Interpellation des candidats par la LDH : « Plus de sécuritaire, moins de social ? »

Nous poursuivons la publication des lettres ouvertes adressées par la Ligue des droits de l’Homme aux candidats à la présidentielle et aux législatives. Aujourd’hui :

« Plus de sécuritaire, moins de social ? »

La Ligue des droits de l’Homme, signataire du Pacte pour les droits et la citoyenneté, s’inquiète de la situation des libertés soumises à une utilisation sécuritaire des techniques d’information et de communication.

Jamais il n’y a eu en France autant de fichiers, publics ou privés, couvrant les champs les plus divers, d’écoutes, de caméras de contrôle, jamais la surveillance des uns par les autres n’a été à ce point encouragée par les pouvoirs publics.

Loin d’apporter un « plus » en matière de sécurité, cette explosion de techniques invasives est porteuse de dangers pour les libertés individuelles et collectives, dans l’espace public, dans l’entreprise, dans les relations privées, particulièrement en l’absence de contre-pouvoirs efficaces. Renommée officiellement « vidéoprotection » par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), alors qu’elle ne protège personne, la vidéosurveillance se combine maintenant avec des logiciels de reconnaissance faciale et bientôt de détection automatique des comportements anormaux. Cette surveillance permanente de la voie publique, déjà très abusive et injustifiée, connaît des développements où les machines sont chargées de fonctions de contrôle automatisé.

Depuis dix ans le nombre de fichiers de police a été multiplié environ par trois, les fichiers administratifs ont suivi la même évolution et sont devenus de plus en plus intrusifs de la vie privée des citoyens. Beaucoup de systèmes peuvent être maintenant interconnectés. De nombreux fichiers, créés antérieurement, ont été modifiés directement par l’exécutif. Le dernier avatar en date est la création, malgré l’opposition du Sénat, d’une base de données centralisée concernant les cartes d’identité électroniques et les passeports biométriques.

Enfin, les puces RFID, lisibles à distance et sans contact, sont utilisées dans des supports d’identification (passe Navigo, carte d’identité électronique, passeport biométrique). Bientôt, ces puces seront fixées sur chacun des produits de consommation courante que nous achetons journellement, permettant un traçage facile des façons de vivre des consommateurs et bientôt des actes de toute la vie quotidienne, collective ou individuelle.

Pour rompre avec cette situation, la Ligue des droits de l’Homme soutient un certain nombre de propositions qu’elle entend mettre en débat publiquement ; elle souhaite que les candidates et candidats se déterminent sur ces propositions et rendent publics leurs remarques, critiques ou accords.

Six propositions pour mettre fin au contrôle social généralisé, invasif et nocif pour les libertés :

  1. La suppression des articles de la loi Loppsi 2, afin de donner à la Cnil un pouvoir total de contrôle sur les systèmes de vidéosurveillance.
  2. Le refus de l’utilisation de logiciels à reconnaissance faciale et comportementaux.
  3. L’interdiction effective de la création de fichiers en l’absence d’un contrôle par le législateur. Toutes les créations de fichiers policiers et administratifs doivent être du domaine de la loi.
  4. Mise en place d’un audit parlementaire de contrôle, de purge et de vérification des fichiers créés sans véritable base légale, comme le « Système de traitement des infractions constatées » (Stic) ou le « Fichier national automatisé des empreintes génétiques » (Fnaeg).
  5. L’encadrement, par le Parlement, du développement des systèmes de traçage des personnes, dont les conséquences sont importantes pour les libertés publiques et les droits.
  6. L’organisation d’un débat public pour demander une législation nouvelle, une actualisation et une adaptation de la loi Informatique et Libertés de 1978 aux techniques nouvelles de contrôle.

Vidéo surveillance illégale à Boquého (22)

La maire de Boquéo, Béatrice Tanguy, pensait sans doute faire un beau cadeau de Noël à ses administrés : elle a fait installer, en même temps que les illuminations de Noël, deux caméras de vidéo surveillance  dans le bourg. Le problème, c’est qu’elle l’a fait sans avoir demandé l’autorisation à la préfecture aucun dossier n’a été déposé), sans en parler à son conseil municipal, qui aurait dû être consulté, et sans prévenir le public, qui doit être clairement informé par des affichettes de la présence de caméra. Et ce n’est que trois mois plus tard que des habitants ont découvert les caméras, comme en témoigne la boulangère : « cela fait trois mois que ces caméras sont installées au-dessus de ma boutique, et cela ne fait que quinze jours que je suis au courant ». Elle poursuit : « et ce sont des clients qui me l’ont fait remarquer ! »

Mme Tanguy : « Je ne suis pas pour les caméras, c’était le temps de résoudre nos problèmes qui durent depuis un an et demi », assure-t-elle. Elle reconnaît qu’elle n’aurait pas dû procéder de la sorte, mais promet que les caméras seront rapidement enlevées, les problèmes d’incivilités ayant été résolus : « j’aurais dû les déclarer en préfecture, c’est une maladresse. La semaine dernière, à partir des images, j’ai convoqué un groupe qui se réunissait sous le porche,; ils se sont engagés à respecter les lieux ».

Roger Pioger, conseiller municipal, ne l’entend pas ainsi : il a démissionné du conseil. « On a découvert ces caméras trois mois après qu’elles ont été installées, sans qu’il y ait eu le moindre débat alors que ça concerne la vie publique. On filme les gens à leur insu. Dans une commune rurale comme la nôtre, le dialogue doit être privilégié ».

Autre argument des mécontents : « la commune n’est pas bien riche ». « Il aurait mieux valu acheter un toboggan pour les enfants ».

Outre le problème général de la vidéo surveillance (devenue « vidéo protection », et depuis quelque temps, « vidéo tranquillité »…), cette affaire pose le problème des abus de pouvoir des élus locaux, qui n’hésitent pas à bafouer les lois.

Sources : Ouest-France (site Internet et version papier, page Côtes d’Armor), et Le Télégramme. Vidéo ici.

