Le 8 novembre 2011, la commission des finances de l’Assemblée nationale avait voté à l’unanimité un amendement à la loi de finance 2012, déposé par le député PS Henri Emmanuelli, visant à instaurer une taxe sur les « résidences mobiles terrestres », en clair les mobil homes, utilisés en tant qu’hébergement de loisir.
Henri Emmanuelli justifiait ainsi cette taxe : « Les mobil-homes qui s’entassent dans les zones touristiques, notamment dans les campings, échappent à toutes les règles d’urbanisme et ne sont pas taxés, ce qui pose un vrai problème », déclarait Henri Emmanuelli.
Aussitôt, le lobby de l’hôtellerie de plein air a sorti la grosse artillerie, et ce qui devait arriver arriva : Henri Emmanuelli a retiré son amendement.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une telle taxe existe déjà. Mais d’une part, elle ne concerne que les caravanes et les camping-cars, et, d’autre part, elle ne s’applique que s’il s’agit de la résidence principale. Par conséquent, les mobil homes et bungalows ne sont pas concernés, ni les touristes qui utilisent caravanes ou camping-cars. Les seules personnes concernées sont donc les « gens du voyage ». Son montant : 150€ pour les RMT de moins de 10 ans, 100€ pour les RMT entre 10 et 15 ans, et gratuit au-delà de 15 ans. La taxe est due pour chacune des résidences mobiles du foyer fiscal : une famille qui aurait deux caravanes devrait payer deux fois la taxe.
Cette taxe discriminatoire s’ajoute évidemment aux « droits de place » que les familles doivent régler pour les aires d’accueil. Le tarif pour l’aire d’accueil de Loudéac :
- Caution : 100€
- Droit de place : 2€ / jour (douche + chasse d’eau wc inclus)
- Eau : 2,70€ / m3
- Electricité : 0,15€ / kwh
Ces tarifs ne paraissent sans doute pas exagérés. Mais il faut tout de même savoir que la gestion de ces aires est la plupart du temps confiée à des sociétés privées, et dans la majorité des cas il s’agit de la société l’Hacienda, qui est une filiale de la Saur, une grosse compagnie de distribution d’eau (c’est le cas à Loudéac). La gestion de ces aires génère un chiffre d’affaire considérable : il s’agit d’un véritable business. La cour des comptes s’est penchée sur ce problème, et le rapport qu’elle a publié est très critique : au sujet des délégations de gestions, il considère qu’ « il en résulte non seulement un recours inapproprié à la délégation de service public mais aussi un risque que les bénéfices dégagés par certains opérateurs ne soient que partiellement justifiés. Un encadrement de la délégation de la gestion et une implication plus forte de l’État et des collectivités apparaissent en conséquence nécessaires ». Le rapport (téléchargeable ici) préconise enfin « d’encadrer les modalités de gestion :
- fixer par voie réglementaire des règles communes applicables à l’ensemble des conventions de gestion à travers des clauses-type, pour éviter l’existence de dispositions ou de pratiques de gestion abusives ;
- harmoniser au niveau départemental les règles applicables en matière de durées de séjour et de tarification ».
Il ne semble pas que les conclusions de ce rapport aient été suivies d’effet.
Les préconisations du rapport du préfet Hubert Derache le seront-elles davantage ? L’anthropologue Marc Bordigoni, spécialiste des Tziganes, en doute, et il soulève une difficulté qui risque d’interdire toute évolution : les élections municipales auront lieu en 2014, soit avant l’application de la loi interdisant le cumul d’un mandat d’éxécutif local avec un mandat de parlementaire. Or 247 députés et 126 sénateurs sont également maires, et 100 députés et 64 sénateurs également présidents d’EPCI (établissements publics de coopération intercommunale). Le risque est bien entendu que les « intérêts » de l’élu local dictent leur conduite au parlementaire… (Sources : le site de la section LDH de Toulon, et l’article de Marc Bordigoni dans Libération du 23 juillet dernier).
L’espoir qu’avait fait naître la suppression du carnet de circulation, en octobre 2012, risque de s’évanouir rapidement…
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