Contrôles d’identité : mobilisation pour le « récépissé »

Prototype d'attestation contrôle d'identité réalisé par le collectif "Stop le contrôle au faciès"

La mobilisation pour la mise en place d’un « récépissé » à remettre par la police à la personne qui vient de subir un contrôle d’identité s’intensifie. Cette mesure, qui semblait acquise, a été abandonnée par le ministre de l’intérieur. Un renoncement qui a bien entendu enchanté certains syndicats de police, à commencer par Alliance Police  nationale : dans un communiqué, ce syndicat déclare « La mise en œuvre d’un récépissé aurait été une stigmatisation supplémentaire des policiers qui œuvrent   quotidiennement au service des citoyens avec professionnalisme, sang-froid et abnégation. Il aurait été inacceptable qu’une telle disposition soit mise en place, laissant sous-entendre que les pseudos contrôles au faciès sont une règle et une méthode de travail appliquée quotidiennement dans la police Nationale ».

Yannick Danio, délégué du syndicat Unité SGP police, dans un débat sur canal +, même s’il est contre le récépissé, est beaucoup plus mesuré et estime que la principale cause des contrôles au faciès, c’est la politique du chiffre mise en place par Sarkozy.

Le 24 septembre dernier, le conseil de Paris a adopté un vœu en faveur de l’expérimentation « d’un dispositif de lutte contre les contrôles discriminants ».

Par ailleurs, Dominique Baudis, défenseur des droits, a organisé, le 8 octobre, un « séminaire international (…) sur les pratiques de police dans d’autres pays ». Il doit rendre public la semaine prochaine les résultats d’une étude qu’il mène depuis le mois de février sur ce sujet, étude dont Manuel Valls avait déclaré qu’il attendrait les conclusions pour prendre sa décision. Les lobbys policiers ont sans doute été plus efficaces.

Les arguments de Manuel Valls pour renoncer à cette mesure ? Il l’estime « beaucoup trop bureaucratique et lourde à gérer » et évoque des « difficultés juridiques » pour la mettre en œuvre. Pour le collectif « Stop le contrôle au faciès », qui regroupe plusieurs associations, « ça ne tient pas ». Outre le fait que le ministre n’a pas attendu le rapport du défenseur des droits, le collectif estime que « L’établissement de ce récépissé ne prend pas plus de temps qu’un procès-verbal. Notre travail de terrain et de concertation avec les associations, les citoyens, les syndicats de police, les magistrats et les élus n’est pas pris en compte ».

A l’intérieur du parti socialiste, des élus et des militants se sont mobilisés pour exiger que le récépissé ne soit pas abandonné, notamment Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis.

Cette affaire n’est donc peut-être pas définitivement enterrée !

Droit de vote des étrangers : l’éditorial de Pierre Tartakowsky

Editorial de Pierre Tartakowsky, paru dans la « lettre d’information de la Ligue des droits de l’Homme » datée du 1er octobre. Lire également ici l’intégralité du bulletin.

Si c’est bon… Faisons le vivre !

Il n’y a rien à redire sur la tribune publiée dans le monde sous la signature de 75 députés socialistes en faveur du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales. Tout y est !

La volonté de tenir parole, de concrétiser la 50e proposition du candidat François Hollande, le rappel d’une attente profonde au sein de l’opinion publique française, la portée d’une mesure élargissant le corps électoral et, avec lui, l’exercice de la démocratie. Politique, ce texte pointe aussi la nécessité de faire pièce aux ardeurs nationalistes et souvent xénophobes des droites en mal de revanche et insiste sur le fait que le temps n’est pas forcément le meilleur allié des réformes audacieuses.