Débat sur le vote des étrangers avec des représentants de candidats

J’espère que ça sera filmé !

2012 : une année décisive pour le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers aux élections locales

Débat public

Témoignages et engagements : table ronde avec les candidat(e)s ou leurs représentant(e)s à la présidentielle. Avec :

  • Esther Benbassa pour Eva Joly (EELV),
  • George Pau Langevin pour François Hollande (PS),
  • Danielle Simonnet pour Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche),
  • Fadila Mehal pour François Bayrou (Modem),
  • Nathalie Arthaud (LO),
  • François Morvan pour Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République).

sous la présidence d’Henri Leclerc et la contribution de Catherine de Wenden

Vendredi 16 mars de 18h à 22h, Bourse du travail de Paris, 29 bd. du Temple, Paris 3éme, salle Eugène Hénaff, Métro République / Filles du Calvaire.

18h 30 : Présentation : Cadre et enjeux du débat

Soirée-débat sous la présidence de Henri Leclerc et avec la contribution de Catherine de Wenden.

19h : Engagements et témoignages

  • Citoyenneté de résidence, cohésion sociale, vivre ensemble…
  • Prises de parole de maires, de représentants du Conseil français de la citoyenneté de résidence (CoFraCiR), de militants d’associations issues de l’immigration et de syndicats.

20h-21h30 : La parole aux candidat(e)s

  • Pour ou contre le droit de vote des résidents étrangers aux élections locales ? Quand ? Comment ?
  • Table ronde et débat avec les candidats à l’élection présidentielle et/ou leurs représentants.

Les migrations, une question de droits

La section de Royan et du pays royannais de la Ligue des droits de l’Homme organisait, le week-end du 25 février, la première « Rencontre du livre et du citoyen », en partenariat avec la région Poitou-Charente et le département de la Charente-maritime. Le thème de cette première édition était « Peuples et migrations ». Il a été l’occasion, pour le secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme, Dominique Guibert, d’introduire une réflexion sur les migrations. Voici son texte.

Les migrations, une question de droits

Dans ces deux jours de débats, nous allons faire des rencontres, partager des histoires, rencontrer l’histoire, revendiquer l’universel, confronter le particulier. On pourrait dire fréquenter l’autre, accueillir les autres. Mais un tel programme ne peut se contenter d’évoquer leur essence sans se préoccuper de leur existence.

Vous le savez, la situation faite aux migrants et plus largement le sort des étrangers est l’un des fils rouges du travail de la Ligue des droits de l’Homme à tous ses niveaux. Au jour le jour, nos équipes locales auprès des sans-papiers, des familles d’enfants scolarisés, auprès des Roms font valoir que les droits sont universels.

Derrière ces dossiers, ces lettres, ces démarches, ces données administratives et judiciaires, il y a une politique. Il y a des lois. Celles qui, depuis tant d’années, font de la vie de tant d’êtres humains une succession d’épreuves et d’angoisses.

Ces lois, elles disent successivement vouloir « maîtriser » l’immigration, Puis elles disent lutter contre une « immigration subie », enfin organiser une « immigration choisie ». Elles ont en commun une certaine conception  de l’« identité nationale », qui rend toujours plus difficile l’entrée des étrangers sur le territoire français, qu’ils viennent travailler, étudier ou tout simplement vivre en famille. Il s’agit de mener avec rigueur une « politique du chiffre » qui produit son lot quotidien de drames, d’injustices et d’inhumanité.

Drames, inhumanité : ce n’est pas une exagération de « droitsdel’hommistes » cherchant à jouer sur l’émotion. La vie des migrants, c’est la précarité mais c’est aussi ces regards, ces façons de mettre en cause leur altérité.

Ce sont ces enfants laissés seuls, ici dans un camp de Roms après que les adultes ont été embarqués, là dans un appartement où personne ne se demande comment ils subviendront à leurs besoins. Et ces autres, parfois des bébés, enfermés dans des centres de rétention, des enfants que l’on embarque ensuite de force avec leurs parents dans des avions qui les renvoient vers la misère et l’inconnu.

C’est l’humiliation des contrôles au faciès, des expertises osseuses, et même parfois ces examens pileux et génitaux, visant à démontrer qu’un enfant est plus âgé qu’il n’y paraît, afin de pouvoir le bouter de France. C’est l’expulsion des étrangers malades vers des pays où chacun sait qu’ils ne pourront être soignés.

C’est pour les cas les plus graves, ces femmes et ces hommes renvoyés vers le danger voire la mort, parce que leur pays figure sur la liste des pays sûrs, qui permet à l’OFPRA une gestion a minima des demandes d’asile.

Si l’on ne veut pas se complaire dans la si habituelle euphémisation des temps d’aujourd’hui, il fallait bien parler de ces choses qui fâchent. Dire ce qui se cache derrière la politique d’immigration, celle qui tend vers une certaine xénophobie d’État. Le tableau est noir. Prenons conscience de ce double symbole. D’un côté des « gated communities » qui interdisent qu’on y rentre si l’on est étranger, et de l’autre des lieux d’enfermement, qui interdisent aux étrangers d’en sortir. La migration est une réalité parce que le droit de circulation est un droit de l’Homme, garanti par les textes internationaux. Il vaut le coup que l’on se batte pour lui.

Mais les femmes et les hommes « contre » agissent. L’engagement des « délinquants de la solidarité », dans le Réseau Éducation sans frontières, à la Ligue des droits de l’Homme ou dans d’autres organisations associatives ou syndicales, non seulement apporte aide et solidarité, mais pose dans les faits que ce n’est pas la nécessité qui fait loi, mais que ce sont les droits qui sont la loi. Le mouvement de grève des travailleurs sans papiers, avec un fort soutien syndical et associatif pour la régularisation de leur situation, pose dans les faits la nécessité de lutter contre une surexploitation contre laquelle il se révolte. Ensemble, ces actions citoyennes montrent que les habitants de France profiteraient d’un changement profond de politique, qui prendrait au sérieux l’universalité des droits.

