La « plateforme prisons » écrit une lettre ouverte à Christiane Taubira, garde des sceaux et ministre de la justice

L’élection de François Hollande, et d’une majorité de gauche au Parlement, ont suscité un immense espoir chez les défenseurs des droits de l’Homme. Ils sont bien entendu très attentifs aux premiers gestes du nouveau gouvernement dans ce domaine. Et il se trouve qu’ils ne s’y retrouvent pas tout le temps : c’est le cas avec Manuel Valls, qui, pendant qu’il interdit la mise en rétention des enfants, et, par conséquent des familles, indique qu’il y aura un quota d’expulsions de 30000 personnes par an. Pourquoi 30000, et pas 15292 ou 31230 ?

On retrouve le même problème avec Christiane Taubira, garde des sceaux et ministre de la justice, qu’on ne peut pas soupçonner d’arrières pensées droitières. Ses premières déclarations avaient été encourageantes, à tel point qu’elle avait été applaudie par les magistrats lorsqu’elle les a rencontrés la première fois. Et voilà qu’elle indique qu’elle souhaite créer 6000 places de prison supplémentaires. Alors qu’on sait pertinemment, et Henri Leclerc, dont on ne peut nier l’expertise dans ce domaine, le rappelait, dans sa conférence à Quimper, le 17 février dernier : créer x places de prisons supplémentaires, revient à créer x prisonniers supplémentaires. Le nombre d’incarcérations supplémentaires qui font suite à une augmentation des places en prison sont, à l’unité près, identiques. Toutes les statistiques le prouvent, y compris celles qui viennent du ministère de la justice.

C’est la raison pour laquelle la « Plateforme prison », qui regroupe plusieurs associations, (voir ci-dessous) dont la Ligue des droits de l’Homme, lui a écrit, pour lui demander un rendez-vous, afin de clarifier les choses. Il s’agit là d’un problème essentiel.

Lettre ouverte à Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

Madame le Garde des Sceaux,

Nos organisations, syndicats ou associations, observateurs et acteurs du champ pénal, ont eu l’occasion d’exprimer leur désaccord avec la plupart des dispositions de la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines, qui a notamment prévu de porter à 80 000 le nombre de places de prisons dans notre pays.

Par courrier du 25 mai 2012, nous avons sollicité un rendez-vous avec vous afin de vous faire part de notre analyse et d’entendre votre appréciation des multiples sujets de fond soulevés par cette loi. En l’absence de réponse à notre courrier, nous réitérons aujourd’hui notre demande.

En effet, nous sommes vivement surpris par les orientations relayées par la presse, selon lesquelles la construction de 6000 places de prison supplémentaires vous apparaitrait nécessaire.

Nous nous inquiétons de la nature même de ce projet de construction. S’agit-il de la poursuite d’un programme antérieur (programme 13 200, Nouveau Programme Immobilier… ?) ou d’un autre programme immobilier du nouveau gouvernement ?

Nous sommes convaincus que l’extension du parc pénitentiaire – de 6.000 comme de 24.000 places – ne constitue en rien une solution aux problèmes d’insalubrité ou de surpopulation. Bien au contraire, cela renforce la conception selon laquelle la prison est la peine de référence ; cela risque de conduire à une augmentation du nombre d’incarcérations, ce qui est contradictoire avec l’esprit des recommandations du Conseil de l’Europe et de la loi pénitentiaire. Notre argumentaire sur le sujet, paru le 17 janvier 2012, a bien mis en évidence, à notre sens, en quoi il s’agissait d’«un non-sens humain, économique et juridique».

Pour éviter toute incompréhension des projets dont vous envisagez la mise en œuvre, nous réitérons notre demande qu’une délégation de notre collectif puisse vous rencontrer. Nous nous tenons donc à votre disposition pour participer à une concertation sur ces sujets.

Nous vous prions d’agréer, Madame le Garde des Sceaux, l’expression de notre haute considération.

Les membres de la plateforme prison

organisations signataires :

L’ACAT France / l’AFC / l’ANJAP / Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d’Agressions Sexuelles / L’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire – ASPMP /  Aumônerie Musulmane des Prisons/ Ban Public / la Cimade /la CGT des chancelleries & services judiciaires / la CGT justice PJJ / la CGT pénitentiaire / Citoyens et Justice / la Croix Rouge / Droit d’Urgence / Emmaüs France / FARAPEJ / FO Syndicat National de Magistrats / le Genepi /  la Ligue des droits de l’Homme / l’Observatoire International des Prisons / le Secours Catholique / le SNEPAP-FSU /  le SNEPES-PJJ-FSU / le Syndicat de la Magistrature / Le syndicat des avocats de France

Un site pour voir la prison autrement

www.carceropolis.fr

 

UNE INITIATIVE CITOYENNE POUR VOIR AUTREMENT LA PRISON

 Site soutenu par la LDH

Le 17 avril 2012 a été mise en ligne une plate-forme multimédia inédite, dont l’objectif est de proposer un nouveau regard sur la prison et ainsi inviter le grand public à la réflexion sur la condition carcérale en France.

Comment fonctionnent les prisons françaises ? Comment se compose la population carcérale ? Quel est le quotidien des détenus et du personnel pénitentiaire ? Ces questions, pourtant nécessaires à la réflexion sur le sens et l’efficacité des peines d’emprisonnement, sont peu présentes dans les débats de la campagne présidentielle et plus globalement dans le débat public.

Entre deux faits divers, le traitement réservé à la prison oscille entre fantasme, stigmatisation ou ignorance. Pourtant, beaucoup d’autres regards existent : de nombreux auteurs, réalisateurs et producteurs se sont intéressés au sujet, proposant des représentations variées et de réelles informations sur la nature de la condition carcérale en France.

Convaincu que le sujet de la prison mérite une attention plus accrue, car il questionne le thème majeur du vivre ensemble, et soutenu dans sa démarche par des associations*, un groupe de citoyens bénévoles s’est attelé à regrouper sur une seule et même plate-forme web de nombreuses ressources, jusque-là éparpillées et parfois difficilement diffusables : reportages photographiques, reportages vidéo, web-documentaires, documents audio, …

Les différentes œuvres, mises à disposition gratuitement par plus d’une trentaine d’auteurs, sont proposées en accès libre et classées par thèmes (femmes, mineurs, travail, santé, culture…). Le site propose également la visite modélisée d’une prison, des infographies de chiffres clés, ainsi que des cartes présentant l’implantation des prisons en France et leur taux de densité carcérale.

Cette plate-forme multimédia, qui a vocation à accueillir de nouvelles contributions, propose ainsi un ensemble de regards sur la prison, dans un unique but citoyen : permettre à chacun de se construire une opinion sur le sujet, et ainsi nourrir la nécessaire réflexion que doit mener notre société sur sa politique carcérale.

LES ASSOCIATIONS PARTENAIRES

Acat France . Act Up . Banc Public . Bibliothèque Philippe Soummeroff . Genepi . La Cimade . Ligue des droits de l’Homme . Observatoire international des prisons . Raidh .

Consultez le site www.carceropolis.fr