Cette initiative est importante ; ce n’est pas tous les jours que tant de députés décident de parler d’une même voix et de taper du même poing sur la table. Elle vaut aussi alerte ; car nombre de députés – socialistes ou d’autres obédiences – ont d’évidence, oublié de signer ce texte. Peut-être n’en ont-ils pas été saisis ? Si c’est le cas – et comment le savoir sans le leur demander ?- il faut, toutes affaires cessantes, leur poser la question. Et leur demander d’y répondre, sous une forme ou une autre…

Car cette tribune exceptionnelle signe une inquiétude, celle du renoncement, enrobé d’un silence honteux. Ce n’est pas insulter l’avenir, ni ceux qui l’ont en charge, que de tirer cette sonnette d’alarme. On aimerait que le gouvernement témoigne dans cette affaire d’un niveau de mobilisation et de pugnacité équivalent à celui dont les droites font preuve. Veut-on arrondir les angles ? On risque au mieux d’arrondir les échines alors même qu’il faudrait les redresser, et les têtes avec elles. Faire dos rond n’est ni une perspective ni une stratégie là où il faut courage et esprit de décision. Il suffit pour s’en convaincre de lire la charge violente du Monde qui, après avoir en titre éditorial, qualifié la tribune par lui publié de « chiffon rouge », dresse un acte d’accusation d’une rare violence contre les députés coupables d’exercer leur droit d’expression et ramenés, excusez du peu, au rang de galopins irresponsables offrant « un parfait cheval de bataille à la droite ».

Le Monde a évidemment parfaitement le droit de choisir son camp en cette affaire ; mais cette façon de ramener d’éminents enjeux démocratiques à de calculs de simple opportunité n’honore pas la démocratie. Elle tente de faire passer l’immobilisme pour une stratégie de mouvement et le refus de l’affrontement pour le pinacle du courage politique. Ce faisant elle nous offre, comme en concentré, la formule chimiquement parfaite de la défaite de la pensée, celle là même qui prépare toutes les autres.

Il faut, à un moment, affirmer que l’on n’a pas tort d’avoir raison. Si le vote des résidents étrangers est bon pour la démocratie, s’il est bon pour nos villes et nos territoires, s’il est bon pour le vivre ensemble, il faut le faire vivre. Et si c’est là agiter un chiffon rouge, ma foi… Agitons le sans relâche.

 

Droit de vote des étrangers : oui ou non ?

C’est une belle pagaille ! Alors que Manuel Valls assure dans Le Monde : « Est-ce que c’est aujourd’hui une revendication forte dans la société française? Un élément puissant d’intégration? Non » (il est bien, Valls, il fait les questions et les réponses), et qu’il ajoute : «Ça n’a pas la même portée qu’il y a trente ans. Aujourd’hui, le défi de la société française est celui de l’intégration», d’autres, comme lui au parti socialiste, pressent le gouvernement de faire voter la loi promise par François Hollande sur le droit de vote des étrangers extra – communautaires aux élections locales. Ces « autres », ce sont 75 députés socialistes, parmi lesquels quelques « ténors », comme Elisabeth Guigou. Ces 75 députés ont signé une tribune publiée par Le Monde, qu’ils concluent ainsi : « Comment ne pas être admiratif de ce candidat socialiste fier de ses valeurs, qui a su démonter l’épouvantail du communautarisme brandi par M. Sarkozy, et démontrer la pertinence de cet élargissement du droit de vote pour que la contribution des étrangers, qui sont souvent les parents de citoyens français, soit reconnue ? Pour que leur statut passe enfin de celui d’invisibles à celui d’acteurs de la vie locale. A nous, élus de la République attachés à la vitalité de la démocratie et à sa modernité, d’en faire autant dans les actes. »

Il semblerait que dans cette affaire Manuel Valls soit isolé : David Assouline, porte parole du PS, a abondé dans le sens des députés, et le groupe Europe écologie les Verts presse aussi le gouvernement.

A propos de Manuel Valls, le Réseau éducation sans frontière a distribué à la fête de l’Humanité un tract sur lequel figurent deux photos. La première date de 2010 (photo ci-contre) : Manuel Valls préside une cérémonie de parainnage civil de sans-papiers dans sa mairie; la seconde, prise en 2012 : le démantèlement d’un camp de Rroms… Téléchargeable ici.

Les tribulations d’un demandeur d’asile à Pôle emploi

Voici le récit authentique du parcours d’un demandeur d’asile dans les dédales de Pôle emploi, fait par Michelle Paul, présidente de la section Loudéac centre – Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme.

« Pour commencer, il convient de noter une particularité étrange : les demandeurs d’asile n’ont pas le droit de travailler, ni, par conséquent de chercher un travail. Il est donc parfaitement logique qu’ils soient obligés de s’inscrire à Pôle emploi, organisme chargé de trouver du travail aux demandeurs d’emploi… C’est en fait Pôle emploi qui leur versera l’ATA (aide temporaire d’asile).

