son arrivée, communiquer pendant trente minutes avec la personne retenue, que l’étranger retenu peut demander que l’avocat assiste à ses auditions au cours desquelles celui-ci peut prendre des notes et qu’à la fin de la retenue l’avocat peut, à sa demande, consulter le procès-verbal de retenue ainsi que le certificat médical annexé. La première audition ne pourra débuter sans la présence de l’avocat avant l’expiration d’un délai d’une heure, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité ». Le Monde poursuit : « S’il a reconnu « une avancée extrêmement importante » avec ces amendements, le chef de file des députés radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, a pointé avec insistance un traitement moins favorable à ses yeux pour les sans-papiers retenus que pour les gardés à vue, vu la possibilité d’une audition pendant une heure sans présence d’un avocat sur les éléments d’identité, « cœur de cible » à ses yeux des auditions dans le cas de la retenue » (article ici).

Les associations ne pourront qu’être déçues par ces deux nouvelles, qui viennent s’ajouter à plusieurs événements inquiétants : démantèlement des camps de roms sans relogement, renoncement au récépissé pour les contrôles d’identité (Valls s’est contenté d’une « réécriture » du code de déontologie de la police et de la gendarmerie)…

Au ministère de l’intérieur, le changement, ça n’est décidément pas maintenant…

Circulaire « régularisations » : tout ça pour ça !

La publication hier de la tant attendue circulaire sur la « régularisation des sans-papiers » suscite, comme on pouvait le supposer, de nombreuses réactions. Et la plupart sont au minimum très réservées quand ce n’est pas carrément hostile. Laissons évidemment de côté les âneries des commentaires de droite et d’extrême droite qui recyclent des arguments usés jusqu’à la corde et pour la plupart fondés sur des statistiques fausses ou manipulée. Les critiques portent sur l’espoir suscité que la circulaire ne satisfait pas, sur la timidité des mesures, sur la continuité de la politique de l’immigration par rapport aux précédents gouvernements, sur la sévérité et l’irréalisme des conditions posées (demander des fiches de paye à un travailleur sans papiers !).

La Ligue des droits de l’Homme a pour sa part publié un communiqué, reproduit ci-dessous, dès hier après-midi. Et elle l’a accompagné du texte intégral de la circulaire qu’on peut télécharger ici. Chacun pourra donc se faire son opinion à partir du document original.

Circulaire régularisation : tout ça pour ça !

Le ministre de l’Intérieur vient de présenter, au Conseil des ministres, le projet de circulaire dite de « régularisation ». La Ligue des droits de l’Homme condamne à la fois la méthode employée et le contenu des critères retenus envers l’ensemble des catégories d’étrangers qui auraient pu en être bénéficiaires.

La méthode choisie renvoie malheureusement les associations et les syndicats à une place de dupes. Alors qu’un temps long avait été donné avant la publication de ce texte, parce qu’il semblait nécessaire à la discussion et à la confrontation tant avec les organisations associatives que syndicales, il n’a guère été tenu compte des propositions alternatives qu’elles opposaient à celles défendues dès le départ par le ministère.

Sur le fond, la logique des critères pour obtenir un titre de séjour est particulièrement restrictive. En fixant des chiffres très élevés de présence constatée, la circulaire apporte certes des améliorations par rapport à la situation précédente et ouvre la possibilité d’un nombre notable d’issues positives, mais pas dans les catégories les plus difficiles. Que ce soit pour les enfants et les jeunes majeurs en cours d’études, pour leurs familles, que ce soit pour les salarié(e)s, les durées demandées sont incompatibles avec la réalité des demandes déposées ou exprimées. De plus, les autres conditions demandées ajoutent une très rigoureuse limitation des situations éligibles à la régularisation, telle l’exigence de bulletins de salaire sur toute la durée de référence.

