Le « couac » du préfet du Maine-et-Loire

L’orchestre national des Pays de Loire a recruté il y a quelques semaines, une violoniste coréenne. Une virtuose, âgée de 26 ans, qui vient de remporter un concours, et recrutée en tant que soliste. Elle vivait auparavant en France avec un titre de séjour « étudiant ».

Un beau jour, le 19 décembre, écrit le journal « Presse Océan », le directeur de l’orchestre, Alain Gralepois, reçoit un appel de Richard Samuel, préfet du Maine-et-Loire.
Alain Gralepois raconte : « La teneur de la conversation était sans équivoque : le préfet m’a demandé pourquoi l’orchestre avait fait le choix d’une musicienne coréenne et non française».

C’est vrai, ça, pourquoi ? Et figurez-vous cet orchestre ne se contente pas de recruter des musiciens étrangers (il y a d’autres musiciens étrangers dans l’orchestre) : il programme aussi des pièces de musiciens étrangers ! Rien que pour le mois de février 2012, il va infliger Taïkovsky, Prokoviev et Beethoven ! Il était temps que ce scandale cesse !

Le préfet s’est mollement défendu par le désormais classique « on me fait dire ce que je n’ai pas dit », et dénonce une « interprétation polémique » et une « instrumentalisation politique ».

Alain Gralepois quant à lui est persuadé qu’il s’agit d’un « excès de zèle », dans l’application des directives de Guéant sur l’immigration.

La jeune musicienne devait, pour pouvoir jouer, avoir une carte professionnelle ; sa situation devait être régularisée rapidement par l’obtention de nouveaux papiers.

Une famille kosovare avec un enfant malade expulsée

Photo Sébastien Laporte, L'Union presse

Les parents et leurs deux enfants, des jumeaux, ont été arrêtés mercredi matin 18 janvier à leur domicile, et expulsés le lendemain vers Pristina. Les deux enfants, de dix ans, étaient scolarisés dans une école de Châlons-en-Champagne, et l’un d’eux devaient subir, au mois de mars, une intervention chirurgicale, à la suite d’un accident vasculaire cérébral qui l’a rendu paralysé. Cette opération, qui devait être pratiquée au CHU de Reims, était destinée à améliorer sa mobilité.

Dès que la nouvelle a été connue, le Réseau éducation sans frontière, les enseignants et les parents d’élèves de l’école Branly, où les deux jeunes garçons étaient scolarisés, se sont fortement mobilisés, et ont organisé une opération « école morte ». Une centaine de personnes se sont rassemblées dès jeudi devant l’école, tandis que «l’équipe d’enseignants (…), particulièrement choquée par cette expulsion soudaine a décidé de ne pas assurer les cours tout en accueillant les élèves», a indiqué le directeur, Luc Neuhauser.

Rien ne semble plus arrêter le zèle du ministre de l’intérieur, qui, entre tournées électorales et annonces de chiffres truqués, consacre le plus clair de son temps à harceler les étrangers, par tous les moyens.

Source : Libération, le Nouvel Observateur, l’Union.

Guéant en tournée électorale dans le département : le collectif contre le racisme et pour la solidarité réagit

Le ministre de l’intérieur sera cet après-midi dans la région : à Merdrignac pour la pose de la première pierre de la future gendarmerie, à Loudéac où il rencontrera des élus, et à Saint-Thélo où il s’est invité à la cérémonie des vœux de la municipalité.

Le collectif briochin contre le racisme et pour la solidarité (qui regroupe des associations telles que la Cimade, RESF, la Ligue des droits de l’Homme, des syndicats et des partis politiques), a lutté pendant des mois pour que la préfecture applique simplement la loi, c’est à dire loge les demandeurs d’asile en errance à Saint-Brieuc et dans le département, réagit à cette visite par un communiqué qu’il a adressé aux journaux. (Télécharger le communiqué).

Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de l’Immigration peut s’enorgueillir de battre des records : davantage d’expulsions (32.922 en 2011) et moins d’entrées sur le territoire (182.595) – voir les journaux du 11 janvier – la seule question qui vaille est la suivante : est-ce que ces résultats sont bons pour la France ?