Jeudi 7 juin 2012, la Croix-Rouge accompagne la famille J.M. (deux adultes, trois jeunes enfants), qui vient d’arriver d’Angola, que la préfecture a décidé de loger dans un hôtel de la région de Loudéac.

Jeudi 26 juillet, je les accompagne à un rendez-vous à la préfecture de région, à Rennes, pour déposer la demande d’asile.

Jeudi 2 août, je les accompagne à Pôle emploi, à Loudéac. Il n’y a pas de conseiller le jeudi, il faut revenir le lendemain.

Vendredi 3 août, je me présente au guichet avec M. J.M., et j’explique sa situation de demandeur d’asile. Réponse :

–          le rendez-vous se prend par téléphone, par le 39-49.

–          Oui, mais leur situation est particulière.

–          Il faut faire comme tout le monde, appeler le 39-49.

–          Puis-je rencontrer un ou une conseillère ?

–          Je suis conseillère. Il faut faire le 39-49.

Je quitte le bureau, tente d’avoir le 39-49 (une boîte vocale), ça ne répond pas. Je retourne au guichet de Pôle emploi, on me remet une plaquette explicative… J’y lirai plus tard qu’en cas de problème ou de situation particulière, il faut s’adresser à une conseillère qui nous aidera…

Je rentre chez moi, j’essaye de prendre le rendez-vous sur le site de Pôle emploi. Problème : il faut répondre à la question : êtes-vous disponible pour rechercher un emploi ? Pour la famille J.M., la réponse est évidemment non. La réponse du site de Pôle emploi tombe :

Vous déclarez ne pas être disponible pour occuper un emploi immédiatement.

Vous devez être disponible pour rechercher un emploi. Nous vous invitons à vous reconnecter sur pole-emploi.fr lorsque vous le serez.

Vous pouvez également contacter un conseiller au 3949*.

* Gratuit ou 0,11 euros par appel depuis une ligne fixe ou d’une box. Coût d’une communication normale depuis un mobile.

Reprendre votre demande d’inscription

Je rappelle donc le 39-49. La boîte vocale me répond au bout de plusieurs dizaines de minutes. Après avoir choisi une option un peu au hasard (aucune ne correspondait à la situation des J.M.), je finis par avoir un correspondant : rendez-vous est pris pour M. J.M. le 28 août à 13h30. Je demande alors un rendez-vous pour Mme J.M. :

–          C’est impossible, je ne peux pas donner deux rendez-vous en même temps, il faut que vous rappeliez et que vous recommenciez la procédure. (le logiciel doit bloquer l’ordinateur dès que la procédure est terminée).

Je recommence docilement. Cette fois le 39-49 me répond un peu plus rapidement. Je ne tombe évidemment pas sur la même personne. J’obtiens un rendez-vous pour Mme J.M., le 28 août à 15h30 : quelle chance, c’est le même jour que son mari : 100km de moins à faire, et une seule garde pour les trois enfants (3 enfants, 2 parents, le chauffeur : ça ne passe pas dans une voiture, à moins d’avoir un Espace).

Jeudi 16 août. Je vais à Coalia, à Saint-Brieuc, l’association où est domicilié le courrier de la famille. Il y a bien la convocation de M. J.M. à Pôle emploi, avec le dossier à remplir, mais il n’y a pas celle de Mme. En fait le dossier qu’on leur a fourni ne correspond pas aux demandeurs d’asile.

Lundi 27 août : je m’inquiète, il n’y a toujours pas de convocation pour Mme J.M.. J’essaye de contacter Pôle emploi par téléphone : c’est impossible. Le seul numéro, c’est le 39-49, la boîte vocale. Je réussis cependant, en tapant une option au hasard, à avoir un correspondant. Je lui explique la situation, et lui demande de me mettre en contact avec l’agence de Saint-Brieuc : c’est impossible, il ne peut pas contacter l’agence.

J’appelle alors Marie Lebret, militante à l’ASTI (association de soutien aux travailleurs immigrés) à Saint-Brieuc, et lui demande d’aller à Pôle emploi essayer de débloquer  la situation.

