Les tribulations d’un demandeur d’asile à Pôle emploi

Voici le récit authentique du parcours d’un demandeur d’asile dans les dédales de Pôle emploi, fait par Michelle Paul, présidente de la section Loudéac centre – Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme.

« Pour commencer, il convient de noter une particularité étrange : les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler, ni, par conséquent de chercher un travail. Il est donc parfaitement logique qu’ils soient obligés de s’inscrire à Pôle emploi, organisme chargé de trouver du travail aux demandeurs d’emploi… C’est en fait Pôle emploi qui leur versera l’ATA (aide temporaire d’asile).

Jeudi 7 juin 2012, la Croix-Rouge accompagne la famille J.M. (deux adultes, trois jeunes enfants), qui vient d’arriver d’Angola, que la préfecture a décidé de loger dans un hôtel de la région de Loudéac.

Jeudi 26 juillet, je les accompagne à un rendez-vous à la préfecture de région, à Rennes, pour déposer la demande d’asile.

Jeudi 2 août, je les accompagne à Pôle emploi, à Loudéac. Il n’y a pas de conseiller le jeudi, il faut revenir le lendemain.

Vendredi 3 août, je me présente au guichet avec M. J.M., et j’explique sa situation de demandeur d’asile. Réponse :

–          le rendez-vous se prend par téléphone, par le 39-49.

–          Oui, mais leur situation est particulière.

–          Il faut faire comme tout le monde, appeler le 39-49.

–          Puis-je rencontrer un ou une conseillère ?

–          Je suis conseillère. Il faut faire le 39-49.

Je quitte le bureau, tente d’avoir le 39-49 (une boîte vocale), ça ne répond pas. Je retourne au guichet de Pôle emploi, on me remet une plaquette explicative… J’y lirai plus tard qu’en cas de problème ou de situation particulière, il faut s’adresser à une conseillère qui nous aidera…

Je rentre chez moi, j’essaye de prendre le rendez-vous sur le site de Pôle emploi. Problème : il faut répondre à la question : êtes-vous disponible pour rechercher un emploi ? Pour la famille J.M., la réponse est évidemment non. La réponse du site de Pôle emploi tombe :

Vous déclarez ne pas être disponible pour occuper un emploi immédiatement.

Vous devez être disponible pour rechercher un emploi. Nous vous invitons à vous reconnecter sur pole-emploi.fr lorsque vous le serez.

Vous pouvez également contacter un conseiller au 3949*.

* Gratuit ou 0,11 euros par appel depuis une ligne fixe ou d’une box. Coût d’une communication normale depuis un mobile.

Reprendre votre demande d’inscription

Je rappelle donc le 39-49. La boîte vocale me répond au bout de plusieurs dizaines de minutes. Après avoir choisi une option un peu au hasard (aucune ne correspondait à la situation des J.M.), je finis par avoir un correspondant : rendez-vous est pris pour M. J.M. le 28 août à 13h30. Je demande alors un rendez-vous pour Mme J.M. :

–          C’est impossible, je ne peux pas donner deux rendez-vous en même temps, il faut que vous rappeliez et que vous recommenciez la procédure. (le logiciel doit bloquer l’ordinateur dès que la procédure est terminée).

Je recommence docilement. Cette fois le 39-49 me répond un peu plus rapidement. Je ne tombe évidemment pas sur la même personne. J’obtiens un rendez-vous pour Mme J.M., le 28 août à 15h30 : quelle chance, c’est le même jour que son mari : 100km de moins à faire, et une seule garde pour les trois enfants (3 enfants, 2 parents, le chauffeur : ça ne passe pas dans une voiture, à moins d’avoir un Espace).

Jeudi 16 août. Je vais à Coalia, à Saint-Brieuc, l’association où est domicilié le courrier de la famille. Il y a bien la convocation de M. J.M. à Pôle emploi, avec le dossier à remplir, mais il n’y a pas celle de Mme. En fait le dossier qu’on leur a fourni ne correspond pas aux demandeurs d’asile.

