Adresse du 87ème congrès de la LDH au président de la République et à la majorité parlementaire

Adresse au président de la République et a la majorité parlementaire, adoptée par le congrès de la LDH, à Niort, le 20 mai 2013, pour leur rappeler leurs responsabilités de répondre aux besoins de l’élargissement de la démocratie, et pour la satisfaction des besoins sociaux.

Monsieur le président de la République,

Mesdames, Messieurs de la majorité parlementaire

Monsieur le président de la République,

Vous avez incarné l‘espoir d’un « changement maintenant » et, à ce jour, il a été déçu.
Vous avez désigné la finance comme votre adversaire, et elle règne toujours.
Vous avez prôné l’emploi et la justice sociale, mais le chômage augmente et le niveau de vie des moins favorisés diminue.

Le gouvernement de votre Premier ministre a su tenir bon face aux manifestations de l’extrême droite alliée à la droite parlementaire, et il a réussi à faire adopter la loi sur le mariage pour tous. Nous aurions souhaité la même détermination pour les autres réformes.

Il a certes beaucoup écouté la société civile mais sans l’avoir, semble-t-il, entendue. Les grands débats nécessaires à la réussite du changement — sur la politique migratoire et les demandeurs d’asile, la politique de sécurité, les réformes démocratiques, l’avenir de la jeunesse — ont été, jusqu’à ce jour, évacués.

Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous vous êtes présentes pour tourner la page des politiques inégalitaires, injustes et sécuritaires ; les stigmates de l’ancienne législature perdurent.
Vous avez voulu incarner l’alternative ; elle peine à se mettre en place.
Vous avez souhaité une pratique parlementaire indépendante et exigeante ; votre voix, trop souvent, est étouffée.

Vous avez l’honneur d‘élaborer et de voter les lois. Cette charge vous engage. Nous en appelons à votre responsabilité de représentants du Peuple souverain. L’opposition, la frilosité et l’esprit de renoncement seront toujours mobilisés pour faire échec aux reformes de justice et de progrès. Il vous incombe de faire en sorte que l’espoir et les changements se concrétisent.

Nous en appelons à cette relation démocratique forte, et a votre courage. Il est vain de vouloir apprivoiser ou contourner les maux qui découlent des politiques néolibérales ou des réflexes sécuritaires. Assumez les propositions de progrès pour les droits et les libertés du programme sur lequel vous avez été élus ; vous ne lui serez fidèles qu’en défendant des mesures de justice, de lutte contre les inégalités, et de restauration des droits des citoyens bafoués par la législation rétrograde des derniers quinquennats.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez l’honneur et la charge de disputer notre pays aux crises financière, économique et morale qui alimentent chômage, xénophobies et défiance du politique. Nous avons besoin pour cela de justice et de pragmatisme, d’éthique et de démocratie, de décisions et de détermination.  Le changement et la justice ne sont pas des concessions accordées par les forces politiques et économiques qui s’y opposent. La justice, la démocratie et le progrès social ont toujours dû être conquis de haute lutte. Cette vérité est plus que jamais d’actualité.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme réunis en congres, vous demandons instamment de manifester l’éthique politique, le courage civique et la responsabilité nécessaires pour combattre la crise et promouvoir les valeurs proclamées de la République que sont l’égalité, la liberté et la fraternité.

Nous, militants de la Ligue des droits de l‘Homme, répondons toujours présents à l’appel de ces valeurs, et nous nous engageons pour les réformes qu’elles appellent. Nous continuerons à le faire :

  • jusqu’à ce que le droit de vote et d‘éligibilité de tous les résidents étrangers s’impose car il répond à un impérieux besoin d’élargissement de la démocratie ;
  • jusqu’à ce que les rapports entre la police et la population, et particulièrement la jeunesse, soient profondément réformés, car cela répond a un profond besoin de sécurité et de sérénité ;
  • jusqu’à ce que la politique pénale soit rééquilibrée, afin que le tout—carcéral laisse la place a une justice digne et réellement efficace,
  • jusqu’à ce que les étrangers soient traites dans le respect des droits de l’Homme et des conventions internationales, qu’il s’agisse de nos concitoyens europeens que sont les Roms ou de ceux qui vivent parmi nous ou y recherchent un droit effectif a la protection ;
  • jusqu’à ce que les politiques économiques poursuivent le progrès social plutôt que l’enrichissement inégal.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez, là où vous êtes, là où le peuple vous a places, d’immenses responsabilités. Il vous revient de ne pas les décevoir, et il nous revient de vous le rappeler.

Croyez en notre détermination, à la hauteur de ce que mérite l’avenir de la République.

 

Le fascisme tue, aujourd’hui encore

Le fascisme tue. On le savait. On l’avait pourtant oublié. L’assassinat d’un jeune homme de 18 ans par une horde de crétins vient nous le rappeler dramatiquement.

Comment cela est-il encore possible aujourd’hui ?

Les flots de haine qui se sont déversés pendant les « manifs pour tous » auraient dû nous alerter davantage. Les groupes fascistes y ont trouvé un terrain d’expression idéal : ils étaient protégés, au milieu de la foule, et pouvaient donner libre cours à leurs idées nauséabondes sans que les autres participants à ces manifestations s’en émeuvent outre mesure. Il y a bien eu quelques semblants de réprobation de la part de « Frigide Barjot », qui n’a pas pu participer à la dernière manifestation en raison des menaces qui la visaient.

