Rétention : une politique massive d’enfermement et d’expulsion confirmée (CIMADE)

Communiqué de la Cimade, après la publication du nouveau marché public sur l’intervention associative en centres de rétention.

Le nouveau marché public qui régit l’intervention associative dans les centres de rétention vient d’être publié. Il traduit la volonté de poursuivre une politique similaire à celle conduite en 2012.

Ce marché a pour objet de garantir aux personnes enfermées une aide à l’exercice de leurs droits. Présente dans 12 centres de rétention sur les 25 existants, La Cimade assure cette mission, porte un regard vigilant et témoigne au quotidien des atteintes aux droits fondamentaux dont sont victimes les personnes étrangères.

Fin 2012, le nouveau gouvernement annonçait une remise à plat du dispositif d’expulsions au travers d’un marché reconfiguré dans sa globalité. Un marché transitoire a donc été conclu dans l’intervalle.

Pourtant, l’appel d’offres fraichement publié démontre la volonté du gouvernement de faire tourner la machine à expulser à plein régime. 24 des 25 centres de rétention demeurent ouverts et de même taille. La prévision du nombre de personnes qui y seront enfermées est basée sur les chiffres des années 2011-2012, une référence lourde de sens s’agissant d’une période où les expulsions ont été particulièrement massives.

Sur le terrain, la continuité de cette politique se traduit chaque jour par la violation des droits fondamentaux des personnes ou par des pratiques inhumaines. Les exemples récents s’enchaînent : séparation des familles, expulsion d’étrangers malades, charters quasi hebdomadaires.

Enfin, Mayotte, 101ème département, continue à subir un régime d’exception à l’abri des regards. Le marché ne prévoit pas d’aide à l’exercice des droits dans le pire des centres de rétention de France. Ce dernier rassemble à lui seul autant de personnes enfermées chaque année que dans tous ceux de la métropole réunis. Mayotte, où le régime dérogatoire, déterminé par ordonnance, prive les personnes étrangères expulsées de quasiment tout droit.
La Cimade appelle une nouvelle fois le gouvernement à une refonte urgente de sa politique migratoire, notamment pour s’engager vers la fermeture des centres de rétention.

L’Association européenne de défense des droits de l’Homme écrit aux chefs d’Etat avant le sommet européen

Un sommet européen se tient les 24 et 25 octobre. La question de l’immigration figure à l’ordre du jour du sommet. L’association européenne pour la défense des droits de l’Homme a adressé un courrier aux chefs d’Etats et de gouvernements qui doivent y participer, pour leur rappeler que l’Europe a un devoir de protection à l’égard des réfugiés qui quittent leurs pays simplement pour sauver leur vie. La réponse faite aux drames successifs de Lampedusa, qui se résument à une augmentation des contrôles des frontière est un scandale qui a été dénoncé par de nombreuses associations. Ce courrier rappelle leurs devoirs aux responsables européens.

Lettre aux Chefs d’État et de gouvernement pour le Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013

Bruxelles, 23 octobre 2013

Au lendemain du naufrage qui a coûté la vie a plus de 300 personnes à proximité des côtes de l’îIe de Lampedusa le 3 octobre, l’Association Européenne pour la Défense des droits de l’Homme (AEDH), avec un grand nombre d’organisations du sud et du nord de la Méditerranée, a interpellé l’opinion sur la responsabilité des États européens et des pays qui collaborent à la politique migratoire de l’UE (lire ici la tribune : « L’Europe assassine » parue dans Libération du 4 octobre 2013), et les membres du Parlement européen sur le rôle joué par l’Agence européenne des frontières, Frontex (voir le communiqué : « Frontex : surveiller ou sauver des vies ? » du 9 octobre 2013)

A la veille du Conseil européen, l’AEDH demande aux chefs d’État et de gouvernement de renoncer aux politiques sécuritaires et répressives qui ont jusqu’ici tenu lieu de politique d’asile et d’immigration.