Le ministère dit avoir voulu fixer des critères stables et pérennes applicables par toutes les préfectures. On ne peut qu’apprécier cette orientation. Mais compte tenu des critères retenus, rien ne garantit que l’arbitraire des préfectures ne puisse perdurer, sachant que l’éloignement du territoire demeure la règle. Il est de la responsabilité du ministère de l’Intérieur de s’assurer que les dérives de ces dernières années cessent.

Pourtant, l’attente d’une politique différente de celle du gouvernement précédent était forte. Cette circulaire avait suscité un grand espoir, notamment pour les familles, les jeunes et les travailleurs sans papiers. Cet espoir est largement déçu.

Alors qu’elle a été reçue à plusieurs reprises au ministère de l’Intérieur, soit en son nom propre, soit au sein des collectifs qui luttent pour les droits des étrangers, la LDH entend réaffirmer la nécessité d’un débat sur l’immigration, et d’une réforme législative du droit au séjour, du droit d’asile et du contentieux de l’éloignement respectueuse des droits fondamentaux.

 

Le squat de Pacé a été évacué dans la « dignité ». C’est quoi, au juste, la dignité ?

Photo Philippe Chérel, Ouest-France.

Le squat de Pacé. Le « plus grand squat » de France. Il a été évacué hier. Ce qui a permis aux  » humanistes  » de Novopress de titrer : « Évacués du squat de Pacé, les 250 clandestins seront relogés aux frais des contribuables ».