Frigide Barjot n’a évidemment rien à voir avec ce meurtre. Mais peut-on impunément lancer des idées haineuses comme l’ont fait tous ces gens pendant plusieurs mois ? Peut-on stigmatiser des groupes d’hommes et de femmes sans que cela ne se retrouve un jour où l’autre ? Il y a une sorte de porosité entre la droite classique et les idées d’extrême droite. Dernier avatar de cette porosité : on apprend que l’attachée parlementaire d’Hervé Mariton, député UMP qui a mené la lutte contre la loi Taubira à l’assemblée nationale est une militante d’extrême droite. « Elle a été l’une des premières à appeler au rassemblement en hommage à l’essayiste d’extrême droite, deux heures après son suicide, le 21 mai » (lire ici). Si les Besson, Hortefeux, Guéant, Buisson, Coppé et consorts ne sont pas mêlés à cet assassinat, ils sont coupables de donner du crédit aux idées de ces groupuscules. Ils en reprennent volontiers quelques-unes à leurs compte : les mois derniers, c’était l’homophobie, on a eu aussi la xénophobie, la chasse aux Rroms, reprise avec zèle par l’actuel ministre de l’intérieur. Dans son rapport moral au congrès de Niort, Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme dénonçait le pouvoir actuel, « contaminé par la peste sécuritaire ».

En avril 2013, trois agressions menées par l’extrême droite ont été recensées : le 7 avril 2013, à Paris, contre un couple gay ; le 17 avril à Lille, contre un bar gay ; le 23 avril, à Lyon, contre des policiers et un photographe de presse. Hier soir, c’est un meurtre qui a été commis (source Rue 89).

La presse présente Clément Méric, la victime, comme un militant d’extrême gauche. Et alors ? Est-ce un crime ? En fait d’extrême gauche, on sait surtout que Clément était un militant antifasciste, qui participait aux actions du groupe « Action antifasciste Paris Banlieue ».

Des manifestations sont organisées dans la journée, à Paris, mais aussi en province : à Quimper, la Ligue des droits de l’Homme appelle à un rassemblement, à 18h30, place Saint-Corentin. A Brest également à 18h30, place de la Liberté.

La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme a publié un communiqué et appelé à participer aux différentes manifestations organisées dans la capitale.

De nombreuses voix s’élèvent pour demander la dissolution de ces groupes d’extrême droite.

Lire aussi : Libération, Le Monde,  le blog du parti de gauche, Le Plus du Nouvel Obs, Politis.

Du Touvet (Isère) à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) : non à de nouveaux éloges de l’OAS

Dessin emprunté au site Le Ravi, http://www.leravi.org/spip.php?article1155

La maire d’Aix-en-Provence nous a habitués à ses facéties d’un goût souvent douteux. Reconnaissons-lui le mérite de nous avoir bien fait commencer cette journée du mardi 4 juin 2013 : reçue par France Inter ce matin, elle a en effet inspiré à Sophia Aram un billet qui restera dans les annales. Le thème du billet était l’apprentissage de la démocratie, dans lequel, selon l’aveu de son propre président, s’engage l’UMP. L’occasion pour l’humoriste de rappeler finement à la politicienne que, quoiqu’elle en dise, le président de la République élu en mai 2012 était légitime, puisque désigné par le suffrage universel. On se souvient en effet qu’à l’époque, la subtile maire d’Aix-en-Provence avait contesté cette légitimité…On peut voir et écouter la chronique de Sophia Aram ici.

Le problème, c’est que Mme Joissains-Masini nous fait rarement rigoler. Et singulièrement en ce moment, où les nostalgiques de l’Algérie française et de la colonisation se lancent dans des commémorations peu ragoûtantes.

Voici le communiqué qu’a publié la Ligue des droits de l’Homme à cette occasion. Il dénonce la complicité de la maire d’Aix-en-Provence avec le « collectif aixois des rapatriés » et l’association de défense des anciens détenus de l’Algérie française. Mme Joissains devrait se souvenir que l’UMP se réclame (de moins en moins il est vrai) du général De Gaulle…

Au moment où s’ouvraient les négociations d’Evian pour mettre fin à la guerre d’Algérie, deux activistes, Albert Dovecar et Claude Piegts, membres des sinistres commandos delta de l’OAS, participaient à l’assassinat de Roger Gavoury, commissaire central d’Alger, dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1961. Condamnés à mort, Dovecar et Piegts ont été exécutés le 7 juin 1962.

C’est précisément le 7 juin 2013 que le Collectif aixois des rapatriés – le CAR –, a choisi pour inaugurer à Aix-en-Provence un monument, de même nature que ceux de Nice, Toulon, Perpignan et Marignane, érigés à la gloire de tels assassins. La stèle sera installée dans la cour de la Maison du maréchal Alphonse Juin, propriété de la ville d’Aix, devenue véritable casemate de la « nostalgérie ». L’actuelle équipe municipale en a confié la gestion au CAR qu’elle subventionne abondamment. Coutumier des éloges de la colonisation et de l’OAS, le président du collectif, René Andrès, lance un appel pour l’inauguration d’un espace « appelé à devenir le haut lieu de la mémoire, et de la conservation, de la vérité du peuple Pied-Noir et Harkis ».