Marie Lebret se rend à Pôle emploi Saint-Brieuc, explique la situation, et peu de temps après, une conseillère m’appelle. Elle m’explique ce qui se passe :

–          Les deux rendez-vous sont annulés : ça n’est pas la bonne procédure pour les demandeurs d’asile, et la seule personne qui s’occupe des demandeurs d’asile est en congés. Je peux vous donner un rendez-vous pour le couple le mercredi 26 septembre à 10h, et d’ici là, il faudrait que vous passiez déposer les copies des titres de séjour, et retirer le dossier…

Mardi 28 août. Mme et M. J.M. doivent se rendre à la préfecture : je les y accompagne (100 km), une amie se charge des trois enfants. Nous en profitons pour aller à Pôle emploi déposer les titres de séjour et retirer le dossier.

Il ne nous reste plus qu’à attendre le 26 septembre pour faire la demande d’ATA, allocation temporaire d’attente, dont on me confirme qu’elle sera rétroactive à partir de la date du dépôt de demande d’asile à la préfecture de région. Mais il faudra que la famille J.M. attende fin octobre avant de toucher cette allocation. Comment vont-ils vivre jusque-là ? D’autant plus qu’à Loudéac, les Restos du cœur sont fermés au mois d’août (et la préfecture le sait).

Ce qui frappe dans cette affaire, ça n’est pas la complexité de la procédure : ça, on connaît, on est habitué.

Le personnel de Pôle emploi n’est pas en cause non plus : j’ai eu affaire à des personnes très attentives et soucieuses de trouver une solution (à une exception près).

Le problème, c’est le verrouillage total de la communication.

La communication directe est impossible entre l’usager et l’organisme. Elle est également impossible entre les salariés de Pôle emploi. Ça n’est évidemment pas du fait des agents de Pôle emploi, qui sont eux aussi victimes de cette situation. Il s’agit en fait d’une méthode de « management », qui se généralise dans l’administration. On a transformé l’ANPE en une entreprise, qui fonctionne comme une entreprise.

Le ministère de l’intérieur va recevoir une délégation d’associations pour évoquer le problème du démantèlement des campements Roms

Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l’Homme, et animateur du collectif « Romeurope », avait réagi dans plusieurs organes de presse (le JDD, le Nouvel Observateur…) à propos des déclarations de Manuel Valls sur Europe 1 : le ministre avait confirmé qu’il avait l’intention de « démanteler » les campements de Roms, dès lors qu’une décision de justice avait été prise. Dans  ces interviews, Malik Salemkour indiquait que la demande d’audience déposée au ministère de l’intérieur (LDH, Romeurope) était restée sans réponse.

La réponse est arrivée hier après midi, mardi 31 juillet : les associations seront reçues au ministère vendredi 3 août. Dommage simplement, comme le fait remarquer Malik Salemkour, qu’il ait fallu ce tapage médiatique.

Concernant la déclaration du ministre : démantèlement dès lors qu’il y a décision de justice. Un blogueur de gauche, Juan, s’insurge contre le fait que la Ligue des droits de l’Homme ne s’incline pas devant la décision de justice. Nous sommes bien d’accord. Et voici la réponse de Malik Salemkour : « Les décisions de justice doivent être respectées, personne ne dit le contraire. Mais le droit ne doit pas moins l’être : le droit à l’hébergement, à la dignité, à la protection des mineurs, à l’accompagnement, et le droit de tout ressortissant européen à être traité de manière non discriminatoire. »

La Ligue des droits de l’Homme a clairement souhaité la victoire de Hollande, et la défaite de l’obscurantisme le plus terrifiant que la France ait connu pendant cette triste parenthèse du quinquennat Sarkozy. Mais la Ligue des droits de l’Homme sera attentive à ce que les valeurs qui ont été bafouées pendant cette période, soient rétablies rapidement avec le changement qu’a promis le nouveau président. Et ça tombe bien : ça ne coûte pas cher !

La Ligue des droits de l’Homme espère vivement que la rencontre de vendredi sera productive, en terme d’avancée des droits les plus élémentaires.

La nuit du 4 août à Metz

Une bonne idée, qui vient de Metz ; ça fait un peu loin pour y aller, mais ça donne des idées, non ?

FIN DES PRIVILÈGES…

Nuit du 4 août à Metz à partir de 16 h.