Les premiers articles de presse ont fait état du calme dans lequel s’est déroulée l’évacuation. Le préfet a indiqué, après l’opération : «Tout s’est passé sans incident, dans le respect des personnes et dans le calme » (Libération). Dans un reportage diffusé par FR3, une femme venant d’être évacuée déclarait : « On s’attendait au pire, ça s’est bien passé ». Le maire de Pacé confirme : « Cette évacuation s’est faite avec humanité et respect des personnes et des biens ».
Heureusement, M., une militante de Droit au logement, qui a soutenu avec beaucoup d’autres les migrants depuis leur arrivée au mois de mai dans l’ancienne maison de retraite de Pacé, vient nous remettre les idées en place. Parce qu’il n’y a pas eu de violences physiques, pas de blessés, pas de coups, on en arriverait à considérer que ça s’est bien passé, que ça a été digne… Nous serions-nous laissés contaminer par l’idéologie ambiante de chasse à l’étranger ?
Merci, M., d’autoriser la publication de votre beau texte.
« Alors, il faut toujours essayer d’être objectif, hein? Donc oui il y a sûrement des choses bien quand même dans ce qui s’est passé ce matin. Vous savez, l’expulsion de 250 personnes qui allait se régler avec dignité…
Alors il y a déjà  le côté froid et silencieux de l’expulsion du matin : les familles sont invitées à aller à la préfecture avec un petit papier attestant qu’elles viennent du squat de Pacé. Elles sont dehors dès 6h15 pour les premières, une cinquantaine de voitures de policiers, mais pas l’idée d’avoir fait venir une navette qui emmènerait tout le monde à la préfecture… C’est sûrement tellement plus digne de laisser les familles, les bébés dans les bras des mamans et les gamins dans les poussettes dans le froid et la nuit noire à 6h30 dehors. À attendre le bus 52 qui arrive déjà quasi plein de gens du coin qui partent au boulot… Et puis tous les gens qui portent des sacs, des matelas tout ça tout ça. Le petit crachin du matin a rajouté un peu à la dignité ambiante, c’était super. Mais attention, ça s’est fait dans le calme, donc hein, vous voyez bien qu’on traite bien les gens !
Arrivée des familles à la préfecture : ils rentrent au compte-goutte, les autres attendent dehors. C’est vrai, c’est tellement digne de voir 12 policiers regarder les femmes enceintes et les bébés, les personnes inquiètes et fatiguées, là, dehors debout devant la porte. Par contre à l’intérieur apparemment c’est le monde des bisounours : chocolat chaud, croissants offerts à tout le monde, les gens attendent sereinement, le personnel se met en 4 pour s’occuper de tout le monde, même le préfet nous dit-on met la main à la pâte. Et puis après on leur dit où ils vont et on les met dans un taxi qui les accompagne jusqu’au lieu. Jusque-là, ça va, c’est chouette, le préfet a fait ce qu’il a dit, vous voyez bien!
Sauf que sauf que, les gens dans les taxis passent par l’arrière de la préfecture, pas de possibilité de voir les soutiens qui étaient là à les accompagner, devant la pref’ car eux n’avaient pas le droit de les suivre dans la pref’. Et puis quand les soutiens commencent à arrêter les taxis pour demander aux gens où ils allaient, pour combien de temps, voire s’ils souhaitaient récupérer leurs affaires qui étaient dans les coffres de voiture sur le parking, les chauffeurs au début s’arrêtaient. Mais l’autre douzaine de policiers, en faction eux devant la grille de sortie des taxis, ont  commencé à grogner par contre. Et puis finalement ils ont interdit qu’on arrête les taxis. C’est vrai, c’est tellement plus digne de partir dans un taxi qui ne s’arrête pas, sûrement pour qu’ils puissent s’imaginer stars de cinéma en voyage incognito? Oui sûrement, car ça ne peut pas être pour couper complètement les migrants de leurs soutiens divers, non, ça se serait vraiment être mauvaise langue.
Et puis après on commence à voir que certains n’ont pas de notion de durée de leur séjour à Petaouchnok, euh pardon, dans le gîte rural machin de la baie du Mont-Saint-Michel, mais bon c’est tellement digne d’être emmenés vers la campagne du bord de mer. Donc on ne sait pas si c’est pour 1, 2 3 nuits ou plus. Pour d’autres c’est plus clair : 5 jours à Vern-sur-Seiche, 3 jours au foyer bidule. Et pour d’autres vraiment plus clair: rendez-vous à l’Hôtel-Dieu à 18h. Et jusqu’à 18h? Ben euh, j’sais pas moi, c’est pas digne de rester dans la rue avec tous vos sacs?
Ah et puis on commence à recevoir des coups de fil intéressants, comme celle qui accompagnait une famille au Rheu, un couple avec 2 bébés. Le lieu d’hébergement qui refuse d’ouvrir avant 17h… C’est bien, c’est très digne d’attendre 5 heures de suite debout devant une porte fermée avec ses 2 bébés sous le bras. Alors certains invitent les personnes chez elles jusqu’à 17h…
Ah et puis ces migrants sans papiers qui n’ont pas osé rester la nuit dernière à Pacé, peur de la PAF (Police de l’air et des frontières) du petit matin, difficile de leur en vouloir. Alors on les accompagne jusqu’à la porte de la préfecture et on dit aux policiers qui bloquent l’accès « la dame enceinte là et sa petite fille étaient au squat de Pacé, mais n’ont pas le papier distribué ce matin, par contre ils ont bien été recensés par la préfecture la semaine passée, pourraient-ils rentrer s’il vous plaît, car on va quand même pas laisser une femme enceinte à ce point dehors, hein ? » On reprendrait presque espoir quand un des messieurs devant la porte (Renseignements généraux ?) finit par accepter d’aller se renseigner.
Puis on commence à être remis très vite dans la réalité quand on entend les policiers ricaner en disant « sympas les Pacéens, ils en récoltent dans la rue et ils nous les amènent maintenant ». On explique au policier que c’est mal de se moquer ainsi des gens qui sont en plus devant lui et qui l’entendent. Et puis de toute façon on laisse tomber, car la personne ne revient et confirme que les migrants qui n’ont pas le papier distribué le matin à Pacé ne seront pas reçus. Même pas les femmes enceintes, et ça c’est vraiment décidément de plus en plus digne.
Bon allez, stop, excusez-moi de ce long message, c’est fou comme la dignité m’en met gros sur la patate aujourd’hui… »
M.

Circulaire Valls sur l’immigration : bien timide…

Stéphane Maugendre, président du Gisti.

