PERPIGNAN : El fraternal Centre del Món, si si

Article publié sur le Travailleur Catalan par Yvon Huet

Magnifique moment de fraternité humaine face à l’entreprise de haine orchestrée par la mairie RN de Perpignan, en ce 26 juin 2022 ! C’est ce qu’on peut retenir de cette très chaude après-midi où le Collectif pour une histoire franco-algérienne non falsifiée a fait salle pleine au centre culturel catalan de la ville, affirmant un courage politique à toute épreuve, sous la présidence de Josie Boucher, présidente de l’Asti (Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés).

Jacques Pradel, président de l’Association des pieds noirs progressistes, notamment (ANPNP) a exprimé la douleur de tous ces citoyens d’Algérie qui ont dû quitter ce pays qu’ils considéraient comme le leur dans le cadre d’une culture multiple. Elle a été balayée par cette sale guerre imposée par les règles d’un colonialisme qui a fait perdurer les humiliations et attisé les haines. Remy Serre, fondateur de l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre, (4ACG) a apporté le témoignage de nombre de ceux qu’on a forcé, de 1954 à 1962, à être le bras armé de la France coloniale, dans tout ce qu’il a eu de cruel est d’injuste. Ce qu’on a appelé pudiquement « les événements », ce fut une guerre sans merci qui provoqua des dizaines de milliers de victimes française et des centaines de milliers de victimes algériennes, civiles et militaires. Il a exprimé sa volonté de continuer jusqu’au bout à donner aux jeunes générations le témoignage de la vérité dans toute ses caractéristiques avec un but essentiel, favoriser la réconciliation et l’amitié entre les peuples algériens et français.

Eric Sivin, qui n’a pas fait la guerre d’Algérie, a accepté de prendre la suite de l’association des appelés (4ACG) afin d’empêcher l’oubli sur un sujet qui, en fait, concerne des dizaines de millions de Français qui sont, à un degré ou à un autre, enfants de ces générations qui ont vécu la guerre d’Algérie. La tâche est difficile mais passionnante. Elle s’inscrit dans le droit fil d’une lutte sans merci contre les idées de haine et d’exclusion qui ont envahi la majorité des comportements, particulièrement à l’extrême droite et à droite, mais bien pas seulement.

L’histoire ne doit pas être une légende

Dans le droit fil de cette constatation, Gilles Manceron, historien, membre de la LDH, a précisé les conditions historiques de cette guerre avec une finesse remarquable sur tous les sujets qui fâchent, notamment l’attitude soit guerrière, soit ambigüe soit très maladroite des directions de la gauche de l’époque, qui a contribué à désarçonner les capacités de résistance et d’alternative à une situation qui aboutira au drame du rapatriement d’un côté et à la persistance de l’esprit de revanche coloniale de l’autre dans l’opinion publique. Un large et passionnant débat a suivi avec la salle, chacun apportant soit son témoignage soit son analyse avec un esprit de respect et d’écoute remarquable.

Qu’on se le dise, le centre du monde n’était pas dans l’étalage du révisionnisme historique, de la justification des crimes de l’OAS et de l’excitation des haines voulus par le maire de Perpignan. Il était là, fier et déterminé, dans cette salle de résistance qui en a appelé à renouveler à souhait ce genre d’initiative en l’élargissant à toutes celles et ceux qui ont intérêt à faire tomber les frontières de la haine entre les êtres humains.

Glorification de la colonisation de l’Algérie et révisionnisme historique : le scandale continue… à Perpignan !

Par Olivier Le Cour Grandmaison

universitaire, historien du colonialisme et militant anti-raciste

Publié sur son blog le 23 juin 2022

Louis Aliot, dirigeant bien connu du Rassemblement national et maire de Perpignan, a décidé de soutenir politiquement et financièrement la 43ème réunion hexagonale du Cercle algérianiste qui se tiendra au Palais des congrès de cette ville, du 24 au 26 juin 2022. Au menu : apologie de la colonisation, révisionnisme historique et glorification des généraux qui, pour défendre l’Algérie française, ont pris les armes contre la République, le 21 avril 1961.

Louis Aliot, dirigeant bien connu du Rassemblement national et maire de Perpignan, a décidé de soutenir politiquement et financièrement, à hauteur de 100 000 euros, la 43ème réunion hexagonale du Cercle algérianiste [1], et d’accueillir ses membres et les participants au Palais des congrès de cette ville, du 24 au 26 juin 2022. Il se confirme que la loi scélérate du 23 février 2005, jamais abrogée faut-il le rappeler, qui établit une interprétation officielle et apologétique de la colonisation française en Algérie et dans le reste de l’empire, n’était pas l’épilogue d’une entreprise de réhabilitation de ce passé mais le prologue bien plutôt. Le discours du candidat Nicolas Sarkozy affirmant, à la veille des élections présidentielles de 2007, que le « rêve de la colonisation » n’était pas un « rêve de conquête » mais « un rêve de civilisation », celui de François Fillon quelques années plus tard et, plus généralement, les positions de la direction des Républicains en témoignent. Fustigeant une prétendue « repentance » et vantant les aspects supposément « positifs » de la colonisation de l’Algérie, les responsabilités de ces derniers sont majeures, établies et accablantes [2]. De même celles de certains intellectuels, chroniqueurs et bateleurs médiatiques qui, au nom de la lutte contre « la pensée unique » hier, contre le « décolonialisme » aujourd’hui, redécouvrent les « beautés » de la colonisation aux couleurs de la France.