Car le statut des étrangers, dans une société démocratique est emblématique de l’état des droits. Aucune considération politique ou économique ne saurait  justifier la méconnaissance de droits universels indissociables du respect de la dignité humaine. Des droits aussi fondamentaux que le droit d’asile, le droit à la santé, au logement, à l’éducation, au respect du droit du travail ou encore de la vie privée et familiale ne peuvent être refusés à aucun être humain présent sur le territoire d’un État : l’égalité en dignité et en droits exclut toute discrimination fondée soit sur la nationalité soit sur la régularité du séjour.

À une époque marquée par l’accélération de la globalisation, c’est-à-dire par la circulation, de moins en moins limitée par des frontières, des capitaux, des marchandises et des services, il est injustifié que des êtres humains – ou plus exactement une partie d’entre eux, ceux dont les pays sont catalogués « à risque migratoire » ‑ se voient assignés à résidence au risque de la misère et parfois de la terreur.

Il est à la fois injuste et, au regard des raisons multiples des migrations, absurdement inutile, de continuer à refuser le droit d’entrée sur le territoire et, plus largement, sur celui de l’Union européenne. Ces restrictions instituent l’arbitraire : séparation des familles, trafic de visas en tous genres, traitement indigne des étrangers lorsqu’ils présentent une demande de visa, imprévisibilité des décisions prises… Elles nourrissent en outre les réseaux, parfois mafieux, qui profitent des limitations apportées à l’entrée des étrangers pour s’enrichir, au risque de la mort de ceux qui y ont recours. Il y a une hypocrisie insupportable dans l’attitude des États qui affirment leur volonté de réprimer de plus en plus sévèrement les organisateurs de ces réseaux, alors que ceux-ci ne peuvent prospérer que grâce aux entraves mises par ces mêmes États à la liberté de circulation.

Liberté de circulation, liberté d’établissement, voyager, visiter, partir, revenir, s’établir dans le pays de son choix : ce sont des libertés essentielles auxquelles il est possible, comme à toutes les libertés, d’apporter des restrictions, mais qui ne doivent pas être sacrifiées aux politiques protectionnistes des États. En tout état de cause, le recours à une politique unilatérale de quotas, y compris professionnels, ne peut être une réponse acceptable, dès lors qu’elle peut conduire à priver les pays les plus pauvres de personnes formées dont ils ont besoin.

Si un État entend réglementer ce droit au séjour durable, c’est-à-dire conférer ou non la qualité de « résident » (au-delà du court séjour lié à l’exercice de la liberté de circulation), ce ne devrait être qu’en fonction de sa capacité de garantir concrètement l’exercice de leurs droits aux migrants, en apportant la preuve des difficultés qu’il invoquerait pour expliquer cette restriction et en instituant des mécanismes assurant la protection des droits universels (santé, éducation, vie familiale normale) contre l’arbitraire, l’égalité réelle d’accès au droit au recours et le caractère suspensif des recours étant ici d’une importance décisive.

En un mot, nous ne retrouverons le chemin de l’humanité commune qu’en refondant les politiques migratoires sur le respect de tous les droits partout et pour tous.

C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme se bat pour l’abrogation des visas de court séjour, pour la dépénalisation du séjour irrégulier, pour la suppression effective de la « double peine », pour la suppression des zones d’attente et des centres de rétention, pour l’interdiction d’expulser des étrangers installés durablement en France ou en Europe, pour la généralisation du caractère suspensif des recours judiciaires et administratifs concernant le séjour des étrangers, pour le rétablissement du droit au travail pour les demandeurs d’asile, et pour la ratification de la Convention des Nations unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

En rappelant ces principes et en formulant ces revendications, la LDH poursuit l’œuvre qu’elle a entreprise depuis sa fondation : porter assistance à ceux qui sont victimes de l’injustice et de l’arbitraire, mais aussi restituer à l’humanité tout entière l’universalité et l’indivisibilité de ses droits.

Dominique Guibert, secrétaire général de la LDH

Les députés votent la création de 24000 prisonniers supplémentaires

Le Monde titrait hier, le 29 février : « Le Parlement vote la création de 24000 places de prison en cinq ans ».

En réalité, le Parlement a voté la création de 24000 prisonniers en cinq ans.

C’est Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, éminent avocat, qui, non seulement le dit, mais le prouve, avec l’autorité que ses 56 années d’exercice du métier d’avocat lui donne. Vous pouvez l’écouter en regardant ici la vidéo de sa conférence à Quimper du 17 février dernier. Il se base sur les statistiques de l’administration pénitentiaire :

il y a 3 ans, on a décidé l’ouverture de 3077 places supplémentaires en prison. Avec évidemment toujours le même argument humanitaire : la lutte contre la surpopulation carcérale. Non seulement trois ans plus tard, la surpopulation carcérale n’a pas diminué : au 15 janvier 2012 il y avait 65262 prisonniers, pour 57255 places, mais la population carcérale a augmenté de 3094 prisonniers : 3077 places nouvelles, 3094 prisonniers. C’est ce qui s’appelle de l’optimisation des moyens…

Henri Leclerc avait observé le même phénomène en 1986, quand le ministre de la justice Albin Chalandon avait ouvert 13000 places de prison. L’avocat avait alors écrit un article prédisant qu’on aurait 13000 prisonniers de plus : trois ans plus tard, c’était fait.

Comme le dit Henri Leclerc, nous n’avons pas besoin de places supplémentaires en prison, nous avons besoin d’une véritable politique pénale, qui remette à leur place les peines alternatives auxquelles on renonce aujourd’hui pour des questions de moyens, et qui pourtant, et tout le monde le sait, y compris leurs pourfendeurs, sont les moyens les plus efficaces contre la récidive, si chère à certains politiciens.