Ce qu’ont fait les privilégiés en 1789 : renoncer à leurs privilèges pour construire une République de citoyens aux droits égaux…

… Les privilégiés d’aujourd’hui ne pourraient-ils pas le refaire?

C’est à nous tous de les y pousser, pour l’ÉGALITÉ !

Fête de l’égalité – Faites l’égalité !

Place de la République – Metz

Samedi 4 août 2012 à partir de 16 h.

Et en plus, l’affiche est belle !

Démocratie, effectivité des droits pour tous : en débattre enfin, par Pierre Tartakowsky

Editorial de Pierre Tartakowsky, président de la LDH, dans le dernier numéro de LDH info

L’été sera long. Il sera surtout instable du fait, d’abord, des soubresauts du monde. Mais aussi parce que les débats en France même s’ouvrent sur les meilleures façons d’y faire face. Nous ne sommes plus, à cet égard, dans l’opposition binaire et brutale telle que l’imposât le ci-devant Président.

Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault est marqué par la tension entre un volontarisme affiché et bienvenu, les difficultés portées par la crise, et un réel changement de tonalité. Il faut se féliciter d’entendre, à nouveau, les plus hauts responsables de l’Etat exalter les valeurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de justice, constitutives du pacte républicain. Il faut se féliciter que l’Etat ne soit plus présenté comme le problème, mais comme un facteur décisif des solutions à mettre en œuvre.

Les mots, bien évidemment, ne sont pas tout, mais ils ont un sens, et celui-là est le bon. Encore faut-il que ces mots s’ordonnent en autant d’espaces de confrontation, au noble sens du terme. Sur tous les sujets, y compris ceux qui fâchent, il convient d’éviter les simulacres de consultation.

C’est le sens des propositions que nous avons adressées au président de la République, et au Premier ministre. Car la LDH est un acteur politique et social, et son rôle n’est pas de se rallier à une position prédéterminée qu’elle soit de tout attendre du gouvernement, ou au contraire de n’en rien attendre. Son utilité réside dans son autonomie d’analyse et d’action. Nous nous félicitons que le gouvernement ait ouvert des chantiers de discussion, tels ceux sur l’environnement, le logement, l’éducation, les questions sociales. Mais, manifestement, il subsiste des zones de flou.

La LDH a apprécié que le Premier ministre dise qu’aucun marché, qu’aucune agence de notation ne peut l’emporter sur l’expression du suffrage universel. Mais quel est le sens de ce principe pour l’effectivité des droits de tous, sans rupture avec les politiques déflationnistes imposées, notamment, par les récents accords européens ? Avec les orientations qui plongent de plus en plus de pays européens dans une spirale de pauvreté, de chômage et de précarité ? L’affrontement est ouvert dans les mois à venir, entre la logique de l’austérité et celle du développement social et des droits. Cela ne peut s’envisager en dehors de la construction de l’égalité, contre les discriminations, et d’une redistribution sociale donnant des bases matérielles à des politiques de justice sociale et de développement. Cela ne peut s’envisager en dehors d’une lutte résolue pour la défense des libertés individuelles et collectives, toujours menacées par les usages intrusifs des nouvelles technologies et de l’arbitraire, dans les préfectures, les administrations, les entreprises.

La LDH a apprécié que le gouvernement annonce la mise en œuvre de différents chantiers sur la démocratie. Il a mis en place une mission d’étude sur la démocratie et les institutions. Pourquoi pas ? Mais ça ne remplit pas tout l’espace, loin de là. Il nous revient sur des sujets, tels que le droit de vote des étrangers, la réforme de l’école, la suppression de la réforme territoriale, l’introduction d’une part de proportionnelle aux législatives et d’une loi sur le cumul des mandats, le respect de la parité dans la représentation politique, le droit au mariage et à l’adoption entre couples du même sexe, la refonte du Conseil supérieur de la magistrature, la politique pénale, de porter les propositions que la LDH, avec ses partenaires du « Pacte pour les droits et la citoyenneté », a inscrit dans ses priorités.

