Philippe Mao est vice-procureur au parquet de Toulouse. Le 4 janvier dernier, il siégeait au tribunal pour juger un ancien militaire qui avait profané des tombes musulmanes, en y déposant de la couenne de porc. Dans son réquisitoire, Philippe Mao a dénoncé l’atmosphère fétide qui règne depuis quelque temps dans le pays, et qui alimente ce genre de comportements : « Ce que nous avons à juger est le résultat d’un vent mauvais qui souffle sur notre pays depuis plusieurs années et dont je crois pouvoir dire que les plus hautes autorités de l’État n’y sont pas étrangères et contribuent à l’alimenter, même si elles ne sont pas les seules ».
C’en était trop : le député du coin, un certain Bernard Carayon, s’est ému de ces propos, et a saisi le ministre de la justice, en se fendant d’un communiqué : « Ces propos, qui établissent un lien entre cet acte inqualifiable et la politique engagée par le chef de l’État, sont indignes d’un magistrat, profondément anti-républicains et appellent une réponse judiciaire ou administrative appropriée« . Car comme chacun sait, le débat sur « l’identité nationale » était républicain (on ne va pas fâche M. Guaino !), tout comme le sont les propos sans cesse réitérés du ministre de l’intérieur (pas plus tard qu’hier, vendredi 2 mars, il a affirmé à Nancy : accorder le droit de vote aux étrangers pourrait conduire à ce que « des étrangers rendent obligatoire la nourriture halal » dans les cantines (Le Monde). A noter que le gentil député a fait ses armes dans une groupuscule d’extrême-droite.
La réaction du ministre ne s’est pas faite attendre : il vient de diligenter une enquête sur ces propos, et Philippe Mao risque d’être traduit devant le Conseil supérieur de la magistrature.
Ceci pose une nouvelle fois le problème de l’indépendance de la justice, problème longuement abordé par Henri Leclerc dans sa conférence du 17 février dernier à Quimper.
La section de Toulouse de la Ligue des droits de l’Homme a immédiatement réagi, en publiant ce communiqué :
La LDH soutient le Vice Procureur de la République Philippe MAO
Toulouse, le 2 mars 2012
La Section de Toulouse de la Ligue des droits de l’homme a été informée de l’inspection diligentée par Monsieur le Ministre de la Justice à l’encontre de Monsieur le Vice Procureur de la République Philippe MAO, à la suite de la demande qui lui en a été faite par le député UMP du Tarn Bernard CARAYON, en raison de propos qui auraient été tenus dans le cadre de ses fonctions à l’audience par ce magistrat.
La Ligue des droits de l’homme s’associe pleinement à toutes celles et tous ceux qui ont dénoncé l’atteinte ainsi portée à la liberté de parole des magistrats du parquet à l’audience, dans le seul but de complaire aux vœux d’un député lui-même connu pour son ancienne appartenance à un mouvement étudiant d’extrême droite.
Le Vice Procureur de la République Philippe MAO n’a fait que son travail de magistrat du parquet et n’a commis aucune faute de quelque nature que ce soit au regard de ses obligations professionnelles.
La Ligue des droits de l’homme émet le vœu que le Garde des Sceaux cesse de mettre en cause des magistrats dans un objectif purement politique et renonce sans tarder à saisir le Conseil supérieur de la magistrature à l’encontre de Monsieur le Vice Procureur Philippe MAO.
Elle demeurera vigilante à l’égard de la décision que Monsieur le Garde des Sceaux prendra dans cette affaire.
Partager la publication "Un vice procureur menacé de sanction par le ministre de la justice"