Migrants en Guadeloupe, Guyane et Mayotte : la France à nouveau condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme

La Cour européenne des droits de l’Homme vient de condamner une nouvelle fois la France, pour les expulsions de migrants auxquelles elle procède en Guyane, Guadeloupe et Mayotte. Ces territoires ressemblent désespérément à des zones de non droit, et le jugement de la Cour, qui a été adopté à l’unanimité, dans sa formation la plus solennelle, a réaffirmé que la législation d’exceptions qui y est appliquée viole le droit à un recours effectif garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme. Le collectif Migrants Outre-mer analyse cet arrêt dans un communiqué.
Arrêt de Souza Ribeiro c. France, 13 décembre 2012, n° 22689/07
Chaque année plusieurs dizaines de milliers de mesures d’éloignement sont exécutées à partir de la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte (ainsi que Saint-Martin et Saint-Barthélemy) sans aucun contrôle juridictionnel, en dérogation au droit commun applicable en France métropolitaine qui prévoit le caractère suspensif du recours contre les mesures administratives d’éloignement.
À l’unanimité, la Cour européenne des droits de l’Homme réunie en sa formation la plus solennelle, vient d’affirmer que cette législation d’exception violait le droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention : en l’espèce, le requérant 1 – un ressortissant brésilien – avait été reconduit à la frontière de Guyane avant que le tribunal administratif de Cayenne ait pu se prononcer sur le recours qu’il avait formé et dans lequel il invoquait la violation du droit au respect de sa vie familiale.
La Cour de Strasbourg réunie en section ayant rejeté cette requête par quatre voix contre trois (CourEDH, 31 juin 2011, n° 22689 07, De Souza Ribeiro c. France), l’affaire a été renvoyée devant la Grande chambre ; la Cimade, le Gisti et la LDH étaient tiers intervenants. La décision prise le 13 décembre 2012 renverse la précédente.
La Cour estime en effet que l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention « exige que l’État fournisse à la personne concernée une possibilité effective de contester la décision d’expulsion ou de refus d’un permis de séjour et d’obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes par une instance interne compétente fournissant des gages suffisants d’indépendance et d’impartialité ».
En citant abondamment la tierce intervention, la Cour relève les pratiques expéditives que dénotent les circonstances de l’affaire et balaie de surcroît les arguments rituels justifiant un droit d’exception en outre-mer.
« […], interpellé le matin du 25 janvier 2007, le requérant fit l’objet d’un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) et fut placé en rétention administrative le même jour à 10 heures, pour être ensuite éloigné le lendemain à 16 heures. Il a donc été éloigné de Guyane moins de trente-six heures après son interpellation », sur la base d’un arrêté motivé de façon succincte et stéréotypée qui atteste « le caractère superficiel de l’examen de la situation du requérant effectué par l’autorité préfectorale ».
Tout en se disant « consciente de la nécessité pour les États de lutter contre l’immigration clandestine et de disposer des moyens nécessaires pour faire face à de tels phénomènes », la Cour estime que cette nécessité ne justifie pas « de dénier au requérant la possibilité de disposer en pratique des garanties procédurales minimales adéquates visant à le protéger contre une décision d’éloignement arbitraire ».
Cette atteinte au droit au recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme combiné avec le droit au respect de leur vie privée et familiale concerne de très nombreuses personnes interpellées et reconduites de manière expéditive depuis l’outre-mer.
Pour la seconde fois en 20122, la Cour condamne la France sur une question relative à l’effectivité des procédures nationales de recours en matière d’immigration et à leur fonctionnement. L’État français doit mettre fin aux procédures condamnées par la Cour notamment aux régimes d’exceptions applicables aux étrangers en outre-mer incompatibles avec le respect des droits de l’Homme garantis par la Convention européenne sur tous les territoires de la République française.
Collectif migrants outre-mer (MOM) :
ADDE : avocats pour la défense des droits des étrangers ; AIDES ; CCFD : Comité catholique contre la faim et pour le développement ; Cimade : service œcuménique d’entraide ; Collectif Haïti de France ; Comede : comité médical pour les exilés ; Gisti : groupe d’information et de soutien des immigrés ; Elena : les avocats pour le droit d’asile ; LDH : Ligue des droits de l’homme ; Médecins du monde ; Mrap : mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple ; OIP : Observatoire international des prisons ; Secours Catholique.