La LDH a apprécié, après l’annulation de la circulaire Guéant, la suppression de la franchise AME (1). Elle a entendu qu’aucun enfant, aucune famille ne sera placé en centre de rétention. Des actes significatifs et positifs, à rendre effectifs par toutes les préfectures, y compris dans les Dom, qui restent des zones de non-application de la loi. Mais il revient également à la LDH de défendre la revendication d’une régularisation qui s’appuiera notamment sur les avancées consécutives au conflit des travailleurs sans papiers, et au combat mené pour les familles et les jeunes scolarisés. C’est le sens de notre demande de moratoire des expulsions. Une bonne entrée en matière pour un débat national, articulant enfin les enjeux migratoires et le projet d’une société d’égalité, solidaire et démocratique. Un bon début pour un changement des lois sur l’immigration, les étrangers et le droit d’asile.

 

(1) Aide médicale d’Etat.

La section LDH de Saint-Malo et la justice

La section Ligue des droits de l’Homme de Saint-Malo est engagée depuis longtemps auprès du ministère de la Justice. C’est ainsi qu’elle a de nouveau été invitée à siéger au Conseil d’évaluation de la maison d’arrêt de Saint-Malo (contrairement à la Fédération des Côtes d’Armor dont le préfet n’a pas jugé utile de renouveler le mandat).

Une nouveauté : Jeanine Pichavant, présidente de la section, a été sollicitée pour participer à un atelier citoyen organisé par l’association« etc.association », présidée par Virginie Dubois de Prisque. Cet atelier s’est déroulé sur trois journées, fin juin.

Ce stage de citoyenneté a été introduit en droit français par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Il peut être prescrit comme une alternative aux poursuites, à la place de l’emprisonnement et comme peine principale ou complémentaire.

Ce stage est prescrit pour des délits comme:

  • dégradation de biens publics
  • outrages à des personnes dépositaires de l’autorité publique
  • actes de rébellion
  • violences verbales ou physiques dans les transports ou sur la voie publique.

L’atelier citoyen se déroule en milieu ouvert, donc hors de la prison, et il destiné à favoriser la mise en place d’une réflexion sur les voies possibles d’une réconciliation avec le collectif, en invitant l’individu à devenir acteur de son propre destin et de la société dans laquelle il vit.

L’organisation se fait en accord avec l’équipe du SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) et la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse).

Ce stage, qui a rassemblée onze personnes, a permis à Jeanine Pichavant, qui intervenait en tant que présidente d’une section de la Ligue des droits de l’homme, de rappeler aux participants les valeurs des « Droits de l’Homme » ; rappel qui a semblé les intéresser.

Coïncidence : ce matin, Christiane Taubira, garde des sceaux ministre de la justice, a annoncé l’annulation de la création de 8000 nouvelles places de prison. Ce projet faisait partie des propositions de l’ancien président de la République pendant la campagne présidentielle. Un projet « démagogique », a jugé la ministre. Et on pourrait ajouter « ridicule » : on sait la création de nouvelles places de prison ne permet pas de désengorger les établissements, mais d’emprisonner davantage de personnes. 8000 places de plus, ce sont 8000 prisonniers de plus. Voir à ce sujet la vidéo de la conférence d’Henri Leclerc à Quimper.

Cette participation est un des volets des actions d’une section de la Ligue des droits de l’Homme, qui est également très présente dans les centres de rétention administratives, et particulièrement celui de Rennes.

 

Une tribune de la section LDH de la Réunion

La section de La Réunion de la Ligue des droits de l’Homme vient de publier une tribune qui est à la fois une analyse de la situation politique sur l’île, et en métropole, et un appel. L’analyse est claire : « le quinquennat précédent laisse un paysage désolé et désolant ». L‘appel en est la conséquence directe : « La période qui s’ouvre appelle donc maintenant un dialogue social et civil qui soit à la hauteur des enjeux. Au plan local, le refus de ce dialogue constituerait un aveuglement criminel ». Pas seulement au plan local !

14 juillet 2012 :

Faire vivre à la Réunion la devise de la République « Liberté, égalité, fraternité »,  reconnaître l’urgence de refonder notre socle républicain

 Le moment présent se tisse de soulagement, d’espérances, d’attentes  et d’inquiétudes.

Aussi bien à la Réunion que dans la France hexagonale. Pour des raisons à la fois semblables et différentes.

Soulagement de voir enfin s’achever une période où le pouvoir politique a si profondément porté atteinte aux valeurs essentielles de la République. Il est inutile d’y revenir : la Ligue n’a cessé de le dénoncer.