Assurément NON. L’image de « patrie des Droits de l’Homme » de notre pays en souffre beaucoup ; on se souvient de l’épisode récent des étudiants étrangers diplômés ne pouvant travailler chez nous ! Dans son histoire, la France a eu besoin des Étrangers (pendant la 2e guerre notamment) ; elle en aura besoin dans un avenir proche, c’est ce que disent tous les démographes. Nous ne pouvons pas continuer à considérer, par principe, que tous les Étrangers sont des tricheurs qui viennent chez nous bénéficier des avantages sociaux. Il y a aussi d’authentiques Réfugiés qui demandent protection. Ils ne peuvent être monnaie d’échange politicienne avec les voix du Front National.

Derrière vos chiffres, Monsieur le Ministre, il y a des détresses humaines réelles et graves. Pour s’en tenir aux Côtes d’Armor en 2011, l’État, c’est à dire vous en première ligne, a mis plus de six mois à respecter les lois de l’asile pour une bonne vingtaine de personnes (dont un 1/3 d’enfants). Les associations du Collectif ont dû vous harceler, forcer un peu la main au SDIS (syndicat départemental d’incendie et de secours) et au Conseil Général pour mettre à l’abri ces personnes pourtant en règle.

Peut-on admettre que c’est « justice » de mettre en rétention une mère sino-mongole et son bébé de 3 mois, comme à Rennes la semaine dernière ? Il n’y a pas de quoi être fier de vos chiffres, c’était la 12e famille placée au centre de rétention de Rennes depuis juillet dernier (soit 23 enfants de 3 mois à 17 ans). Et que dire de cette citation d’un policier du commissariat de Tours à propos de la traque des Sans Papiers, «  on se croirait revenu à l’époque de la seconde guerre mondiale, ça me révulse… » (Voir la Nouvelle République du 30/12/2011).

Voilà l’envers de vos chiffres, M. le Ministre, pour nous, vous trahissez l’humanité et la France que nous voulons et que nous aimons.

Mme Husvisgalt et son bébé de 3 mois libérés

Mme Husvisgalt et son bébé de 3 mois, internés depuis lundi au centre de rétention de Rennes-Saint-Jacques ont été libérés mercredi, grâce à la forte mobilisation qui s’est faite autour de cette affaire scandaleuse.

Peut-être le ministre de la chasse aux enfants, qui vient en visite électorale vendredi 13 janvier à Merdrignac, Loudéac et Saint-Thélo, a-t-il craint que sa promenade ne soit troublée… ?

Un bébé de 3 mois enfermé au centre de rétention de Rennes Saint-Jacques

Les lapins, les faisans et les perdrix d’Île et Vilaine ont de la chance : leur chasse est fermée depuis dimanche dernier, 8 janvier.

En Île et Vilaine, les enfants ont moins de chance : leur chasse est toujours ouverte.

Me Husvisgalt est enfermée depuis lundi 9 janvier au centre de rétention de Rennes avec son bébé de 3 mois.

Me Husvisgalt est sino-mongole. Elle est arrivée en France en janvier 2010 avec son conjoint pour demander l’asile. Suite à leur rejet de demande en juin 2011, la préfecture d’Ille et Vilaine leur a délivré une OQTF (Obligation à Quitter le Territoire).

Jeudi 4 janvier, alors qu’elle allaitait son bébé dans un véhicule stationné aux abords des restos du cœur, où elle venait de s’approvionner en denrées alimentaires, Me Husvisgalt a subi un contrôle d’identité, ansi que 2 compatriotes en situation irrégulière. La police lui a alors remis une convocation pour lundi 9 javier à 10h pour « examen de votre situation administrative ». Elle s’est donc présentée à cette convocation avec son bébé sans son conjoint. La mère et l’enfant ont été placés en rétention.

Depuis le 30 juillet, c’est la 12e famille placée au CRA de Rennes (soit 23 enfants âgés de 3 mois à 17 ans) et la 7e famille arrêtée dans le 35 !

Pour demander la libération de Me Huvisgalt, séparée de son conjoint et enfermée au CRA de Rennes avec Soyld, son bébé de 3 mois, adressez un mail au Préfet du 35 :
prefecture@ille-et-vilaine.gouv.fr

Signataires : la Cimade, RESF 35, MRAP 35.

Contacts : 06 48 26 61 40 (RESF 35)
06 30 27 82 55 (Cimade CRA Rennes)

Afin que cesse définitivement tout placement en rétention d’enfants et de leur famille et que soit appliqué les textes internationaux en particulier la Convention Internationale des Droits de l’Enfant,qui prévoit que toute décision de l’administration doit être prise en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant.

