La fédération de Seine-Saint-Denis de la Ligue des droits de l’Homme s’est associée avec les fédérations CGT 93, FO93, UNSA 93, Solidaires 93 et la section Seine-Saint-Denis du Syndicat de la magistrature pour dénoncer le projet de réforme des conseils de Prud’hommes, clés de voûte de la justice du travail. Le projet remplacerait ni plus ni moins l’élection au suffrage universel par une désignation proportionnelle à la représentativité des syndicats. Un peu comme si, explique le communiqué commun, on laissait le soin aux députés de désigner les maires. Ce projet de réforme, véritable révolution dans la législation du travail, ne fait pas, c’est le moins qu’on puisse dire, la une de journaux, écrits, radiophoniques ou télévisés. Et pourtant, il s’agit d’une réforme majeure, qui représente un recul sans précédent de la démocratie dans les entreprises.
à noter que le renouvellement des conseillers prud’hommaux doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2015
Voici le communiqué publié par les organisations syndicales et la fédération 93 de la Ligue des droits de l’Homme.
La justice prud’homale, un enjeu majeur de la démocratie sociale !
Le ministre du travail Michel Sapin a rendu public son projet de mettre un terme à l’élection des conseillers de la justice du travail par les salariés pour lui substituer une désignation des conseillers prud’hommes, basée sur la nouvelle représentativité issue de la loi du 20 août 2008.
Il n’avait jamais été question d’utiliser cette représentativité pour le renouvèlement des conseillers prud’homaux, et les salariés qui se sont exprimés lors des différents scrutins professionnels n’ont jamais été informés de cette éventualité. Que dirait-on si, sans informations préalables, on désignait les maires, les conseillers généraux, en fonction des résultats du scrutin législatif ? La loi sur la représentativité est détournée par le gouvernement de son but initial qui était la légitimité dans les négociations de chaque organisation aux niveaux des entreprises, des branches professionnelles et au plan national.
Par ailleurs, si la réforme de la représentativité donne une mesure fiable du poids de chaque organisation dans les entreprises dotées d’une présence syndicale et dans les TPE, plus de 5 millions de salariés sur les 18 millions que compte le secteur privé n’ont participé à aucune consultation concernant l’audience des syndicats alors que les élections prud’homales sont ouvertes à tous les salariés! C’est donc 5 millions de salariés qui sont exclus de la possibilité d’élire les juges prud’homaux de leur choix ! Par ailleurs, les privés d’emploi qui sont les premiers utilisateurs des Prud’hommes ne pourraient plus participer à la désignation des conseillers !
Pour eux, c’est une véritable double peine !
De plus, compte tenu de ce qui est envisagé pour la représentativité patronale, on aboutirait à ce que des conseillers salariés désignés sur la base d’un suffrage électoral d’IRP siègent aux côtés des conseillers employeurs désignés, eux, sur une représentativité… sans élection ! C’est un déni de démocratie sociale qui permettrait qu’un employeur, tout en privant les salariés de son entreprise de représentativité syndicale, puisse être désigné conseiller prud’homme par le MEDEF !
Les arguments à l’appui de ce projet de réforme de la prud’homie sont inacceptables.
Ainsi, le ministre évoque le faible taux de participation aux élections prud’homales. Mais au lieu de prendre des dispositions pour améliorer la participation, il envisage de supprimer un rendez-vous majeur de la démocratie sociale ! Il est bon de rappeler que quand des élections sont bien organisées comme dans les entreprises la participation dépasse les 70%. De ce point de vue, nos organisations syndicales sont porteuses de propositions pour améliorer l’organisation des élections prud’homales.
Enfin, le gouvernement avance le coût insupportable de ces élections. On remarquera au passage que dès lors que l’on parle de favoriser l’expression démocratique des salariés, on nous oppose des questions d’argent. Pour les organisations syndicales de la Seine-Saint-Denis, une démocratie sociale vivante ne peut être considérée comme un coût.
Dans un pays démocratique, c’est l’élection qui conditionne la légitimité. Cela vaut autant pour la représentativité patronale que pour l’élection des conseillers prud’homaux au suffrage universel direct.
Les organisations syndicales de la Seine-Saint-Denis CGT, FO, UNSA, Solidaires, affirment leur opposition à ce projet Sapin. On ne change pas les règles du jeu en cours de route. Elles en appellent au Président de la République et réaffirment l’exigence de l’organisation d’élections prud’homales comme prévu en 2015.
Elles exigent de véritables discussions pour faire valoir les intérêts des salariés dans un contexte social et économique fortement dégradé qui frappe de plein fouet le monde du travail.