Pacte pour les droits et la citoyenneté : les 35 propositions de la Ligue des droits de l’Homme

La LDH fait 35 propositions

vendredi 12 novembre 2010 par LDH

La LDH fait 35 propositions pour un nouveau vivre ensemble. Un panorama de ses propositions pour la discussion dans le cadre du « Pacte pour les droits et la citoyenneté »

Démocratie

- Fin du cumul des mandats
- Droit de vote des étrangers aux élections locales
- Désignation non partisane des membres du Conseil constitutionnel et de Autorités indépendantes
- Rétablissement de l’effectivité du droit d’amendement parlementaire
- Election directe des Conseils intercommunaux
- Démocratisation de l’élection des conseillers généraux et des sénateurs

Droits sociaux

- Défense, reconstruction et modernisation des services publics, égalité d’accès entre territoires
- Priorité à l’école publique, qui seule accueille tous les enfants sans discriminations
- Quota impératif de logements sociaux dans toutes les villes afin de faire reculer l « apartheid territorial »
- Rétablissement du statut public de La Poste afin d’empêcher toute privatisation
- Suppression des « franchises médicales » et rétablissement de la plénitude de l’assurance-maladie
- Abrogation du « bouclier fiscal » et de l’injustice fiscale organisée
- « Sécurité sociale professionnelle » avec sécurisation des parcours professionnels

Discriminations et xénophobie

- Défense de l’égalité face au racisme, au sexisme et aux discriminations : renversement de la charge de la preuve
- Interdiction de toute prise en compte, dans les fichiers administratifs ou de gestion, de données personnelles relatives aux « origines géographiques »
- Engagement pour la « mixité des droits » et sanction des employeurs qui pratiquent la discrimination sexiste à l’embauche ou dans la carrière
- Abrogation des lois xénophobes intervenues depuis 2002
- Régularisation de tous les sans papiers
- Suppression des procédures expéditives de rejet des demandes d’asile et de la liste des « pays sûrs »

Justice et police

- Indépendance du Parquet par rapport aux pressions gouvernementales
- Suppression de la « rétention de sûreté »
- Suppression des « peines planchers » automatiques
- Suppression des juridictions d’exception (antiterroristes notamment)
- Suppression des procédures pénales d’exception (généralisées notamment par la loi « Perben2 »
- Priorité aux alternatives à la prison
- Interdiction des « sorties sèches » sans accompagnement des fins de peine en milieu ouvert
- Arrêt de l’emploi militarisé des forces de police face aux « classes dangereuses »
- Création d’une véritable police de proximité, au service de la sûreté de tous et du respect des citoyens
- Sanction réelle de toute violence policière
- Délivrance d’une attestation lors de tout contrôle d’identité afin d’éviter les contrôles abusifs, répétitifs ou non motivés

Liberté et vie privée

- Contrôle d’Autorités indépendantes sur l’utilisation des technologies de la surveillance, du fichage et du traçage
- « Habeas corpus numérique » : création d’un référé « vie privée et données personnelles »
- Constitutionnalisation du principe de protection des données personnelles
- Compétence exclusive du législateur pour créer des fichiers de police
- Refus des interconnexions et du fichage généralisé, respect des principes de nécessité et de proportionnalité

République cherche Etat de droit : un édito de Jean-Pierre Dubois

Nous vous proposons ci-dessous l’éditorial de Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’Homme, paru dans le numéro de novembre de LDH Info, l’organe mensuel interne de la Ligue.

Article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »

23 novembre 2010 : pour la troisième fois, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) juge que les procureurs français ne sont pas des magistrats au sens de la Convention européenne, c’est à dire des gardiens effectifs des libertés, faute d’être réellement indépendants du pouvoir exécutif.

Cette même année, la Cour européenne, le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation ont jugé tour à tour que le régime des gardes à vue, privant les personnes arrêtées et interrogées par la police de l’assistance d’un avocat, est contraire aux normes constitutionnelles et internationales.

Qu’il s’agisse des vices de son système juridictionnel ou des traitements subis dans les commissariats, la France a un « score » de condamnations par le CEDH souvent comparable à la Russie et à la Turquie… Au pays « des droits de l’Homme », les pratiques démentent les discours.

L’actualité le confirme sans cesse. Pendant des mois, un procureur « ami » de Nicolas Sarkozy a bloqué l’instruction de l’affaire « Woerth-Bettencourt ». Et dans une affaire de sous-marins pakistanais et de financement politique, alors que selon le président de la République « tous les documents » ont été remis aux juges, il y en a d’autres classifiés « secret défense »… Toute « une liste », lâche Valéry Giscard d’Estaing, qui ajoute que s’il y a eu classification secret défense, c’est qu’il y a des « rétrocommissions » (donc de la « rétrocorruption »). Le Premier ministre, lui, fait interdire au juge l’accès de la DCRI(1), classée toute entière « secret défense » (une loi récente que la LDH avait dénoncée autorisant de telles zones de non-droit).

Or le nom de Nicolas Sarkozy, ancien ministre du Budget d’Édouard Balladur et porte-parole de sa campagne présidentielle, figure dans des documents saisis au ministère des finances sur ces « commission », et lorsqu’un journaliste ose lui poser la question à Lisbonne, il s’entend répondre qu’on pourrait bien le soupçonner, lui, journaliste, de… pédophilie ! Et la presse diplomatique, médusée, est saluée d’un « Amis pédophiles, à demain ! ». Il est vrai qu’on vient d’apprendre que les rapporteurs du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes devant le Conseil constitutionnel avaient recommandé en 1995 le rejet des comptes de campagne d’Édouard Balladur, un apport en liquide de dix millions de francs n’ayant pu être justifié. Curieuses mœurs, curieuses pratiques…

Des journalistes se font insulter par le président de la République pour avoir posé des questions non « autorisées »; d’autres voient leurs factures de téléphone épluchées à leur insu pour identifier leurs sources en violation de la loi ; leurs confrères du Monde, de « Mediapart » et de « Rue 89 », qui travaillent sur des dossiers « sensibles », se font « cambrioler ». Des juges se voient interdire l’accès de services administratifs; d’autres affaires sont privées le plus longtemps possible d’instruction indépendante du gouvernement. Et la plus haute juridiction européenne considère que ni le statut des magistrats ni les conditions des interrogatoires policiers ne sont, en France, conformes aux standard minimaux de l’Etat de droit.

On nous a parfois taxés d’exagération quand nous avons publié l’Etat des droits de l’Homme en France, « Une démocratie asphyxiée ? » (en 2008) et « La justice bafouée » (en 2010). Après l’été que les Roms et les « Français d’origine étrangère » viennent de vivre, l’automne a vu le Parlement domestiqué, jusque dans le minutage de la discussion sur les retraites, la presse brutalisée et la justice paralysée dès lors qu’elles font mine de contrarier le « monarque élu ». Notre prochain Etat des droits s’intitulera, en avril prochain, « La République défigurée ». S’en étonnera-t-on ?

(1) Direction centrale du renseignement intérieur.

Marylise Lebranchu : « l’indépendance de la justice est un devoir »

« L’indépendance de la justice n’est pas seulement un droit, c’est un devoir » : c’est une des phrases fortes de la conférence qu’a tenue Marylise Lebranchu, le jeudi 14 octobre, à l’IUT de Vannes, sur le thème « République et justice », à l’invitation de la section locale de la Ligue des droits de l’Homme. Une conférence inscrite dans la campagne « Urgence pour les droits, urgence pour les libertés ».

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