L’Association de défense des anciens détenus de l’Algérie française (ADIMAD) soutient cet appel. Ces irréductibles de l’Algérie française ont prévu de se retrouver, comme chaque année, début juin autour de la tombe de Claude Piegts au Touvet, dans l’Isère. L’hommage initialement prévu le 2 juin 2013, a soulevé de telles protestations qu’il vient d’être interdit par la préfecture de l’Isère. Ses initiateurs l’ont reporté au 9 juin, deux jours après la cérémonie d’Aix.

La Ligue des droits de l’Homme dénonce avec force ces tentatives de réhabilitation des anciens tueurs de l’OAS, autant que les dérives idéologiques sur les aspects positifs de la colonisation et les nouvelles instrumentalisations du drame des Harkis et de leurs enfants. Il est indispensable que soient officiellement reconnus, simplement reconnus, les crimes et méfaits qui ont accompagné la colonisation et la guerre d’indépendance de l’Algérie. Indispensable pour bannir en France toutes les formes de racisme que ces dérives alimentent ; indispensable pour permettre le renforcement des liens d’estime et d’amitié entre les peuples algérien et français, l’établissement d’une coopération active et sincère entre la France et l’Algérie !

Collectif liberté égalité justice : où en sommes-nous concernant les politiques pénales ?

Le Collectif Liberté égalité justice, auquel s’est jointe la Ligue des droits de l’Homme, rassemble des associations de défense des droits de l’Homme et des syndicats, tous soucieux de la bonne marche de la justice. Il s’inquiète aujourd’hui de ne pas voir se concrétiser les progrès annoncés par le gouvernement, et craint un renoncement : le pouvoir en place laisse entendre qu’il pourrait ne pas tenir compte des propositions faites par la Conférence de consensus qui avait été réunie pour faire le point de la situation, notamment en ce qui concerne les politiques pénales. Le CLEJ a donc publié un communiqué, reproduit ci-dessous.

Où en sommes-nous concernant les politiques pénales?

Nous, organisations et associations du monde judiciaire, constatons la nécessité de renouer avec une dynamique collective qui nous a rassemblées voici quelques années.

À cette époque – pas si vieille – les maîtres mots de la politique pénale, exclusivement sécuritaire, étaient répression et emprisonnement, au détriment des principes fondamentaux de notre démocratie et, contrairement à ce que soutenaient certains, sans aucun effet sur la délinquance.

Mais malgré des engagements, des annonces, rien pour l’instant n’a changé, ou si peu…

Nous revendiquons maintenant une politique pénale alternative dont certains éléments figuraient dans le programme du Président de la République actuel : abrogation de la rétention de sûreté, des peines plancher et des tribunaux correctionnels pour mineurs. Ces dispositifs ont démontré leur inefficacité en matière de traitement de la délinquance, leur caractère contreproductif en matière de récidive et ont porté de graves atteintes à la spécificité de la Justice des Mineurs.

D’autre part, la conférence de consensus relative à la prévention de la récidive a posé des pistes de travail intéressantes et étayées pour une réponse pénale de qualité. Nous en soutenons un grand nombre d’entre elles. Nous nous inquiétons cependant que le pouvoir politique en place laisse d’ores et déjà entendre qu’il n’en tiendra pas forcement compte…

Et maintenant que se passe-t-il?

Renoncement, reculade et abandon ne seront pas les principes qui guideront notre action future. Dès aujourd’hui nous décidons d’enclencher une dynamique collective large qui a pour objectif de parvenir à la mise en place d’une politique pénale audacieuse telle que nous sommes en droit de l’attendre en matière de Justice.

Nous serons intransigeants sur l’urgence d’une réponse gouvernementale qui reste à ce jour peu lisible et se fait concrètement attendre, et nous nous mettons dès à

présent en situation de peser dans les débats et les mobilisations à venir !

 

Les signataires : Syndicat de la Magistrature (SM) – Ligue des Droits de l’Homme (LDH) – Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration pénitentiaire / Fédération Syndicale Unitaire (SNEPAP-FSU) – Confédération Générale du Travail (CGT) – Observatoire International des Prison (OIP) – Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées (GENEPI) – Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social/Protection Judiciaire de la Jeunesse/FSU (SNPES-PJJ-FSU)– Association Française de Criminologie (AFC) – Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)- SNUCLIAS-FSU (Syndicats Nationaux Unitaires des agents des Collectivités Locales, des ministères de l’Intérieur, des Affaires Sociales et des Finances).

Congrès de Niort : adresse de la Ligue des droits de l’Homme au président de la République et aux parlementaires

Adresse au président de la République et aux parlementaires, adoptée lundi 20 mai 2013 par le 87ème congrès de la Ligue des droits de l’Homme à Niort, pour leur rappeler leurs responsabilités de répondre aux besoins de l’élargissement de la démocratie, et pour la satisfaction des besoins sociaux.

Monsieur le président de la République, 

Vous avez incarné l’espoir d’un « changement maintenant » et, à ce jour, il a été déçu. 

Vous avez désigné la finance comme votre adversaire, et elle règne toujours. 

Vous avez prôné l’emploi et la justice sociale, mais le chômage augmente et le niveau de vie des moins favorisés diminue.

Le gouvernement de votre Premier ministre a su tenir bon face aux manifestations de l’extrême droite alliée à la droite parlementaire, et il a réussi à faire adopter la loi sur le mariage pour tous. Nous aurions souhaité la même détermination pour les autres réformes.

Il a certes beaucoup écouté la société civile mais sans l’avoir, semble-t-il, entendue. Les grands débats nécessaires à la réussite du changement – sur la politique migratoire et les demandeurs d’asile, la politique de sécurité, les réformes démocratiques, l’avenir de la jeunesse – ont été, jusqu’à ce jour, évacués.