60 millions de suspects fichés

La nouvelle carte d’identité que le gouvernement entend introduire est une arme de guerre : elle contiendra des données biométriques, et son utilisation reviendra à créer un fichier de l’ensemble de la population française, accessible par la police et autres services. Tous les avertissements lancés par les spécialistes (voir ici l’article de Jean-Marc Manach, sur le « fichier des gens honnêtes), et par les partis d’opposition ont été vains : la vision sécuritaire et suspicieuse de la majorité l’a emporté.

Une pétition est en ligne en ce moment, pour tenter à nouveau d’empêcher cette opération. Intitulée « en 2012, sauvons la vie privée », elle a reçu le soutien de très nombreuses associations (dont la Ligue des droits de l’Homme) et de nombreuses personnalités. Il est urgent de la signer ici. En voici le texte.

Pétition : En 2012, sauvons la vie privée !

Pour un véritable droit d’opposition à l’informatisation de nos données personnelles.

Pour signer la pétition rendez-vous ici.

Notre vie privée est en danger ! Dans tous les domaines de la vie socio-économique – éducation, santé, protection sociale, administrations locales et centrales, instances financières et policières, etc. -, chacun d’entre nous se retrouve dépossédé arbitrairement de ses propres données personnelles, pour devenir l’objet d’une surveillance insidieuse échappant à tout contrôle légal réel.

Un contrôle informatique total

En ce début 2012, en dépit des apparences, nous voici passés sans coup férir d’une société démocratique à une société de suspicion généralisée, perturbant gravement notre relation aux autres et au monde. Sans parler de la prolifération des autres méthodes de « protection » électronique susceptibles de vérifier nos moindres faits et gestes (puces RFID d’identification par radiofréquence, géolocalisation par GPS, vidéosurveillance, biométrie, titres de transport, Internet, téléphones mobiles, etc.), l’informatisation de nos données personnelles s’effectue aujourd’hui de façon occulte et accélérée, sans réelle information, sans réel consentement. Ce fichage tentaculaire intéresse aussi bien l’Education nationale (Base élèves, fichier SCONET pour le secondaire, fichage des décrocheurs…), le travail social (action sociale des Conseils généraux, mairies et CCAS, allocataires de minima sociaux, SIAO pour les sans domicile…), les contribuables et les consommateurs, les clients des banques et des assurances, les personnes de nationalité étrangère (fichiers OSCAR de l’aide au retour, application de gestion AGDREF…), celles placées sous main de justice (gestion informatique des détenus GIDE, fichier FIJAIS des auteurs d’infractions sexuelles…), celles suivies en psychiatrie (RIMP, HOPSY)… Cependant que l’on dénombre environ 80 fichiers de police, catalogues présomptifs truffés d’erreurs concernant par dizaines de millions les simples suspects de délits commis ou à venir, et même les simples opposants politiques (fichiers STIC des infractions constatées, FNAEG des empreintes génétiques, PASP des atteintes à la sécurité publique, projet de fichier centralisé des données identitaires et biométriques, etc.).

C’est ainsi l’ensemble des populations susceptibles de poser problème à l’ordre en place qui sont fichées, et finalement nous tous, notamment avec le Livret personnel de compétences expérimental qui livrera bientôt notre parcours scolaire puis professionnel au bon vouloir des employeurs. Notre vie privée devient malgré nous d’autant plus dévoilée que l’interconnexion entre ces fichiers progresse à grands pas, autorisée par le répertoire de protection sociale RNCPS, le fichier du RSA ou les fichiers fiscaux pour la chasse aux fraudeurs et autres mauvais payeurs, par la LOPPSI II pour les fichiers de police, enfin par la loi Warsmann de « simplification du droit », qui permet désormais l’échange des données personnelles par toutes les administrations…

Comment sélectionner les populations en douceur

S’imposant à coups de lois, de simples arrêtés et de décrets incessants, on constate que ce fichage illimité s’effectue sous le couvert de la neutralité technique et comptable : « qualité » du service rendu, connaissance statistique et « traçabilité » des informations, « gestion » de telle ou telle catégorie (élèves, étrangers, pauvres, « vulnérables »…), « sécurité » publique et plus particulièrement lutte contre la fraude et contre la délinquance, ou encore « prévention » des comportements dangereux (enfants « à haut risque », détenus suicidaires, malades mentaux…). Mais en réalité, un tel « traitement » a pour principal résultat d’effectuer un tri des populations concernées, pour en assurer le contrôle socio-économique : tous ceux qui « ne rentrent pas dans les cases » des critères autorisés sont automatiquement repérés pour être pénalisés.

Contrairement à ce que les instances officielles comme la CNIL mettent en avant, le respect de la confidentialité des données personnelles par la multitude d’agents sociaux qui y ont accès (agents dont le secret professionnel légalement garanti deviendrait « partagé »), n’est donc pas le seul problème soulevé par le fichage. Certes, des affaires de piratage ou de divulgation à grande échelle ont défrayé la chronique ces dernières années, révélant qu’il est facile de pénétrer ou de détourner les fichiers informatiques aussi étroitement « sécurisés » soient-ils. Mais un danger encore plus grand pour les libertés publiques réside dans l’existence d’une finalité discriminatoire qui sauterait aux yeux si elle n’était massivement niée : en fait, l’usage normatif de toute cette technologie de contrôle numérique est la sélection concurrentielle – écarter « en douceur » les incapables et les déviants, pour mieux convaincre la plupart de s’y soumettre aveuglément !

L’informatisation aurait-elle tous les droits ?