Centres de rétention : pas de droits pour les personnes, pas de liberté pour les associations ?

La Ligue des droits de l’Homme prend à son tour position contre l’appel d’offre que vient de lancer le ministère de l’intérieur aux associations qui interviennent dans les centres de rétention administrative. Dans un communiqué, elle dénonce les mesures qu’elle estime inacceptables, et demande le retrait pur et simple de cet appel d’offre et l’arrêt de l’enfermement des étrangers sans papiers.

La Ligue des droits de l’Homme a eu connaissance des nouvelles dispositions que le gouvernement a prises en ce qui concerne les centres de rétention administrative. Les conditions dans lesquelles les associations concernées vont devoir répondre au nouvel appel  d’offre sont inacceptables : liberté d’action limitée, droit à investigation dénié, limitation du droit des personnes à bénéficier d’une aide. Au lieu d’une amélioration des conditions de fonctionnement et du respect des personnes, le gouvernement accentue les mesures restrictives.

Alors qu’aucune diminution du nombre de personnes retenues dans les centres de rétention n’est attendue, compte tenu du chiffrage du nombre d’expulsés d’ores et déjà annoncé par le ministère de l’Intérieur,  l’intervention des associations contractantes est rendue plus difficile, en recourant à un contrôle étroit de leurs activités.

Ainsi, elles devront par exemple prévenir les chefs des centres de rétention, dès qu’une des personnes enfermées qu’elles accompagnent osera déposer un recours, et les personnes étrangères enfermées ne pourront plus s’entretenir avec les associations accompagnées d’un co-retenu de leur choix, ce qu’elles souhaitent pourtant très fréquemment.

Enfin, en matière de liberté d’information, les associations seront soumises à un « devoir de réserve » et une « obligation de discrétion », et devront exprimer « de manière mesurée, des opinions dans le domaine des politiques publiques relatives à l’immigration ».

L’empilement de ces mesures de restriction signifie que le regard critique et de dénonciation que portaient les associations est largement mis en cause. Ainsi, tout affichage dans leurs bureaux est soumis à l’autorisation préalable du chef du centre de rétention. De même, le prêt de moyens de communication vers l’extérieur est interdit, mettant ainsi en cause le droit de correspondre pour se  défendre. 

Enfin le texte de l’appel prévoit des sanctions, des pénalités financières, l’interdiction définitive pour les salariés d’accéder au centre de rétention, voire la résiliation des contrats des associations. Ces sanctions seront prononcées par la police ou le ministère de l’Intérieur, sans moyen de recours compte tenu de la liberté d’appréciation qui leur est laissée.

En matière de rétention des étrangers, l’orientation va donc dans le sens de la répression : expulsions collectives, absence d’amélioration du traitement des étrangers malades, création, après l’arrêt du conseil d’État sur la garde à vue, d’une nouvelle disposition de retenue, au mépris du droit commun, poursuite de l’enfermement d’enfants dans le centre de rétention de Pamandzi à Mayotte, mise à l’écart des Cra de Mayotte et de Martinique du marché public. Ce faisant, les mesures d’assouplissement de la politique antérieure sont noyées dans un ensemble défavorable.

La Ligue des droits de l’Homme se prononce pour la fin de la politique d’enfermement des étrangers sans papiers, et pour le retrait de l’appel d’offre du marché  public de la rétention, tel qu’il est proposé  aux associations intervenant dans les centres de rétention.

 

« Garde à vue bis » pour les étrangers, centres de rétention : pour Valls, le changement, ça n’est pas maintenant !

Sale temps pour les demandeurs d’asile et les sans-papiers.

Alors que le ministère de l’intérieur vient d’adresser aux associations habilitées à pénétrer dans les centres de rétention son appel d’offre pour l’année prochaine, l’assemblée vient de voter la « retenue » des étrangers pour vérifier leur identité (le conseil d’Etat avait reconnu illégale la garde à vue).