RESF 35 et le MRAP 35 appellent à un rassemblement

Mercredi 11 janvier à 17h devant le CRA de Rennes/Saint Jacques

Une bonne naturalisation est une naturalisation empêchée

La Ligue des droits de l’Homme vient de publier ce communiqué, à la suite des déclarations du ministre de l’intérieur Guéant, qui se félicite de « l’efficacité » de sa politique d’exclusion et de xénophobie.

Le ministre de l’Intérieur plastronne en annonçant  avoir « largement atteint ses objectifs »  pour faire baisser tant l’immigration illégale que légale en France. Claude Guéant a profité de l’occasion pour faire à nouveau état de chiffres liant immigration et délinquance, chiffres une fois encore sortis dont ne sait quel chapeau. Il faut inscrire au chapitre de ce bilan la chute de trente pour cent du nombre de naturalisations. Une situation largement due au durcissement des procédures et conditions d’octroi de la nationalité, parmi lesquelles la maîtrise de la langue et le transfert de compétences aux préfectures… Rappelons que dans les débats qui se sont déroulés dans la dernière période sur le droit de vote des résidents non européens aux élections locales, la droite s’est répandue dans les médias pour opposer à cette mesure une « véritable citoyenneté », passant par… la naturalisation. Une orientation que Claude Guéant s’emploie à réduire comme une peau de chagrin. A moins évidemment qu’à ses yeux, les « bonnes naturalisations » soient justement celles qu’on empêche. Ces affichages martiaux, d’avantage destinés à l’électorat du Front national qu’à toute autre chose, ne font que souligner une double urgence démocratique. D’une part accorder, enfin et comme l’a récemment voté le Sénat, le droit de vote des résidents non européens aux élections municipales ; d’autre part, rompre avec la stratégie de stigmatisation mensongère des populations migrantes ou assimilées.

Guéant, ou la politique de « l’emmerdement maximum »

Un titre provocateur, mais qui en fait reprend ce qu’a répondu le 23 mars 2010, lors de la réunion annuelle sur les zones d’attente, le représentant du ministère à un représentant associatif : « sous la bonhomie et la politesse, vous répondez à l’impérieuse nécessité de l’emmerdement maximum »

La loi garantit aux personnes retenues en zone d’attente, dans les aéroports, d’avoir librement accès à leurs avocats. Depuis quelques semaines, la police de l’air des des frontières (PAF) met tout en oeuvre pour empêcher ces contacts. C’est ce que dénonce l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, l’ANAFE.

Voici son communiqué, que vous pouvez télécharger ici :

Le ministère de l’Intérieur veut-il cacher la façon dont il traite les étrangers aux frontières ?

Depuis plusieurs mois, il ne cesse, à grand renfort d’arguties, de mettre des bâtons dans les roues de l’ANAFE pour l’empêcher d’accomplir sa mission d’assistance auprès des étrangers en zone d’attente – là où sont maintenus ceux qu’on ne veut pas laisser entrer en France. Une attitude qui s’apparente de plus en plus « à l’impérieuse nécessité de l’emmerdement maximum ». Qu’on en juge :

Quand, en septembre 2011, l’ANAFE organise une permanence expérimentale d’avocats dans la zone de Roissy Charles de Gaulle, et bien que la loi garantisse aux étrangers maintenus un accès inconditionnel à leur conseil, la Police aux frontières s’emploie à empêcher cet accès. Et lorsque l’ANAFE obtient que la justice ordonne l’intervention d’un huissier de justice pour constater ces entraves,  le ministère assigne l’association devant le tribunal de Bobigny afin de faire annuler cette intervention.

Le juge s’est prononcé le 4 janvier 2012 en faveur de l’ANAFE en renvoyant le ministère dans ses buts.

Il faut espérer que la leçon portera car cette tentative avortée de cacher ce qui se passe dans les zones d’attente n’est qu’un épisode dans une série d’entraves déjà trop longue.

A trois reprises en novembre et décembre 2011, à l’ANAFE qui demandait l’autorisation pour une délégation de ses représentants de visiter les zones de Marseille, de Mérignac, puis de Nice – ce qui rentre exactement dans les attributions de l’association –, le ministère de l’Intérieur a opposé une fin de non-recevoir.