Pourtant, la vie privée est protégée par la loi : Code civil, Convention européenne des droits de l’Homme, Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 enfin : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée (…). Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions (…) » (article 12). Par ailleurs, « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression », droits imprescriptibles de l’Homme inscrits dans la Constitution, constituent une norme légale supérieure à toute décision possiblement arbitraire de l’Etat. Enfin, le principe républicain d’égalité fait obstacle à toute entreprise de compétition ou de sélection à laquelle les citoyens seraient abusivement contraints de participer…

Force est cependant de constater que dans la révision de 2004 de la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés », le législateur n’a pas respecté cette hiérarchie des normes essentielle à la protection des libertés fondamentales : la nécessité du consentement individuel est bien rappelée, autrement dit la légitimité du droit d’opposition à l’informatisation de ses données personnelles (articles 7, 8 et 38). Mais pour disparaître comme par enchantement « lorsque le traitement (informatique) répond à une obligation légale » ! Quant à la CNIL, elle a été vidée de tout rôle décisionnel : les rares réserves qu’elle émet quand elle est consultée ne pèsent pas lourd face au déferlement des dispositions gouvernementales ou législatives, la conduisant finalement à cautionner la finalité « loyale, déterminée, explicite et légitime » du fichage généralisé qui se met en place (article 6). Pourtant, le rôle de la CNIL devrait être de défendre sans relâche la loi en question : « L’informatique ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’Homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » (article 1er). De fait, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne confirme clairement que les données personnelles doivent être traitées « sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi » (article 8). C’est pourquoi le Conseil d’Etat a reconnu en juillet 2010 la légitimité du droit d’opposition au fichier Base élèves, et plusieurs Conseils régionaux viennent de se prononcer comme en Midi-Pyrénées pour demander « le retrait de tous les outils de fichage numérique notamment dans l’Education nationale ». Jusqu’au Code pénal qui punit « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne » (article 226-18) !

Aux chiffons les fichiers !

En ce début 2012, contre un fichage informatique des données personnelles aussi profondément abusif, au point de se ficher de la loi elle-même, il est grand temps de rééquilibrer la balance ! Comme leur nom l’indique, nos données personnelles relèvent strictement de notre vie privée, et nulle autre instance n’est habilitée à se les approprier et en faire usage sans attenter gravement aux droits fondamentaux de chacun et de tous. Agissons sans tarder pour défendre notre vie privée et nos libertés individuelles et publiques :

  • Que chaque usager, chaque citoyen concerné n’hésite pas à s’opposer par toute action en justice appropriée à l’atteinte illégale à la vie privée que représente l’informatisation contrainte et forcée de ses données personnelles ;
  • Que chaque acteur du sanitaire et du social soumis au secret professionnel défende son respect le plus strict. En tout état de cause, hors usage administratif très étroitement encadré, l’informatisation devrait rester restreinte et facultative, pour ne pas risquer de trier les usagers et de déposséder les professionnels du sens de leur métier en les transformant en agents de contrôle social et comptable ;
  • Que la CNIL fasse désormais preuve d’une réelle indépendance démocratique, pour devenir une « Commission nationale des libertés face à l’informatique » (CNLI), aux prérogatives judiciaires affirmées. En particulier, elle doit faire valoir son opposition la plus claire à toute extension et toute interconnexion des fichiers de contrôle et de sélection socio-économiques, réclamer la révision des lois abusives récentes qui ont rendus ces derniers possibles, et faire respecter en toute circonstance l’obligation légale supérieure de recourir au consentement des personnes concernées ;
  • Enfin, que le Conseil constitutionnel établisse le consentement individuel, et partant le droit d’opposition à l’informatisation de ses données personnelles, pour toutes les raisons que nous avons évoquées, comme un droit constitutionnel imprescriptible.

Nous attendons que les candidats à l’élection présidentielle de mai 2012 prennent position et s’engagent sur ces différents points.

EN 2012, REFUSONS LE FICHAGE INFORMATIQUE !

Premières organisations signataires :

Advocacy France – Association nationale des assistants de service social (ANAS) – Appel des appels – Association suicides dépressions professionnels (ASD Pro) – Association pour la taxation des transactions et l’action citoyenne (ATTAC France) – Collectif contre la nuit sécuritaire (les 39) – Collectif contre la politique de la peur – Collectif « Mais c’est un homme » – Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE) – Convergence services publics – Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité – Droits et libertés face à l’informatisation de la société, santé mentale Rhônes-Alpes (DELIS smra) – Fondation Copernic – Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) – Ligue des droits de l’Homme (LDH) – Mouvement antidélation – Nouveau parti anticapitaliste (NPA) – Observatoire international des prisons (OIP) – Parti de gauche (PG) – Parti communiste français (PCF) – Privacy France – Sud santé sociaux – Syndicat de la magistrature – Syndicat de la médecine générale (SMG) – Syndicat national unitaire des agents des collectivités locales, des ministères de l’intérieur, des affaires sociales et des finances (SNUCLIAS-FSU) – Union des familles laïques (UFAL) – Union syndicale de la psychiatrie (USP).

Premières personnes signataires :