N’oublions pas l’un des pionniers de cette réhabilitation, A. Finkielkraut, qui déclarait doctement que l’entreprise coloniale « avait aussi pour but d’éduquer » et « d’apporter la civilisation aux sauvages. » (Haaretz, 18 novembre 2005). Indigne philosophe et vrai idéologue qui, sur ce sujet entre autres, débite des opinions rebattues en les prenant pour de fortes pensées. A l’instar des personnalités politiques précitées, il ressasse les trivialités mensongères de Malet et Isaac, ces historiens officiels qui, de l’entre-deux-guerres au début des années soixante, n’ont cessé de contribuer à l’élaboration et à la diffusion de la mythologie impériale-républicaine ; celle-là même qui, depuis plus d’une décennie, est désormais reprise par les différentes forces que l’on sait à des fins partisanes et électoralistes. En ces matières, les uns et les autres ne sont que les piteux ventriloques de discours élaborés par les élites politiques – mention spéciale à Jules Ferry, cet ardent promoteur de l’empire et du racisme élitaire de saison – et académiques de la Troisième République pour légitimer « la course à l’Afrique » et les guerres de conquête menées en Cochinchine et à Madagascar.

Sur ces sujets en particulier, il y a longtemps que le prétendu « front républicain » a disparu au profit de convergences et de compromissions toujours plus graves et toujours plus assumées avec l’extrême-droite, les partisans de l’Algérie française et les soutiens des généraux putschistes. Dans ce contexte, auquel s’ajoute la spectaculaire progression politique du Rassemblement national, sinistrement confirmée par les résultats des élections présidentielles et législatives qui viennent d’avoir lieu, la tenue du Congrès du Cercle algérianiste dans la ville de Perpignan ne saurait surprendre. Le soutien apporté par le maire à cette initiative est parfaitement conforme aux orientations défendues depuis toujours par le Front national et le Rassemblement qui lui a succédé. Apologie de la colonisation, révisionnisme historique, mensonges par omission, minorisation et dénégation des massacres, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par les armées françaises entre 1830 et le 19 mars 1962, tels sont quelques-uns des piliers idéologiques de cette extrême-droite qui demeure fidèle à ses traditions.

Il faut y ajouter la glorification des généraux qui, pour défendre l’Algérie française, ont pris les armes contre la République, le 21 avril 1961. En élevant « au rang de citoyens d’honneur de la ville des représentants des familles d’Hélie Denoix de Saint-Marc, des généraux Edmond Jouhaux et André Zeller… [3] », Louis Aliot persévère dans cette voie, ce qui jette une lumière pour le moins singulière sur la conversion des dirigeants du RN aux « valeurs républicaines ». Commandant par intérim du 1er régiment étranger de parachutistes, Denoix de Saint-Marc a joué un rôle de premier plan lors de la tentative de coup d’Etat à Alger, ce qui lui a valu d’être condamné à dix ans de réclusion criminelle par le Haut tribunal militaire. Ayant réussi à s’échapper, Jouhaud a poursuivi son combat au sein de l’organisation terroriste, OAS, laquelle est responsable de l’assassinat de 2360 personnes, auxquelles s’ajoutent 5419 blessés, majoritairement algériens [4]. Arrêté le 24 mars 1962, Jouhaud est condamné à mort puis gracié par le général de Gaulle, et sa peine commuée en détention à perpétuité. Zeller, qui a rejoint le « quarteron de généraux » putschistes, écope lui de quinze ans d’emprisonnement. Signalons enfin que le programme officiel des journées perpignanaises du Cercle algérianiste prévoit que l’ancien membre d’un commando de l’OAS à Oran, Gérard Rosenzweig, impliqué dans plusieurs attentats, remette le « Prix universitaire algérianiste » en tant que président du jury. Tels sont quelques-uns des multiples honneurs qui seront rendus à des hommes, anciens criminels lourdement condamnés par la justice, décédés ou vivants, dont le point commun est d’avoir défendu l’Algérie française, par tous les moyens, y compris les pires.