Espérance suscitée par une série de signaux positifs : un gouvernement paritaire, composé de ministres ayant sollicité et recueilli les suffrages du peuple, le rôle de l’Ecole de la République confortée par des annonces de création de postes, une circulaire Guéant expulsée, la mise en œuvre d’une méthode de concertation sociale rompant avec l’autoritarisme et le mépris, et le refus de  se soumettre à un pure logique d’austérité.

La Ligue des droits de l’Homme se félicite des références nombreuses et fortes faites par le nouvel exécutif aux valeurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de justice, comme facteurs de cohésion, d’efficacité et de progrès, et constitutives de notre pacte républicain. Elle apprécie la volonté affichée de faire jouer tout son rôle à l’Etat et au service public, au regard de ses valeurs, en termes de responsabilités et de moyens.

Les attentes et inquiétudes naissent de la situation économique, politique et morale.

Le quinquennat précédent laisse un paysage désolé et désolant.

En raison de la situation économique et sociale et des compromissions d’un pouvoir dévoyé qui prétendait ouvertement se fonder sur la xénophobie et l’autoritarisme, le score du Front national n’a jamais été aussi menaçant. Et la Réunion n’échappe pas à cette dérive.

L’abstention atteint un seuil dangereux, puisque nos nouveaux élus ont été choisis par un quart des citoyens en âge de voter (en tenant compte des non-inscriptions sur les listes électorales, des abstentions et des votes blancs et nuls). Et la Réunion connait à cet égard une situation plus grave.

Les perspectives économiques et sociales, sur les plans national, européen et mondial, ne promettent pas des lendemains qui chantent. Et la Réunion constate que son modèle de développement arrive en fin de cycle : ses évidentes limites imposent désormais des choix urgents.

La période qui s’ouvre appelle donc maintenant un dialogue social et civil qui soit à la hauteur des enjeux. Au plan local, le refus de ce dialogue constituerait un aveuglement criminel.

La Ligue des droits de l’Homme à la Réunion entend participer, à sa place et en toute indépendance, aux concertations citoyennes qu’appellent les défis de la période, singulièrement dans leur dimension d’urgence sociale et démocratique à la Réunion, pour l’égalité et l’effectivité des droits.

Car nous devons collectivement le réaffirmer avec force, ici et maintenant, dans l’action publique :

  • l’intérêt général doit être réhabilité comme étant l’objet même du travail démocratique, ce qui lui donne du corps et du sens.
  • la démocratie vivante est mille fois plus efficace que les « actes de contrition et de renoncement», auxquels nous convient agences de notations et autres acteurs des marchés financiers.
  • l’indivisibilité et l’universalité des droits fondent le vivre ensemble républicain, la société de solidarité que nous appelons de nos vœux.

Notre démarche démocratique locale doit être portée par tous les acteurs publics et les citoyens, pour se reconstruire, une nouvelle fois,  à travers des propositions et des projets concrets, fondés sur nos valeurs républicaines. Elle doit être intransigeante, au quotidien, dans la dénonciation des injustices, contre les pratiques administratives illégitimes et les discriminations. Elle doit contribuer à créer des alternatives fortes et rassembleuses, à inventer de nouvelles pratiques citoyennes.

Comme elle l’a fait au plan national en écrivant au Président de la République, au Premier Ministre et au ministre de la Justice, la Ligue des droits de l’Homme à la Réunion, fidèle à la conception qu’elle a toujours défendue des rapports entre société civile et représentation politique, souhaite s’inscrire pleinement dans cette démarche.

En ce 14 juillet 2012, au-delà des cérémonies de la fête nationale, la Ligue entend ainsi appeler solennellement l’attention de tous sur cette exigence forte et pressante d’un dialogue social et politique renouvelé, authentiquement ancré dans les réalités et attentes locales, faisant vivre une REPUBLIQUE où chacun puisse se sentir fier d’être reconnu comme CITOYEN.

Saint-Denis de la Réunion, le 12/07/2012

Le Bureau de la Ligue des Droits de l’Homme à la Réunion.