  • Michel Antony, responsable national associatif
  • Mathieu Bellahsen, psychiatre de secteur, Paris
  • Annelyse Benoît, directrice d’école, résistante au fichage des enfants par Base élèves
  • Martine Billard, députée de Paris, co-présidente du Parti de Gauche
  • Matthieu Bonduelle, président du Syndicat de la magistrature
  • Philippe Borrel, réalisateur, Paris
  • Martine Boudet, professeure de Lettres, responsable associative
  • Christine Buzzini, directrice d’école, résistante au fichage des enfants par Base élèves
  • Alain Chabert, psychiatre
  • Mireille Charpy, militante SNUIPP et LDH, Grenoble
  • Patrick Chemla, psychiatre
  • Thomas Coutrot, économiste
  • Nadia Doghramadjian, Secrétaire Générale adjointe de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Jean-Pierre Dubois, Président d’Honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Françoise Dumont, Vice-Présidente de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Martine Dutoit
  • Hélène Franco, membre du Conseil national de campagne du Front de Gauche, coordinatrice du Front de Gauche thématique « droits, justice, libertés »
  • Véronique Gallais, co-fondatrice d’Action Consommation, membre du conseil scientifique d’ATTAC France
  • Philippe Gasser, psychiatre
  • Samuel Gautier, Observatoire international des prisons (OIP)
  • Claire Gekière, psychiatre
  • Roland Gori, professeur émérite de psychopathologie à l’université d’Aix Marseille, psychanalyste
  • Odile Gormally, secrétaire DELIS SMRA, psychologue
  • Catherine Grèze, députée européenne
  • Catherine Jouanneau, secrétaire nationale du Parti de Gauche chargée de la santé
  • Serge Klopp, responsable psychiatrie du PCF, collectif des 39 contre la nuit sécuritaire
  • Olivier Labouret, psychiatre, président de l’USP
  • Michel Lallier, représentant syndical CGT au sein du Haut Comité à la transparence nucléaire
  • Christian Laval
  • Christian Lehmann, médecin généraliste, écrivain
  • Danièle Lochak, juriste-universitaire
  • Claude Louzoun, collectif « Mais c’est un homme », Comité européen droit, éthique et psychiatrie
  • Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à l’élection présidentielle, député européen
  • Jean-François Mignard, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Odile Morvan, psychologue clinicienne, docteur en psychologie, psychanalyste (SPP)
  • François Nadiras, militant LDH, Toulon
  • Pierre Paresys, psychiatre, USP
  • Bruno Percebois, Seine Saint Denis, Syndicat national des médecins de PMI
  • Philippe Pineau, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Anne-Marie Pons, directrice d’école, résistante au fichage des enfants par Base élèves
  • Michel Poulet, secrétaire-adjoint du SDAS 67 cgt-FO
  • Gislhaine Rivet, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Didier Rod, médecin, ancien député européen
  • Malik Salemkour, Vice-Président de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Evelyne Sire-Marin, magistrat, membre de la Fondation Copernic
  • Mylène Stambouli, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Pierre Tartakowsky, Président de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Jérôme Thorel, Privacy France
  • Christine Tréguier, membre de Privacy France
  • Michel Tubiana, Président d’Honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Joseph Ulla, enseignant, Aveyron
  • François Vaillant, rédacteur en chef
  • Jean-Claude Vitran, militant des droits de l’homme
  • Elisabeth Weissman, journaliste, essayiste

Mara Kanté : acquitté après 29 mois de détention

Ça s’est passé il y a tout juste quatre ans : les émeutes de Villiers-Le-Bel. Quarante jeunes sont interpellés. Mara Kanté est accusé d’avoir tiré sur les policiers. A l’issue de sa garde à vue, il est aussitôt incarcéré, en attendant son procès en cour d’assise. Condamné à 3 ans de prison en première instance, il retourne en prison. Le parquet fait appel (il demandait 15 ans) : il est acquitté après ce second procès. Il n’a jamais cessé de clamer son innocence.

Aujourd’hui, Mara Kanté est amer. Son rêve, devenir footballeur professionnel (il avait de réels dons) est anéanti. Il vient d’adresser une lettre au président de la République. Merci à « Timoxana » de m’avoir signalé cette lettre !).

Lire ici l’interview de Mara Kanté dans Le Parisien, qui publie cette lettre.

Monsieur le président,

J’ai l’honneur de vous adresser la présente, les questions que je me pose justifient qu’elles soient posées au Président de tous les Français.

Je m’appelle Mara KANTE, je suis le fils de Boubou KANTE qui a travaillé pour vous lorsque vous étiez Maire de Neuilly-sur-Seine, et qui a été décoré deux fois par la ville, j’ai 25 ans et j’ai été victime d’une terrible erreur judiciaire, qui a complétement détruit ma vie et celle de ma famille.

Le 23 février 2008, j’étais mis en examen pour tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique et placé sous mandat de dépôt criminel, alors même que je clamais mon innocence.
Je n’avais jusqu’alors jamais eu affaire ni à la police ni à la justice, j’avais 20 ans et je pensais avoir un bel avenir devant moi.

Parce qu’il s’agissait des émeutes de Villiers-le-Bel, ma famille a été piétinée, ma maison saccagée.
Parce qu’il s’agissait des émeutes de Villiers-le-Bel, j’ai été écroué à la maison d’arrêt de Fresnes et placé en isolement médiatique pendant 11 mois.
Comme cela ne suffisait pas, j’ai ensuite été transféré à la maison d’arrêt de Villepinte en tant que détenu particulièrement surveillé, et ce pendant 19 mois et un 1 à la maison d’arrêt d’Osny. Dans les trois cas toute activité m’était interdite formation, école, travail, sport en groupe,
J’ai eu beau continuer à clamer mon innocence, à dire que le dossier contre moi était vide, je perdais pourtant des années précieuses en détention.

J’étais finalement renvoyé devant la Cour d’Assises, une première fois en 2010, où alors que le dossier apparaissait encore plus vide, le Procureur demandait 15 ans contre moi et que j’étais finalement acquitté des tentatives de meurtre mais condamné à la peine de trois années d’emprisonnement pour détention, port et transport d’armes de 1ere et 4eme catégorie correspondant quasiment jour pour jour au temps que je venais de passer en prison. Faits pour les quels je clamais mon innocence<;

Le Parquet, pourtant, relevait appel de cette condamnation et j’étais jugé une seconde fois en 2011, où cette fois-ci, la souveraineté populaire décidait de m’acquitter sur l’ensemble des faits qui m’étaient reprochés.
C’est peut être en homme libre que je sortais de la Cour d’Assises des Hauts de Seine le 21 octobre 2011, mais en homme amère que je vis aujourd’hui.

Depuis cette terrible affaire, je n’avance plus dans la vie.

J’avais 20 ans quand j’ai été enfermé comme un animal, n’ayant que ma voix, alors inaudible, pour crier haut et fort, du fond de mon trou, en vain, mon innocence.
Je n’ai pas été entendu.

J’avais 20 ans et j’aspirais à vivre de ce que je savais faire de mieux, le football, et on me disait talentueux.
Trois années passées derrière les barreaux ont mis un terme à ce rêve, ont mis à mal tous mes espoirs, je ne serai jamais footballeur.

Je dois aujourd’hui réapprendre à vivre alors que mon nom fait peur, mon origine fait peur, l’histoire que je traine comme un boulet fait peur.
Je dois réapprendre à vivre, alors que ma jeunesse a été volée, que ma liberté m’a été volée, que ni mon égalité ni ma fraternité n’ont été respectées.
Chaque jour est un dur combat pour subvenir à mes besoins.