Stéphane Maugendre

On l’attendait avec impatience. Manuel Valls l’a présentée ce matin en conseil des ministres : on a quelques informations sur la nouvelle circulaire concernant la régularisation des migrants sans papiers.
Interrogé par France-Inter au journal de mi-journée, Stéphane Maugendre, président du Groupe d’information et de solidarité avec les travailleurs immigrés (le GISTI) fait une première remarque : il s’agit d’une circulaire. Or une circulaire n’est pas une loi. « Elle n’est pas opposable à l’administration », rappelle Stéphane Maugendre. Ce qui signifie en clair que si une préfecture ne l’applique pas, le tribunal administratif ne pourra pas lui en faire reproche.  Une circulaire, « ce sont des instructions données aux préfets, qui les appliqueront ou ne les appliqueront pas ».
C’est la première faiblesse de la procédure. Ça n’est pas la seule.
Manuel Valls avait annoncé la définition de critères objectifs, assurant aux sans-papiers un traitement identique dans tout le pays.
Or que constate-t-on ?
Pour les jeunes adultes, qui viennent d’avoir leur majorité : ils devront justifier d’une scolarisation « sérieuse et assidue » pendant 2 ans. « Sérieuse » : critère objectif ?
Des conditions de ressources « suffisantes » : objectif ?
Les parents devront prouver qu’ils contribuent « efficacement » à l’éducation de leur enfant : objectif ?
Par ailleurs, les travailleurs sans papiers devront prouver qu’ils ont travaillé, en présentant soit le contrat de travail, soit des fiches de paye, soit une promesse d’embauche. Rares sont, évidemment, les travailleurs sans papiers qui travaillent régulièrement, dans le respect du code du travail, et rares sont les employeurs qui leur signent un contrat ou leur délivrent des fiches de payes. Dans ce domaine, la preuve sera quasiment impossible à établir.
Quelques progrès à relever cependant : le conjoint d’un ressortissant français devra justifier d’une vie commune d’un an et demi au lieu de cinq ans auparavant. Par ailleurs, « pour les familles, l’une des principales avancées du texte – qui entrera en vigueur le 3 décembre – concerne l’ouverture de la régularisation à celles justifiant d’une présence d’au moins cinq ans sur le territoire français et ayant au moins un enfant scolarisé depuis trois ans » (Le Monde). Autre progrès : « Une autre avancée de la circulaire pour les familles concerne la possibilité de déposer un dossier même si les deux parents sont en situation irrégulière. Il fallait auparavant qu’au moins un des deux soit en règle ».
Il faudra bien sûr lire en détail le texte de la circulaire, mais il semble bien qu’elle se situe dans la droite ligne de celles qu’ont pu signer les Besson, Hortefeu et Guéant : le gouvernement ne change pas de politique en ce qui concerne l’immigration. Il faut, une fois encore, et comme dans le domaine de la sécurité, donner des gages à la droite, quitte à en reprendre au moins en partie la philosophie… On ne peut pas dire qu’on n’était pas prévenus : le candidat Hollande s’est appliqué, pendant la campagne, à esquiver le sujet de l’immigration.
Lire aussi le site du Nouvel Observateur et le site du journal Le Monde.

Le squatt de Pacé (35) a été évacué ce matin

Photo Philippe Chérel, Ouest-France.

Les forces de l’ordre sont arrivées très tôt sur le site du squat de Pacé, cette ancienne maison de retraite réquisitionnée depuis plusieurs mois par Droit au logement, et où ont trouvé refuge quelque 200 migrants : dès trois heures ce matin, mardi 27 novembre, elles ont isolé le bâtiment, empêchant militants et journalistes de s’en approcher et naturellement d’y pénétrer. A 6h, elles ont demandé aux occupants de quitter les lieux, après leur avoir distribué des tickets de bus leur permettant de se rendre à la préfecture, où ils étaient convoqués pour connaître leur destination.