Les centres de rétention tout d’abord. L’appel d’offre n’est pas public, seules les associations concernées le recevront. Le site Médiapart a cependant réussi à en avoir connaissance, et ça n’est pas triste…

Parmi les nouveautés : un devoir de réserve, ou de discrétion, est imposé aux intervenants, mandatés pour informer et apporter un soutien aux personnes retenues. La violation de ce devoir sera punie d’une amende de 500€…

Lorsqu’une personne retenue voudra déposer un recours, l’intervenant devra prévenir le chef de centre. Les personnes retenues ne pourront être entendues qu’une par une par les avocats ou les intervenants : sauf qu’il arrive qu’un retenu maîtrisant le français pouvait servir d’interprète…

La conclusion de la Cimade est sévère : « Ce régime d’exception risque fort de devenir le nouvel outil des préfectures et de la police. Il s’ajoutera à l’arsenal déjà mis à leur disposition sous l’ère Sarkozy et toujours en vigueur en devenant le premier maillon d’une chaîne visant à enfermer en rétention et expulser au détriment des droits » (lire ici). « La Cimade demande au gouvernement de retirer cet appel d’offre et d’adopter de nouvelles dispositions qui garantissent l’accès effectif aux droits des personnes étrangères enfermées en rétention ainsi que l’indépendance d’associations exerçant un rôle essentiel de vigilance citoyenne, de regard de la société civile  sur ces lieux d’enfermement ». En conclusion, l’association considère qu’il s’agit ni plus ni moins d’une « garde à vue bis spéciale étrangers ».

Passons au texte de loi sur la retenue des étrangers. Il avait déjà été adopté par le sénat, et l’Assemblée nationale vient de le finaliser. Première chose, la retenue ne pourra pas excéder 16h : c’est un progrès. C’est bien le seul !

La discussion a été vive à l’Assemblée. La droite a évidemment entamé son refrain xénophobe. Mais c’est de la gauche qu’est venue l’opposition la plus intéressante. Elle a permis notamment d’autoriser la présence d’un avocat, pour un entretien de 30 minutes : « Il est ainsi prévu explicitement que l’étranger peut demander à être assisté par un avocat, que l’avocat peut, dès son arrivée, communiquer pendant trente minutes avec la personne retenue, que l’étranger retenu peut demander que l’avocat assiste à ses auditions au cours desquelles celui-ci peut prendre des notes et qu’à la fin de la retenue l’avocat peut, à sa demande, consulter le procès-verbal de retenue ainsi que le certificat médical annexé. La première audition ne pourra débuter sans la présence de l’avocat avant l’expiration d’un délai d’une heure, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d’identité ». Le Monde poursuit : « S’il a reconnu « une avancée extrêmement importante » avec ces amendements, le chef de file des députés radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, a pointé avec insistance un traitement moins favorable à ses yeux pour les sans-papiers retenus que pour les gardés à vue, vu la possibilité d’une audition pendant une heure sans présence d’un avocat sur les éléments d’identité, « cœur de cible » à ses yeux des auditions dans le cas de la retenue » (article ici).

Les associations ne pourront qu’être déçues par ces deux nouvelles, qui viennent s’ajouter à plusieurs événements inquiétants : démantèlement des camps de roms sans relogement, renoncement au récépissé pour les contrôles d’identité (Valls s’est contenté d’une « réécriture » du code de déontologie de la police et de la gendarmerie)…

Au ministère de l’intérieur, le changement, ça n’est décidément pas maintenant…

Rennes : pétition et rassemblement de soutien aux demandeurs d’asile

La situation des demandeurs d’asile est de plus en plus préoccupante à Rennes. Voici le récit qu’en fait Annie Clénet, présidente de la section de la Ligue des droits de l’Homme, qui travaille en collaboration avec le réseau éducation sans frontière et droit au logement.

La famille E. : la jeune R. vient d’appeler débordée par le stress et la panique. Cette famille sollicite notre aide. R. va adresser dans la journée un résumé de la situation de la famille. Il faut alerter les élus.

La décision vient de tomber pour la famille E. : la juge n’a annulé que la décision portant sur le délai de départ volontaire qui ne leur avait pas été accordé.

Malgré cette annulation, la préfecture a décidé de mettre à exécution l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et d’expulser la famille avant l’audience prévue le 29 novembre sur le refus de séjour (vol prévu mardi ou mercredi ?). L’avocate va donc faire un référé liberté pour tenter de suspendre l’expulsion.

La famille S. L’audience a duré cinq minutes, une décision sera rendue le 7 décembre; l’avocate a rappelé l’historique de la famille, les difficultés de retour dans les pays d’origine (deux pays différents). Monsieur vient de déposer un dossier pour étranger malade, il va très mal, tout comme son épouse. Son épouse elle aussi va très mal.