Un scandale, assurément. Nonobstant l’initiative locale et courageuse du « Collectif 66 pour une histoire franco-algérienne non falsifiée », ce scandale ne semble pas, à l’heure où ces lignes sont écrites, susciter l’indignation et la mobilisation nationales que l’on serait en droit d’attendre des gauches partisanes, syndicales et associatives pour s’opposer à cette nouvelle offensive de l’extrême-droite. Non seulement, cette dernière ne désarme pas mais, plus grave encore, elle se sent pousser des ailes en raison de la conjoncture politique que l’on sait. Une telle situation devrait obliger celles et ceux qui ne se résignent pas à cette progression, jusqu’à présent irrésistible, et à ses conséquences depuis longtemps désastreuses sur tous les plans. Eu égard à l’importance politique et stratégique que le RN accorde à ce 43ème Congrès du Cercle algérianiste, une riposte d’ampleur s’impose. Organisons-là lors des prochaines commémorations des massacres du 17 octobre 1961 en en faisant une initiative unitaire, anticoloniale et antiraciste, pour la vérité historique, la justice et la reconnaissance des crimes de guerres et des crimes contre l’humanité commis par la France en Algérie et dans les autres territoires de l’empire.

Le Cour Grandmaison, universitaire. Derniers ouvrages parus : « Ennemis mortels ». Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale, La Découverte, 2019 et avec O. Slaouti (dirs), Racismes de France, La Découverte, 2020.

[1]. Créé le 1er novembre 1973 pour réhabiliter les combats des partisans de l’Algérie française et la colonisation de ce territoire, ce Cercle, qui se présente comme une « association culturelle des Français d’Afrique du Nord », n’a cessé de rendre hommage aux anciens terroristes de l’OAS et aux généraux putschistes, entre autres.

[2] Avec la finesse qui le caractérise, L. Wauquiez livre aux Français ébahis cette analyse dont la profondeur et la rigueur laissent pantois : « Ajoutez (…) une repentance systématique et vous comprendrez pourquoi des jeunes issus de [ l’] école en viennent à prendre les armes contre leur propre pays. » Le Figaro, 14 février 2016. 

[3]. Cf., le programme : 43ÈME CONGRES NATIONAL DU CERCLE …

[4]. Y. Benot, « La décolonisation de l’Afrique française (1943-1962) », in Le Livre noir du colonialisme, XVIe-XXIsiècle. De l’extermination à la repentance, sous la dir. de L Ferro, Paris, R. Laffont, 2003, pp. 517-556.Recommandé (74)Partager sur Facebook

Tags révisionnistes à Oradour-sur-Glane

Publié sur francetvinfo.fr Juliette CampionPierre Godon

France Télévisions le 22/08/2020

Tags révisionnistes à Oradour-sur-Glane : le gouvernement vise des filières « parfois organisées au niveau international »

Après la découverte de tags révisionnistes au Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane, la classe politique française a fait part d’une consternation unanime, appelant à faire la justice sur cet acte.

Le mot « martyr » rayé d’un trait de peinture blanche, la mention « menteur » ajoutée et accompagnée d’une référence à un militant condamné pour négationnisme. Des tags révisionnistes ont été découverts vendredi 21 août sur les murs du Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne). Au lendemain des faits, samedi 22 août, la classe politique dénonce cet acte, qui vise un village martyr de la Seconde Guerre mondiale, et appelle à traduire ses auteurs en justice. 

 « Des filières parfois organisées au niveau international. » En visite sur place, le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebarri, a dénoncé un acte « lâche, violent et grave », qu’il est « nécessaire de ne pas laisser passer ». Ancien député de la circonscription, il a évoqué, sur BFMTV, des « filières d’extrême droite, négationnistes, parfois organisées au niveau international », qui nécessiteront « énormément de moyens pour les traquer et éventuellement pour les punir ».

 Colère de l’exécutif. Dans un communiqué, l’Elysée indique qu’Emmanuel Macron « condamne avec la plus grande fermeté cet acte inqualifiable ». Le chef de l’Etat « assure que tout sera fait pour que les auteurs de cet acte soient traduits en justice ». Le Premier ministre, Jean Castex, fait part de sa « colère » et de sa « consternation ». Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, souhaite que justice soit rapidement faite après cette « salissure abjecte ».

 Condamnations de toute la classe politique. Les politiques de tout bord ont réagi. « Honte aux responsables », a écrit Adrien Quatennens, coordinateur de La France insoumise. Le député Les Républicains Eric Ciotti se dit « écœuré et révolté » et appelle à « renforcer la transmission de cette mémoire ». Au Rassemblement national, le député Sébastien Chenu se montre tout aussi ferme : « Honte à ceux qui souillent la mémoire de ce village martyr. »

 Plus de 600 habitants massacrés. Le Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane, ouvert en 1996, explique aux visiteurs des ruines du village martyr le contexte du massacre survenu le 10 juin 1944. Ce jour-là, la division SS Das Reich tuait 642 villageois. Les soldats nazis avaient rassemblé les hommes dans les granges du village et les avaient fusillés. Ils avaient regroupé femmes et enfants dans l’église avant d’y mettre le feu.