Le préfet d’Ille-et-Vilaine, Michel Cadot, assure que tout s’est passé « en toute humanité ». Il a précisé : « Aucune mise à la rue ne résultera évidemment de l’application de la décision de justice ainsi effectuée conformément à la loi ».
De fait, un reportage réalisé par France 3 et mis ligne sur son site confirme les dires du préfet : les migrants interrogés reconnaissent que tout s’est passé dans le calme, mais s’inquiète pour l’avenir : où seront-ils logés, les familles ne seront-elles pas séparées… Les militants de Droit au logement et du Réseau éducation sans frontière regrettent que l’évacuation ait été fait en novembre, alors que le début des travaux prévus par la société HLM propriétaire du bâtiment ne doivent débuter qu’au mois de janvier prochain.
On peut lire le récit de l’évacuation et les craintes de l’association sur le site de Droit au logement.

La section LDH de Rennes inquiète au sujet de six familles de migrants menacées d’expulsion

La section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes a publié hier mardi 26 novembre, un communiqué dans lequel elle exprime son inquiétude au sujet de plusieurs familles de migrants menacées d’expulsion. Voici ce communiqué :
6 familles avec enfants scolarisés sont en instance de se voir expulsées vers leur pays d’origine. Ces pays, (Géorgie, Kosovo, Arménie, Mongolie, Daghestan) se sont signalés par des atteintes graves aux libertés fondamentales et il est notoire que les droits humains y sont quotidiennement bafoués. Revenir dans ces pays qu’on ose parfois appeler des « pays de renvoi sûrs », expose à des situations dramatiques, à des risques graves, à des parcours qui mettent des vies en danger.
Face aux périls qui attendent ces familles, la Ligue des droits de l’Homme (Section de Rennes) attire l’attention des citoyens et des pouvoirs publics sur les drames prévisibles que de telles expulsions vont provoquer. Elle demande instamment que cessent ces expulsions massives à l’échelon national, et qui visent des familles qui avaient cru trouver un refuge en France.
La seconde partie du communiqué concernait le « squat de Pacé », et l’inquiétude que manifestait la section de Rennes était malheureusement justifiée : les migrants ont été expulsés de l’ancienne maison de retraite cette nuit. Les forces de l’ordre ont commencé leur opération vers trois heures du matin. Nous publierons des informations dès que possible. Voici ce que disait donc hier la section rennaise à ce sujet :
L’inquiétude de la Ligue des droits de l’Homme (Section de Rennes) est aussi particulièrement vive concernant les menaces d’expulsion du squat de Pacé. Suite à la déclaration du Préfet de Région (16 novembre 2012) d’avoir « recours à la force publique » pour expulser ces 250 personnes « dans les prochains jours ». S’agit il d’une réponse digne du pays des droits de l’homme que de mettre à la rue des familles avec enfants, des femmes enceintes, à l’entrée de l’hiver, sous prétexte que, confrontés à des difficultés dramatiques de logement, ces demandeurs d’asile n’ont d’autres recours que de se réfugier dans des locaux « squattés » de façon illégale, alors qu’ils sont en situation régulière sur le plan administratif, que les lois européennes et françaises leur donnent un accès, malheureusement théorique, à un hébergement décent, et que la Ministre du Logement Cécile Duflot n’a pas exclu la possibilité de réquisition de logements vacants.

Rennes : un hommage à l’avocat des migrants, Mickaël Goubin, disparu en juillet dernier

Mickaël Goubin (photo Ouest-France).

L’avocat rennais Michel Goubin est décédé brutalement le 30 juillet dernier. Il était âgé de 41 ans. Sa disparition a profondément ému des défenseurs des demandeurs d’asile et des sans-papiers, aux côtés desquels il a lutté, mettant son talent et son professionnalisme au service de cette cause. Il était en effet spécialiste du droit d’entrée et de séjour des étrangers en France, du droit d’asile et du droit de la nationalité.