La famille B. est dans l’attente

Pour aider ces familles, signez la pétition en ligne !

En voici le texte :

Pétition d’indignation et de soutien

Soutenons les élèves et leurs familles expulsés :

Ils doivent être relogés et poursuivre leur scolarité de façon décente !

Depuis plusieurs semaines à Rennes comme dans d’autres villes, des expulsions ont mis à la rue des migrants d’origine mongole, géorgienne, tchetchène ou africaine dont de nombreux enfants scolarisés dans plusieurs écoles, collèges, lycées et hébergés de façon précaire (comme le squat de l’ancienne maison de retraite à Pacé  : 250 migrants dont 70 enfants).

Cette semaine au collège Echange (l’un des cinq établissements de Rennes avec des classes d’accueil), deux élèves scolarisés dans l’établissement, Marius (4e) et Rebbeca (6e), ont été expulsés de leur logement dans le quartier et n’ont pas fait la rentrée après les vacances de la Toussaint, d’autres sont menacés !

Nous, professeur-e-s, personnels et parents d’élèves du collège Echange engagé-e-s pour que soit garantie à tous les élèves une scolarité dans nos écolessommes indigné-e-s des expulsions de familles orchestrées ces dernières semaines.

En effet , au moment même où nos élèves commencent une scolarité dans le collège  nous n’acceptons pas le fait que Marius Parashiv Bratu 4ème A, Rebecca Botan 6ème A et n’importe quel autre élève scolarisé, passent serait-ce qu’une seule nuit dehors.

Dans quel Etat vivons-nous pour infliger à des enfants une telle situation, un tel abandon ?

Les personnels du collège Echange et les parents d’élèves soutenant cette cause réclament un arrêt de ces expulsions et un relogement de ces enfants et de leur famille dans des habitations dignes pour que n’importe quel enfant puisse jouir d’une scolarité digne des valeurs que notre chère république proclame….

Liberté , Egalité , Fraternité !

Participez à la marche de soutien le samedi 24 novembre prochain partir de 10 H suivie d’un pique nique place de la mairie

et rejoignez-nous au pique-nique et rassemblement de soutien place de la mairie à Rennes, samedi 24 novembre à midi !

 

Cinq associations présentes dans les centres de rétention dressent un constat alarmant

L’ASSFAM (association service social familial migrants), France terre d’asile, le Forum réfugiés-Cosi, la Cimade et l’Ordre de Malte sont cinq associations habilitées à être présentes dans les centres de rétention administratives, où elles apportent aux personnes « retenues » (c’est mieux de dire « retenu » que « enfermé »…) un soutien psychologique, et juridique, en leur disant leurs droits. Elles viennent de publier un rapport très complet et très précis sur la situation dans les centres, qu’ils ont analysés un par un. Elles résument dans le communiqué ci-dessous leurs observations, et font part de leurs inquiétudes. Intitulé « Centres et locaux de rétention administrative, rapport 2011 », il analyse aussi bien les conditions matérielles que les conditions psychologique de la rétention.

Le rapport complet est téléchargeable ici.

Rapport 2011 sur les centres et locaux de rétention administrative

UN BILAN CRITIQUE QUI APPELLE UNE REFORME URGENTE

En métropole, un quart des personnes étrangères placées en rétention à compter de juillet 2011 ont été éloignées avant le cinquième jour d’enfermement, c’est-à-dire avant d’avoir pu voir le juge judiciaire. En Outre-mer, le contrôle des juges relève de l’exception. C’est l’un des constats alarmants que dressent les cinq associations présentes en rétention dans leur rapport 2011
Ce deuxième rapport commun apporte, chiffres et témoignages à l’appui, une analyse inédite de l’application de la loi Besson, entrée en vigueur en juillet 2011. Il met en évidence le contournement voire la mise à l’écart des juges au profit du pouvoir de l’administration, des situations de droits bafoués, d’éloignements expéditifs, d’interpellations abusives, d’enfermement inutile qui en devient parfois punitif. Ce constat, sans appel, est plus grave encore en Outre-mer. Durant cette même année 2011, ces pratiques ont été à plusieurs reprises sanctionnées par les plus hautes juridictions françaises et européennes. Pour les personnes enfermées qui ont malgré tout pu exercer des recours, les juridictions nationales ont fréquemment sanctionné des procédures illégales.