Lundi 27 août : je m’inquiète, il n’y a toujours pas de convocation pour Mme J.M.. J’essaye de contacter Pôle emploi par téléphone : c’est impossible. Le seul numéro, c’est le 39-49, la boîte vocale. Je réussis cependant, en tapant une option au hasard, à avoir un correspondant. Je lui explique la situation, et lui demande de me mettre en contact avec l’agence de Saint-Brieuc : c’est impossible, il ne peut pas contacter l’agence.

J’appelle alors Marie Lebret, militante à l’ASTI (association de soutien aux travailleurs immigrés) à Saint-Brieuc, et lui demande d’aller à Pôle emploi essayer de débloquer  la situation.

Marie Lebret se rend à Pôle emploi Saint-Brieuc, explique la situation, et peu de temps après, une conseillère m’appelle. Elle m’explique ce qui se passe :

–          Les deux rendez-vous sont annulés : ça n’est pas la bonne procédure pour les demandeurs d’asile, et la seule personne qui s’occupe des demandeurs d’asile est en congés. Je peux vous donner un rendez-vous pour le couple le mercredi 26 septembre à 10h, et d’ici là, il faudrait que vous passiez déposer les copies des titres de séjour, et retirer le dossier…

Mardi 28 août. Mme et M. J.M. doivent se rendre à la préfecture : je les y accompagne (100 km), une amie se charge des trois enfants. Nous en profitons pour aller à Pôle emploi déposer les titres de séjour et retirer le dossier.

Il ne nous reste plus qu’à attendre le 26 septembre pour faire la demande d’ATA, allocation temporaire d’attente, dont on me confirme qu’elle sera rétroactive à partir de la date du dépôt de demande d’asile à la préfecture de région. Mais il faudra que la famille J.M. attende fin octobre avant de toucher cette allocation. Comment vont-ils vivre jusque-là ? D’autant plus qu’à Loudéac, les Restos du cœur sont fermés au mois d’août (et la préfecture le sait).

Ce qui frappe dans cette affaire, ça n’est pas la complexité de la procédure : ça, on connaît, on est habitué.

Le personnel de Pôle emploi n’est pas en cause non plus : j’ai eu affaire à des personnes très attentives et soucieuses de trouver une solution (à une exception près).

Le problème, c’est le verrouillage total de la communication.

La communication directe est impossible entre l’usager et l’organisme. Elle est également impossible entre les salariés de Pôle emploi. Ça n’est évidemment pas du fait des agents de Pôle emploi, qui sont eux aussi victimes de cette situation. Il s’agit en fait d’une méthode de « management », qui se généralise dans l’administration. On a transformé l’ANPE en une entreprise, qui fonctionne comme une entreprise.

Après quatre mois de lutte, Martine Mégret continue à se battre

La CGT Pôle emploi Bretagne a accompagné Martine Mégret à un entretien avec Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi.

Un entretien qui s’est soldé sur un échec : la direction de Pôle emploi campe sur ses positions, et ne propose toujours à Martine qu’un poste d’EVS (emploi de vie scolaire) dans une école maternelle, auprès d’un enfant handicapé. Poste rémunéré… 600€ par mois !

Télécharger le communiqué de la CGT Pôle emploi Bretagne : Indignons-nous.

Pôle emploi se moque de Martine Mégret !

La direction de Pôle emploi propose à Martine Mégret un poste d’Employée de Vie scolaire (EVS), à 600 euros par mois, sans formation, pour s’occuper d’un enfant handicapé et, cerise sur le gâteau (nous exigions que le contrat au moins soit de 3 ans) un contrat de seulement un an, renouvelable trois  fois. Ce qui ne donne évidemment absolument aucune garantie de durée!

Martine pour sa part continue d’occuper les locaux de Pôle emploi à Loudéac.

Nous vous tiendrons évidemment au courant des actions qui seront programmées pour soutenir Martine.

Voici, ci-dessous, la lettre adressée par Jean Piétron, délégué CGT de Pôle emploi, au directeur des ressources humaines, et à la directrice régionale de Pôle emploi qui avait brillé par ses déclarations lors de la manifestation à la direction générale le 7 décembre dernier.

Rennes, le 18 janvier 2011

Objet : votre lettre de réponse à Madame Martine Mégret de Loudéac, du 13 janvier 2011.