Les deux récents naufrages près des côtes italiennes de bateaux transportant des personnes migrantes ont couté la vie a près de 400 personnes. Ils ont ouvert un débat sur les politiques européennes d‘asile et d‘immigration et suscité les réactions officielles de représentants de la Commission européenne et de responsables politiques des États membres appelant à une réforme de ces politiques.

Le souhait des responsables politiques européens de renforcer les moyens de l’agence Frontex inquiète les organisations de la société civile qui travaillent pour le respect des droits des personnes migrantes. C’est une fausse solution. En effet, Frontex n‘a pas pour mandat le secours en mer ou la protection des droits des personnes migrantes. Les morts en mer n’ont cessé d’augmenter ces dernières années malgré l’augmentation des moyens de cette agence. Frontex est le symbole de politiques européennes répressives qui criminalisent le fait migratoire (pénalisation du séjour irrégulier; rétention administrative; considérations administratives passant avant les besoins de protection internationale).

Le Sommet européen des 24 et 25 octobre représente une occasion pour l‘Union européenne de lancer un débat sur le changement d’orientation des politiques européennes d’asile et d’immigration.

Une approche répressive des migrations internationales, en décalage avec la réalité

Depuis plus de dix ans, la fermeture des voies d’accès légales au territoire européen s’est accompagnée de la mise en place de mesures répressives visant à empêcher les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile d’accéder au sol européen. Entre janvier 1993 et mars 2012, plus de 16 000 personnes sont mortes aux frontières de l’UE.

L’Union européenne n’est pas menacée par des flux migratoires qui iraient uniquement du Sud vers le Nord. La part des migrations internationales est restée stable ces 50 dernières années, autour de 3% de la population mondiale ; 1/3 seulement de ces migrants internationaux s’est déplacé d’un pays en développement à un pays développé. De plus, sur 15 millions de réfugiés dans le monde, 4/5 sont accueillis par des pays en développements ; l’Afrique sub-saharienne a elle seule accueille 25% des réfugiés dans le monde, et l’Union européenne 15%. Construit sur la base d‘analyses erronées, l’objectif irréaliste d‘une étanchéité des frontières a servi de ligne directrice a la politique migratoire de l’Union européenne depuis 2002. L’absence de voies d’entrée légale sur le territoire européen a renforcé  les réseaux de trafic de traite des êtres humains. L‘externalisation des contrôles migratoires s’est traduite par la délocalisation et la sous-traitance des contrôles des frontières européennes aux pays voisins de l’UE, sans aucune garantie en termes de respect des droits des personnes migrantes, des réfugiés et des demandeurs d’asile.

La coopération avec les pays tiers s’est trop souvent traduite par l’utilisation de l‘Aide Publique au Développement à des fins de contrôle des flux migratoires, souvent en échange de la signature d’accords de réadmission. Les pays membres de l‘UE n’ont pas hésité a signer des accords avec des dictateurs, notamment en Tunisie et en Libye. L’Agence Frontex a été mise en place en 2005 pour contrôler les frontières extérieures : au fur et à mesure que son budget a augmenté, le nombre de morts en Méditerranée a augmenté en parallèle (source: Migreurop). Frontex, qui a une personnalité juridique, peut aujourd’hui signer des accords avec les pays tiers sans validation préalable du parlement européen. Ces accords visent à détecter les migrants en amont dans les pays frontaliers et entrainent des pratiques qui violent les droits fondamentaux des migrants : violation du droit d’asile et du principe de non refoulement ; enfermement sans base légale ; non accès à un avocat et non effectivité des droits ; traitements inhumains et dégradants ayant entrainé la mort de plusieurs migrants.