Les Roumains et les Tunisiens ont particulièrement été ciblés en 2011, quand bien même les premiers sont des ressortissants de l’Union européenne et les seconds disposaient souvent des documents légalisant leur accès au territoire français. Le rapport révèle que l’éloignement de ces ressortissants permet à l’administration de faire du chiffre beaucoup plus facilement en s’affranchissant largement, une fois encore, du contrôle des juges.

La dernière loi sur l’immigration a donc sophistiqué un peu plus la machine à expulser, réglée pour répondre essentiellement aux objectifs de la politique du chiffre. Or, ce rapport sur les centres et les locaux de rétention administrative démontre les violations des droits toujours plus graves que produit ce dispositif.

Le document s’attache enfin à décrire l’impact sur les personnes enfermées de cette poursuite à tout prix d’objectifs quantitatifs.

Le rapport ne se contente pas de décortiquer un système : il permet de souligner l’urgence d’une réforme profonde des procédures d’éloignement. Selon les promesses de François Hollande et en conformité avec les engagements européens de la France, la rétention administrative doit devenir une exception.

 

ASSFAM
France terre d’asile
Forum réfugiés-Cosi
La Cimade
Ordre de Malte 

Le Sénat remplace la garde à vue des sans-papiers par une « retenue »…

Après que la garde à vue des sans-papiers ait été déclarée illégale par le Conseil d’État, le ministre de l’intérieur n’a eu de cesse de trouver une parade.

C’est fait, et le Sénat a approuvé l’amendement proposé par le ministre. Il s’agit de la création d’une « retenue » d’une durée maximum de 16h. L’association France Terre d’Asile a immédiatement réagi : « France terre d’asile prend acte de l’adoption par le Sénat du projet de loi sur la mise en place d’un régime de retenue pour vérification du droit au séjour des ressortissants étrangers présents sur le territoire français ». Et l’association se désole du manque d’ambition du texte : « une si petite réforme… », dit-elle.

Que peut-on reprocher à ce texte ? Certes, il y a des progrès, que FTA reconnaît : « Si nous regrettons la mise en place d’un dispositif de retenue d’exception pour les étrangers, dès lors qu’il existe, l’important réside dans les garanties dont peuvent bénéficier les retenus : accès aux associations, à un avocat, remise du dossier de procédure aux étrangers, relevé d’empreintes non automatique… ». Mais, souligne l’association, « cette modification ne doit pas masquer le manque d’ambition de ce texte, sans un mot sur la durée de rétention, sur le maintien en l’état du nombre de places de rétention, sur le rétablissement de l’intervention du juge des libertés au bout de 48 heures, sur la recherche d’alternatives à la rétention. Ce sont pourtant ces éléments là qui permettraient de modifier l’architecture de la politique d’éloignement des étrangers construite précédemment. Au nom de l’efficacité budgétaire, sécuritaire et du respect des droits fondamentaux, c’est un débat qui ne peut être évité ».

Finalement, « peu de choses diffèrent avec le régime précédent de la garde à vue si ce n’est le nombre d’heures de retenue ».

Et peu de choses diffèrent entre la politique menée par le ministre de l’intérieur et celle de ses prédécesseurs.

Bilan, au bout de 6 mois. Le ministre de l’intérieur a

  • Renoncé au récépissé délivré par les forces de l’ordre après tout contrôle d’identité, pour faire disparaître les contrôles abusifs « au faciès » ;
  • Déclaré que le droit de vote et d’éligibilité des étrangers hors communauté européenne n’était pas « une revendication forte de la société » ;
  • Poursuivi, tout en le niant, la politique de stigmatisation des Rroms et le démantèlement brutal des camps, malgré la circulaire interministérielle qu’il venait de signer et qui dénonçait les démantèlements non accompagnés de mesure de relogement ;
  • Poursuivi la politique sécuritaire de ses prédécesseurs, en prétextant de menaces terroristes…

Toutes choses qui valent au ministre les félicitations de Serge Dassaut…

Dans ce domaine, hautement symbolique, le changement, ça n’est pas maintenant !