Je suis fier d’être français, fier d’être de Villiers-le-Bel, fier d’être noir.
La seule chose qu’il me reste aujourd’hui est ma détermination;

Parce que vous êtes le Président de tous les Français, je m’adresse à vous pour savoir ce que mon pays fait face à cette situation, ce que le Président de tous les Français peut dire à un jeune homme comme moi, brisé par une machine judiciaire aveugle, sourde, et toujours irresponsable, ce que le Président de tous les Français peut faire pour un jeune homme comme moi, ce que le Président de tous les Français peut faire pour éviter que des hommes comme moi, vivent ce que j’ai vécu, et perdent tout comme j’ai tout perdu.

SOUTIEN AU PEUPLE GREC !

Depuis deux années, le Peuple Grec est soumis à une tyrannie financière, qui conduit aujourd’hui les familles à abandonner leurs enfants aux bons soins des écoles publiques, faute de pouvoir les nourrir elles-mêmes. Des milliers de sans-abri errent dans les rues, des gens qui à l’été dernier encore avaient emploi, logement, famille.

Dimanche 12 Février, le parlement grec a voté un plan terrifiant d’austérité, en préalable à une aide de la part de l’UE. Mardi 14 Février, jour de la St-Valentin, fête de l’Amour, l’UE refuse de reconnaître ce plan comme suffisant, et réclame plus encore.

Le Peuple Grec est sacrifié sur l’autel de la Banque !

Son gouvernement est dirigé par un technocrate non élu !

Ses sacrifices, de l’aveu même de ceux qui les réclament, ne seront pas en mesure de le sauver de la banqueroute !

Des menaces identiques pèsent sur le Portugal, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie, la France, à travers la signature du traité MES.

SOUTENONS LE PEUPLE GREC !

Samedi 18 Février, 15h33 C.C. Les Champs

Journée mondiale de soutien, relayée par l’Assemblée Populaire de Saint-Brieuc

Télécharger le tract

Exigeons qu’Alfredo Altamirano puisse rester en France

De gauche à droite: Alfredo Altamirano, chef opérateur, Marianne Fabbro, l'actrice principale, et Damien Lecointre-Nédélec, le réalisateur, pendant le tournage d'"Axelle en hiver" (photo Le Télégramme)

Alfredo Altamirano, d’origine mexicaine, est arrivé en France il y a dix ans. Il avait alors 17 ans. Il est aujourd’hui photographe, et chef opérateur. Il a signé les images de nombreux films, parmi lesquels « Axelle en hiver » (tourné en partie à Loudéac), « La coccinelle et la souris » (sa filmographie ici).

Mais tout ça, c’était avant. Avant Guéant. Car Alfredo vient de recevoir un arrêté de reconduite à la frontière pour le 28 février.

Marion, son amie, ne comprend pas : « Il est en France depuis bientôt 10 ans, y est devenu un adulte, s’y est formé.  Il travaille en tant qu’auto-entrepreneur, paie des impôts, ne bénéficie d’aucune aide ou allocation. Tout ceci est délirant ». Elle ajoute : « cette décision est absurde et motivée hélas par le durcissement des lois en matière d’immigration professionnelle (Circulaire sur l’immigration de Claude Guéant du 31 mai 2011) ».

Marion ajoute : « beaucoup de professionnels du cinéma se mobilisent déjà en nous envoyant des lettres de soutien à joindre au recours (Agnès Varda, Valérie Donzelli, et bien d’autres, …), mais plus nous en aurons, plus nous aurons d’impact. Si vous connaissez des personnes susceptibles par leur fonction ou leur notoriété d’avoir une influence, nous  sommes preneurs. Pour toute question, me contacter au 06 81 54 58 28 »

Lire aussi sur le site « Ecran noir » qui explique précisément l’affaire.

Le texte de la pétition, à signer ici :

Pour : Monsieur Besse, chef du 6e bureau de la Préfecture de Police, Direction de la Police Générale, Sous-direction de l’administration des étrangers, Ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration,  Monsieur le Préfet de Police de Paris

Nous, citoyennes françaises, citoyens français, demandons le réexamen de l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière de Monsieur Alfredo Altamirano en date du 28 janvier 2012.

Alfredo est un jeune chef opérateur d’origine mexicaine, dont le talent est reconnu par ses pairs dans le milieu du cinéma français et dont la qualité des personnes le soutenant déjà parle d’elle-même :

  • Agnès Varda, réalisatrice
  • Agnès Jaoui, réalisatrice et comédienne
  • Mathieu Demy, réalisateur et comédien
  • Valérie Donzelli, réalisateur et comédienne
  • Jérémie Elkaïm, comédien
  • Caroline Champetier, présidente de l’AFC, association Française des directeurs de la photographie Cinématographique
  • Chantal Richard, co-présidente de la Société des Réalisateurs Français
  • Michel Andrieu co-président de la Société des Réalisateurs Français
  • AOA Association des opérateurs associés
  • Christophe Girard, adjoint au Maire de Paris, Chargé de la Culture
  • Dominique Païni, directeur de la Cinémathèque Française de 1990 à 2000 et du Centre Pompidou de 2000 à 2005
  • Jean-Michel Rey, directeur de la société de production Rezo Films
  • Alexandra de Broca, veuve de Philippe de Broca
  • Dinara Droukarova, comédienne
  • Lucile Hadzihalilovic, réalisatrice
  • Bruno Madinier, comédien
  • Rebecca Zlotowski, scénariste et réalisatrice
  • Jean-Michel Frodon journaliste, critique et historien du cinéma – directeur des Cahiers du cinéma de 2003 à 2009
  • Thierry Méranger, critique et rédacteur aux Cahiers du cinéma

Alfredo est arrivé en France à l’âge de 17 ans, il y a passé son bac, fait ses études supérieures en école de Cinéma à Nantes, est auto-entrepreneur depuis 2008. Il se trouve donc ses propres emplois, et génère ses propres salaires et cotisations.