Changer le paradigme de la politique migratoire européenne

Il est urgent d‘agir au niveau européen en réaffirmant l’intangibilité du droit international : les pays membres de l’Union européenne ont signé la convention de Genève sur la protection des réfugiés : seule une application effective de cette convention, notamment par la délivrance de visas, permettra d‘éviter les drames en Méditerranée. L’UE ne doit pas confier la responsabilité des demandeurs d’asile et des réfugiés aux pays tiers qui ne leur assurent aujourd’hui aucune protection effective. Cela pousse les personnes fuyant les conflits, comme les Syriens, ou les réfugiés du camp de Choucha en Tunisie, et prendre la mer au péril de leur vie. Au contraire, les États membres doivent renforcer la solidarité entre eux et ne pas laisser assumer l‘accueil des réfugiés aux seuls pays européens situés sur les frontières extérieures. Le rôle de l’Agence Frontex doit aussi être questionné : il ne s’agit pas d’une agence de secours en mer mais bien d’un instrument répressif charge d’empêcher les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés d’entrer en Europe. Les moyens qui lui sont dévolus n`assurent pas la protection des personnes en mer, protection pourtant garantie par les conventions internationales. Des cas de non-assistance a personne en danger ont été rapportés, tandis qu’un flou absolu règne sur la prise en charge des personnes interceptées

Enfin le soutien aux pays du sud de la Méditerranée ne doit pas s’inscrire dans une dynamique de contrôle des flux migratoires, mais dans une coopération d’égal à égal entre pays partageant historiquement un même espace commun ou échanges humains, culturels, économiques ont toujours été la règle. À ce titre les Partenariats pour la mobilité proposés à plusieurs pays de la région après les révolutions en Tunisie et en Égypte sont totalement déséquilibrés, et tournés uniquement vers l’intérêt de l‘Union européenne. L’Europe doit porter une autre vision de la coopération avec ses voisins au sud de la Méditerranée.

  1. Migreurop (2012) Atlas des migrants en Europe. Géographie critique des politiques migratoires, Paris, Armand Collin
  2. Chiffres : rapport du PNUD 2009, Lever les barrières, mobilité et développement humain
  3. Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés, rapport 2012 par Frontex et notamment leur accès effectif au droit d‘asile. Frontex est l’une des causes des morts en mer : pour éviter ses patrouilles, les embarcations prennent des routes de plus en plus longues et dangereuses.

 

Le conseil constitutionnel ne reconnaît pas « l’objection de conscience » des maires contre le mariage homo

C’est fait : le conseil constitutionnel a validé la loi sur l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Les maires « objecteurs de conscience » vont donc être contraints de laisser la loi s’appliquer : c’est tout ce qu’on leur demande, mais c’est, semble-t-il beaucoup pour eux…

Le journal Mariane met un bémol en rappelant le 10ème article de la déclaration des droits de l’Homme d’août 1789 : «nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas lordre public établi par la loi». Certes. Mais cet article précise bien : « pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Il semble bien qu’empêcher un mariage troublerait l’ordre public.

Les fanatiques homophobes de la manif pour tous et autres gesticulations en sont donc pour leurs frais. Ils feront peut-être (sans doute ?) appel à la justice européenne ? C’est en tout cas ce qu’annonce le collectif des « maires pour l’enfance » qui a l’intention d’aller plaider sa cause devant la cour européenne de justice. On entend beaucoup moins ces maires s’indigner contre les expulsions d’enfants vers des pays où leur sécurité, parfois même leur vie sont menacées… Il y a comme ça des indignations sélectives… On piaffe d’impatience d’entendre la réaction de Frigide Barjot !

 

Journée mondiale du refus de la misère : la vidéo de la conférence de Michel Miné

La vidéo de la conférence de Michel Miné intitulée « la reconnaissance de la discrimination de la misère : une utopie ? », donnée jeudi 17 octobre dans le cadre de la journée mondiale du refus de la misère, est en ligne.

httpv://youtu.be/wkNuaqGmCdM

La section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme a également participé à la journée de partage organisée également par le conseil général au foyer municipal de Loudéac. Une nouvelle fois, le puzzle de la déclaration des droits de l’Homme a rencontré un joli succès !

Le stand

Le stand de la section

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Du monde autour du puzzle !

Journée mondiale du refus de la misère à Loudéac (22) : conférence passionnante de Michel Miné

Michel Miné, à gauche, et Daniel Bessonnat, modérateur, à droite.

Organisée par le conseil général des Cötes d’Armor, la version loudéacienne de la journée mondiale du refus de la misère s’est déroulée en deux temps.