Monsieur,

C’est avec surprise, pour ne pas dire consternation, que j’ai pris connaissance de la lettre que vous avez transmise à Madame Martine Mégret, ex-agent de l’ANPE puis du Pôle emploi, depuis près de huit années sans discontinuité, à qui vous avez imposé une fin de contrat au 31 octobre 2010, après l’avoir utilisée (gratuitement)(1), sans avoir mené à bien votre mission de réinsertion durant ses contrats successifs au sein des établissements suscités.

Vous le savez, depuis le 1er novembre 2010, sans revenus, elle occupe donc, soutenue par ses collègues, des associations, des élus, la maison de l’emploi de Loudéac. Souci, tout simplement, de son droit le plus absolu à la dignité : » un emploi en CDI, normalement rémunéré au mois (officiellement le SMIC sur un temps plein) ».

Pour rappel, la vacuité de l’action de réinsertion « durant ses contrats » (près de huit années) au sein de l’ANPE et de Pôle emploi, constitue une « dette » de l’établissement vis-à-vis de Madame Mégret, et le bon sens, ainsi que les besoins mutuels, auraient déjà conduit un établissement « exemplaire » (vertu pour le moins élémentaire pour le Pôle emploi) à l’embaucher en CDI.

A contrario et en supplément, votre lettre enfonce le clou de l’indécence en rappelant insolemment, compte tenu de la situation en présence, qu’il n’est pas question de faire travailler Madame Mégret au sein de l’établissement. Un comble alors qu’elle a été utilisée, durant près de huit années, en dépit de la mission qui était impartie à l’ANPE puis à Pôle emploi, à savoir l’aide à la réinsertion par ailleurs, mission qui a été un échec total et pour cause, Madame Mégret était plus utile au sein même de ces structures.

Et voilà que dans votre courrier du 13 janvier 2011, vous lui enjoignez de persévérer dans sa démarche d’emploi avec l’aide de Pôle emploi (alors que durant près de huit années, son utilisation, bien pratique finalement, n’a donné lieu à aucune aide, objet de ses contrats !).

Une inversion des valeurs en quelque sorte. La victime devient coupable et inversement !

Pour ficeler le tout, et cela n’engage que l’auteur de la présente, un emploi à 600 euros par mois (le complément éventuel ex Rac appartient monétairement parlant, à Madame Mégret, salaire différé oblige, différé, donc non inhérent à l’activité éventuelle), confine à la provocation gratuite et indigne.

57 ans, 600 euros de salaire, après s’être vouée corps et âme durant près de huit années à l’ANPE puis à Pôle emploi, qui donc accepterait une telle errance de l’entendement, et de l’esprit tout simplement ? qui plus est, il semble que le contrat proposé à madame Mégret serait d’une durée d’une année ! quelles perspectives jusque 62 ans ?!

La mission de réinsertion qui était dévolue à l’établissement n’était pas du niveau que vous lui assignez. Ce n’est d’ailleurs pas le contenu implicite et explicite du type de contrats que subissait Madame Mégret (CAE notamment).

Je ne vous apprends rien je l’espère, c’est l’emploi « normalement » rémunéré, mensuellement (officiellement le SMIC, je répète), et non un salaire « sous le seuil de pauvreté », qui doit concrétiser la mission du Pôle emploi après tant d’années d’errements constitutifs de la « dette » générée envers Madame Mégret.

Voilà ce je tenais à vous faire part, et je me fais l’interprète, sans aucun doute, de bon nombre de collègues, de sympathisants, d’associations, d’élus vraisemblablement, bref de gens de bonne volonté, des sentiments que génère le contenu de telles missives.

Nous souhaitons votre enracinement dans la recherche de solutions acceptables telles qu’évoquées ci-dessus, nonobstant et conséquemment à la décision éventuelle de Madame Mégret.

Dans l’attente, recevez, Monsieur, mes salutations distinguées.

Pour la CGT Pole emploi Bretagne : Monsieur PIETRON Jean, délégué syndical.

(1) Gratuitement, effectivement, puisque Martine était employée dans le cadre de contrats aidés, financés par l’Etat, et non par le budget de Pôle emploi.