Lorsqu’en octobre 2011, l’ANAFE sollicite pour une de ses salariées une carte de « visiteur » – délivrance prévue par la loi – pour lui permettre de se rendre dans toutes les zones d’attente, comme l’y appellent ses fonctions, le ministère la lui refuse. Il laisse même entendre, contre toute évidence, que le droit d’accès dont l’intéressée dispose déjà pour entrer dans la zone de Roissy serait incompatible avec des visites d’autres zones ailleurs en France. La juridiction administrative sera saisie contre cette décision absurde.

Malgré ces tracasseries répétées, qui trahissent la volonté avérée du ministère de l’Intérieur de maintenir les zones d’attente dans l’opacité, l’ANAFE reste déterminée à exercer sa mission auprès des personnes qui y sont bloquées et continuera à témoigner de la façon dont elles y sont traitées.
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Anafé, Des avocats aux frontières ! – Bilan de la « permanence d’avocats » organisée dans la zone d’attente de Roissy du 26 septembre au 2 octobre 2011, Décembre 2011. Disponible sur le site www.anafe.org très prochainement.

http://www.anafe.org

Hongrie : c’est « Matin brun » ?

Le parlement hongrois vient de voter une mesure surréaliste. Il a institué une taxe sur les chiens. Pourquoi pas ? ça a du exister en France. Cette taxe se veut proportionnelle à la dangerosité du chien, et s’élèvera à une somme annuelle allant de 6000 à 20000 forints.

Mais ça n’est pas tout. En effet, tous les chiens ne seront pas taxés. Vous pensez peut-être que seront dispensés de taxe les toutous inoffensifs ? Que nenni ! Le site « Hu lala » indique : « Mais rassurons-nous, car dans sa croisade pour la protection des valeurs traditionnelles et du patrimoine historique hongrois, la Fidesz (le parti de Viktor Orban) a décidé que les races hongroises ne seront pas taxées. Ceci épargnera donc les races de chiens originaires de l’ex- « Grande Hongrie » qui trottaient peut-être déjà aux cotés des farouches guerriers nomades magyars en 896 : vizsla, puli, pumi, kuvasz, komondor… » !

Le site poursuit : « la race prime sur la dangerosité : les kuvasz – qui ne seront pas taxés – sont une des races responsable du plus grand nombre de morsures en Hongrie. Dangereux peut-être, mais hongrois avant-tout ! »

Comme le dit le journal Le Monde, le gouvernement ultra conservateur de Viktor Orban « inventa la préférence nationale canine » !

Vous souvenez-vous de ce petit livret écrit par Franck Pavloff, et qui a connu un immense succès, « Matin brun ». L’avant dernier paragraphe est saisissant : « J’aurais dû me méfier des Bruns dès qu’ils nous ont imposé leur première loi sur les animaux. Après tout, il était à moi mon chat, comme son chien pour Charlie, on aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? ça va si vite, il ya le boulot, les soucis de tous les jours »…

Une taxe sur les étudiants étrangers

Dans une tribune publiée dans « Les Echos« , reprise par Rue 89, Vincent Chauvet, président du Modem Science po révèle une mesure dont personne n’avait jusqu’ici parlé, et qui a été incluse dans la loi de finance 2012, qui a été promulguée hier.
Il s’agit rien moins que d’instituer une taxe sur les étudiants étrangers. Explications.

Jusqu’en 2008, la demande et l’obtention d’un titre de séjour pour un étudiant étranger était gratuits. Depuis janvier 2009, le renouvellement du titre de séjour est taxé entre 55 et 70€. A partir du 1er janvier 2012, cette taxe coûtera entre 200 et 385€, à quoi s’ajoutera une « contribution » de 110€, payable au moment du dépôt de la demande, et non remboursable en cas de refus…Voir tous les détails dans les articles des Echos et de Rue 89, en lien en début de cet article.

Guéant avait essayé de calmer le jeu, devant le tollé provoqué par sa circulaire du 31 août sur les étudiants étrangers, et avait déclaré être prêt à revoir sa copie. Il l’a revue.

Le crachat et le rêve français

Amine El Khatmi est un étudiant en master de droit. Il a 23 ans, et milite au parti socialiste. Chose qui lui est régulièrement reprochée, comme si cela enlevait une quelconque légitimité à la lettre qu’il a adressée au ministre de la chasse aux étrangers, Guéant. Sa légitimité à écrire cette lettre, (qui a été publiée le 2 décembre dernier par le quotidien Libération, et reprise depuis par de nombreux sites), il la tire du fait qu’il sait de quoi il parle, puisque c’est la situation de sa mère dont il évoque dans ce courrier. Et c’est édifiant.