Par ailleurs, il n’a jamais demandé aucune aide, allocation ou chômage.

Il n’a certes pas de revenus réguliers mais ils correspondent à ceux d’un jeune en début de carrière dans l’industrie du cinéma et son parcours est déjà extrêmement prometteur.

Alfredo est à nos yeux aussi français que nous-même. Il a ici ses amis, son couple, une famille d’accueil. Nous sommes fiers de profiter de sa sensibilité, riche du mélange de ses deux cultures française et mexicaine.

Nous citoyennes françaises et citoyens français ne comprenons pas quel bénéfice la France pourrait tirer de son départ et de la perte de son talent.

Nous citoyennes françaises et citoyens français ne comprenons pas quel préjudice sa présence sur notre territoire pourrait nous causer.

Si Alfredo par cette décision, est rejeté de notre état français, alors nous le sommes tous aussi.

Non à l’enfermement des enfants !

En 2010, 358 enfants ont été enfermés dans des centres de rétention administrative. 80% d’entre eux avaient moins de 10 ans, et en janvier 2011, un bébé de 3 mois a été enfermé au CRA de Rennes Saint-Jacques. Toujours en 2010, 518 autres enfants ont été retenus en « zones d’attente » (zone destinée à retenir les étrangers, la plupart du temps dans les aéroports, voir détail en bas de page).

Il y a quelques jours, l’observatoire de l’Enfermement des Etrangers et le Réseau Education Sans Frontières a réuni deux cents personnes à la Bourse du Travail, à Paris. Elles ont lancé un appel contre l’enfermement des enfants, et une pétition est en ligne sur le site de RESF. Lire aussi ici.

Télécharger le texte de l’appel.

Signer la pétition.

Réseau Éducation Sans Frontières (RESF)

Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE*)

Il faut en finir avec l’enfermement des enfants étrangers !

165 en 2004,

242 en 2007,

318 en 2009,

356 en 2010.

C’est le nombre d’enfants privés de liberté parce que leurs parents sont sans papiers. Au motif que leur situation administrative n’est pas a jour — c’est la leur seul crime — de plus en plus de familles sont aujourd`hui détenues dans des centres de rétention administrative (CRA). Ce sont parfois de très jeunes enfants : 80% de ceux qui sont enfermés en CRA ont moins de 10 ans. Et encore ces chiffres sont bien plus conséquents si l’on prend en compte l’Outre—mer: dans la seule petite ile de Mayotte, en 2010, 6400 mineurs ont été éloignés de force.

En zone d’attente1, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 1038 mineurs étrangers isoles (sans leurs parents) ont été bloqués à la frontière française en 2008, 698 en 2009 et 518 en 2010 (parmi lesquels 101 ont été refoulés). Les enfants de 13 a 18 ans sont généralement enfermés dans les mêmes locaux que les adultes.

Priver de liberté des dizaines de milliers d’étrangers – parfois jusqu’a 45 jours – pour des raisons administratives est l’affichage le plus visible de la politique du gouvernement en matière d’immigration et de ses objectifs chiffrés. L’ouverture, en aout 2011, de 40 places pour les familles et l’installation de structures d’accueil et aires de jeux dans le nouveau CRA du Mesnil-Amelot, envoient le signal d’une augmentation voulue et programmée de l’enfermement des enfants. Tires du lit au petit matin ou arrêtes avec leur père, leur mère, leurs frères et sœurs, séparés de leurs amis, privés d’école, ces enfants s’en remettront-ils ? Ils sont enfermés près des aéroports, gardés par des policiers, derrière des grillages, à chaque déplacement ils voient devant eux leurs parents menottés. La peur de l’expulsion ne les lâchera plus.

L’enfermement des enfants et des mineurs étrangers, seuls ou avec leurs parents, heurte les principes protégés par des textes internationaux dont la Convention Européenne des Droits de l`Homme (CEDH) et la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies rappelle régulièrement la France a l’ordre à ce sujet. En vain : ne serait-ce que pendant l’été 2011, des dizaines d’enfants ont été arrêtés à leur domicile avec leurs parents, et placés en rétention.

Nous exigeons que cesse immédiatement et définitivement l’enfermement des enfants et mineurs étrangers.

PREMIERS SIGNATAIRES:

Dominique Attias, avocate, membre du Conseil national des Barreaux en charge du groupe de reflexion sur le Droit des Mineurs, Geneviève Brisac, éditrice pour enfants et adolescents a l‘École des Loisirs, écrivain, Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants, Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, Jacques Hintzy, Président de l’Unicef France, Pierre Joxe, avocat au Barreau de Paris, membre de l’Antenne des mineurs, Premier président honoraire de la Cour des comptes, Marie-Rose Moro, Professeure de pedopsychiatrie, Paris Descartes, Georges Picherot, chef de service de pédiatrie au CHU de Nantes, Jean-Pierre Rosenczveig, magistrat, président de Défense des Enfants International – France, Didier Sicard, président d’honneur du Comite consultatif national d’éthique, Catherine Sultan, présidente de l’association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.

*Sont membres de l‘Observatoire de l’Enfermement des Étrangers (OEE) :

ACAT-France, Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), Anafe, Comede, Emmaùs France, Fasti, Gisti. La Cimade, Ligue des droits de l’homme, MRAP, revue Pratiques, Syndical des avocats de France (SAF), Syndicat de la magistrature (SM), Syndicat de la médecine générale (SMG), le Secours Catholique.

Février2012

(Les zones d’attente sont des espaces dans lesquels les étrangers arrivant en France attendent que l’on décide de les autoriser (ou non) à entrer sur le territoire national. Elles sont situées dans les aéroports, les ports, les gares qui desservent l’international. Ces espaces ne sont pas considérés comme des portions du territoire français, et du fait de cette fiction juridique les étrangers qui s’y trouvent ne sont pas considérés comme officiellement en France. Leurs droits s’en trouvent donc restreints.)