Mesdames, Messieurs les parlementaires, 
Vous vous êtes présentés pour tourner la page des politiques inégalitaires, injustes et sécuritaires ; les stigmates de l’ancienne législature perdurent. 
Vous avez voulu incarner l’alternative ; elle peine à se mettre en place. 
Vous avez souhaité une pratique parlementaire indépendante et exigeante ; votre voix, trop souvent, est étouffée.

Vous avez l’honneur d’élaborer et de voter les lois. Cette charge vous engage. Nous en appelons à votre responsabilité de représentants du Peuple souverain. L’opposition, la frilosité et l’esprit de renoncement seront toujours mobilisés pour faire échec aux réformes de justice et de progrès. Il vous incombe de faire en sorte que l’espoir et les changements se concrétisent.

Nous en appelons à cette relation démocratique forte, et à votre courage. Il est vain de vouloir apprivoiser ou contourner les maux qui découlent des politiques néolibérales ou des réflexes sécuritaires. Assumez les propositions de progrès pour les droits et les libertés du programme sur lequel vous avez été élus ; vous ne lui serez fidèles qu’en défendant des mesures de justice, de lutte contre les inégalités, et de restauration des droits des citoyens bafoués par la législation rétrograde des derniers quinquennats.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires, 
Vous avez l’honneur et la charge de disputer notre pays aux crises financière, économique et morale qui alimentent chômage, xénophobies et défiance du politique. Nous avons besoin pour cela de justice et de pragmatisme, d’éthique et de démocratie, de décisions et de détermination. _ Le changement et la justice ne sont pas des concessions accordées par les forces politiques et économiques qui s’y opposent. La justice, la démocratie et le progrès social ont toujours dû être conquis de haute lutte. Cette vérité est plus que jamais d’actualité.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme réunis en congrès, vous demandons instamment de manifester l’éthique politique, le courage civique et la responsabilité nécessaires pour combattre la crise et promouvoir les valeurs proclamées de la République que sont l’égalité, la liberté et la fraternité.

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme, répondons toujours présents à l’appel de ces valeurs, et nous nous engageons pour les réformes qu’elles appellent. Nous continuerons à le faire : 
– jusqu’à ce que le droit de vote et d’éligibilité de tous les résidents étrangers s’impose car il répond à un impérieux besoin d’élargissement de la démocratie ; 
– jusqu’à ce que les rapports entre la police et la population, et particulièrement la jeunesse, soient profondément réformés, car cela répond à un profond besoin de sécurité et de sérénité ; 
– jusqu’à ce que la politique pénale soit rééquilibrée, afin que le tout-carcéral laisse la place à une justice digne et réellement efficace, 
– jusqu’à ce que les étrangers soient traités dans le respect des droits de l’Homme et des conventions internationales, qu’il s’agisse de nos concitoyens européens que sont les Roms ou de ceux qui vivent parmi nous ou y recherchent un droit effectif à la protection ; 
– jusqu’à ce que les politiques économiques poursuivent le progrès social plutôt que l’enrichissement inégal.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires, 
Vous avez, là où vous êtes, là où le peuple vous a placés, d’immenses responsabilités. Il vous revient de ne pas les décevoir, et il nous revient de vous le rappeler.

Croyez en notre détermination, à la hauteur de ce que mérite l’avenir de la République.

« La République en souffrance », par Pierre Tartakowsky, président de la LDH

Pierre Tartakowky, au congrès de la LDH, à Reims, en 2011

Dans son éditorial publié dans le dernier numéro de la revue mensuelle de la Ligue des droits de l’Homme, « LDH info », Pierre Tartakowsky, président de la Ligue, revient sur la parution de sa publication annuelle sur « l’état des droits de l’Homme  en France », intitulée cette année « La République en souffrance », et explique combien ce titre est justifié par l’actualité politique. Nul doute que ceci sera au centre des débats du 87ème congrès de la Ligue des droits de l’Homme, qui se tiendra à Niort, les 18, 19 et 20 mai prochains.

Editorial de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme

« Dans ce contexte, qui incite bien des observateurs à faire référence aux années 1930, est-il possible de conjurer les catastrophes annoncées ? C’est en tout cas nécessaire car à défaut de changements structurels et culturels forts, c’est le pire, déjà en embuscade, qui l’emportera. Mais surtout, c’est possible à condition de tenir les promesses du changement. Maintenant. » Le propos introduit à notre Etat des droits de l’Homme en France 2013. En l’intitulant  « La République en souffrance », notre volonté était de mettre l’accent sur les maux qui accablent le pays — du chômage au malaise démocratique — et sur l’attente, qui, de mois en mois, se transforme en impatience, en frustration, voire en colère.

L’affaire Cahuzac, avec son cortège de révélations ahurissantes et de questions qui ne le sont pas moins, a jeté une lumière cruelle sur un petit monde d’accointances et de renvois d’ascenseurs, un univers où les limites entre corruption et honnêteté sont abolies par l‘usage d’un entre soi élitiste et délétère. Cette catastrophe démocratique vient ajouter à un air du temps détestable tissé de soupçons tous azimuts, d’amalgames accusateurs vis-à-vis des élus, de mise en doute de la réalité d’un intérêt général. Bref, elle nourrit un désenchantement démocratique au moment même où la démocratie, comme la République, reste en souffrance.