Un jeune demandeur d’asile écrit au préfet d’Île-et-Vilaine

D’origine arménienne, la famille Balasanov a fui la Géorgie dès 2004 pour la Russie, avant de solliciter la protection de la France en 2009.
Le couple est arrivé en octobre 2009 à Rennes, où est née Elina un mois plus tard. Elle est aujourd’hui scolarisée à l’école maternelle du Clos-Joury au Rheu.
Édouard, le fils aîné, les a rejoints en décembre 2009.

Âgé de 17 ans, Édouard n’a pas eu la chance d’être scolarisé, mais a rapidement appris le français. Toujours prêt à faire l’interprète auprès des associations, Édouard a été interpellé jeudi 27 septembre lors d’un contrôle routier en se rendant au secours populaire, où il travaille comme bénévole.
La famille étant déboutée de l’asile depuis avril 2012, la Préfecture d’Ille et Vilaine a décidé de placer Édouard en rétention et de sortir ses parents et sa petite sœur du centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) pour les assigner à résidence dans un hôtel à Rennes pendant 45 jours. Le réseau Éducation sans frontière a aussitôt fait circuler une pétition, et Eduard a finalement été libéré par le juge des libertés et de la détention. Mais il est toujours sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Chassée de Géorgie par les nationalistes, la famille Balasanov n’a plus aucun lien avec ce pays. Leur avenir est dorénavant en France, où M.Balasanov travaillait légalement avant qu’on ne lui retire son titre de séjour.

La famille vit aujourd’hui dans une grande précarité, aussi bien morale que matérielle. C’est ce qui a conduit Édouard à écrire au préfet d’Île et Vilaine, et à publier sa lettre sur Internet. La voici.

Bonjour Monsieur le Préfet.

Je m’appelle Édouard Balasanov. Je suis arrivé en France avec ma famille en octobre 2009. 

Notre famille est aujourd’hui déboutée de l’asile. On nous a retiré notre titre de séjour et mon père a perdu son travail. Il travaillait à Marine Harvest à Chateaugiron dans une fabrique de découpes de poissons. Après avoir travaillé pendant 11 mois par intérim puis en CDD, son patron lui a fait une promesse d’embauche, car il était content de lui et il souhaitait le garder. Malheureusement avant de signer son contrat, notre famille a reçu une OQTF et nous avons tout perdu…

Moi je n’ai pas eu la chance d’être scolarisé, mais j’ai fais pris des cours de français dans une école pour les étrangers, puis j’ai fait du bénévolat au Secours Populaire .

Ma petite soeur a 3 ans, elle est née à Rennes. Elle est scolarisée à l’école maternelle au Rheu.

Depuis le 25 septembre, ma famille est assignée à résidence à l’hôtel Colombier . Mes parents ont été envoyés à l’ambassade de Géorgie. Ils ont eu un laissez- passer. Maintenant on est o
bligés de se cacher, car on a peur de retourner en Géorgie. J’ai 20 ans et toute ma vie j’ai connu des difficultés et je ne veux pas que ma petite sœur vive la même chose.

Monsieur le Préfet, vous êtes notre dernière chance.

Édouard Balasanov – le 4/11/2012

Mineurs étrangers : la France est dans l’illégalité

Le site Rue 89 vient de publier une lettre ouverte écrite par soixante professeurs de droit (liste en fin d’article). L’objet de cette lettre est de rappeler au président de la République et au premier ministre que la France, plusieurs fois condamnée pour ce motif, est dans l’illégalité lorsqu’elle place des mineurs étrangers en rétention : « Un des fondements de la condamnation internationale est simple et facilement compréhensible : les enfants ont été privés de liberté sans qu’aucune décision de justice n’ait été rendue à leur encontre ; ils n’ont ainsi pas bénéficié de leur droit à saisir un juge qui puisse garantir le respect de leurs droits et libertés fondamentaux lors de cette privation de liberté ».

Et les juristes de rappeler que l’enfermement des mineurs est contraire à l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, convention que la France a ratifiée : « Cette Convention, ratifiée par la France en 1974, a été intégrée dans notre système juridique interne en tant que convention internationale. Elle occupe dès lors dans la hiérarchie des normes un rang supérieur à celui des lois, règlements et circulaires. Ses dispositions s’imposent par conséquent au législateur comme aux agents de l’Etat dans l’exercice de leur mission ».