Jeudi 17 octobre, Michel Miné, responsable avec Nadia Doghramadjian du groupe de travail sur les discriminations à la Ligue des droits de l’Homme a traité de la reconnaissance de la discrimination basée sur la misère, au cours d’une conférence passionnante qui, malgré un auditoire qui aurait mérité d’être plus nombeux, a soulevé de nombreuses questions. Michel Miné, après avoir montré la complexité du problème, a insisté sur un outil trop rarement utilisé pour défendre les droits : le droit européen, qui peut dans de nombreuses situations, pallier les insuffisances du droit national, y compris dans des situations de discriminations basées sur l’origine ou la condition sociales. La vidéo de la conférence sera mise en ligne sur ce site en début de semaine prochaine.

Vendredi midi 18 octobre, c’est une soupe partagée qui a rassemblée le public. Servie par des élèves du lycée Xavier-Grall et de la maison familiale au foyer municipal de Loudéac, elle a été l’occasion pour les associations partenaires de l’opération d’exposer leurs documents et travaux, et d’échanger. Le puzzle réalisé par la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme a une fois encore rencontré un vif succès.

 

Léonarda : l’expulsion de trop ?

L’expulsion de trop ? en tous cas, l’expulsion de la jeune lycéenne Léonarda Dibrani vers le Kosovo continue de soulever indignation et colère un peu partout : dans les associations de soutien aux demandeurs d’asile, évidemment, mais aussi jusqu’au parti socialiste, qui jusqu’ici, soutenait le ministre de l’intérieur dans tous ses errements. Et aujourd’hui, ce sont les lycéens qui se mobilisent pour faire revenir leur camarade. La Ligue des droits de l’Homme vient d’ailleurs de leur apporter son soutien avec un communiqué publié en début d’après-midi (lire en fin d’article).

Survenant après les deux drames successifs de Lampedusa (plusieurs centaines de demandeurs d’asiles morts pendant une traversée), l’histoire de Léonarda réunit effectivement tous les ingrédients pour soulever cette indignation. Et ce ne sont pas les déclarations du ministre qui affirme que tout s’est déroulé avec « humanité »… cela fait un peu penser, toutes proportions gardées,  au récit de l’exécution du dernier condamné à mort par une magistrate qui y a assisté :  elle raconte que, le condamné, à quelques secondes de la mort, demandant une troisième cigarette, le boureau répond « On a déjà été très bienveillants avec lui, très humains, maintenant il faut en finir », avant de l’exécuter, avec humanité évidement. Et cela fait aussi penser à la réponse de l’Europe aux drames de Lampédusa : sa seule préoccupation reste la sécurité des frontières.

On annonce une enquête administrative pour définir les responsabilités dans cette affaire. Il s’agira sans doute de trouver un fusible, en la personne d’un policier un peu zélé. Mais le véritable responsable de ce scandale, on le connaît : c’est le ministre, qui, même s’il n’a pas piloté personnellement la procédure qui a conduit à l’expulsion de la jeune fille, a créé par ses déclarations successives les conditions qui ont permis que cela se déroule ainsi. N’oublions pas que Leonarda n’est pas seulement étrangère : elle est aussi Rom…

Un blogueur, François Delapierre, rappelle très opportunément les déclarations de M. Valls dans un livre qu’il a écrit en 2008 : « Le jour où j’accepterai qu’on piège des sans-papiers pour les virer de chez nous (…) je serai foutu. Il faudra mieux que je fasse autre chose.  » « Et la droite c’est quoi ? C’est la saloperie qui consiste à convoquer un mec pour le piéger ? C’est cela incontestablement. Oui c’est une vision assez cynique de ce que peut être le rôle de l’Etat. Ça, c’est la droite. »

Communiqué de la Ligue des droits de l’Homme :

Arrêter la Valls des expulsion

La Ligue des droits de l’Homme salue la mobilisation des lycéens qui manifestent aujourd’hui en France, en soutien à Leonarda Dibrani et Khatchik Kachatryan, et se tient résolument à leurs côtés.

Devant l’interpellation de collégiens ou lycéens étrangers dans leur environnement scolaire, la LDH réaffirme le droit à la scolarité et à la vie en famille des jeunes étrangers.

