Cette plate-forme d’admission dans l’enseignement supérieur est – elle discriminante envers certains lycéens ?
Contexte
La loi orientation et réussite des étudiants (ORE) autorise les universités à classer les différentes demandes des étudiant.e. s dans les filières en tension
En pratique des méthodes de sélection sont mises en place dans les universités pour classer les étudiant⋅e⋅s dans la quasi-totalité des filières.
Cette sélection accroit-elle les discriminations ?
La lenteur du système et sa performance très partielle
- Le 22 mai, près de la moitié des candidats, se retrouvent sans proposition.
- Mi-juillet, seuls 54 % des candidats ont accepté définitivement une de ces offres, libérant, par leur choix, les autres possibilités offertes à d’autres candidats en liste d’attente.
- En octobre : 79 % des bacheliers ont accepté une proposition d’admission
- Sur 812.000 inscrits au départ, près de 176.000 candidats ont quitté la procédure
Que deviennent les quelques 20 % de candidats, voire davantage, qui sont sortis du système Parcoursup sans donner signe de vie ? Qui sont – ils ? Un élément de réponse : 24 % des bacheliers professionnels ont démissionné du système.
Différents aspects du fonctionnement de Parcours sup, inégalitaires ou discriminants ?
Si les prérequis de chaque formation ont été rendus publics, les critères précis utilisés par chaque commission pour classer les dossiers restent protégés par le « secret des délibérations ».
Quelles notes ont été prises en compte ? Quel poids a été accordé à la lettre de motivation, au CV,
À l’avis du conseil de classe de terminale ? Dans quelle mesure la filière du bac ou le lycée d’origine ont pesé ?
Le poids de l’origine géographique
Le lieu d’études pendant le lycée entre, de fait, dans l’évaluation pour l’attribution d’une université.
C’est une nouveauté de la réforme de l’accès à l’université : désormais, les rectorats fixent, pour chaque licence, un taux maximum de candidats « extra- académiques ».
Ces pourcentages très variables d’une formation à l’autre ont été accusés d’empêcher certains candidats de quitter leur académie.
Ce système aboutit, bien sûr, au fait que les formations de l’enseignement supérieur choisissent les candidats qui leur semblent les plus aptes à réussir et dans ce système, les universités les plus prestigieuses siphonnant les meilleurs dossiers.
D’où, pour les élèves les plus fragilisés socialement, en particulier parmi les bacheliers professionnels et technologiques, le risque d’être partout refusés.
La majorité des lycéens des quartiers les plus défavorisés est donc condamnée à contempler les autres se servir et à attendre.
Le renforcement de la sélection sociale
L’université doit jouer le rôle d’ascenseur social. C’est un lieu d’émancipation pour la jeunesse.
Le lieu où un enfant d’ouvrier doit avoir à la fin de ses études les mêmes possibilités d’insertion professionnelle qu’un enfant de cadre.
Force est de constater que la loi va venir conforter la reproduction sociale déjà à l’œuvre dans l’enseignement.
Exclusion de l’université des bacs technologiques et professionnels
L’université, par la sélection, va fermer ses portes aux bacs n’ayant pas fait une filière générale.
En 2017, plus 30% des lycéen.ne. s ont passé un bac professionnel et 20 % un bac technologique.
De fait, les bacs pro ont vocation à poursuivre en BTS et les bacs technos en IUT.
Le problème est moins la difficulté pour les bacs techno d’aller à la fac que leur difficulté à aller en IUT, où la sélection privilégie les bacs généralistes (même si des quotas ont été imposés ces dernières années).
L’inscription, telle que prévue sur la plateforme Parcoursup, demande de fournir un CV. Tout le monde n’a pas les biais sociaux permettant de valoriser les acquis, connaissances et compétences dans un curriculum vitae, ni ne peut avoir l’aide de la famille.
Privatisation
- La réforme de l’entrée en fac, qui impose des compétences minimales, fait le bonheur des officines privées de certification et de coaching scolaire.
Dans la plupart des licences de droit, d’économie, de sciences humaines, de maths, d’informatique ou encore la première année de médecine, le niveau B1 en langue (niveau classe de terminale) est exigé.
Toutefois, les universités, au-delà des avis des conseils de classe de terminale, vont chercher des critères « objectifs » pour départager les lycéens en concurrence. Et à ce petit jeu, ceux qui auront les moyens de certifier leur niveau via un organisme privé et de le signaler dans leur lettre de motivation – désormais obligatoire – auront une longueur d’avance, à des prix compris entre 150 et 200 euros la certification…
- Les nouvelles règles instaurées par la plate-forme font le beurre des officines privées de « coaching scolaire » : Lettres de motivation, CV, attendus…Marché florissant, qui surfe sur l’angoisse et les promesses de sélection et qui menace clairement l’égalité entre élèves.
L’inégalité devant le logement
Pour les 158.000 étudiants « en attente » sur Parcoursup fin août et donc sans affectation dans l’enseignement supérieur, la question du logement a été une source d’angoisse.
Pour les boursiers, l’affaire vire au casse-tête économique. Ils n’ont pu bénéficier d’une chambre en internat, ni même d’une place en résidence universitaire, du fait de leur affectation tardive.
Les élèves en situation de handicap. Les grands oubliés de parcours sup ?
Avant la refonte de cette plateforme, des commissions médicales étaient mises en place dans plusieurs académies, afin d’examiner les dossiers, d’entendre le jeune et d’évaluer ses besoins spécifiques.
Avec Parcoursup, plus de commission ! Les besoins de l’étudiant doivent juste être mentionnés dans la lettre de motivation expédiée à l’établissement visé. Une perspective inquiétante pour l’Association des paralysés de France (APF), qui redoute une sélection officieuse face à ces besoins spécifiques, forcément contraignants pour des établissements parfois sous pression financière. « Des familles nous ont raconté que les services d’orientation avaient même conseillé à leur enfant de ne pas inscrire le handicap », assure l’APF. Interpellé, le gouvernement s’est contenté de promettre que les jeunes évincés pourront demander un réexamen de leur dossier. Sans plus pour l’instant.
Hélène Leclerc
Voir aussi l’article paru dans Hommes et Libertés