Un hommage lui a été rendu mercredi 21 novembre, dans le cadre de la semaine de la solidarité internationale, à la Maison internationale de Rennes, en introduction d’une vidéo conférence sur le thème des migrations. Yves Tréguer y a pris la parole au nom de la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes, au sein de laquelle Mickaël Goubin militait (on peut lire un récit de l’hommage ici).
« Il a toujours été à nos côtés. Au nom de la Ligue des droits de l’Homme, à laquelle il nous avait fait l’honneur d’adhérer, c’est par ces mots que je voulais commencer.
Mickaël se battait sur plusieurs fronts. Ses collègues avocats ont raconté un de ses combats.
Mais pour les associations  engagées en faveur des migrants, son soutien a été déterminant. Quand la grande machine à expulser s’est mise en marche, nous étions tous un peu novices , peu au courant des chausse-trapes du CESEDA (Code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, NDLR). Il était difficile de répondre à l’angoisse des sans-papiers, de comprendre et d’expliquer les enjeux, d’être efficaces.
Mickaël était toujours là pour apporter des réponses dans l’urgence.
Au Tribunal administratif ,on le voyait arriver, toujours pressé, dossiers sous le bras. La tension était forte. Des familles dans le désarroi, les policiers ,menottes à la ceinture, le fourgon bloquant l’entrée. Ses prises de parole argumentées, sa force de conviction arrachaient des décisions inespérées.
La passion qu’il mettait à défendre les faibles nous manquera.
Sa force de conviction nous manquera.
Mais, plus que tout, c’est sa présence au milieu de nous ,depuis trois mois déjà, qui nous manque ».

Rennes : pétition et rassemblement de soutien aux demandeurs d’asile

La situation des demandeurs d’asile est de plus en plus préoccupante à Rennes. Voici le récit qu’en fait Annie Clénet, présidente de la section de la Ligue des droits de l’Homme, qui travaille en collaboration avec le réseau éducation sans frontière et droit au logement.

La famille E. : la jeune R. vient d’appeler débordée par le stress et la panique. Cette famille sollicite notre aide. R. va adresser dans la journée un résumé de la situation de la famille. Il faut alerter les élus.

La décision vient de tomber pour la famille E. : la juge n’a annulé que la décision portant sur le délai de départ volontaire qui ne leur avait pas été accordé.

Malgré cette annulation, la préfecture a décidé de mettre à exécution l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et d’expulser la famille avant l’audience prévue le 29 novembre sur le refus de séjour (vol prévu mardi ou mercredi ?). L’avocate va donc faire un référé liberté pour tenter de suspendre l’expulsion.

La famille S. L’audience a duré cinq minutes, une décision sera rendue le 7 décembre; l’avocate a rappelé l’historique de la famille, les difficultés de retour dans les pays d’origine (deux pays différents). Monsieur vient de déposer un dossier pour étranger malade, il va très mal, tout comme son épouse. Son épouse elle aussi va très mal.

La famille B. est dans l’attente

Pour aider ces familles, signez la pétition en ligne !

En voici le texte :

Pétition d’indignation et de soutien

Soutenons les élèves et leurs familles expulsés :

Ils doivent être relogés et poursuivre leur scolarité de façon décente !

Depuis plusieurs semaines à Rennes comme dans d’autres villes, des expulsions ont mis à la rue des migrants d’origine mongole, géorgienne, tchetchène ou africaine dont de nombreux enfants scolarisés dans plusieurs écoles, collèges, lycées et hébergés de façon précaire (comme le squat de l’ancienne maison de retraite à Pacé  : 250 migrants dont 70 enfants).

Cette semaine au collège Echange (l’un des cinq établissements de Rennes avec des classes d’accueil), deux élèves scolarisés dans l’établissement, Marius (4e) et Rebbeca (6e), ont été expulsés de leur logement dans le quartier et n’ont pas fait la rentrée après les vacances de la Toussaint, d’autres sont menacés !

Nous, professeur-e-s, personnels et parents d’élèves du collège Echange engagé-e-s pour que soit garantie à tous les élèves une scolarité dans nos écolessommes indigné-e-s des expulsions de familles orchestrées ces dernières semaines.