La LDH le répète : il est temps de rompre avec les politiques migratoires du passé, politiques qui piétinent des droits fondamentaux, tel le droit à l’éducation, politiques qui nourrissent les discriminations et les discours de haines racistes.

Il est grand temps que le gouvernement rompe avec ces politiques du passé, pour faire respecter les droits des mineurs isolés étrangers, des enfants scolarisés, des familles, des travailleurs étrangers, afin de faire vivre la solidarité et la fraternité.

L’avis de la CNCDH sur les discriminations fondées sur les précarités sociales

Le thème de la journée mondiale contre la misère est cette année « vers un monde sans discrimination ». Et le titre de la conférence que les organisateurs de la manifestation loudéacienne est : « la reconnaissance de la discrimination de la pauvreté : une utopie ? »

Cette conférence va être assurée par Michel Miné, responsable du groupe de travail « discriminations » de la Ligue des droits de l’Homme. C’est à ce titre qu’il a été auditionné par la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH).

Il se trouve que cette commission, qui émet des avis et des recommandations à l’intention du gouvernement, a publié récemment un texte essentiel intitulé « Avis sur les discriminations fondées sur la précarité sociale » : nous sommes « en plein » dans le sujet.

Et la CNCDH situe clairement, dès le deuxième paragraphe, le problème. Elle y écrit : « La Commission nationale consultative des droits de l’homme, attachée au respect des droits économiques, sociaux et culturels, considère qu‘il est primordial de lutter contre toutes les formes de discriminations. Dans un ouvrage publié conjointement avec le mouvement ATD Quart Monde en 1993, la CNCDH soulignait déjà que « certaines personnes sont victimes d’une discrimination caractérisée quand tout à la fois la responsabilité de leur situation leur est imputée, leur passé de misère et d’exclusion leur est reproché, leur parole est discréditée, leurs entreprises ou leurs comportements sont dénigres du seul fait qu‘ils apparaissent comme des individus sans statut reconnu ni représentation agréée. (…) Cette discrimination sociale et politique génère chez ceux qui la subissent des sentiments de honte, de culpabilité et de souffrance de ne pas être considères à Egalite avec les autres êtres humains de leur propre société. Elle cultive chez ceux qui la reproduisent, même de façon passive, une banalisation du mépris ou de l’indifférence à l’encontre des plus pauvres ».

Ce texte, dense et riche, est une parfaite introduction à la conférence que Michel Miné donnera demain jeudi 17 octobre, à 18h30, salle Malivel, à Loudéac. Le problème ne date pas d’aujourd’hui : déjà, il y a 20 ans, la CNCDH publiait un ouvrage sur ce sujet, en collaboration avec l’association ATD quart monde, qui est à l’origine de la journée mondiale du refus de la misère !

Le texte intégral est téléchargeable ici.

 

 

Journée du refus de la misère : conférence de Michel Miné, de la Ligue des droits de l’Homme, à Loudéac, jeudi 17

Le conseil général des Côtes d’Armor a décidé de marquer la journée mondiale du refus de la misère, initiée par ATD Quart Monde, par une série de manifestations. À Loudéac, il a sollicité la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme, pour organiser une conférence sur thème « La reconnaissance de la discrimination de la pauvreté, une utopie ? » Un sujet en relation directe avec le thème de l’année, qui est « vers un monde sans discrimination ». Nous avons sollicité un spécialiste de cette thématique : Michel Miné, qui est membre du comité central de la LDH, et surtout co-responsable du groupe de travail sur les discriminations à la Ligue. Il donnera donc une conférence jeudi 17 octobre, à 18h30, salle Malivel, à Loudéac.

Le lendemain, vendredi 18 octobre, ce sera la soupe partagée, qui sera servie au foyer municipal de Loudéac. Elle sera suivie d’une « scène ouverte », au cours de laquelle les associations partenaires de l’opération pourront tenir leurs stands et présenter leurs actions au public. Le stand de la section Loudéac centre Bretagne sera un lieu d’échange où le public pourra rencontrer les militants de la section et s’informer sur nos actions.