On ne peut évidemment pas ignorer le poids de la crise financière qui pèse sur les gouvernements, et les prend dans l’étau de la dette. Mais avoir confié la gestion de l’austérité à un homme dont tout l’itinéraire attestait qu’il n’avait de la chose qu’une connaissance par ouï-dire relève à tout le moins d’une grave erreur de jugement. Face à cette crise, face à des puissances d’argent mondialisées, les peuples attendent une vision, un cap et des décisions. Ils veulent être associés à la définition de la première, pouvoir valider le deuxième et être consultés sur les dernières. Il semble, au vu du comportement de l’exécutif, que ce soit trop demander…

Les grands débats qui auraient pu contribuer à assainir le paysage idéologique n’ont pas eu lieu ; les tensions qui surgissent entre l’exécutif et la représentation parlementaire renvoient à une brutalisation du débat public, qui renforce un certain affolement et restera loin du compte des attentes dans le domaine social. La méthode, ici, renvoie à un fond mal assumé et à une absence de vision à partager.

La droite ne s’y est pas trompée. Se saisissant de l’opportunité du mariage pour tous, elle a réussi à mobiliser, occuper l’espace public, engager une recomposition de ses lignes de force internes en enrôlant sous sa bannière morale, éthique et « défense des familles », là ou il n’y a que calculs politiciens, stratégie de violence visant a mettre a bas la légitimité parlementaire, et qu’expression de l’homophobie à l’état brut, c’est le cas de le dire.

Force est de constater que la situation est aussi grave que confuse. La descente aux enfers dans les sondages du couple exécutif, les bruits de remaniement gouvernemental, les tensions perceptibles au sein de la majorité, la volonté réaffirmée du Président, malgré de nombreuses mises en garde, de s‘en tenir à une ligne d’austérité, alors même que celle-ci est indirectement mise en cause par le premier secrétaire du PS, tout cela renvoie a une cacophonie plus que préoccupante pour l’avenir.

D’autant qu’en ces moments de tension, le réflexe premier des gouvernements est de serrer les rangs autour d’affirmations martiales et d’hommes supposés forts. Ni la démocratie ni le progrès social n’y trouvent leur compte. Il se confirme décidément que dans ce moment de gestion post démocratique tel que l’ont expérimenté la Grèce, Chypre, l’Italie, la démocratie est bel et bien un enjeu, à redéfinir, en urgence. Partout en Europe, les citoyens sont exaspères de se voir renvoyer à la lettre de la démocratie, au détriment du sens dont elle est porteuse. Les défis contemporains appellent qu’on l’investisse de sa vraie nature, celle d’une finalité passant par la définition de l’intérêt général, par une représentativité pleine, entière et ouverte aux débats, acceptant les contradictions sociales et faisant des choix. Cela suppose le courage politique d’affronter cet adversaire « sans nom et sans visage, sans parti, […] qui ne présentera jamais sa candidature », que fustigeait le candidat François Hollande dans son discours du Bourget.

Pour ce qui la concerne, la LDH voit dans cette phase politique désolante et à hauts risques la confirmation du bien-fondé des propositions qu’elle avait portées dans la campagne présidentielle, sur l’importance du débat public, de la réaffirmation offensive des droits — on pense au droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers — et des libertés. Il s’agissait d‘aller au débat et d’affronter idées fausses et vrais adversaires. En s’enfermant dans une posture de gestionnaire sourcilleux, le gouvernement a sans doute cru qu’il rassemblerait et ferait consensus. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est raté. Le pire que l’on puisse craindre, c’est qu’il s’entête à privilégier d‘autres thèmes rassembleurs, au détriment de leurs contenus social et démocratique.

 

Le « mur des cons » : beaucoup de bruit pour rien !

« L’affaire » du « mur des cons » filmé au siège du Syndicat de la magistrature fait grand bruit. Des politiques de tous bords s’en émeuvent avec une exagération telle que cette émotion perd de sa sincérité.

La Ligue des droits de l’Homme a tenu à donner son point de vue, qui est simple : beaucoup de bruit pour rien, et surtout, pas assez pour justifier la saisine du conseil supérieur de la magistrature que la ministre de la justice a décidé d’engager. Vous pouvez lire ce communiqué ci-dessous.

Le syndicat mis en cause a, de son côté, adressé une lettre ouverte à la ministre de la justice, Chritiane Taubira, en réponse à ses déclarations et à sa décision de porter cette affaire devant le Conseil supérieur de la magistrature ; elle est reproduite après le communiqué de la LDH.

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme

L’existence d’un panneau d’affichage situé au siège du Syndicat de la magistrature (SM), et dédié « aux cons » peut provoquer haussement d’épaules ou sourires selon qu’on soit ou non resté attaché à l’esprit potache. Mais elle ne saurait justifier ni la tempête médiatique, ni le flot de protestations pseudo effarouchées dont on nous abreuve ces derniers jours. Rappelons, pour mémoire, qu’il n’y a pas si longtemps, on a vu se cristalliser de grands mouvements de soutien à la publication de caricatures dont le goût et l’intention étaient fort discutables.

On ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’un coup monté et calculé à propos d’un fait divers qui n’aurait jamais dû aller au-delà des salles de rédaction. D’évidence, les droites, y compris extrêmes, ont décidé de charger une organisation dont elles exècrent l’existence.