En effet , au moment même où nos élèves commencent une scolarité dans le collège  nous n’acceptons pas le fait que Marius Parashiv Bratu 4ème A, Rebecca Botan 6ème A et n’importe quel autre élève scolarisé, passent serait-ce qu’une seule nuit dehors.

Dans quel Etat vivons-nous pour infliger à des enfants une telle situation, un tel abandon ?

Les personnels du collège Echange et les parents d’élèves soutenant cette cause réclament un arrêt de ces expulsions et un relogement de ces enfants et de leur famille dans des habitations dignes pour que n’importe quel enfant puisse jouir d’une scolarité digne des valeurs que notre chère république proclame….

Liberté , Egalité , Fraternité !

Participez à la marche de soutien le samedi 24 novembre prochain partir de 10 H suivie d’un pique nique place de la mairie

et rejoignez-nous au pique-nique et rassemblement de soutien place de la mairie à Rennes, samedi 24 novembre à midi !

 

En visite à Rennes, D. Bertinotti a reçu des représentants d’associations de soutien aux demandeurs d’asile

Photo Rennes Métropole

La ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti, était en visite à Rennes, jeudi 15 novembre. Elle a reçu une délégation de représentants des associations qui soutiennes les demandeurs d’asile qui lui ont fait part des difficultés et des inquiétudes. Par ailleurs, des habitants de Pacé, commune où 250 migrants occupent un squat et sont menacés d’expulsions, se sont constitués en collectif, et viennent de mettre en ligne une pétition de soutien aux demandeurs d’asile (à lire en fin d’article, pétition à signer ici).

En Ille-et-Vilaine, 5 familles avec enfants scolarisés sont actuellement assignées à résidence. Après les avoir expulsés de leur logement en Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), la préfecture d’Ille et Vilaine a décidé de placer ces familles sous ce régime de contrainte pendant 45 jours, le temps d’effectuer les démarches auprès des consulats, pour les expulser vers leur pays d’origine. Les familles doivent se présenter 2 fois par semaine à la Police Aux Frontières pour signer, sinon elles risquent un placement en rétention. En voici la liste :
  • Famille B. (Géorgie) : couple avec 2 enfants, E., 20 ans, et Elina, 3,5 ans, scolarisée à l’école maternelle du Clos-Joury au Rheu.
  • Famille S. (Kosovo/Serbie) : couple avec 2 enfants, M., 7 ans, et A., 4 ans, scolarisés à l’école Joseph-Lotte.
  • Famille M. (Arménie) : couple avec 2 enfants, R. et L., 3,5 ans, scolarisée à l’école maternelle de Bain-de-Bretagne.
  • Famille M. (Daghestan) : femme seule avec  2 fils, A., 21 ans et N., 20 ans scolarisé au lycée Jean-Macé de Rennes.
  • Famille B. (Mongolie) : femme seule avec 3 enfants, S., 3 mois, A., 2 ans, et B., 8 ans, scolarisé à l’école de l’Ille.
Un rassemblement de soutien à ces familles est prévu mercredi 21 novembre à partir de 12h à la préfecture de Beauregard.
Par ailleurs une délégation de représentants des associations qui soutiennent les familles a pu rencontrer Dominique Bertinotti, ministre de la famille, qui été en visite à l’école maternelle Chalais-Prévert de Rennes. Voici le récit qu’en fait une des participantes :
« Nous étions 8 à aller à la rencontre cet après-midi de Dominique Bertinotti, Ministre de la famille, en visite à l’école Chalais-Prévert. 
Après une courte négociation avec les fonctionnaires de la Direction centrale du renseignement intérieur (ex renseignements généraux), nous avons obtenu qu’elle nous accorde quelques minutes à l’issue de sa visite. Nous avons accepté de ranger nos banderoles et d’être polis et gentils avec Madame la Ministre…
Bonus !  Dominique Bertinotti était entourée notamment du Préfet, Michel Cadot, de Daniel Delaveau, maire de Rennes, Marie-Anne Chapdelaine, députée, Gwénaëlle Hamon, adjointe au maire de Rennes à l’éducation, et Yannick Nadesan, conseiller municipal, et de l’Inspecteur d’académie d’Ille-et-Vilaine.
Nous lui avons remis un tract (ci-dessous) rédigé dans l’urgence, et lui avons fait part de nos inquiétudes face à l’expulsion imminente des migrants de Pacé.  
C’est le préfet qui nous a répondu. Il s’exprimera demain sur les solutions de relogement suite à une réunion avec les associations. Nous avons demandé à y participer : « Non, les associations qui pratiquent des actions illégales ne sont pas conviées et vous avez déjà été reçus plusieurs fois par M.Fleutiaux », a répondu le préfet. ».