Vous trouverez ci-dessous un texte de Michel Miné intitulé « Egalité et non-discrimination, quelques repères pour penser et agir », dans lequel il marque clairement la singularité du concept de « discrimination », qui n’est pas toujours utilisé à bon escient.

Égalité et non-discrimination, quelques repères pour penser et agir

Des travaux menés ces dernières années par des Ligueurs/Ligueuses avaient déjà apporté des éléments importants de repères pour préciser la position de la LDH à l’égard de la problématique des discriminations (« Lutte contre les discriminations, le piège des mots », 2005). Il convient aujourd’hui, dans un contexte mouvant, de rappeler des principes pour surmonter des confusions.

En France, le paradigme de la discrimination est arrivé tardivement et récemment, à la fin des années 1990. Depuis, dans un mouvement de balancier, il tend à occuper tout l’espace public et à absorber tous les sujets. Dès qu’une injustice se produit elle est qualifiée de discrimination.

Cette situation est porteuse de graves dérives : elle tend à faire oublier la règle commune, c’est-à-dire le principe républicain d’égalité et l’action pour la justice, en particulier la justice sociale. Elle est de nature à favoriser un éclatement du droit commun et une balkanisation des droits, chaque porte-parole de groupe s’estimant discriminé revendiquant alors des droits spécifiques, « identitaires », ignorant les situations des autres et le bien commun ; le libéralisme concurrentiel intégrant très bien ces démarches.

Sont en jeu ici la conception de la Cité et du contrat social. Le combat pour l’égalité dans une République « sociale » est essentiel pour toutes et tous, pour chacun-e et pour le bien commun. Les règles de non-discrimination sont à penser comme un complément au principe d’égalité, pas comme un substitut. Ce sont des ressources supplémentaires pour nommer et pour voir des inégalités que le principe d’égalité saisissait mal.

Par conséquent, il convient, tâche complexe, de penser l’articulation entre le principe d’égalité et les règles de non-discrimination. Toute rupture d’égalité, toute inégalité injustifiée, toute injustice, est à combattre. Cependant, toute rupture d’égalité, toute inégalité injustifiée, toute injustice, n’est pas une discrimination. Une discrimination est une atteinte particulière à l’égalité, qu’il est nécessaire d’identifier et de combattre de façon spécifique. Une discrimination est une violation des droits de l’Homme. Il s’agit d’un traitement défavorable, injustifié, en lien avec une ou plusieurs caractéristiques concernant l’être ou l’agir de personnes (leur sexe/genre, origine sociale, « appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race », religion, handicap, état de santé, apparence physique, orientation sexuelle, identité sexuelle, âge, activités syndicales, opinions politiques,…). La liste évolutive des critères retenus révèle les valeurs de la société.

Il est nécessaire de réfléchir à l’articulation entre droit commun et droits spécifiques. Le principe d’égalité n’exige pas l’uniformité. D’une part, des règles et des pratiques présentées comme communes et neutres sont à interroger au regard de leurs effets discriminatoires. D’autre part, le principe d’égalité implique la possibilité pour chacun-e d’exercer sa liberté d’être autrement ; des droits particuliers au regard de spécificités, des « aménagements raisonnables », sont à reconnaître. Il s’agit d’articuler « droit à l’indifférence » et « droit à la différence » : la demande de ne pas être discriminé et d’être traité comme les autres, avec la demande, en tension, qui coexiste, parfois formulé par les mêmes personnes/groupes, de la prise en compte de situations/demandes particulières. Entre l’uniformité et le multiculturalisme, le modèle universaliste d’égalité demeure à développer avec l’apport de la non-discrimination.

Les processus discriminatoires sont souvent cachés. La discrimination va bien au-delà de l’oppression d’une personne par une autre. Elle relève de mécanismes (institutionnels, juridiques, économiques, sociologiques, etc.), qui peuvent ne pas être intentionnels. Ainsi, l’action contre la discrimination raciale, la discrimination sexuelle, les discriminations liées à l’orientation sexuelle, au handicap, etc. vont au-delà de la lutte contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, l’handiphobie, etc. Ces différents terrains d’investissement, contre l’exploitation et la domination, sont tous nécessaires, dans cette période où la crise économique, sociale et culturelle renforce le rejet de l’Autre, mais ils ne doivent pas être confondus.