Section de La Réunion

20 Rue Lislet Geoffroy – ZI Chaudron – 97490 Sainte-Clotilde – Tel : 0692 69 01 71

http://www.ldh-france.org/section/saintdenis-reunion/

 

Fonder l’effectivité des droits sur la démocratie

Dans un communiqué, la Ligue des droits de l’Homme analyse et donne son avis sur le discours de politique générale prononcé par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, devant l’Assemblée nationale. Elle se félicite des points positifs : réforme de l’école, suppression de la réforme territoriale, proportionnelle aux législatives, suppression du cumul des mandats, droit au mariage et à l’adoption entre couples du même sexe, refonte du conseil supérieur de la magistrature et indépendance de la justice, droit de vote aux étrangers (et d’éligibilité !). Et elle exprime ses inquiétudes sur un sujet capital : l’immigration. Malgré des avancées importantes (abrogation de la circulaire du 31 mai sur les étudiants étrangers, interdiction de placer des familles en centre de rétention, suppression du « droit » d’entrée à l’aide médicale d’Etat, suppression annoncée du « délit de solidarité, il reste des points à clarifier, notamment en ce qui concerne les régularisations et le quota d’expulsion que le ministre de l’intérieur maintient à 30000 personnes par an.

Le communiqué

Fonder l’effectivité des droits sur la démocratie

Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault, prononcé devant l’Assemblée nationale, s’est inscrit dans la droite ligne des principales promesses du candidat François Hollande. La Ligue des droits de l’Homme se félicite des références nombreuses et fortes faites aux valeurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de justice, évoquées comme des facteurs de cohésion, d’efficacité et de progrès, comme constitutives du pacte républicain. Elle apprécie de même la volonté affichée de faire jouer tout son rôle à l’Etat au regard de ses valeurs, en termes de responsabilités et de moyens.

Au chapitre des annonces, la consultation sur la réforme de l’école lancée dès ce 5 juillet, pour préparer une  « loi de programmation » pour début 2013, la suppression de la réforme territoriale et d’un projet de loi sur les collectivités locales avant la fin de l’année, l’introduction d’une part de proportionnelle aux législatives et d’une loi sur le cumul des mandats « applicable avant 2014 », ainsi que sur le respect de la parité dans la représentation politique, du droit au mariage et à l’adoption entre couples du même sexe, sont autant d’annonces positives.

Il en va de même de l’annonce de la refonte du Conseil supérieur de la magistrature et de la volonté affichée d’assurer l’indépendance de la justice, tout en engageant la mise en chantier d’une nouvelle politique pénale. La Ligue des droits de l’Homme se félicite tout particulièrement du maintien de la proposition d’accorder le droit de vote des étrangers aux élections municipales, droit dont elle rappelle qu’il doit se doubler d’un droit d’éligibilité à ces mêmes élections et dont elle demande que son processus de mise en œuvre soit enclenché sans tarder.

Concernant la régularisation des sans-papiers, elle regrette que le gouvernement semble évacuer l’hypothèse de régularisations larges, alors même qu’elles pourraient parfaitement s’effectuer sur les critères « précis objectifs et uniformes au plan national » évoqués par le Premier ministre, lesquels pourraient s’appuyer notamment sur les avancées consécutives au conflit des travailleurs sans papiers et au combat mené pour les familles et les jeunes scolarisés. Elle retient la promesse faite solennellement par le Premier ministre qu’aucun enfant, aucune famille ne sera placé en centre de rétention et souhaite que le gouvernement fasse tout pour que les préfectures soient mises en demeure de la respecter. Elle réitère sa proposition d’un débat national articulant enfin les enjeux migratoires et le projet d’une société d’égalité, solidaire et démocratique en vue d’une réforme du Ceseda, code qui régit le statut des étrangers et du droit d’asile.

Enfin, la LDH, qui a noté avec intérêt l’insistance mise par le Premier ministre à souligner qu’aucun marché, qu’aucune agence de notation, ne peut l’emporter sur l’expression du suffrage universel, rappelle qu’aucun des droits fondamentaux ne peut être garanti sans rupture avec les politiques déflationnistes imposées notamment par les accords européens négociés ces derniers mois et avec les orientations qui plongent de plus en plus de pays européens dans une spirale de pauvreté, de chômage et de précarité massive. Là est l’enjeu le plus lourd des mois et des années qui viennent pour l’effectivité des droits de tous.