Le tract

Bienvenue à Rennes, Madame la Ministre !
Les sourires satisfaits des édiles locaux vous accueillent. Ils ont, n’en doutons pas, de belles réalisations à vous présenter. Pour la touche réaliste du discours, ils vont signaleront, de-ci de-là, quelques difficultés non encore surmontées.
Bonne visite Madame la Ministre !
Ce que vous ne verrez pas :
  • Les familles du Squat de Pacé qui vivent dans l’angoisse de cette expulsion programmée aujourd’hui : 64 enfants , scolarisés pour ceux qui sont en âge de l’être.
  • Les enfants Rroms (scolarisés eux-aussi)  et leurs familles  qui occupaient des maisons vides,  jetés à la rue avec une brutalité dont les élus locaux ne peuvent tirer fierté : matelas, jouets, vélos jetés à la benne et voués à la destruction.
Ministre déléguée à la famille, il ne convient pas que vous ignoriez cette partie sombre de la réalité.
Ici rien n’est résolu,  « le 115 » est saturé, et chaque jour des dizaines de personnes, malades, familles, dorment à la rue.
Sans l’action des militants associatifs, principalement le DAL35 avec le soutien du MRAP et de RESF, aidés par des organisations  caritatives,  des drames humains n’auraient pu être évités.
Les Autorités, que nous sollicitons sans cesse, paraissent se satisfaire de la situation. Nous mettons en garde une fois encore. Si les  militants et les bénévoles associatifs cessent de compenser les carences de l’État, personne ne pourra contrôler la situation.
Vous le savez, Madame la Ministre, la misère engendre la colère.
Enfin, des habitants de Pacé, commune où 250 migrants occupent un squat et sont menacés d’expulsion, viennent de se constituer en collectif et ont mis en ligne une pétition de soutien aux migrants. Vous pouvez la signer ici. En voici le texte :

Avec le Collectif de Citoyens Pacéens, contre les expulsions sans relogement

Nous sommes des citoyens de Pacé, commune d’Ille-Et-Vilaine. Environ 250 personnes occupent depuis début mai 2012 sans trouble à l’ordre public la Résidence du Parc, une ancienne maison de retraite, présentée depuis par la presse comme « le plus grand squat de France ».

Une décision de justice a autorisé leur expulsion à compter du 15 novembre 2012. Désormais, les forces de police peuvent intervenir à tout moment alors qu’aucune solution de relogement durable n’a été proposée par la Préfecture.

Notre Collectif de Citoyens Pacéens ne veut pas que sa commune soit le théâtre d’une expulsion massive, car nous n’acceptons pas que des femmes, des hommes mais aussi des enfants puissent se retrouver à la rue, de surcroît en début de période hivernale.

Devant l’urgence et la gravité de la situation, nous demandons instamment à M. Le Président de la République, à M. Le Premier Ministre, à Monsieur le Ministre de l’Intérieur, à Madame la Ministre du Logement, à Madame la Ministre de la Justice, à Monsieur le Préfet d’Ille-Et-Vilaine d’intervenir pour que soit proposées à toutes les personnes de la Résidence du Parc des conditions de vie décente, à commencer par un logement durable. Dans l’attente que des solutions pérennes soient trouvées, nous refusons qu’ait lieu leur expulsion.