En quelques années, la politique xénophobe et raciste mise en place par le pouvoir a rabaissé sérieusement l’image de la France : le pays des droits de l’Homme ne sera plus bientôt qu’un lointain souvenir…

Voici donc la lettre d’Amine El Katmi.

Lettre à monsieur le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration

Monsieur le ministre,

La sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère que vous dirigez vient de signifier à madame S. Boujrada, ma mère, le classement de son dossier et un refus d’attribution de nationalité. «Vous ne répondez pas aux critères», est-il écrit dans un courrier sans âme que l’on croirait tout droit sorti de l’étude d’un huissier ou d’un notaire.

Ma mère est arrivée en France en 1984. Il y a donc vingt-huit ans, monsieur le ministre, vingt-huit ans ! Arrivée de Casablanca, elle maîtrisait parfaitement le français depuis son plus jeune âge, son père ayant fait le choix de scolariser ses enfants dans des établissements français de la capitale économique marocaine.

Elle connaissait la France et son histoire, avait lu Sartre et Molière, fredonnait Piaf et Jacques Brel, situait Verdun, Valmy et les plages de Normandie, et faisait, elle, la différence entre Zadig et Voltaire ! Son attachement à notre pays n’a cessé de croître. Elle criait aux buts de Zidane le 12 juillet 1998, pleurait la mort de l’abbé Pierre.

Tout en elle vibrait la France. Tout en elle sentait la France, sans que jamais la flamme de son pays d’origine ne s’éteigne vraiment. Vous ne trouverez trace d’elle dans aucun commissariat, pas plus que dans un tribunal. La seule administration qui pourra vous parler d’elle est le Trésor public qui vous confirmera qu’elle s’acquitte de ses impôts chaque année. Je sais, nous savons, qu’il n’en est pas de même pour les nombreux fraudeurs et autres exilés fiscaux qui, effrayés à l’idée de participer à la solidarité nationale, ont contribué à installer en 2007 le pouvoir que vous incarnez.

La France de ma mère est une France tolérante, quand la vôtre se construit jour après jour sur le rejet de l’autre. Sa France à elle est celle de ces banlieues, dont je suis issu et que votre héros sans allure ni carrure, promettait de passer au Kärcher, puis de redresser grâce à un plan Marshall qui n’aura vu le jour que dans vos intentions. Sa France à elle est celle de l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1793 qui précise que «tout homme – j’y ajoute toute femme – né(e) et domicilié(e) en France, âgé(e) de 21 ans accomplis,tout(e) étranger(e) âgé(e) de 21 ans accomplis, qui, domicilié(e) en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse un(e) Français(e), ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout(e) étranger(e) enfin, qui sera jugé(e) par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis(e) à l’exercice des droits de citoyen français». La vôtre est celle de ces étudiants étrangers et de ces femmes et hommes que l’on balance dans des avions à destination de pays parfois en guerre.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ayons du mal à accepter cette décision. Sa brutalité est insupportable. Sa légitimité évidemment contestable. Son fondement, de fait, introuvable. Elle n’est pas seulement un crachat envoyé à la figure de ma mère. Elle est une insulte pour des millions d’individus qui, guidés par un sentiment que vous ne pouvez comprendre, ont traversé mers et océans, parfois au péril de leur vie, pour rejoindre notre pays. Ce sentiment se nomme le rêve français. Vous l’avez transformé en cauchemar.

Malgré tout, monsieur le ministre, nous ne formulerons aucun recours contre la décision de votre administration. Nous vous laissons la responsabilité de l’assumer. Nous vous laissons à vos critères, à votre haine et au déshonneur dans lequel vous plongez toute une nation depuis cinq ans. Nous vous laissons face à votre conscience.

Quand le souffle de la gifle électorale qui se prépare aura balayé vos certitudes, votre arrogance et le système que vous dirigez, ma mère déposera un nouveau dossier.

Je ne vous salue pas, monsieur le ministre.

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« Il est dans la nature de l’homme d’opprimer ceux qui cèdent

et de respecter ceux qui résistent. »

Thucydide