Le torrent de commentaires outragés stigmatisant l’existence du panneau d’affichage controversé semble postuler que les juges n’auraient droit, même dans leurs locaux syndicaux, ni aux traits d’humour ni au mauvais esprit. Ce double interdit serait-il garant de la sérénité judiciaire ? On peut en douter. Ce qui ne saurait en revanche être mis en doute c’est le caractère attentatoire aux libertés syndicales de ces attaques.

Il est, dès lors, parfaitement regrettable que la garde des Sceaux ait cru devoir y donner suite en saisissant le Conseil supérieur de la magistrature.

La Ligue des droits de l’Homme exprime le vœu que cette affaire retourne là d’où elle n’aurait jamais dû sortir : un lieu privé où s’exerce la liberté individuelle, un local syndical où s’exerce la liberté d’expression. La LDH rappelle qu’il existe quelques autres enjeux sur le champ judiciaire tels que les peines planchers, la peine de sûreté, la justice des mineurs, la situation des prisons. Leur importance mérite qu’on ne s’en laisse pas distraire.

Lettre ouverte du Syndicat de la la magistrature.

Madame la ministre,

Suite à la diffusion mercredi 24 avril par le site Atlantico d’une vidéo d’images soustraites à l’intérieur de notre local syndical, vous avez cru devoir saisir le Conseil supérieur de la magistrature pour apprécier s’il y a eu « manquement à la déontologie ».

Vous avez déclaré, dans un communiqué de presse et devant le Sénat, « condamner cette pratique », vous avez exprimé « votre consternation face à ce comportement » et considéré qu’il s’agissait « d’un acte insupportable, stupide et malsain ».

Quelle pratique ? Celle d’un journaliste qui filme en cachette l’intérieur d’un local syndical privé à l’insu de ses occupants ?

Quel acte ? Celui d’un site en ligne, proche de la droite la plus dure, qui décide de diffuser ces images qu’il sait soustraites ?

Quel comportement ? Celui d’une certaine droite prompte à instrumentaliser cette « révélation » à des fins bassement politiciennes pour décrédibiliser ceux qui combattent avec force leurs idées depuis des années ?

Et bien non, tout cela ne semble pas vous avoir choquée …

Vous avez au contraire cédé à la pression de ceux-ci et choisi de vous en prendre à l’expression en privé d’une opinion – lapidaire et caricaturale certes mais qui n’a rien à envier aux propos publics outranciers de certains à notre égard – concernant ceux dont nous dénoncions les propos, les actes ou les prises de position.Souhaitez-vous donc réglementer la liberté d’opinion des syndicalistes, définir les standards de l’affichage autorisé dans les locaux syndicaux, voire même encadrer la liberté des magistrats que nous sommes s’exprimant dans la sphère privée ?

Vous prétendez, dans votre communiqué, que « le devoir de réserve des magistrats suppose la retenue même dans le cadre de l’expression syndicale ».

Quelle expression syndicale, Madame la ministre ?

Des propos satiriques tenus en privé par des syndicalistes dont personne d’autre qu’eux n’auraient dû avoir connaissance sans cette soustraction d’images ? Cette violation de notre sphère privée syndicale n’est pas « une expression syndicale », laquelle est par nature publique. Faut-il vous rappeler que dans nos prises de position publiques nous nous en sommes toujours tenus au débat d’idées ?

Quel devoir de réserve, Madame la ministre ?

Celui des magistrats ou celui d’un syndicat ?

Est-il besoin de vous rappeler que « l’obligation de réserve » ne s’applique qu’à l’expression publique des magistrats et qu’en tout état de cause, elle ne constitue ni une obligation au silence, ni une obligation de neutralité ?

Mais, au-delà des circonstances de l’espèce, et en raison de l’amalgame qui est fait entre expression privée et action syndicale, c’est bien l’expression publique syndicale et, par conséquent, le fait syndical dans la magistrature que vous remettez en question par votre saisine consternante du Conseil supérieur de la magistrature. Nous attendions plutôt de vous, Madame la ministre, que vous défendiez vous-même cette liberté syndicale.

En plus de 40 années de combats pour les droits des magistrats et les libertés publiques, le Syndicat de la magistrature a dû faire face à de multiples tentatives visant à l’empêcher de s’exprimer.

Vous venez de vous inscrire dans cette longue tradition, nous le regrettons vivement.

Nous vous prions, Madame la ministre, de croire en l’assurance de notre parfaite considération.

Pour le Syndicat de la magistrature,

Françoise Martres, présidente

La lettre d’information de la Ligue des droits de l’Homme: « Quelque chose de Cahuzac », l’édito de P. Tartakowsky

La Ligue des droits de l’Homme publie une lettre électronique intitulée « la lettre d’information de la LDH ». Elle reprend les articles phare publiés sur le site de la Ligue. Le numéro daté du 16 avril publie un dossier intitulé « la démocratie aux défis de la corruption »: comme toujours, la Ligue est attentive à l’actualité, et analyse, à l’aulne des Droits, ce qui se passe dans la société, dans le monde politique. L’éditorial de ce numéro, signé par le président de la LDH, Pierre Tartakowsky, revient sur l’affaire qui mobilise l’attention en ce moment : le mensonge et les actes du ministre démissionnaire Cahuzac. Une affaire qui coïncide avec le décès l’ancienne première ministre britannique, Margaret Thatcher. Pierre Tartakowsky profite de cette coïncidence pour analyse cette affaire d’une façon originale.