Il ne s’agit donc pas de demander au président de la République et au gouvernement de changer de politique en matière de mineurs étrangers, mais simplement de respecter la convention internationale signée par la France : « Dans ces conditions, au lendemain de l’arrêt susmentionné de la Cour européenne, toute rétention d’étrangers mineurs aurait dû cesser sur le territoire français, comme dans les territoires d’outre-mer soumis à la juridiction de la République française ».

Or ça n’est pas le cas : « Récemment encore deux jeunes Afghans de 2 mois et demi et 3 ans ont été enfermés avec leurs parents dans le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) sur le fondement d’une circulaire ministérielle du 6 juillet 2012 ».

La lettre se conclut ainsi : « Si l’Etat français, au travers de ses ministres, ses préfets et ses policiers, refuse délibérément de respecter les droits fondamentaux d’une catégorie d’individus, c’est bien l’ensemble des droits fondamentaux qui pourraient être violés. Le respect du droit et de la hiérarchie des normes par les organes de l’Etat n’est pas négociable.

Nous vous appelons donc instamment à garantir la conformité des pratiques administratives et des textes réglementaires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, condition sine qua non de l’Etat de droit ».

Voici donc un nouvel élément à charge contre la politique menée par le ministre de l’Intérieur, dont il n’est évidemment pas envisageable qu’il la mène sans l’accord du président de la République et du premier ministre !

Retrouvez l’intégralité de cette lettre et la liste de ses signataires sur le site de Rue 89.

Libérez Pape Moussa Diarra !

Le réseau Welcome et le réseau Éducation sans frontières appellent à se mobiliser pour exiger la libération et la libération d’un jeune Sénégalais enfermé au centre de rétention de Rennes Saint-Jacques.
Pape Moussa Diarra est arrivé en France légalement en France le 4 septembre 2003 muni d’un visa étudiant.
Il a obtenu en 2006 un DUT en télécommunication avant de s’inscrire à l’université de Rennes pour suivre un cursus en électronique. 
Parallèlement Moussa Pape Diarra a travaillé afin de financer ses études : manager chez Mac Do, salarié chez PSA, saisonnier dans l’agriculture…et il a toujours déclaré ses revenus. 
En 2010, P.-M. Diarra a demandé au service de la Préfecture d’Île-et-Vilaine un changement de statut afin d’obtenir un titre de séjour en qualité de salarié. Il a fourni les documents réclamés par le chef de bureau, mais cette demande reste à ce jour sans réponse…Il a donc renouvelé son titre de séjour en tant qu’étudiant jusqu’à la rentrée 2011, date à laquelle il s’est alors retrouvé sans-papiers.  
Une OQTF (obligation à quitter le territoire français) a été prise à son encontre par la Préfecture 35 en décembre 2011,  mais P.-M. Diarra n’a jamais retiré le courrier et n’en a eu connaissance que lorsqu’il s’est présenté au guichet de la Préfecture le 27 août 2012 pour connaître la réponse à sa demande de régularisation adressée par ses soins en juin 2012. 
Après 2 mois d’attente, P.M Diarra s’est donc présenté spontanément au guichet de la Préfecture de Rennes. Il lui a été demandé de revenir quelques heures plus tard, il s’est exécuté. De retour dans les locaux, il a remis sa carte d’identité sénégalaise, avant d’être confié à la PAF puis placé quelques heures plus tard au centre de rétention adminstrative de Rennes. 
P.M Diarra est d’autant plus désespéré par sa situation qu’il milite au sein du PS depuis 2009 et fonde beaucoup d’espoir sur le nouveau gouvernement…
Annie Clénet, présidente de la section LDH de Rennes, et le secrétaire de la section, doivent rendre visite au jeune homme au centre de rétention.
Vous pouvez également envoyer des mails à la préfecture (adresses sur son site).

Fermeté et concertation : Valls persiste et signe

Autant les déclarations et les actes de Christiane Taubira, ministre de la justice, sont encourageantes (prochainement un article traitera de ce sujet), autant ce que dit et fait le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, est à la fois décevant (euphémisme) et inquiétant.