L’action pour l’égalité et contre les discriminations ne peut se confondre, comme la LDH l’a déjà dit, avec « la promotion de la diversité ». Cette politique de « gestion des ressources humaines » mise en œuvre par de grandes entreprises, notamment pour capter les talents de jeunes discriminés et pour améliorer leur image, tend à influencer de façon grandissante et fort critiquable les politiques publiques. Des actions au bénéfice de quelques-uns ne peuvent autoriser à abandonner le grand nombre.

Propos non politiquement corrects à verser à la réflexion : tous les acteurs ne sont pas favorables à l’action contre les discriminations ; il en est ainsi de bénéficiaires des discriminations aujourd’hui et, par ailleurs, d’acteurs publics inquiets face aux bouleversements qu’entraîne l’exigence de non-discrimination. Des individus discriminés produisent de la discrimination à l’encontre d’autres individus discriminés…

Ce travail de réflexion pour mettre l’action contre les discriminations à sa juste place est à poursuivre, notamment dans le cadre du groupe « Discriminations » en lien avec les autres groupes concernés. Ce travail devra déboucher sur des actions de formation en vue d’aider à l’action sur le terrain et à la réponse à de nombreuses et complexes questions, la pensée déterminant la pratique. Les règles de non-discrimination n’en sont qu’ « au début du commencement » de leur mise en œuvre…

Le 19 février 2013, Michel Miné (co-responsable avec Nadia Doghramadjian du groupe « Discriminations »).

Bernard Friot parlera de « l’enjeu des retraites » jeudi 19 septembre à Saint-Brieuc

Bernard Friot, économiste et sociologue, professeur émérite de l’Université de Paris Ouest Nanterre, sera, le jeudi 19 septembre, à 20h15, amphi Mazier,  l’invité à Saint-Brieuc de la section briochine de la Ligue des droits de l’Homme, Attac, la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase), et le syndicat Solidaires 22. Auteur de « l’enjeu des retraites », et « l’enjeu des salaires », parus aux éditions « la Dispute », Bernard Friot traitera des retraites, avec cette question : « L’enjeu des retraites : nouveau recul ou nouvelle conquête sociale? »

Le choc démographique, le choc de la dette, le choc des déficits, le choc de compétitivité  justifiraient les mesures du gouvernement : travailler plus – cotiser plus – payer plus d’impôts et gagner moins ?

Pourquoi un nouveau recul des droits dans un pays aussi riche?

Pourquoi reculer l’âge de la retraite quand tant de jeunes sont au chômage?

Et si on pouvait faire autrement ?

Bernard Friot propose de nous appuyer sur les acquis des luttes, sur le « déjà là », le salaire, la cotisation, la qualification personnelle, pour en finir avec le coût du capital, le marché du travail et le chantage à l’emploi.

Pour vous mettre en appétit, vous pouvez dès maintenant écouter Bernard Friot sur le site de France Inter : il était, mardi 10 septembre, l’invité de Daniel Mermet dans son émission « Là-bas si j’y suis », sur le thème « l’enjeu des retraites ». Rendez-vous à cette adresse.

 

Il y a 40 ans, le dernier discours de Salvador Alende à la radio publique chilienne

DERNIER DISCOURS DE SALVADOR ALLENDE A LA RADIO NATIONALE, 11 septembre 1973
httpv://youtu.be/ufHIrEEl0_o

« Je paierai de ma vie la défense des principes qui sont chers à cette patrie. La honte tombera sur ceux qui ont trahi leurs convictions, manqué à leur propre parole et se sont tournés vers la doctrine des forces armées.