Quelque chose de Cahuzac…

Nous ne porterons pas le deuil de Margaret Thatcher. La dame de fer aura sans doute incarnée au plus haut degré tout ce que nous détestons : raison d’Etat, peine de mort, déni de la solidarité sociale, exaltation du libéralisme économique, culte de ses représentants les plus sanglants, à l’instar de Pinochet. Nous porterons d’autant moins son deuil qu’elle n’est, hélas, pas morte.

Car le thatchérisme continue de marquer profondément notre univers politique. Si Margaret Thatcher a finalement été battue, ce fut davantage par ses propres amis et ses propres excès que pour son idéologie. Ce qui, en France, devrait nous rappeler quelque chose… Les années Thatcher furent celles de l’argent libéré et, donc, de l’argent roi ; celles du mépris des pauvres et des démunis ; celles, enfin, du déni démocratique – tant dans sa dimension sociale que politique. Le cocktail s’est hélas mondialisé et ces années folles ne furent pas plus britanniques que la vache ainsi nommée. La déréglementation, le déni de l’intérêt général, la responsabilisation individuelle sont rapidement devenus les nouveaux mantras dominants sur la planète entière, au détriment des droits de l’Homme et des compromis sociaux de solidarité et de sécurité élaborés dans l’après-guerre.

Partout, la droite en a été désinhibée – processus sans fin – et, la gauche, déstabilisée. Par un effet de perversion classique, les dominés ont en effet été amenés à adopter la bien pensance « chic » des dominants, qu’il s’agisse d’économie, de social ou du sécuritaire… En France, on glissa de l’affirmation selon laquelle contre le chômage on avait tout essayé à celle selon laquelle on aurait été naïf vis-à-vis de la délinquance et de l’immigration… Ce mimétisme tragique devait contribuer a limiter les effets de toute alternance politique et à la ramener à n’être plus qu’un enjeu d’équipe au pouvoir, d’écuries. En termes gramsciens, Thatcher était vainqueur.
Disons-le clairement : c’est la marque de cette victoire qu’on retrouve dans l’affaire Cahuzac. Comment un tel homme, au parcours aussi marqué, un homme distingué et promu par Nicolas Sarkozy, a-t-il pu trouver grâce aux yeux d’aigle de ceux qui étaient chargés de veille à la sécurité politique du président ? Parce qu’il alliait une technicité certaine – ne murmure-t-on pas ici et là « c’était quand même un bon ministre » – et le fait d’avoir « réussi »… Autrement dit, d’avoir « fait » de l’argent. Savoir faire fructifier du capital n’est certes pas une tare en soi ; mais à l’inverse, cela ne fait pas mécaniquement vertu républicaine. Cela aurait dû suffire à éveiller une saine vigilance ; force est de constater que cela n’a pas été le cas. L’histoire dira sans doute de quels impensés profonds cet aveuglement est la marque. En attendant, risquons quelques hypothèses.
L’affaire financière n’est devenue un scandale politique que parce qu’elle a mis en scène l’interaction de ces deux mondes, alors que les mœurs de l’argent déchainé – au propre comme au figuré – n’ont rien, strictement rien, à voir avec celles qui régissent la République. L’opinion publique, ou plus exactement dit, le peuple, a pu entrevoir brutalement, cruellement presque, la fausseté foncière d’acteurs occupés à le duper avec cynisme, alors même qu’il les pensait acharnés à défendre ses intérêts. Le pathétique répété des « yeux dans les yeux » n’aura fait qu’ajouter au discrédit de la parole publique.

Le scandale s’est mué aussi rapidement en « désastre généralisé » – pour reprendre l’expression du sociologue Michel Wieviorka –, parce qu’il est entré en résonnance profonde avec une histoire collective : celle des promesses électorales non tenues, des impuissances manifestes de la puissance publique, d’une arrogance jamais démentie des puissances d’argent, de l’existence d’une caste au pouvoir, pas forcément malhonnête au sens propre du terme, mais pour qui le terme d’austérité n’a de toute évidence pas le même sens que pour un couple de salariés moyens, sans même parler des smicards, des chômeurs ou des jeunes demandeurs d’emploi. Pour Jérome Cahuzac, l’austérité était une affaire de haute politique ; pour un très grand nombre de personnes vivant et travaillant en France, l’enjeu se révèle au quotidien autrement plus brûlant.

Le rappeler n’est pas flirter avec la démagogie sociale, opposer de soi disant « petits » aux puissants ; c’est simplement donner la mesure des justes colères en gestation, des désespoirs qui s’accumulent. C’est comprendre pourquoi les turpitudes d’un homme ont secoué le pays tout entier. C’est saisir que ce pays attend des réponses qui aillent au-delà de simples mesures techniques, même baptisées choc de transparence.