La situation des demandeurs d’asile n’a pas évolué d’un yota depuis le départ de Sarkozy et de Guéant. A Saint-Brieuc (22), les militants sont sur la brèche depuis le début du mois de juillet, et les solutions apportées, lorsqu’elles le sont, ne sont la plupart du temps que du bricolage : chambres à l’hôtel qui coûtent extrêmement chères, et ne peuvent être que des solutions provisoires, par exemple. L’Etat, comme par le passé, ne remplit pas son rôle, qui est de loger les demandeurs d’asile. Et des familles sont encore dans la rue à Saint-Brieuc, malgré l’aide du conseil général, dont ce n’est pas le rôle.

Le Réseau éducation sans frontière fait état quotidiennement de situations identiques, partout dans le pays, et le centre de rétention de Rennes Saint-Jacques (35) ne désemplit pas.

En ce qui concerne les Roms, c’est encore pire. Alors que François Hollande avait conditionné les démantèlements de camps illégaux à la mise en place de solutions alternatives, le ministre de l’Intérieur démantèle sans se soucier de ce que vont devenir les personnes expulsées, hommes, femmes, enfants. Malik Salemkour le soulignait récemment : « il y a des décisions de justice mais il faut aussi respecter le droit ». Et le droit, c’est le droit au logement.

Dernier démantèlement programmé : un camp dans la communauté urbaine de Lille, à Villeneuve Hellemmes. Voici ce qu’en dit la délégation régionale Nord – Pas-de-Calais de la Ligue des droits de l’Homme :

Des menaces d’expulsions de terrains roms se précisent sur Villeneuve – Hellemmes, en dépit  d’une organisation remarquable de l’Atelier Solidaire pour animer et sécuriser l’espace de vie.

Ces menaces formalisées par huissier s’inscrivent dans le cadre d’une politique générale définie et mise en œuvre par le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls dans des conditions contradictoires aux engagements écrits du Président de la République.

Si à la demande de la Communauté Urbaine de Lille, les forces préfectorales se livrent au démantèlement de terrains sans reloger dignement les Roms, Si les forces de police se contentent d’accompagner les expulsés vers des sorties du département du Nord pour les entraîner dans une nouvelle errance, Si des expulsions, plus ou moins voilées sous couvert d’ »aide au retour » ont lieu dans les jours qui viennent,… On en reviendrait à la politique Sarkozy dénoncée par la LDH et par toutes les forces de Gauche après les mises en application en Août 2010 du discours de Grenoble.

La délégation régionale de la LDH ne peut accepter une telle orientation et demande :

  • Pas de dislocation de terrain sans relogement dans des conditions dignes
  • Mise en application immédiate des engagements de création de terrains pris par la Communauté Urbaine de Lille
  • Action ferme de LMCU (Lille Métropole) et des partis de Gauche (et notamment des partis de Gouvernement) pour  exiger l’ouverture systématique de places d’accueil dans toutes les communautés d’agglomération de la Région Nord-Pas de Calais. Cette politique devant s’élargir à l’ensemble du territoire national

Le changement ne peut résider uniquement dans un adoucissement et un meilleur contrôle du vocabulaire. S’il ne se traduit pas par des actes de réelle solidarité et d’innovations politiques, le mot changement ne constitue que de la poudre aux yeux en vue de cacher une violation des idéaux humanistes et sociaux que doit incarner la Gauche.

La LDH  du Nord – PdC demande l’arrêt de la répression, la mise en place d’une réflexion globale par la concertation, la construction d’une politique d’accueil innovante, volontariste et réellement solidaire.   

Alors M. Valls indique ce que sera sa politique en ce qui concerne les Roms : « fermeté et concertation » : « les préfets ont reçu pour instruction de Manuel Valls de mener systématiquement un travail de concertation préalable avec les élus locaux et les associations, afin de procéder à un examen approfondi des situations individuelles et de proposer des solutions d’hébergement, prioritairement pour les familles et les personnes les plus vulnérables », indique le ministère, cité dans un article du Nouvel Observateur (lire aussi ici, et là).

Si la concertation consiste à constater qu’il n’y a pas de solution alternative, et à procéder au démantèlement, il y a fort à parier que les associations refuseront d’être complices.

Les associations ne demandent pas l’impossible, et elles sont conscientes de la complexité des problèmes posés par ces campements. Mais il serait temps de se souvenir qu’on a là affaire à des hommes, des femmes, des enfants, et que le changement attendu avec l’arrivée de la gauche, c’était aussi de les traiter dignement. Pour le moment, Monsieur Valls n’a donné que des signaux négatifs.