Le Peuple doit être vigilant, il ne doit pas se laisser provoquer, ni massacrer, mais il doit défendre ses acquis. Il doit défendre le droit de construire avec son propre travail une vie digne et meilleure. À propos de ceux qui ont soi-disant « autoproclamé » la démocratie, ils ont incité la révolte, et ont d’une façon insensée et douteuse mené le Chili dans le gouffre. Dans l’intérêt suprême du Peuple, au nom de la patrie, je vous exhorte à garder l’espoir. L’Histoire ne s’arrête pas, ni avec la répression, ni avec le crime. C’est une étape à franchir, un moment difficile. Il est possible qu’ils nous écrasent, mais l’avenir appartiendra au Peuple, aux travailleurs. L’humanité avance vers la conquête d’une vie meilleure.

Compatriotes, il est possible de faire taire les radios, et je prendrai congé de vous. En ce moment des avions sont en train de passer, ils pourraient nous bombarder. Mais sachez que nous sommes là pour montrer que dans ce pays, il y a des hommes qui remplissent leurs fonctions jusqu’au bout. Moi, je le ferai, mandaté par le Peuple et en tant que président conscient de la dignité de ce dont je suis chargé.

C’est certainement la dernière occasion que j’ai de vous parler. Les forces armées aériennes ont bombardé les antennes de radio. Mes paroles ne sont pas amères mais déçues. Elles sont la punition morale pour ceux qui ont trahi le serment qu’ils ont prêté. Soldat du Chili, Commandant en chef, associé de l’Amiral Merino, et du général Mendosa, qui hier avait manifesté sa solidarité et sa loyauté au gouvernement, et aujourd’hui s’est nommé Commandant Général des armées.

Face à ces événements, je peux dire aux travailleurs que je ne renoncerai pas. Dans cette étape historique, je paierai par ma vie ma loyauté au Peuple. Je vous dis que j’ai la certitude que la graine que l’on a confiée au Peuple chilien ne pourra pas être détruite définitivement. Ils ont la force, ils pourront nous asservir, ils mais n’éviteront pas les procès sociaux, ni avec le crime, ni avec la force.

L’Histoire est à nous, c’est le Peuple qui la fait.

Travailleurs de ma patrie, je veux vous remercier pour la loyauté dont vous avez toujours fait preuve, de la confiance que vous avez accordé à un homme qui fut le seul interprète du grand désir de justice, qui jure avoir respecté la constitution et la loi. En ce moment crucial, la dernière chose que je voudrais vous dire, c’est que la leçon sera retenue.

Le capital étranger, l’impérialisme, ont créé le climat qui a cassé les traditions : celles que montrent Scheider et qu’aurait réaffirmé le commandant Araya. C’est de chez lui, avec l’aide étrangère, que celui-ci espérera reconquérir le pouvoir afin de continuer à défendre ses propriétés et ses privilèges.

Je voudrais m’adresser à la femme simple de notre terre, à la paysanne qui a cru en nous, à l’ouvrière qui a travaillé dur et à la mère qui a toujours bien soigné ses enfants. Je m’adresse aux fonctionnaires, à ceux qui depuis des jours travaillent contre le coup d’État, contre ceux qui ne défendent que les avantages d’une société capitaliste. Je m’adresse à la jeunesse, à ceux qui ont chanté et ont transmis leur gaieté et leur esprit de lutte. Je m’adresse aux Chiliens, ouvriers, paysans, intellectuels, à tous ceux qui seront persécutés parce que dans notre pays le fascisme est présent déjà depuis un moment. Les attentats terroristes faisant sauter des ponts, coupant les voies ferrées, détruisant les oléoducs et gazoducs, face au silence de ceux qui avaient l’obligation d’intervenir. L’Histoire les jugera.

Ils vont sûrement faire taire radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son métallique de ma voix tranquille. Peu importe, vous continuerez à m’écouter, je serai toujours près de vous, vous aurez au moins le souvenir d’un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le Peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser exterminer et se laisser humilier. Travailleurs : j’ai confiance dans le Chili et dans son destin. D’autres hommes espèrent plutôt le moment gris et amer où la trahison s’imposerait. Allez de l’avant sachant que bientôt s’ouvriront de grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure.

Vive le Chili, vive le Peuple, vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières paroles, j’ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu’au moins surviendra une punition morale pour la lâcheté et la trahison.