Osons une hypothèse : l’opinion publique est tentée par le syllogisme de bon sens, selon lequel le message ne vaut guère mieux que le messager. Jérôme Cahuzac incarnait de fait les choix d’austérité du gouvernement, choix accompagnés de promesses solennelles de justice et d’efficacité. Or, le ministre se révèle être un escroc doublé d’un menteur. Il faudrait manifester un grand autisme pour ne pas entendre, voir, sentir que ce qui se manifeste dans cette affaire, bien au-delà des mensonges, bien au-delà de la fraude même, c’est la rencontre de deux rejets indissolublement liés : celui d’un homme parfaitement méprisable et d’une austérité perçue comme l’antichambre des catastrophes en cours et à venir.
C’est pourquoi la sortie de crise démocratique ne saurait se résumer à des mesures de contrôle, aussi importantes fussent-elles. Mise en transparence et répression de la fraude sont évidemment bienvenues. Mais il existe un lien fort entre l’affaire proprement dite et son contexte de crise économique et sociale ; entre le mensonge proféré à la face du pays et ce que ce pays ressent comme autant de reniements de la part de ceux qu’il a porté au pouvoir. Entre ce « quelque chose de Cahuzac » qui flotte sous les ors du pouvoir et les orientations qu’il affiche. Faire mine de l’ignorer reviendrait à affirmer au pays, « les yeux dans les yeux », que les problèmes sont derrière lui. Pour que le pays reprenne confiance, il faudra des remises en cause d’une toute autre ampleur et qui englobent d’un même élan l’Europe, l’emploi, la justice sociale, la maîtrise des flux de capitaux. Hors cela, nous continuerons, hélas, à vivre dans le « sérieux budgétaire » et peu ou prou, dans le monde de Margaret Thatcher…

Que cherchent les adversaires du mariage ouvert aux couples de même sexe ?

Frigide Barjot : « Hollande veut du sang, il en aura ». Christian Jacob : « Le président de la République prend le risque d’une confrontation violente avec les Français. » Christine Boutin : « la guerre civile que je craignais est en marche ».

Résultat : un jeune homosexuel défiguré par une bande de nazillons homophobes (voir photo). Caroline Fourest traquée toute une journée à Nantes, et qui ne doit son salut qu’à l’intervention des CRS. Et cerise sur le gâteau, le martyre que s’étaient découverts ces gens « qui ne sont pas homophobes », Samuel Lafont,  avait en fait été victime d’une agression crapuleuse.

Les opposants au mariage ouvert aux personnes de même sexe sont passés de l’argumentation à l’invective, puis aux menaces à peine voilées : ils en sont arrivés à souhaiter la violence, et à la pratiquer. Tout en exigeant un débat…

Voilà six mois que le débat est ouvert, et voilà six mois qu’ils utilisent les mêmes « arguments », les mêmes mensonges, les mêmes violences. Mais ils « ne sont pas homophobes »…

On peut être inquiets. Pas pour la loi : elle sera votée, et elle sera appliquée. Mais que feront ces abrutis lorsque les premiers mariages seront célébrés ? On peut légitimement se poser la question. D’autant plus qu’on assiste à la mise en place d’une sorte de « front uni » de la droite parlementaire avec l’extrême droite, à la prise de pouvoir de l’aile la plus intégriste de l’église catholique, qui, via ses officines du type « civitas », s’infiltre dans le mouvement, à visage de plus en plus découvert, et sans que cela semble gêner ceux qu’on croyait modérés…

Table ronde sur les enfants Rroms et les enfants du voyage : deux films en introduction

La table ronde du dimanche après-midi traitera des difficultés de scolarisation que connaissent les enfants du voyage et les enfants Rroms. Elle sera introduite par deux films : « la roulotte perdue », un documentaire du brestois Jean-Yves Varin, et « Les Tsiganes à l’école, et vice versa », réalisé par l’association montpellieraine « les ziconofages ».

Jean-Yves Varin (dont on peut voir une interview ici) a suivi Georges, dit « Riri », « le patriarche d’une famille de gens du voyage qui vivent encore à l’ancienne dans des verdines (roulottes traditionnelle) tirées par des chevaux. Avec leurs nombreux enfants, il sillonnent les marais de la Camargue Normande. Le film montre les difficultés qui existent aux marge d’un monde moderne où il reste de moins en moins de place pour les nomades. Comment vit-on aujourd’hui quand on est un Manouche rural ? »

Le second film, « Les Tsiganes à l’école et vice versa » s’intéresse au problème de la scolarisation d’enfants du voyage sédentarisés à Montpellier. Les Ziconofages, qui nous ont autorisés gracieusement à projeter leur film pendant les Droits en fête, expliquent leur démarche : « Dans une première partie, des jeunes et des parents d’origine gitane témoignent de l’importance de lire écrire compter et de suivre une scolarité jusqu’à la fin de l’école primaire.

Au collège les jeunes d’origine tsigane abandonnent les établissements scolaires, et arrêtent leur parcours scolaire, où le poursuivent par correspondance via le CNED.

Face à ce constat, des politiques éducatives avec des dispositifs spéciaux pour ces élèves ont parfois été mis en place comme au collège Fontcarrade sur Montpellier. Familles et enseignants y trouvaient leur compte. Mais ici, c’est un constat d’échec.

Quelles sont les causes de cet échec de l’éducation nationale vis à vis des familles gitanes? C’est ce qu’essayent d’analyser cette troisième partie : le poids de la communauté, le manque de mixité (école ghetto à Figuerolles), l’absentéisme (l’école passe en second plan), parents et enseignants pas tous derrière les enfants, peur et peu d’intérêt pour des apprentissages, éloignement (quartier de Montaubérou)…

Une évolution porteuse d’espoir: de plus en plus d’élèves arrivent en fin de CM2 avec un niveau attendu, les jeunes parents commencent à obtenir des diplômes, et les enfants rêvent de métiers comme tous les autres enfants… ».

Rappelons que le débat réunira trois experts : Jean-Yves Varin, réalisateur du film la Roulotte perdue, Marie-Claude Garcia – Le Quéau et  Jean-Pierre Dacheux, universitaire spécialiste des Rroms.